CD Iphigenia en Tracia

IPHIGENIA EN TRACIA

COMPOSITEUR

José de NEBRA

LIBRETTISTE

 

ORCHESTRE

El Concierto Espanol

CHOEUR

DIRECTION

Emilio Moreno

Ifigenia

Marta Almajano

Orestes

Maria Espada

Dircea, Mochila

Raquel Andueza

Polidoro

Soledad Cardoso

Cofieta

Marta Infante

DATE D’ENREGISTREMENT

2010

LIEU D’ENREGISTREMENT

ENREGISTREMENT EN CONCERT

EDITEUR

Glossa

DISTRIBUTION

Harmonia Mundi

DATE DE PRODUCTION

25 octobre 2011

NOMBRE DE DISQUES

2

CATEGORIE

DDD

Critique de cet enregistrement dans :

 Opéra Magazine – février 2012 – appréciation 4 / 4

« Le très austère José de Nebra (1702-1768), organiste des Carmes Déchaux de Madrid et archiviste de la Chapelle Royale sous les règnes de Philippe V et Ferdinand VI, composa aussi de nombreux ouvrages lyriques, parmi lesquels plusieurs zarzuelas. Au XVIIe siècle, ce mot ne désignait pas encore l’opéra-comique populaire qui allait triompher dans les pays hispanophones, à partir des années 1850. La zarzuela « baroque » se fondait souvent, comme l’opéra français ou italien de la même époque, sur la mythologie, comme en témoigne cette Iphigenia en Tracia, créée à Madrid en 1747. Précisons que son véritable titre, en forme de proverbe, est Para obsequio a la deydad, nunco es cuita la crueldad (Pour rendre hommage à la divinité, il ne faut jamais de culte cruel).

Le terme de zarzuela désignait, en fait, un mélange. À côté d’épisodes dérivés de la tragédie antique ou classique, on en trouvait d’autres, d’inspiration populaire, caractérisés à l’occasion par des rythmes de danse locaux, comme la séguedille. Mêlant théâtre parlé et chanté, à la manière des semi-operas anglais, les spectacles étaient si longs qu’on devait les donner en deux journées (pour l’enregistrement qui paraît chez Glossa, le chef, Emilio Moreno, s’est évidemment limité aux parties chantées !).

Sur le plan musical, sauf dans les quelques numéros où affleure l’inspiration espagnole, on sent bien, dans Iphigenia en Tracia, la double influence française et italienne : l’Ouverture sonne un peu à la manière de Rameau, mais les airs, parfois très longs, sont marqués par l’opéra napolitain.

Emilio Moreno, qui a réalisé l’édition critique de la partition, s’est fait une spécialité de la musique espagnole du XVIIIe siècle. Avec son ensemble El Concierto Espanol, composé d’environ vingt-cinq instrumentistes – soit l’effectif original -, il donne à l’opéra de belles couleurs, plus suaves que celles d’El Ayre Espanol qui, en 2006, avait accompagné Maria Bayo dans un intéressant récital de zarzuelas de Nebra.

Les voix sont homogènes en nature et en qualité, condition d’autant plus indispensable que tous les rôles solistes sont confiés à des femmes (quatre sopranos, une mezzo). Dans l’ensemble, elles sont relativement légères mais agréables, souples et, surtout, parfaitement adaptées à la virtuosité de l’écriture. Dominent, quand même, la noble et éloquente Maria Espada (Orestes) et la valeureuse Marta Infante en Cofieta, à laquelle échoit un air immense de quelque dix minutes.

Au bilan, une réalisation de qualité pour une partition qui, sans bouleverser l’histoire de la musique espagnole, ne manque pas d’intérêt. »

Diapason – appréciation Diapason d’or

« Sur la dizaine d’opéras attribués à José de Nebra, seuls ont été préservés l’acte initial d’un ouvrage collectif, Amor aumenta el valor (Los Musicos de Su Alteza, Alpha) et trois zarzuelas. Christophe Coin avait exhumé la première (Viento es adichadeAmor, 1743), Emilio Moreno ressuscite la dernière: La cruauté n’est jamais un sacrifice qui plaît à la divinité oulphigénie en Thrace, 1747. Le sujet est bien celui de la seconde Iphigénie d’Euripide, que Gluck adaptera trente ans plus tard, mais revu à l’aune du divertissement populaire qu’est la zarzuela: l’héroïne se trouve étourdiment transportée de l’autre côté du Pont-Euxin (en Turquie plutôt qu’en Crimée), entourée d’une foule de personnages secondaires épris les uns des autres (Dircé, Polydore, Pylade, Electre), dont la plupart ne chantent pas, contrairement aux valets bouffons qui parasitent l’intrigue. Inutile de chercher la moindre cohérence dramatique à cet opéra-comique dont Moreno a évidemment banni, au disque, les scènes parlées. Après une ouverture on ne peut plus pergolésienne, les arias galantes, aux cantilènes nostalgiques (flûtes et pizzicatos pour Dircé et Iphigénie) ou à l’orchestration pétaradante (que de cors pour Polydore et Oreste !) alternent avec les séguedilles et duos bouffes. Partition superficielle, certes, malgré l’insertion d’un imposant quatuor alla Scarlatti ‘ mais comment résister à tant de vitalité mélodique, à un tel sens du rythme et de la couleur? D’autant que l’interprétation du Concierto Español, saisie sur le vif, transpire l’enthousiasme ! La comparaison avec les extraits gravés par Lopez Banzo (DHM) et Rousset (Naïve) tourne à l’avantage de Moreno, plus théâtral et sensuel, plus attentif aux points d’orgue, nuances dynamiques et instrumentales. Ses cinq sopranos jouent le jeu avec beaucoup d’abattage. On ne les distingue pas toujours les unes des autres et elles ne sont pas absolument sans reproche: Espada vocalise moins bien que Bayo, Cardoso s’épuise à la fin de son air, la voix de gorge d’Infante frôle la vulgarité. Mais l’esprit d’équipe qui les soude balaie toute réserve. Après Il più bel nome de Caldara (cf. no 583), Moreno prouve combien l’inspire le répertoire ibérique du XVIIIe siècle. »