La Morte d’Orfeo

COMPOSITEUR Stefano LANDI
LIBRETTISTE d’après Angelo Poliziano
DATE DIRECTION ÉDITEUR NOMBRE LANGUE FICHE DÉTAILLÉE
1987 Stephen Stubbs Accent 2 italien
2007 Françoise Lasserre Zig Zag Territoires 2 italien

 

Tragicomedia pastorale en cinq actes, sur un livret de Landi lui-même, inspiré de La Favola d’Orfeo écrite par Angelo Poliziano en 1484, composée durant l’été 1619 (1er juin ?) , alors que Stefano Landi séjournait à Padoue, dans l’entourage du cardinal Scipione Borghese.

Angelo Poliziano

L’ouvrage est dédicacé à Alessandro Matthei, souvent considéré à tort comme l’auteur du livret.

La partition fut éditée en 1619. Le seul exemplaire connu est conservée au British Museum.

Une réédition eut lieu en 1639, et des extraits furent publiés en 1901 par Hugo Goldschmidt.

Le texte fut repris par Solerti dans Gli Albori del Melodramma, en 1905, à partir de la partition originale.

Personnages : Orfeo (ténor), Teti (alto), le Destin (basse), l’Ebre (basse), l’Aurore (alto), Mercurio (ténor), Apolline (ténor), Bacco (alto), Nisa (soprano), Ireno (ténor), Lincastro (alto), la Fureur (basse), Calliope (alto), Fileno (ténor), Caronte (basse), Euridice (soprano), Giove (basse), Fosforo (alto)

 

Argument

Invité dans l’Olympe par le cercle des dieux, Orphée est sur le point de célébrer son anniversaire. Après son retour des enfers, le musicien avait fait vœu de ne plus avoir de contacts avec les femmes et de ne plus boire de vin ; profondément offensé par ces résolutions, Bacchus livre Orphée aux Ménades qui le mettent en morceaux. Jupiter accueillera pourtant Orphée dans l’Olympe en tant que demi-dieu.

 

Synopsis

Acte I

(1) Il fait nuit. Thétis pressent le danger qui menace Orphée et veut se rendre sur terre pour le protéger. Le Destin l’avertit qu’elle ne pourra rien changer à ce qui a déjà été décidé. (2) L’Ebre – fleuve au bord duquel l’action se situe – appelle l’Aurore et les vents qui l’accompagnent : il faut que la journée soit belle pour l’anniversaire d’Orphée. (3) Les Eurètes, les doux vents de l’ouest, se mettent à souffler. Aurore les suit et tous chantent des airs d’une grande beauté proclamant la renommée d’Orphée. Le jour s’est levé et de joyeux bergers accueillent le matin qui s’approche.

Acte II

(1) Orphée salue le jour de sa naissance. Depuis la mort d’Eurydice, il s’est délié de toutes ses amitiés. C’est au milieu des charmes de la Nature et dans la douceur du souvenir qu’il a trouvé le bonheur. (3) Suivi de deux jeunes du ciel portant deux vases de nectar, Mercure transmet les voeux des divinités de l’Oiympe ; il apporte le nectar pour remplacer le vin qu’Orphée dédaigne désormais. (4) Apollon, le père d’Orphée, félicite également son fils, l’encourageant à la persévérance. Des Satyres font irruption et, en dignes serviteurs de Baccbus, ils célèbrent l’amitié, l’amour et le vin. Un chœur de danseurs introduit et clôt la scène.

Acte III

(1) Bacchus, indigné de se voir repoussé par Orphée, décide de faire mourir le musicien le jour même. (2) Les Ménades se plaigent qu’orphée les abandonne. Nysa les pousse à la vengeance. Elles décident la mort d’Orphée.

ActeIV

(1) Orphée parait devant les dieux rassemblés et reçoit leurs voeux de bonheur. (2) Le chœur des Ménades apparaît ; ces furies sont résolues à tuer le poète. (3) Calliope, la mère d’Orphée, est pressée d’aller voir son fils. Au cours d’un merveilleux récitatif, elle exprime ses craintes pour Orphée. (4) Pendant que Calliope nous fait part de ses angoisses, le destin d’Orphée s’accomplit. Un messager vient raconter les derniers instants du musicien. Allongé dans l’ombre d’une merveilleuse clairière, Orphée écoutait les murmures d’un ruisseau lorsque les Ménades étaient apparues, menaçantes. Orphée avait rapidement saisi sa lyre mais, son chant ayant perdu ses pouvoirs, il avait rapidement succombé sous les coups des furies. Choeur des bergers.

Acte V

(1) Au seuil des Enfers. L’âme d’Orphée se trouve face à Caron et le supplie de lui faire passer le fleuve des Enfers. Caron refuse car le corps déchiqueté du musicien n’a pas été brûlé ni enseveli. (2) Mercure survient et annonce à Orphée qu’il est admis à séjourner éternellement dans l’Olympe. Cette promesse laisse Orphée indifférent ; en effet, l’âme du poète ne désire qu’une chose : retrouver Eurydice. Sur l’ordre de Mercure, Caron fait venir l’ombre de la jeune fille. Comme toutes les autres âmes, Eurydice a du boire l’eau du Léthé, l’eau de l’oubli, et elle ne reconnaît plus Orphée. C’est à ce moment seulement qu’Orphée comprend qu’une fois le Styx franchi, il devra également boire l’eau de l’oubli. Il s’arrache donc une dernière fois à la vision de sa bien-aimée et suit Mercure qui le conduit devant le trône de Jupiter. (3) Jupiter accueille Orphée dans l’Olympe en tant que demi-dieu.

 

« Une autre approche : la prise en charge totale d’une douleur que le héros veut oublier en renonçant à toute joie terrestre, en renonçant aux femmes, en ne faisant plus appel à Bacchus. Aussi sera-t-il, après une fête, déchiré par les Ménades avant d’être emporté vers l’Olympe. » (Opéra International – février 1989)

 

« A la différence de son quasi-contemporain Monteverdi, Landi n’hésite pas à introduire dans sa Mort d’Orphée à douze ans après l’Orfeo ‘ d’innombrables tournures comiques : Caron, le passeur des enfers, offre au malheureux barde l’eau du Léthé sur un diabolique air à boire, tandis que les Satyres cumulent maladresses sur bourdes pour le plus grand plaisir de l’auditeur. Cela n’empêche nullement les scènes tragiques d’être d’autant plus tragiques et intenses. Mais n’oublions pas que l’ouvrage s’appelle ‘tragicomedia pastorale’, entre drame et bouffonnerie : on est donc ici en présence d’un véritable opéra, avec ses revirements de situation, sa richesse purement théâtrale, ses ch’urs qui ne se bornent pas à une simple ponctuation. D’aucuns y verront l’acte de naissance de l’opéra baroque : l’idée est séduisante, quand bien même l’ouvrage date de 1619. Belle interprétation, enregistrée en 1987, avec entre autres avec le contreténor Michael Chance alors au début de sa carrière. » (Abeille Musique – mai 2004)

 

« La Morte d’Orfeo est un ouvrage de jeunesse. Nous ne connaissons pas dans quelles circonstances l’oeuvre, dédicacée en 1619 à Alessandro Mattei, familier du Pape Paul V (Borghèse) à Padoue, a pu être représentée. De même, l’auteur du livret reste inconnu, il se peut que ce soit Landi lui-même. Mais on ne peut que constater d’importantes innovations ignorées de ses prédécesseurs : Landi introduit dans son opéra des éléments réellement comiques ainsi que d’importantes scènes chorales qui contribuent fortement à l’architecture de l’oeuvre. Cela n’empêche nullement les scènes tragiques d’être d’autant plus dramatiques et intenses. Alternent les récitatifs et les airs strophiques. Tous ces éléments se combinent dans un opéra qui semble être le véritable précurseur de l’opéra baroque. L’argument repose essentiellement sur Les Métamorphoses d’Ovide. La nouvelle version de l’histoire d’Orfeo par Landi ignore la première partie familière de l’histoire, se concentrant seulement sur les événements malheureux qui suivent la deuxième mort d’Euridice. » (Fnac)

 

La partition est conservée à la British Library.

Partition : édition de Silvia Herzog – 1999 – Recent researches in the music of the baroque era – A-R Editions Livret (en italien)

 

Représentations :

 

Russie – Baroque Opera Studio’s – 7 décembre 2013 – Ensemble Prattica Terza – dir. Andrew Lawrence-King

extraits vidéo – 1 / 2 / 3

 

Paris – Salle Gaveau – 22 novembre 2006 Akadêmia – dir. Françoise Lasserre – avec Agnès Mellon (Téti, Calliope), Cyril Auvity (Orfeo), Jan Van Elsacker (Ireno, Fileno), Geoffroy Buffière (le destin), Emmanuel Vistorky (Hebro, Giove), Dominique Visse (Bacco, Caronte), Paulin Bündgen (Mercurio), Aurore Bucher (Euridice, Aurora, Nisa), Damien Guillon (Lincastro), Vincent Lesage (Apolline, Furore), Laurence Renson (Fosforo)

 

ConcertoNet – Le poète Orfeo

« Stefano Landi est essentiellement connu pour Sant’Alessio alors qu’il a écrit de nombreuses œuvres dignes d’être remises sur le métier. Françoise Lasserre, en compagnie de son ensemble Akadêmia, et de chanteurs rompus à ce répertoire, tente de ressusciter La Morte d’Orfeo, un opéra qui comprend de belles pages, très proches de l’esthétique de Monteverdi, de telle sorte qu’il est un peu difficile de sentir la touche personnelle du compositeur.

Agnès Mellon fut une incroyable artiste dans les années de redécouverte du baroque et ses interventions dans Atys ou bien dans Médée ont marqué. Le temps a passé et si la voix a perdu un peu de son éclat et de son brillant, la musicalité et l’expression dramatique n’ont pas pris une ride: les fins des phrases sont superbes, car elle laisse progressivement mourir les notes. Elle possède une autorité vocale en dévoilant des graves impérieux et nourris. Après un début un peu décevant dans le rôle de Téti, elle campe la mère d’Orphée, Calliope, en insistant sur l’immense douleur et l’accablement ressenti à l’annonce de la mort de son fils.

Dominique Visse est toujours impayable dans les rôles de Bacchus et Caron. Sans artifices théâtraux, sans accessoires, il entre dans les personnages, il leur donne une consistance. Il apporte beaucoup d’humour à Bacchus avec mille couleurs dans la voix, mais c’est surtout dans le grand air de Charon qu’il est le plus remarquable. Avec une facilité confondante, il passe du registre aigu au registre grave pour chanter les mots relatifs au Léthé. Il prend tour à tour une voix caverneuse, une voix enjôleuse.

Cyril Auvity incarne Orfeo avec vaillance. Sa voix a beaucoup changé ces derniers temps et elle s’est corsée dans les graves, s’est affermie dans le medium au détriment des notes aiguës qui ne sont plus aussi épurées et aériennes qu’au début de sa carrière. Cela ne l’empêche pas d’être un musicien toujours aussi subtil dans les airs lents et toujours aussi agile et habile dans les vocalises. Dans son premier air, il chante avec un peu de folie sa haine des femmes avec des appuis sur les mots tels que ‘petto’, etc’ Mais c’est surtout dans la seconde partie qu’il est au mieux de ses possibilités. Orfeo descend aux Enfers et veut retrouver sa femme qui ne le reconnaît plus: la voix se fait plus douloureuse, elle reprend des couleurs pures et ses « ahimè » sont poignants.

Jan Van Elsacker fait une très grosse impression. La voix est superbe, chaleureuse, homogène sur toute la tessiture. Son récit à Calliope de la mort d’Orfeo est extraordinaire car il fait peu à peu monter la tension, il exprime la peur d’Orfeo, les dangers qui le menacent, etc’ Il termine son « air » par un intense « uccidi » qui glace et Calliope et la salle. Un chanteur à retenir qui ne manquera pas de faire parler de lui dans l’avenir’

Paulin Bündgen a une voix très étrange, avec beaucoup de résonance au point de penser qu’elle pourrait être sonorisée. Il est donc idéal pour interpréter les interventions divines comme Mercure.

Damien Guillon, déjà remarqué dans le récent Jules César au Théâtre des Champs-Elysées, est une valeur montante. Il possède un timbre agréable et une voix très souple, mais ce n’est qu’à la fin de l’opéra qu’il peut enfin montrer l’étendue de son talent. Il conclut l’opéra en répondant au ch’ur, passage dans lequel il prouve sa sensibilité musicale et la légèreté de sa voix.

Les rôles beaucoup plus secondaires sont tenus honnêtement. Il convient de citer Geoffroy Buffière, qui incarne le destin avec une voix claire et posée. Vincent Lesage est un solide Apolline, mais une encore plus convaincante Furie quand il enlaidit sa voix et chante des notes aigres et effrayantes. Emmanuel Vistorky incarne Jupiter avec justesse et donne la prestance nécessaire à ce personnage: il est également remarquable dans l’exécution des vocalises de Monteverdi.

L’orchestre, dirigé par Françoise Lasserre, n’est pas exempt de quelques imperfections dans la direction: les instruments ne sont pas toujours en place, ils partent avec du retard ou de l’avance, etc’ mais cale n’entache en rien leurs grandes qualités individuelles. La seconde partie est nettement meilleure que la première, car l’orchestre et les chanteurs commencent à prendre leurs marques. »

Diapason – janvier 2007 – Orphée alla romana

« Cinquième auteur à décliner le mythe fameux au tout début du Seicento, le Romain Stefano Landi fait entendre sa singulière Morte d’Orfeo, en fait composée en 1619 à Padoue, au service du cardinal Borghèse ‘ pimentée d’épices comiques qui deviendront vite, dans la ville éternelle comme à Venise, l’un des ressorts ‘ la loi des contrasti’ de toute action opératique. Sous ses effets inédits, cette Mort d’Orphée est comme infiltrée par un esprit de subversion qui intègre, par exemple, le Prologue traditionnel au corps même de la tragédie. Et d’autres traits «déstabilisants » peuvent être lus dans le dénouement qui succède aux trois premiers actes, animés d’un bel élan représentatif. Un messager décrit ainsi « en différé » les derniers instants du héros succombant sous les coups des Ménades, avant que la rencontre d’Orphée et d’Eurydice aux Enfers ne tourne court, du fait que la chère ombre, égarée par ce philtre d’oubli qu’est l’eau du Léthé, ne reconnaît plus son bien-aimé… Reste l’enthousiasme des intervenants, loin de tout respect musèologique.

Un zèle qui embrase d’abord le plateau vocal, avec la vibrante Thétis d’Agnès Mellon, le Jupiter, fervent plutôt que tonnant, d’Emmanuel Vistorky, l’harmonieuse polyvalence d’Aurore Bucher, tour à tour Aurore, Nisa (la femme de Bacchus) et Eurydice habitée, le Bacchus (et Charon) bigarré de Dominique Visse et surtout l’Orphée de Cyril Auvity (notre photo) qui maîtrise, en virtuose et en dramaturge, la conduite d’une ligne de chant à risques. Françoise Lasserre fédère un opulent instrumentanum d’une battue souple, sans négliger ces deux trouvailles inscrites dans le geste, disons critique de Landi, face à la sacralité du mythe : l’irrévérence et la liberté. »

 

Utrecht Holland Festival Oude Muziek – 29 août 2006 – version de concert – Akademia – dir. Françoise Lasserre – avec Cyril Auvity (Orfeo), Guillemette Laurens (Teti, Calliope), Jan Van Elsacker (Fileno nunzio, Lincastro), Damien Guillon (Ireno, Fosforo), Dominique Visse (Bacco, Caronte)

 

 

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