Siroe

COMPOSITEUR Georg Friedrich HAENDEL
LIBRETTISTE Nicola Haym, d’après Pietro Metastasio

 

DATE DIRECTION EDITEUR NOMBRE LANGUE FICHE DETAILLEE
1989 Rudolf Palmer Newport 3 italien
2004 Andreas Spering Harmonia Mundi 2 italien

 

 

Opéra (HWV 24) en trois actes, achevé le 5 février 1728, créé au King’s Theatre de Londres, le 17 février 1728, en présence de la famille royale, avec une distribution réunissant Francesca Cuzzoni (Laodice), Faustina Bordoni (Emira), Francesco Bernardi dit Il Senesino, alto castrato (Siroe), Antonio Baldi, alto castrato (Medarse), Giuseppe Maria Boschi, basse (Cosroe), Giovanni Battista Palmerini, basse (Arasse).
Le livret de Pietro Metastasio, dans la version utilisée par Domenico Sarro en 1727 à Naples, fut révisé par Nicola Haym. L’opéra est le premier représenté à Londres sur un livret de Métastase.

C’est pendant les répétitions que John Rich présenta, au Lincoln’Inn Fields Theatre, the Beggar’s Opera, sur un livret de John Gay John Gay ( 1685 – 1732) , qui connut un énorme succès populaire, avec quatre-vingt-dix représentations consécutives, et fut repris dans toute l’Angleterre.
Scène du Beggar's Opera

Personnages : Cosroe, roi de Perse, épris de Laodice ; Siroe, fils aîné de Cosroe, épris d’Emira ; Medarse, fils cadet de Cosroe ; Emira, princesse de Cambrie, en habit d’homme sous le nom d’Idaspe, éprise de Siroe ; Laodice, éprise de Siroe, soeur d’Arasse ; Arasse, général de l’armée perse, ami de Siroe.

Argument
La belle Emira (soprano), déguisée en Idaspe, se rend à la cour du roi de Perse Cosroe (basse), pour venger la mort de son père Asbite, roi de Cambrie. Siroe (mezzo-soprano), fils aîné de Cosroe, et amoureux d’Emira, est dans le secret. Cosroe décide d’abandonner le trône au profit de son fils cadet Medarse (alto). Laodice (soprano), aimée de Cosroe, se découvre amoureuse de Siroe.

« Le livret de Métastase, déjà mis en musique par Domenico Sarro, au Teatro San Bartolomeo, le 25 janvier 1727, n’a pas été trahi à Londres par Nicholas Haym, le librettiste de Haendel, malgré de nombreuses coupures dans les récitatifs. Il demeure un modèle du genre : la belle Emira, déguisée en Idaspe (titre d’un fameux opéra de Broschi), se rend à la cour du roi Cosroe de Perse, pour venger la mort de son père Asbite, roi de Camhrie. Une seule personne est tenue au courant du stratagème : Siroe, le fils aîné de Cosroe, amoureux de la jeune fille. La situation se complique quand le souverain, après mûre réflexion, décide de laisser le trône à son fils cadet, le fourbe Medarse. Et surtout quand la belle Laodice, aimée de Cosroe, se découvre amoureuse de Siroe… Pendant trois actes, chacun d’une heure environ, les personnages se rencontrent et s’affrontent dans des récitatifs tour à tour chargés d’amour, de haine, de vengeance, de colère… puis s’exhalent dans des airs virtuoses d’une très haute inspiration, jusqu’au lieto fine de circonstance, qui répare les torts et réunit les amants. » (Opéra International – février 2001)

 

Livret :

http://site.operadatabase.com.site.hmt-pro.com/modules.php?name=Downloads&d_op=viewdownload&cid=68&min=20&orderby=titleA&show=10 (en italien et en français)
http://www.haendel.it/composizioni/libretti/pdf/siroe.pdf
http://www.dicoseunpo.it/dicoseunpo/H_files/Siroe.pdf
http://www.liberliber.it/biblioteca/m/metastasio/index.htm

Représentations :


Göttingen, Deutsches Theater – 10, 12, 14, 15, 19, 20 mai 2013 – FestspielOrchester Göttingen – dir. Laurence Cummings – mise en scène Immo Karaman – décors, costumes Timo Dentler, Okarina Peter – chorégraphie Fabian Posca – avec Yosemeh Adjei (Siroe), Anna Dennis (Emira), Aleksandra Zamojska (Laodice), Antonio Giovannini (Medarse), Lisandro Abadie (Cosroe), Ross Ramgobin (Arasse)




Bad Lauchstädt, Goethe-Theater – Festival de Halle – 10, 11, 14 juin 2010 – dir. et mise en scène Wulf Konold – décors, costumes Dietlind Konold

 

Stadttheater Neuburg – 1er octobre 2009


Wuppertal- Schauspielhaus – 11 novembre 2007 – Remscheid – Teo Otto Theater -12 octobre 2007 – dir. Evan Christ – mise en scène Georg Köhl – décors Peter Werner – costumes Klaus Stump



Berkeley – 13, 14 février 2004 – Brooklyn Academy of Music Harvey Theater – 17, 20, 23, 24 avril 2004 – Venice Baroque Orchestra – dir. Andrea Marcon – mise en scène Jorge Lavelli – décors Alain Lagarde – costumes Francesco Zito – lumières Zeljko Sestak – avec Vito Priante, Liliana Rugiero, Roberto Balconi, Katerina Beranova, Simone Kermes



Théâtre des Champs Elysées – 9 janvier 2004 – Arsenal de Metz – 13 janvier 2004 – version de concert – Venice Baroque Orchestra – dir. Andrea Marcon – avec Liliana Rugiero (Siroe), Patrizia Ciofi (Emira), Lorenzo Regazzo (Cosroe), Roberto Balconi (Medarse), Simone Kermes (Laodice)

Opéramag – février 2004

« Une fois n’est pas coutume, Siroe était donné ce soir en version de concert. C’est une pratique qui tend à se développer, permettant de faire découvrir un répertoire plus rare sans soumettre l’initiative à de trop lourdes contingences. Cet ouvrage – écrit sur un livret de Métastase révisé par Nicholas Haym qui offrait au compositeur ses ingrédients favoris amour, vengeance, et politique – fut créé au King’s Theatre de Londres, le 17 février 1728, dans une distribution exclusivement italienne. Grâce à un plateau vocal efficace et parfaitement à son aise dans cet ouvrage qu’il a déjà chanté – en version scénique qui plus est – les récitatifs, très importants durant les deux premiers actes, ont connu une tension éminemment dramatique qui tint aisément lieu de théâtre à cette belle exécution. Le feu d’artifice d’airs splendides du dernier acte n’en était que mieux amené. Dans le détail, la mezzo-soprano Valentina Kutzarova donnait un rôle-titre d’une crédible virilité, bien qu’avec des ornements parfois raides. Le Cosroe de Lorenzo Regazzo accusait une certaine fatigue, tandis que le contre-ténor Roberto Balconi affirmait une expressivité de timbre prodigieuse en Medarse. Deux femmes auront largement dominé cette soirée : Simone Kermes (Laodice) dans une forme éclatante, réalisant les vocalises avec un  » chien  » incomparable, avec des aigus larges et très projetés, et la délicieuse Elmira de Patrizia Ciofi, un peu retenue et technique pour commencer, puis de plus en plus généreuse et musicale. Elle s’affirme une fois de plus comme une des grandes du moment. Au pupitre, Andrea Marcon a mené une interprétation intense, suivant pas à pas la précipitation de l’action. Le chef n’a pas hésité à contraster ces choix de tempos, faisant se succéder les récitatifs dans un rythme effréné en accord total avec l’intrigue et le climat général, pour mieux laisser se déployer l’éloquente plénitude du 3e acte. Son travail avec les solistes et les musiciens du Venice Baroque Orchestra soulignait toute l’italianité du Haendel de cette période. »

Opéra International – février 2004

« Orchestre brouillon, une Katerina Beranova totalement hors sujet qui transforme une amante éperdue et vengeresse (Emira) en soubrette, une autre soprano, Simone Kermes, réelle personnalité dramatique mais portée par un vent de folie qui lui fait réaliser des cadences tout autant hors sujet (Laodice), un contre-ténor, Roberto Balconi, dont les moyens vocaux sont bien malmenés dans les airs (Medarse), ou encore un rôle-titre confié à une mezzo, Liliana Rugiero, dotée d’une petite voix qu’elle tend à forcer pour exister, tout cela ne suffit pas à gâcher la soirée. Il faut tout de même souligner l’aisance de Lorenzo Regazzo, qui offre une magnifique incarnation du vieux roi Cosroe, pleine de grandeur et de profondeur, ainsi que les choix de tempi excellents d’Andrea Marcon, qui fait malgré tout de son orchestre un accompagnateur efficace et attentif.
Mais, surtout, ce Siroe si rarement entendu est une oeuvre superbe. Créé en 1728 par une Royal Academy of Music finissante – quelques jours après The Beggar’s Opera de Gay et Pepusch -,sur un livret adapté de Métastase, pour lequel nombre de musicographes se plaisent à souligner de façon abusive le manque d’affinités du compositeur, cet opéra souffre de nombreux préjugés. Ce que nous révèle son audition, c’est qu’il s’agit d’un livret et d’une partition d’une efficacité remarquable, d’une richesse, d’une finesse et d’une beauté réelles. Et, contrairement à ce que la postérité a voulu nous faire croire, nous comprenons pourquoi nous sommes en présence de l’un des plus beaux succès de toute la carrière opératique de Haendel – seul Admeto a connu plus de représentations lors de sa création. Un chef-d’oeuvre à ne plus oublier. »

Opéra Base – L’Atelier du chanteur – 9 janvier 2004

« Pour écrire une critique positive de ce concert, il faut commencer par le troisième acte. Idéalement, il faudrait n’être arrivé qu’après l’entracte, à l’inverse du mélomane déçu qui serait parti à l’entracte. Le public a donc chaleureusement applaudi ce spectacle, saluant également le génie commercial de Händel, qui a su terminer son opéra en feu d’artifice. Le succès durable d’un ouvrage nécessite cependant une qualité plus homogène. Au moins dans d’autres ouvrages Haendel a-t-il réussi aussi le premier acte, ne laissant de côté qu’un parfois long tunnel central. Orchestre, chanteurs et chef ont semblé au diapason de ce manque d’inspiration pendant toute la première partie du spectacle – l’entracte unique ayant été placé entre le deuxième et le troisième actes. Après l’imprécision molle de l’ouverture, particulièrement du côté des hautbois, le son grêle de l’orchestre, ses tempi sans excitation et ses phrasés plats ont fait écho à la platitude classique d’un Haendel très peu inspiré. Les chanteurs, de leur côté, peinaient à se chauffer et on comprenait Lorenzo Regazzo qui semblait s’endormir sur sa chaise entre ses interventions. Il est vrai que, même s’il avait un bel air pour clore efficacement le deuxième acte, il devait ménager quelques ressources pour son magnifique air « Gelido in ogni vena » du troisième acte. Ce n’est qu’avec l’introduction de cet air que l’écriture orchestrale devient un peu originale et contrastée, créant un superbe climat et offrant à Lorenzo Regazzo l’occasion de laisser libre cours à ses talents d’acteur, aussi dignes d’un mime que d’un chanteur. Assurément, le rôle d’un metteur en scène serait avec lui de canaliser et de gommer plus que de susciter! L’air de Siroe qui suit a également inspiré Händel. Quant à son air suivant « Son vendicato assai », avec quelques coupures ou variations, il serait aussi d’un bel effet dans le genre élégiaque. Suit un bel air vigoureux de Laodice, que Simone Kermes a l’intelligence d’orner en cadence de notes aiguës piquées qui la mettent en valeur.
En dehors des initiatives ponctuelles de cette dernière ou du phrasé dramatiquement engagé de Lorenzo Regazzo, le travail sur les affects, la rhétorique, les couleurs et les contrastes semble tout simplement absent. Avait-il été réalisé lors de la création scénique de ce spectacle fin décembre 2000 à Venise? La mise en scène de Jorge Lavelli avait-elle alors masqué l’indigence du propos musical, ou la distribution de l’époque s’était-elle engagée davantage et avec des moyens plus adéquats dans une série de répétitions et de représentations plus longue et gratifiante?
Le livret de cet opéra n’est que le second de Metastasio et le premier représenté en Angleterre, mais on a déjà l’impression d’assister à sa propre parodie, digne du jubilatoire Opera Seria de Gassman donné la saison dernière dans cette même salle. L’élève chanteur ou le professeur de chant peut même retrouver le texte du Vaccai « O placido il mare »! Emira est particulièrement servie, avec plusieurs airs qui ne s’insèrent dans le contexte que par la parabole. On s’étonne même qu’après ses airs tellement interchangeables ou diplomatiquement vagues, ses interlocuteurs lui répondent comme si elle avait dit ou demandé quelque chose de précis… Peut-être des coupures dans les récitatifs expliquent-elles cela ! Avec ces handicaps de départ, il est suicidaire de faire toutes les reprises des airs da capo mais sans les varier, ainsi que de ne pas varier le tempo ni la couleur de leurs parties B! Ainsi au premier acte, les parties B des deux premiers airs de Laonice sont expédiées sans être bien contrastées. Inversement, au troisième acte, la partie B du long air d’Emira est aussi lente que sa partie A.
Katerina Beranova a le mérite de remplacer… la remplaçante de Patrizia Ciofi initialement prévue. Comme ses collègues, elle se détend et chante mieux au troisième acte. Au premier acte, ses reprises de souffle hautes à grands coups d’épaules la déséquilibrent et ses aigus sont du coup un peu tirés, tandis que son grave est un peu tassé. Elle a une forte tendance à surarticuler, qui part peut-être d’une bonne intention mais crée des prolèmes plutôt que d’en résoudre. Ses ouvertures buccales sont parfois excessivement latérales, ce qui rend son timbre acide. Son larynx monte trop pour l’émission des notes aiguës, avant qu’elle trouve enfin plus d’aisance, d’équilibre et de rondeur au troisième acte. Il est vrai que son air étrangement intercalé dans le lieto fine de rigueur lui permet justement de jouer sur le contraste (ailleurs parfois gênant) entre ses aigus pointus et ses graves plus ronds. Déjà au deuxième acte, son agilité est correcte dans son premier air, même si on peut rêver d’un engagement dépassant la simple exécution. Une fois ces défauts résolus, elle affiche un intéressant potentiel.
Liliana Rugiero chante constamment sur la trame de sa voix, dans une tessiture qui semble trop grave pour elle et ne la met pas en valeur. Son émission est dès lors monochrome et pauvre en harmoniques. Dès son premier air, son émission est plus appuyée que soutenue. Le grave est a fortiori trop appuyé. Sa respiration est très étriquée : le manque d’ouverture de sa cage thoracique semble faire écho au manque d’épanouissement de son timbre.
Roberto Balconi a certes la vilaine voix de son rôle, mais la santé de son appareil vocal requerrait d’autres choix techniques. Ses cordes vocales semblent mal s’accoler sur certaines notes. Est-ce une indisposition passagère? On peut en douter si l’on considère qu’il s’agit de ses notes de passage vers l’aigu, qu’il émet trop ouvert, rendant certes son timbre vilain peut-être volontairement, mais aux dépens de toute rondeur et du contact avec son grave. Ce grave, il a le courage (ou l’obligation) de l’émettre en poitrine ou du moins dans une émission mixte très renforcée, mais il l’écrase du coup un peu trop, ce qui rend le passage vers l’aigu d’autant plus problématique.
Simone Kermes a d’abord des aigus durcis et une émission claire et pointue, mais elle s’améliore grandement au cours de la soirée et chante relativement mieux que ses collègues féminines. Au deuxième acte, son air avec flûte (« Non lo sperar da me ») lui fait trouver une meilleure concentration du son, peut-être en raison de sa tessiture, de son caractère élégiaque ou de l’émulation de la flûte. On réalise en l’écoutant que c’est le premier air bien chanté de la soirée. Au troisième acte, son bel air très imagé typiquement métastasien (à base de tigresse protégeant sa progéniture du chasseur) est à nouveau très réussi. Par ses notes extrapolées (ou bien est-ce Händel qui s’amuse à la promener dans tous ses registres?), elle donne l’idée de ce que cet opéra pourrait donner, bien chanté et joué avec plus d’engagement, de contrastes et de sens dramatique (alla Spinosi).
Lorenzo Regazzo, habitué du Théâtre des Champs-Élysées, renforce par d’amusantes mimiques l’erreur constante de son personnage et donc la pitoyable antipathie qu’il suscite. Certains qualifieraient sans doute son phrasé de vériste et d’anachronique, mais qu’est-ce qui nous permettrait de l’affirmer? L’engagement dramatique et l’attention aux contours et à l’énergie interne de chaque phrase ne sont-elles pas envisageables dans toutes les époques? »

Res Musica – 9 janvier 2004 – Les malheurs de Siroe

« Après la réussite de Serse, présenté en novembre dernier dans ce même théâtre, on pouvait espérer beaucoup de cette version de concert d’une Oeuvre encore plus rare : SirOe rè di Persia, créée le 17 février 1728 au King’s Theatre de Londres. Sa distribution était alors éblouissante, réunissant rien moins que le fameux castrat Francesco Bernardi, dit « Il Senesino » dans le rôle-titre, et les deux grandes divas rivales, Francesca Cuzzoni et Faustina Bordoni.
Mais hélas, le résultat est sans commune mesure avec ce que l’on était en droit d’attendre ! Les organisateurs ont, il est vrai, joué de malchance : Patricia Ciofi, prévue initialement pour le rôle d’Emira (qu’elle a d’ailleurs chanté en janvier 2001 à Venise dans une production saluée par l’ensemble de la critique), a d’abord déclaré forfait. Sa remplaçante, Jaël Azzaretti, étant tombée malade, c’est la soprano tchèque Katerina Beranova qui, finalement, a tenu la partie. Les remplacements de dernière minute peuvent parfois se révéler d’heureuses surprises, nombre de chanteurs ont vu leur carrière prendre leur envol en de telles circonstances. Mais ce ne fut pas le cas, ce soir-là. Outre la qualité du livret de Metastase, dont Nicolas Haym « allégea » les longs récitatifs, la partition de SirOe est loin d’être mineure ; ce, malgré une intrigue assez touffue, qui met en jeu les habituels conflits d’amour et de pouvoir chers à l’opera seria, avec un de ses ressorts favoris qu’on retrouvera dans tout le dix-huitième siècle, particulièrement dans le théâtre de Marivaux : le travestissement d’un des protagonistes pour approcher l’être aimé. De plus, Haendel étant passé maître dans l’art de peindre les caractères, le nombre réduit des personnages lui permet de mettre en valeur leurs personnalités respectives, à travers les divers ressorts de l’intrigue, dont l’épicentre est la rivalité entre les deux femmes amoureuses du primo uomo.
L’Oeuvre eut pourtant un succès public assez mitigé et quitta l’affiche après dix-huit représentations ; il est vrai qu’elle était en concurrence avec celle de John Gay et Johann Christoph Pepusch, The Beggar’s Opera, qui faisait salle comble au Lincoln’s Inn Fields \97 et allait passer à la postérité. Assister à la représentation d’un opéra aussi rare que SirOe, même en version de concert, est donc passionnant à plus d’un titre. Il faut l’avouer, au départ, une vingtaine de minutes de flottement sont nécessaires avant de comprendre, parmi les interprètes féminines, qui chante quoi : le programme n’indique pas les tessitures des rôles, et la mezzo-soprano argentine Liliana Rugiero (SirOe), a jugé bon de revêtir une robe de soirée très glamour, au lieu du traditionnel smoking ou tailleur-pantalon souvent adopté par les mezzos chantant des rôles travestis. Même problème pour Emira et Laodice, toutes deux sopranos : mais grâce aux surtitres, le doute est finalement levé parmi l’auditoire. Très vite, il devient évident qu’émergent de la distribution deux artistes : Lorenzo Regazzo (CosrOe), présent également à Venise, ainsi que Simone Kermes (Laodice). La grande déception vient de « la remplaçante de la remplaçante » : visiblement assez étrangère au répertoire baroque, dotée d’une voix légère et haut perchée, Katerina Beranova donne une bien piètre interprétation du rôle d’Emira. Transformant ses arie subtiles et raffinées en exercices cuicuiteux, elle fait plus penser à la poupée des Contes d’Hoffmann ou à Lakmé, qu’à l’héroïne tragique et poétique de Haendel\85 avec de surcroît un style assez douteux, marqué par une fâcheuse tendance à privilégier les ornementations dans l’aigu, voire le suraigu.
On peut se demander comment le chef d’orchestre Andrea Marcon peut avoir accepté une telle aberration, totalement « anti-baroque », les variations dans le suraigu étant assez rares dans ce répertoire, en fait plutôt caractéristiques du dix-neuvième siècle. Il est vrai que William Christie dans Alcina a fait quelques concessions à cette pratique : mais c’était pour Natalie Dessay, dont on connaît la grande musicalité et les moyens exceptionnels dans le suraigu. Certes pas le cas de Katerina Beranova, dont les notes dans ce registre sont souvent stridentes, et d’une justesse parfois approximative. Même l’excellente Simone Kermes \97 à la voix agréable, ronde et bien projetée \97 ne peut, surtout en deuxième partie de concert, résister à la tentation de tomber elle aussi dans un tel travers, ce qui a pour effet de générer chez le spectateur témoin de ce concours d’effets de mauvais goût une certaine lassitude auditive. Malgré un chant stylé quoique terne, le SirOe de Liliana Rugiero déçoit pour des raisons différentes : rarement on a entendu une voix aussi atone, creuse, sourde, engorgée ; de surcroît à peine audible dans les graves, monocorde, monochrome \97 et pauvre en harmoniques. Sans être exceptionnel, le Medarse du contre-ténor Roberto Balconi (lui aussi à Venise en 2001) se révèle de bonne tenue. Mais, c’est indiscutablement à Lorenzo Regazzo que revient la palme, tant par la qualité de sa voix (belle, ample et bien timbrée), que par la qualité de son style et de son expression : très mise en valeur dans le grand air « Gelido in ogni vena », pour lequel il est fort applaudi.
Cependant, en ce qui concerne les ornementations intempestives, les chanteuses incriminées ne sont pas seuls fautives. N’était-ce pas au chef Andrea Marcon de fixer les règles de manière stricte, comme il se doit dans tout concert \97 baroque ou autre ? De fait, même si l’orchestre, sans être transcendant, est loin d’être médiocre \97 et se révèle même à certains moments excellent \97, l’impression générale ressentie est un manque d’unité, de cohésion et de conception générale de la partition. Comme si certains artistes un peu chancelants telle Katerina Beranova, visiblement peu habituée au style haendélien, étaient abandonnés à eux-mêmes, sans directives vraiment précises. Témoin, ce déplorable « Chio mai vi possa » : bâclé, transformé certes en une bluette pour rossignol mécanique par la chanteuse, mais dont le chef modifie le tempo initial (allegro) en allegro molto vivace, et supprime les nuances pourtant indiquées. Cette déclaration d’amour déchirante et poétique, un des sommets de la partition, devenant ainsi un parcours du combattant pour super-TGV à cocottes.
On ne peut que déplorer la défection de Patrizia Ciofi, qui aurait sans doute donné une interprétation autrement plus bouleversante du rôle d’Emira ; et se prendre à rêver de ce que feraient de cet opéra méconnu des chefs comme Christie ou Minkowski, aidés des interprètes de très haut niveau avec lesquels ils aiment à travailler. Dommage… « 

Cologne – 18 mai 2003 – Capella Coloniensis – dir. Andreas Spering – avec Sebastian Noack (Cosroe), Ann Hallenberg (Siroe), Gunther Schmid (Medarse), Sunhae Im (Laodice), Johanna Stojkovic (Emira-Idaspe), Timm de Jong (Arasse)

 

Chicago – Grace Episcopal Church – Oak Park – 9 mai 2003

 

Venise – Scuola Grande de San Giovanni Envangelista – 28, 30 décembre 2000, 2, 4 janvier 2001 – Venice Baroque Orchestra – dir. Andrea Marcon – mise en scène Jorge Lavelli – décors Lauro Crismanavec – costumes Francesco Zito – Lorenzo Regazzo (Cosroe), Valentina Kutzarova (Siroe), Roberto Balconi (Medarse), Patrizia Ciofi (Emira), Jaho Ermonela (Laodice), Dario Giorgelé (Arasse)

Siroe - Figurant

Opéra International – février 2001 – 28 décembre 2000

« …un Siroe de Haendel en tous points inoubliable…cette oeuvre rare, jouée pour la première fois au King’s Theatre de Londres, le I 7 février I 728, n’avait jamais été représentée en Italie…Dans ces lieux, on pouvait imaginer Luchino Visconti drapant Laodice dans les costumes portés par Callas dans l’Ifigenia in Tauride de Gluck à la Scala. Jorge Lavelli, dont nous n’avons pas oublié l’Alcina du Festival d’Aix-en-Provence, en 1978, n’est pas tombé dans ce piège. Dans cette salle rectangulaire, avec l’orchestre disposé sur une estrade et les spectateurs assis de face, mais surtout sur les côtés, il a carrément joué la carte de la modernité, réglant un spectacle d’une force rare.
Le livret de Métastase, déjà mis en musique par Domentca Sarro, au Teatro San Bartolomeo, le 25 janvier 1727, n’a pas été trahi à Londres par Nicholas Haym, le librettiste de Haendel, malgré de nombreuses coupures dans les rect-tatifs. Il demeure un modèle du genre la belle Emira, dé-guisée en ldaspe (titre d’un fameux opéra de Broschi>, se rend à la cour du roi Cosroe de Perse, pour venger la mort de son père Asbite, roi de Camhrie. Une seule personne est tenue au courant du stratagème Siroe, le fils aîné de Cos-roe, amoureux de la jeune fille.
l)ans ce drame du pouvoir, jorge Lavelli a vu aussitôt le conflit, la guerre, les tensions ; il a donc habillé ses interprètes clans les costumes militaires d’une Argentine étouffée par la dictature de Peron, qui ne survit que dans l’élégance factice des fêtes, ici évoquée par la robe de Laodice et le superbe manteau de Medarse, symbole du règne de la bourgeoisie. Dans l’espace forcément restreint de la Scuola, les chanteurs ne sont jamais sur une scène, mais s’adressent directement au public, se mêlent à lui, et le prennent à témoin de leurs inquiétudes, obligeant même les instrumentistes à dialoguer avec eux. Rien n’est statique dans ce spectacle, récitatifs et airs s’enchaînant à un rythme presque infernal jusqu’au dénouement, quand Lavelli invente la scène de la prison devant une simple porte et évoque les échos d’une bataille « hors les murs « , grâce à un effet de lumière saisissant. l)ans cet acte III, en tous points magique, Haendel nous offre une succession d’airs frôlant le sublime, parmi lesquels « GeIido in ogni vena », chanté par un Cosroe blessé, anéanti, presque foudroyé, tel Saint Paul sur le chemin de l)amas.
Tranformes en véritables acteurs, les chanteurs ont tous été à la hauteur de leur tâche. Lorenzo Regazzo possède l’autorité de Cosroe et seuls quelques accents véristes, sans doute ajoutés pour renforcer la caractérisation de son personnage, perturbent une ligne de chant par ailleurs bien conduite. La vaillante Valentina Kutzartova a les inflexions dures, anguleuses, voire gutturales, du travesti de Siroe, mais le chant orné manque un peu de chatoyance. Roberto Balconi est un Medarse perfide et maléfique. Jaho Ermonela a tout le charme de Laodice, mais sa technique ne lui permet pas toujours de mettre en valeur le texte, défaut gênant dans le répertoire baroque. Emira, enfin, trouve en Patrizia Ciofi la puis parfaite des interprètes, cette chanteuse-actrice atteignant, comme toujours à la scène, de véritables sommets. Tous les chanteurs ont fait la ronde pendant le lieto fine, rejoints, au moment des applaudissements, par les remarquables instrumentistes du Venice Baroque Orchestra, placés sous la direction d’une rare compétence d’Andrea Marcon. Le public, très international, avec beaucoup de Français en son sein, a crié, debout, au miracle. »

Le Monde – 9 janvier 2001 – « Un Haendel d’une douce fluidité dans les brumes de Venise »Siroe, Re di Persi monté par Jorge Lavelli pour le Théâtre de la Fenice

« L’excellent claveciniste et organiste Andrea Marcon est un chef encore un peu vert, brusque dans ses impulsions, peu régulier dans la tenue de ses tempos. C’est intéressant, mais trop brouillon »… »Distribution de belle tenue, dominée par la soprano italienne Patrizia Ciofi. On retrouve ses aigus de rêve, son agilité, la beauté de son timbre et sa manière touchante de chanter ».

Halle – Festival Haendel – 1963 – Orchestre du Landestheater Halle – dir. Horst Tanu Margraf – mise en scène Wolfgang Gubisch – décors et costumes Rolf Döge

 

Halle – Festival Haendel – 1962 – Orchestre du Landestheater Halle – dir. Horst Tanu Margraf – mise en scène Wolfgang Gubisch – décors et costumes Rolf Döge

 

Gera – 25 décembre 1925 – première reprise (en allemand)