Jules César en Égypte

GIULIO CESARE IN EGITTO
Jules César en Égypte

Giulio Cesare

COMPOSITEUR Georg Friedrich HAENDEL
LIBRETTISTE Nicola Haym, d’après Giacomo Francesco Bussani
ENREGISTREMENT ÉDITION DIRECTION EDITEUR NOMBRE LANGUE FICHE DÉTAILLÉE
1950 Herbert Albert HRE italien
1950 2004 Herbert Albert Walhall 2 italien
1952 Walter Goehr Classic italien
1952 Hans Swarowski Vox 2 (LP) italien
1955 Gianandrea Gavazzeni HRE italien
1955 2007 Gianandrea Gavazzeni Andromeda 2 italien
1959 1996 Karl Böhm Deutsche Grammophon 1 italien
1963 1964 Richard Bonynge Decca 3 italien
1963 2000 Richard Bonynge Decca 3 italien
1963 2003 Richard Bonynge Decca 1 (extraits) italien
1965 1995 Ferdinand Leitner Orfeo d’or 3 allemand
1965 1989 Ferdinand Leitner Melodram 3 allemand
1965 1999 Ferdinand Leitner Opera d’oro 3 allemand
1965 1996 Nicola Rescigno Mondo Musica 2 italien
1967 1999 Arnold Gamson Gala 2 italien
1967 1988 Julius Rudel RCA 2 italien
1968 1999 Karl Richter VAI italien
1969 Karl Richter DG 4 (LP) italien
1969 2006 Karl Richter DG 4 italien
1979 Charles Mackerras Celestial 3 anglais
1984 1999 Charles Mackerras Chandos 3 anglais
1984 2002 Charles Mackerras Chandos 1 (extraits) anglais
1984 Denis Vaughan Celestial 3 anglais
1985 Ferro
1988 Trevor Pinnock Celestial 3 anglais
1988 2001 Nikolaus Harnoncourt Teldec 1 italien
1988 2005 Nikolaus Harnoncourt Apex 1 italien
1989 1989 Marcello Panni Nuova Era 3 italien
1989 2006 Marcello Panni Nuova Era 3 italien
1991 1991 René Jacobs Harmonia Mundi 3 italien
1991 2001 René Jacobs Harmonia Mundi 1 italien
1994 Richard Hickox ABC Classics
1995 1996 Jean-Claude Malgoire Audivis 3 italien
1997 1997 Peter Mark Koch International Classics 2
2001 Stefano Vignati Ariel 1 (extraits) italien
2002 2003 Marc Minkowski Archiv 3 italien
2009 Wladyslaw Klosiewicz Pro Musica Camerata 3 italien
2006 2010 Luca Franco Ferrari Concerto 3 italien
2009 2010 George Petrou MDG 3 italien
2011 2012 Alan Curtis Naïve 3 italien

DVD

ENREGISTREMENT ÉDITION DIRECTION ÉDITEUR FICHE DÉTAILLÉE
1994 2001 Charles Mackerras Image Entertainment
1994 2004 Richard Hickox Kultur
2004 2006 Michael Hofstetter TDK
2005 2006 William Christie BBC Opus Arte
2011 2012 Emmanuelle Haïm Virgin Classics

Opéra (HWV 17) en 3 actes, sur un livret de Nicola Haym, d’après le livret Giulio Cesare in Egitto de Giacomo Bussani pour l’opéra de Sartorio représenté à Venise en 1677, repris en allemand pour la Cleopatre de Kusser en 1691.Nicola Haym, arrivé à Londres en 1701, compositeur et violoncelliste, avait été engagé comme « secretary » et « stage manager » (metteur en scène) par la Royal Academy.Commencé au cours de l’été 1723, Giulio Cesare fut créé le 20 février 1724 au King’s Theatre de Haymarket, lors de la cinquième saison de la Royal Academy, et joué treize fois jusqu’au 11 avril, avec une distribution comprenant Francesca Cuzzoni, dite la Parmigiana, soprano (Cleopatra), Margherita Durastanti, soprano (Sesto), Francesco Bernardi, dit le Senesino, alto-castrato (*) (Giulio Cesare), Gaetano Berenstadt, alto-castrato (Tolomeo), Signor Bigonzi, alto-castrato (Nireno), Anastasia Robinson, contralto (Cornelia), Giuseppe Maria Boschi, basse (Achilla), Lagarde, basse (Curio). Cuzzoni et Senesino remportèrent un triomphe dans les rôles de Cléopâtre et César.

Francesca CuzzonFrancesco Bernardi, dit le Senesino

 

Haym dédia le livret à Caroline, princesse de Galles, épouse de Georges II. A partir du livret de Bussani, il avait développé les personnages de Cornelia et de son fils Sesto, et au contraire réduit les rôles secondaires, ainsi ceux de Curio et de Nireno, et même supprimé le rôle comique de la nourrice Rodisbe. Afin que les spectateurs puissent suivre le livret imprimé, l’opéra fut représenté en pleine lumière.La troupe de l’Academy, en visite à Paris au cours de l’été 1724, en donna une version réduite dans le salon du mécène Pierre Crozat.Il fut repris en janvier 1725 pour 10 représentations, du 2 janvier au 9 février, toujours avec Francesca Cuzzoni (Cleopatra), Senesino (Giulio Cesare) et Giuseppe Maria Boschi (Achilla), ainsi que le ténor Francesco Borosini (Sesto), le castrat alto Andrea Pacini (ou Gaetano Berenstad ?) (Tolomeo) , la contralto Anna Dotti (Cornelia), la soprano Benedetta Sorosina (Nerina). Pour cette reprise, Haendel avait apporté des « modifications » : coupures dans les récitatifs, suppression du rôle de Curio et réduction de celui de Nireno à un rôle muet. Le rôle de Sesto, attribué à un ténor au lieu d’une soprano, avait par ailleurs nécessité la transposition de deux arias, conservées, et la création de trois nouvelles. Après quelques représentations, Haendel réintroduisit le rôle de Nireno sous le nom de Nirena, suivante de Cléopâtre, dévolu à la soprano Benedetta Sorosina, pour laquelle il écrivit deux nouvelles arias.La même année, Giulio Cesare fut donné à Brunswick, en août, et à Hambourg, en allemand, le 21 novembre. Il y eut trente-huit représentations à Hambourg de 1725 à 1737. Giulio Cesare à Hambourg en 1725Une nouvelle reprise eut lieu à Brunswick en 1727.Après l’insuccès de Lotario (2 décembre 1729), une nouvelle reprise eut lieu, avec 9 représentations du 17 janvier au 21 février 1730, ainsi que les 21 et 31 mars suivants, avec Anna Maria Strada del Pò, soprano (Cleopatra), pour qui Haendel avait écrit deux nouveaux airs, Annibale Pio Fabri, dit Balino, ténor (Sesto), Antonio Maria Bernacchi, alto-castrato (Giulio Cesare), Francesca Bertolli, contralto (Tolomeo), Antonia Maria Merighi, contralto (Cornelia), Johann Gottfried Riemschneider, basse (Achilla).

 

Annibale Pio Fabri, dit BalinoAntonia Maria Merighi

Une reprise eut lieu à Venise en 1731. Une nouvelle reprise eut lieu en 1732, avec quatre représentations du 1er au 12 février, avec Anna Maria Strada del Pò, soprano (Cleopatra), Giovanni Battista Pinacci, ténor (Sesto), Francesco Bernardi, dit le Senesino, alto-castrato (Giulio Cesare), Francesca Bertolli, contralto (Tolomeo), Anna Bagnolesi, contralto (Cornelia), Antonio Montagnana, basse (Achilla). Une reprise eut lieu à Brunswick en 1733, sous le titre Giulio Cesare e Cleopatra.La dernière représentation eut lieu à Hambourg, le 17 octobre 1737. La partition fut éditée par Chrysander en 1875, dans le cadre de la Haendel Gesellschaft, conforme à la création de 1724. (*) Francesco Bernardi, né à Sienne, d’où son surnom de Senesino, vers 1685. Haendel alla l’embaucher à Dresde où il connaissait le succès. Il chanta dans quatorze opéras de Haendel entre 1720 et 1728, puis rejoignit la troupe rivale de Porpora. Il revint à Naples en 1738, mais, moins apprécié, se retira. Mort en 1759.

Synopsis

Acte I
Une grande plaine au bord du Nil. Un vieux pont enjambe le fleuve. Jules César (contralto), vainqueur de l’Egypte, passe le pont, acclamé par l’assistance. Cornélie (contralto), épouse de Pompée, son rival vaincu, implore sa clémence. César consent à condition que Pompée dépose les armes. Mais Achille (basse), général en chef des armées égyptiennes et conseiller de Ptolémée, annonce que ce dernier, afin de marquer son allégeance à César, a fait mettre à mort Pompée et en a fait apporter la tête dans un vase. Cornélie et son fils Sextus (soprano) sont atterrés, et César lui-même est indigné par cet acte lâche et cruel. Tandis que Curius (basse) , un tribun romain, essaie maladroitement de déclarer son amour à Cornélie, celle-ci pleure, et Sextus jure de venger son père.Cléopâtre (soprano), soeur de Ptolémée, arrive, suivie de ses serviteurs. Elle ambitionne d’être reine d’Égypte. Son confident Nirenus (contralto) lui apprend le meurtre de Pompée par Ptolémée qui espère grâce à cela accéder au pouvoir. Mais Cléopâtre est certaine que, par sa beauté, elle obtiendra de César tout ce qu’elle voudra. Lorsque Ptolémée (contralto) arrive, elle lui fait comprendre qu’il n’a aucune chance contre elle. Achille promet alors à Ptolémée d’assassiner César à condition d’obtenir Cornélie en échange.Dans le camp romain, César rend hommage aux cendres de Pompée. Une jeune fille qui dit s’appeler Lydia et avoir été dépouillée de ses biens par Ptolémée, lui demande assistance. C’est Cléopâtre, déguisée. César s’éprend aussitôt d’elle. Curius, de son côté, éprouve les mêmes sentiments et se dit prêt à renoncer à Cornélie pour Lydia. Cléopâtre et Nirenus constatent avec satisfaction que le subterfuge a pris. Arrivent Cornélie et Sextus, qui viennent récupérer l’urne avec les cendres de Pompée, et méditent le meurtre de Prolémée, Cléopâtre et Nirenus se proposent de les conduire auprès de lui.Au palais de Ptolémée, la première rencontre entre ce dernier et César se passe dans une hypocrisie réciproque. Lorsque Cornélie et Sextus surviennent et accusent Ptolémée, il les fait garder captifs. Achille propose à Cornélie de la libérer si elle accepte de l’épouser, mais se heurte à un refus. Cornélie et Sextus sont séparés et se font leurs adieux.

Acte II Un bosquet de cèdres à côté du Parnasse et du palais de la Vertu. Cléopârre prépare, avec l’assistance de Nirenus, une mise en scène allégorique qui achèvera de subjuguer César. Elle lui apparaît sous l’aspect de la Vertu, entourée des neuf muses, aux sons d’une musique céleste. César est de plus en plus charmé et amoureux.Dans le jardin du sérail de Ptolémée, Cornélie se désespère, et repousse les avances d’Achille. Ptolémée, qui la convoite aussi, promet faussement à Achille de la lui donner s’il tue César. À son tour, il essaie de séduire la fière Romaine, avec aussi peu de succès. Cornélie est prête à se suicider, mais Sextus réappurait. Il a été conduit jusqu’à elle par Nirenus. Tous deux vont se cacher à l’intérieur du sérail en attendant le moment propice pour accomplir leur vengeance.Dans un jardin, César retrouve Cléopâtre-Lydia. Mais Curius arrive, avertissant César qu’un complot se trame contre lui. César s’apprête à partir, mais Cléopâtre veut le suivre, et dans son émotion elle se trahit. Ils se déclarent leur amour, et elle l’engage à fuir, tandis qu’elle-même restera, Il disparaît juste avant que les conjurés ne fassent irruption en clamant « Mort à César ». Cléopâtre supplie les dieux de le protéger.Au palais, Ptolémée s’apprête à emmener Cornélie dans son harem. Sextus croit avoir trouvé le moment pour le tuer mais il est intercepté par l’arrivée d’Achille. Celui-ci révèle à Ptolémée qu’à l’issue d’un combat Curius et César ont trouvé la mort (ce qui s’avérera faux), mais que Cléopâtre a rassemblé ses troupes pour venger César. Ptolémée et Achille partent au combat Cornélie et Sextus voient la vengeance leur échapper.

Acte III Dans une forêt près d’Alexandrie. Achille, ayant compris qu’il n’avait aucune chance d’obtenir Cornélie et qu’il a été trompé par Ptolémée, décide de passer dans le camp de Cléopâtre. Mais il fait un mauvais choix. La bataille entre les deux armées tourne à l’avantage de Ptolémée, et Cléopâtre est capturée. Ptolémée savoure d’avance les humiliations qu’il fera subir à sa rivale déchue, laquelle pour la première fois sembla avoir perdu tout espoir.Mais César n’était pas mort au combat, et il reparaît, fortement éprouvé, inquiet du sort de son armée et plus encore de celui de Cléopâtre. Sextus et Niterus surviennent en même temps, Non loin de là, sur le rivage, Achille gît, blessé à mort. Ils recueillent ses derniers aveux, et il leur transmet un sceau auquel se rallieront tous ses guerriers. C’est César qui s’en empare. Sevras et lui se reconnaissent alors. César est décidé à libérer Cléopâtre et Cornélie. Sextus se rallie à lui, retrouvant l’espoir de se venger de Ptolémée. Au palais, Cléopâtre fait ses adieux à ses suivantes, persuadée que sa fin est proche, lorsque César intervient et la délivre. Ptolémée, de son côté se croit enfin maître de Cornélie, mais Sextus arrive, l’épée à la main, le provoque au combat et le tue. La scène finale unit les fêtes de la conquête de l’Égypte et consacre l’amour victorieux de César et de Cléopâtre.

(livret Astrée)

Livret :

http://www.librettidopera.it/giulio_ces/giulio_ces.html (en italien et en anglais)

http://opera.stanford.edu/iu/libretti/giulioces.htm

http://www.haendel.it/composizioni/libretti/pdf/giulio cesare.pdf

Goldberg – août 2005 – Le Giulio Cesare de Haendel
GoldbergLe Giulio Cesare de Händel

Représentations

Opéra de Tallinn – Estonie – 26 octobre, 9 novembre 2013, 14 février, 14 mars, 26 avril, 2 mai 2014 – dir. Andres Mustonen – mise en scène Georg Rootering – décors Lukas Noll – lumières Anton Kulagin – chorégraphie Kati Kivitar – avec Kristel Pärtna, Andres Köster, Monika-Evelin Liiv, Pavlo Balakin, Maire Haava, Katariina Heikkilä, Aare Saal

 

Moutier, Stand de Moutier – Suisse – 26, 27, 28, 29 juin 2013 – Opera Obliqua – dir. Facundo Agudin – mise en scène Bruno Ravella – décors Bruno Ravella – costumes Ana Spinelli – vidéo Leandro Suarez – lumières Yann Godat – avec Lisandro Abadie (Cesare), Raffaella Milanesi (Cleopatra), Mélodie Ruvio (Cornelia), Carine Séchaye (Sesto), Violetta Radomirska (Tolomeo), Alejandro Meerapfel (Achilla), Léonie Renaud (Nireno), Daniel Issa (Curio)

 

Paris, Palais Garnier – 23, 26, 28, 31 mai, 2, 4, 6, 9, 11, 14, 16, 18 juin 2013 – Concert d’Astrée – dir. Emmanuelle Haïm – mise en scène Laurent Pelly – décors Chantal Thomas – costumes Laurent Pelly – lumières Joël Adam – dramaturgie Agathe Melinand – avec Lawrence Zazzo (Giulio Cesare), Varduhi Abrahamyan (Cornelia), Karine Deshayes (Sesto), Sandrine Piau / Yun Jung Choi (Cleopatra), Christophe Dumaux (Tolomeo), Paul Gay (Achilla), Dominique Visse (Nireno), Jean-Gabriel Saint-Martin (Curio)

Forum Opéra

« Haendel a une malédiction : elle s’appelle « aria da capo » et pose d’insolubles problèmes à nos metteurs en scène. Ceux-ci sont mus, globalement, par le désir d’exalter des tensions qui, dans l’idéal, saisissent d’emblée le spectateur pour ne plus le relâcher jusqu’à ce que le rideau tombe. C’est un théâtre qui recherche l’efficacité, la vitesse, l’essentiel. Au temps de Haendel, les opéras, leur durée et leur rigueur formelle, ambitionnaient un théâtre centré vers les personnages, vers l’intrigue et vers le lieu, davantage que vers l’immédiateté de l’effet produit sur les spectateurs. Un théâtre aux manettes duquel il faut des « narrateurs » plus que des « provocateurs ». Ne pas se pencher quelques minutes sur le sens même du théâtre, et sur son évolution, c’est courir le risque de se retrouver avec le Giulio Cesare mis en scène par Laurent Pelly. Guère de changement depuis la création du spectacle en 2011, le metteur en scène français cherche toujours à masquer par des pirouettes ce qui ressemble fort à une panne d’inspiration. Les pirouettes : transposer l’action dans un musée pour envahir la scène d’anecdotes, d’objets, de figurants. La panne d’inspiration : ces anecdotes, objets et figurants finissent par prendre l’ascendant sur la direction d’acteurs. Les numéros qui se succèdent peuvent bien être habiles, distrayants ou drôles ; ils ne sont jamais que des gags de bande dessinée, qui permettent à la rigueur d’esquisser un Tolomeo turbulent, mais qui, devant les liens mystérieux qui unissent César et Cléopâtre, livrent les chanteurs à eux-mêmes.Ceux-ci, par miracle, ne manquent ni de ressources ni d’énergie. Butant sur les registres lors d’un « Empio diro tu sei » livide, Lawrence Zazzo dans le rôle éponyme, est moins héroïque que précautionneux, mais il ne cesse de s’améliorer au fil de la soirée pour s’abandonner magnifiquement à l’émotion contenue d’ « Aure deh per pieta ». Surtout, son amante est incarnée, dans cette reprise, par une Sandrine Piau rayonnante. L’Opéra de Paris n’avait pas, jusqu’alors, convié sur ses planches celle qui, non seulement est une de nos meilleures sopranos mais qui en outre est un peu à Haendel ce que Marcelo Alvarez est à Verdi, ce que Waltraud Meier est à Wagner, ce que Matthias Goerne est au Lied : une référence moderne. Dans l’abandon (« Se pieta ») comme dans la virtuosité (« Da tempeste »), dans la sensualité (« V’adoro pupille ») comme dans le sarcasme (« Non disperar chi sa »), cette Cléopâtre a du style et de la classe. Autant de qualificatifs qu’on pourrait sans peine accoler à Varduhi Abrahamyan, toujours si émouvante en patricienne outragée. Son fils, cette année, n’est plus Isabel Leonard mais Karine Deshayes, qui prête avec bonheur son enthousiasme naturel à un rôle dont les graves mettent un peu en difficulté une voix toujours prodigue en aigus conquérants. Particulièrement caractériel dans cette production, Tolomeo trouve en Christophe Dumaux un chanteur-acteur extraordinaire, tandis qu’en Nireno, Dominique Visse demeure un acteur-acteur amusant. Enfin, dans ce spectacle où tout le monde ressemble un peu à des personnages d’« Astérix chez Cléopâtre », Paul Gay en Achilla compose un homme de main à la balourdise soigneusement étudiée. Dans Astérix, il y a aussi un barde, mais pas d’inquiétude à avoir : n’étaient les cors, fatalement problématiques dans « Va tacito e nascosto », le Concert d’Astrée se montre sous un bon jour, et la direction d’Emmanuelle Haïm constitue pour les chanteurs un appui sans faille. L’ensemble manque cependant de noblesse, à la fin du II (précisons que le II, dans ce spectacle, s’arrête à « Se pieta »…), de souffle, et pour le dire vite, de théâtre – mais tout le monde parlait-il du même théâtre, ce soir ? »

Classique.news

« Giulio Cesare a une place spéciale dans la production lyrique du Caro Sassone. Il s’agît de l’un des plus riches exemples de caractérisation musicale dans tout le répertoire. La partition est une des plus somptueuses et originales de la plume du compositeur. L’écriture vocale est virtuose, d’une abondance mélodique enivrante. Le Concert d’Astrée sous la baguette sévère et précise d’Emmanuelle Haïm se révèle très convaincant (effet de la reprise : les musiciens et leur chef reprennent la production déjà vue avec plus d’aisance contagieuse …). Non seulement il soutien les chanteurs avec maestria, mais se distingue aussi de façon surprenante à plusieurs moments de la présentation, et non seulement lors des intermèdes purement instrumentaux. L’ orchestre se montre dramatique, noble et maestoso pendant les airs de Cornélie, d’une dignité royale et d’un entrain presque romantique lors de l’air de Sextus « L’angue offeso mai riposa », parfois agité, parfois larmoyant, toujours excellent. Les ritournelles sont d’un entrain souvent singulier et les solos de flûte, violon et cor, vraiment impressionnants. Comme la distribution des chanteurs d’ailleurs. Si le livret peut paraître risible, les chanteurs sont très engagés et donnent vie aux personnages avec les moyens dont ils disposent. Dans ce sens les rôles de César et de Cléopâtre, tenus par Lawrence Zazzo et Sandrine Piau respectivement, sont les vedettes incontestables, pourtant accompagnés d’une équipe de grande qualité. Le Jules César de Lawrence Zazzo est progressif. Si au tout début, il semble plutôt affecté voire superflu, au cours des 4 heures de spectacle, il arrive à dessiner un portrait fantastique et complexe du héros romain, qui, malgré l’abondance mélodique, n’a pas la musique la plus individuelle de l’oeuvre. Il est ainsi le héros à la coloratura parfaite et savoureuse. Ses moments les plus intenses sont les récitatifs accompagnés, mais le souvenir plus vif que nous avons de sa prestation est sans doute son énergie et cet investissement indiscutable dans ses vocalises pleines de caractère et sa musicalité. L’interprète se révèle même irrésistible dans son court air guerrier à la fin du 2e acte « Alla’po dell’armi ». Sandrine Piau est une Cléopâtre encore plus irrésistible! Sa prestation est piquante à l’extrême. Tous ses airs chatouillent et caressent les oreilles. De plus, sa silhouette s’accorde parfaitement au personnage séducteur. Son air du 2e acte : « V’adoro pupille » avec un orchestre des muses sur scène et l’un des sommets esthétiques et érotiques de l’oeuvre. Mais nous avons droit lors du même acte à un autre sommet de beauté cette fois-ci presque spirituelle lors de son air « Se pietà di me non senti » qui n’est pas sans rappeler Bach. Également investie dans les duos, la soprano réussit tout autant son air de bravoure à la fin de l’opéra : « Da tempeste il legno infrango » est la cérise de virtuosité sur le délicieux gâteau d’une performance indiscutable. Le personnage le plus dramatique, Cornélie, est vivement défendu par la mezzo-soprano Verduhi Abrahamyan (nous avons toujours des excellents souvenirs de sa Néris dans la Medea de Cherubini ainsi que de sa Pauline dans la Dame de Piques de Tchaikovsky). Elle est noble et fière dans sa souffrance et le duo final du 1er acte : « Son nata a lagrimar », est magnifique : il suscite une vague de forts applaudissements et des bravos justifies. Le Sextus de Katherine Deshayes paraît malheureusement en retrait. Son personnage n’a que des airs de vengeance (à l’exception du duo d’adieux avec Cornélie), et ils sont tous dans sa tessiture. Ce qui aura pu être une excellente occasion pour elle n’est qu’une interprétation correcte mais peu mémorable. Christophe Dumaux dans le rôle de Ptolomée est, au contraire, un chanteur que nous avons du mal à oublier (excellent Disenganno dans Il Trionfo de février 2013). Virtuosité vocale, sincère investissement, avec un sens aigu du théâtre, font de lui un méchant plutôt attirant! Paul Gay et Dominique Visse sont tous les deux excellents en Achillas et Nirénus respectivement, d’ailleurs comme Jean-Gabriel Saint-Martin dans le rôle de Curio (beau Guglielmo dans Cosí fan Tutte à Saint Quentin en avril 2013). La mise en scène de Laurent Pelly n’est pas pour tous les goûts, mais elle ne nuit pas à l’oeuvre. Au contraire, sa transposition de l’action dans un Musée du Caire imaginé est plutôt sympathique. Comme le fait qu’il intègre le 18e siècle dans sa vision. Dans ce sens, le concert des muses habillées en costumes baroques avec divers clins d’oeil à la Rome antique (le choeur des bustes entre autres!) affirment une belle humeur et une imagination plutôt libérée. La reprise de la production est au final un festival pour tous les sens et l’éventail des sentiments et d’affects est certainement présenté avec candeur et noblesse. »

Artistik.rezo

Triomphe de Sandrine Piau et de Lawrence Zazzo dans la reprise de Jules César, mis en scène par un Laurent Pelly qui ne se prend pas au sérieux, mais enchante la salle. Cette mise en scène truculente, décriée par certains, ne manque pourtant ni de finesse ni de subtilités. L’opéra se déroule dans l’entrepôt d’un musée égyptien tandis que s’animent les sculptures et tableaux. Les décors impressionnent par leur taille symbolique qu’il s’agisse de la tête de Pompée, du char-statue ou du cadre du tableau gigantesque qui prête vie à de jolies scènes galantes. On se croirait dans un Watteau. Cela crée une grande fantaisie scénique truffée de gags et de clins d’oeil coquins. Sans prétention, mais avec efficacité, cette mise en scène très gaie transporte les chanteurs. Le plateau vocal est très équilibré. Tout en accomplissant des prouesses vocales et physiques, ceux-ci se livrent sur le plateau corps et âme. Après un début un peu mou, l’apparition de Sandrine Piau, qu’on avait entendue dans La Flûte enchantée, transporte. D’autant plus que en ce soir de première, la soprano perd un pan de sa robe de voile transparente au premier acte, découvrant ainsi ses jolis atours. Toutefois, la jeune femme resplendissante de grâce et d’allégresse en Cléopâtre ne laisse rien paraître. Espiègle et délicieuse, elle triomphe dans ce rôle qu’avait tenu la pétillante Nathalie Dessay. Quant à Lawrence Zazzo qui interprétait déjà ce rôle à l’Opéra de Paris dans cette même mise en scène, le contre-ténor émerveille. Il s’est bonifié en tous points : très à l’aise, sûr de ses effets, il irradie sur scène. Lumineux, puissant et tendre, il ravit à chaque air. Cornélia (Varduhi Abrahamyam) et Sisto (Karine Deshayes) forment un duo qui touche au sublime à la fin du premier acte. Dès son entrée, Karine Deshayes incarne un sublime et tragique Sesto. Sa voix sublime confère au personnage une pureté exaltée tandis que Varduhi Abrahamyam interprète une Cornélia très romaine.Christophe Dumaux s’amuse comme un chat qui court après les souris en Ptolémée. Félin et vicieux, le contre-ténor contraste parfaitement avec le lumineux Jules César, amoureux. Cela fonctionne très bien. On regrettera en revanche que Paul Gay ne s’investisse pas davantage dans son rôle d’Achille. Superbe baryton basse, très imposant par sa stature, il n’est pas pour autant très convaincant. D’un geste malheureux, il coiffe en pleine colère, un musicien d’un tapis jeté à toute force, et provoque les rires de la salle…Enfin, Emmanuelle Haïm dirige l’orchestre et le choeur du Concert d’Astrée avec bonheur. »

Il tenero momento

« Ce Giulio Cesare, récemment publié en DVD par Virgin Classics, a été créé en 2011 à Paris à l’occasion de la prise de rôle de Natalie Dessay en Cleopatra. Prise de rôle qui fut, on s’en souvient, difficile pour notre diva nationale, obligée de déclarer forfait en plein milieu d’une représentation et d’en annuler deux autres. Elle fut remplacée par l’excellente Jane Archibald, prévue pour la fin des représentations 2011 … et pour cette reprise 2013. Maternité oblige, c’est Sandrine Piau qui finalement la remplace aujourd’hui … cette même Sandrine Piau qui avait chanté de la fosse la Cleopatra d’une Archibald aphone pour la dernière représentation de 2011 ! Ce soir, tout le monde est bien là et, outre la distribution d’origine, Karine Deshayes succède à Isabel Leonard en Sesto. Cette Cleopatra, l’Opéra de Paris la devait à Sandrine Piau, elle qui a chanté le rôle à tant de reprises, avec les plus grands chefs (on garde en mémoire une superbe version de concert avec René Jacobs en 2008 à la Salle Pleyel), et dont les prestations sont plus que rares à Paris (elle sera Morgana dans Alcina la saison prochaine aux côtés de Christophe Rousset). Certes, il manque à Piau ce petit plus qui nous renverserait totalement, une voix un peu plus puissante, l’existence d’un trille, une certaine sensualité mais pour le reste … existe-t-il haendélienne plus raffinée, qui sente aussi bien cette musique que la soprano française ? Son incarnation, totalement à l’opposé de celle de Dessay qui jouait sur l’investissement total dans le personnage, est un ravissement de tous les instants. En fin de deuxième acte, la reprise du « Se pieta », qui mêle dans le da capo les ornements écrits par Jacobs/Rousset/Haïm, est inoubliable. Mais qu’est-il arrivé à Karine Deshayes, totalement méconnaissable dès son air d’entrée, inaudible dans le grave, peinant dans les vocalises et ne sachant que faire de la vocalita de Haendel ? Incompréhensible ! Pour le reste, on retrouve une distribution sans réel point faible, mais jamais enthousiasmante. Lawrence Zazzo en Giulio Cesare, est superbe dans l’élégie et les airs lents mais une bonne moitié du personnage passe à la trappe (entrée ratée, manque de virtuosité). A Christophe Dumaux, qui serait justement un meilleur Giulio Cesare, échoit une nouvelle fois le rôle de Tolomeo, qu’il incarne certes aussi irrésistiblement qu’il y a deux ans, même si la voix se resserre et se crispe dangereusement à plusieurs occasions. Enfin, en Cornelia, Varduhi Abrahamya, satisfait sans jamais émouvoir, comme absente. La mise en scène de Laurent Pelly nous apparait tout aussi anecdotique et à bout de souffle qu’il y a deux ans. Replacer l’action dans les réserves du Musée du Caire est une bonne idée de départ en soi, mais qui s’épuise vite. Alors Pelly meuble avec des gags plus ou moins drôles, compte sur la personnalité de ses acteurs (un peu laissés à eux-mêmes) et au final fatigue très vite voire exaspère, comme avec ce déménagement de meubles pendant l’introduction de « Se pieta » (la musique n’est-elle pas assez déchirante à ce moment pour se suffire à elle même ?). Mais in fine, la plus grosse déception vient d’Emmanuelle Haïm, à la battue mécanique qui ôte toute émotion à ce Cesare. A-t-on par exemple entendu « Son nata a lagrimar » (duo Cornelia/Sesto de fin du 1er acte) si peu émouvant ? On loue certes de belles trouvailles comme ce tapis de basses martelées sur le « Va tacito » de Cesare au 1er acte. Il faut dire qu’elle est peu aidée par son Concert d’Astrée, à l’effectif très fourni mais comme aphone. Haïm démarre chaque air avec une belle énergie, pour laisser la flamme peu à peu s’éteindre. Enfin, l’ornementation proposée – écrite pourrait-on dire – par Haïm est toujours aussi contestable car elle transforme les da capos des airs en « airs bis », appris par cœur par des chanteurs qui ne se les approprient pas. »

Opéra du Caire – Grande salle – 15 mai 2013 – version de concert

 

New York – Metropolitan Opera – 4, 9, 12, 19, 22, 27, 30 avril, 3, 7, 10 mai 2013 – dir. Harry Bicket – mise en scène David McVicar – décors Robert Jones – costumes Brigitte Reiffenstuel – lumières Paule Constable – chorégraphie Andrew George – avec Natalie Dessay / Danielle de Niese (Cleopatra), Alice Coote (Sesto), Patricia Bardon (Cornelia), David Daniels (Giulio Cesare ), Christophe Dumaux (Tolomeo), Guido Loconsolo (Achilla) – Production de Glyndebourne Festival

extrait vidéo

http://www.youtube.com/watch?v=nNRhnq_HuNU

Estonie – Opéra de Tallinn – 25 janvier, 2, 22 février, 22 mars, 19, 25 avril, 11 mai 2013 – dir. Andres Mustonen – mise en scène Georg Rootering – décors Lukas Noll – lumières Anton Kulagin – chorégraphie Kati Kivitar – avec Monika-Evelin Liiv / Teele Jõks (Giulio Cesare), Claire Meghnagi / Helen Lokuta (Cleopatra), Helen Lokuta / Oliver Kuusik (Sextus), Mart Laur / Pavlo Balakin (Tolomeo), Triin Ella / Maire Haava (Nireno), Juuli Lill / Monika-Evelin Liiv Cornelia, Rene Soom / Aare Saal (Achilla), Olari Viikholm / Arvids Keinis (Curio)

Theater Lüneburg – 11, 16, 17, 22 janvier, 6, 7, 12, 13 février, 7 mar 2013 – en allemand – dir. Kathy Nierenz / Daniel Stickan – mise en scène Friedrich von Mansberg – décors, costumes Barbara Bloch – avec Kristian Lucas (Caesar), Ruth Fiedler (Cleopatra), Kristin Darragh (Cornelia), MacKenzie Gallinger (Tolomeo), Volker Tancke (Achilla), Oguz Güven (Sesto) – nouvelle production

Francfort – Opernhaus – 2, 9, 13, 16, 21, 23, 25, 31 décembre 2012, 12, 26 janvier, 4, 11 mai 2013 – dir. Erik Nielsen – mise en scène Johannes Erath – décors Herbert Murauer – costumes Katharina Tasch – lumières Joachim Klein – dramaturgie Malte Krasting – avec Michael Nagy (Giulio Cesare), Sebastian Geyer (Curio), Tanja Ariane Baumgartner / Katharina Magiera (Cornelia), Paula Murrihy (Sesto), Brenda Rae (Cleopatra), Matthias Rexroth (Tolomeo), Simon Bailey (Achilla), Dmitry Egorov (Nireno) – nouvelle production

Detroit – Michigan Opera – 10, 14, 16, 17, 18 novembre 2012 – dir. Howard Arman – mise en scène James Robinson – avec Lisette Oropesa (Cleopatra), David Daniels (Cesare), Anthony Roth Costanzo (Tolomeo), Allyson McHardy (Cornelia), Emily Fons (Sesto), Eric Jurenas (Nireno)

Erfurt – Theater Erfurt – 3, 11, 17, 23 novembre, 12, 22, 28 décembre 2012, 20, 27 janvier, 1er mars 2013 – dir. Samuel Bächli – mise en scène Stephen Lawless – décors, costumes Gideon Davey – chorégraphie Lynne Hockney – dramaturgie Berthold Warnecke – avec Benno Schachtner (Cesare), Yoontaek Rhim (Curio), Stéphanie Müther (Cornelia), Mireille Lebel (Sesto), Daniela Gerstenmeyer /Julia Neumann (Cleopatra), Denis Lakey (Tolomeo), Máté Sólyom-Nagy (Achilla), Robert Wörle (Nireno) – nouvelle production

Estonie – Opéra de Tallin – 14 octobre, 2, 10 novembre, 1er, 19 décembre 2012

 

Londres – Coliseum – 1, 4, 12, 16, 19, 24, 26, 31 octobre, 2 novembre 2012 – dir. Christian Curnyn – mise en scène Michael Keegan-Dolan – décors Andrew Lieberman – costumes Doey Lüthi – lumières Adam Silverman – chorégraphie Michael Keegan-Dolan – traduction en anglais Brian Trowell – avec Lawrence Zazzo (Julius Caesar), Anna Christy (Cleopatra), Patricia Bardon (Cornelia), Tim Mead (Tolomeo) , Daniela Mack (Sesto) , George Humphreys (Curio), James Laing (Nireno) – nouvelle coproduction avec Fabulous Beast Dance Theatre, Carrick-on-Shannon

Salzbourg – Haus für Mozart – 23, 25, 27, 29, 31 août 2012 – Il Giardino Armonico – dir. Giovanni Antonini – mise en scène Patrice Caurier, Moshe Leiser – décors Christian Fenouillat- costumes Agostino Cavalca – lumières Christophe Forey – chorégraphie Beate Vollack – dramaturgie Konrad Kuhn – avec Andreas Scholl (Giulio Cesare), Cecilia Bartoli (Cleopatra), Anne Sofie von Otter (Cornelia), Philippe Jaroussky (Sesto), Christophe Dumaux (Tolomeo), Jochen Kowalski (Nireno), Ruben Drole (Achilla), Péter Kálmán (Curio) – nouvelle production

vidéo intégrale

http://www.youtube.com/watch?v=xRRTCKEbwOQ

Opéra Magazine – juillet/août 2012

« On était perplexe à l’annonce du changement complet de formule du Festival de Pentecôte et d’un programme « thématique » consacré à Cléopâtre, avec des sous-titres un peu trop accrocheurs – « Cleopatra sensuale », «amorosa», «tragica» … et même «holywoodiana», pour la partie filmique ! – et une perrsonnalisation extrême sur Cecilia Bartoli, nouvelle directrice artistique et principale actrice. À l’arrivée, c’est pourtant elle la véritable triomphatrice, avec une réusssite musicale éblouissante – à côté d’une production scénique touchant malheureusement à la catastrophe. Pour Giulio Cesare, donné intégralement, le choix de Patrice Caurier et Moshe Leiser, dans les eaux moyennes des mises en scène contemporaines, avec au moins le respect des oeuvres et souvent de bons résultats, paraissait mettre à l’abri des mauvaises surrprises. Las ! Pour leur premier Haendel et leur entrée au Festival, ils n’ont proposé qu’une transposition superficielle (et déjà mille fois vue … ) dans le contexte des guerres pétrolières au Moyen-Orient, avec puits de pétrole enflammés, inévitables tenues léopard, crocodiles en carton, et accumulations de gags transsformant un grandiose chef-d’oeuvre en une suite de bouffonneries de bande dessinée. On leur pardonnera encore moins d’insupportables vulgarités, avec déculottages et même de pénibles scènes de masturbation (pour Tolomeo et l’arioso «Belle dee» au II), comme dans une production ordinaire de Calixto Bieito ! Très peu à sauver du spectacle, qui sera de nouveau à l’affiche cet été et dont on voit mal comment il pourrait être amendé, tant le concept est inexistant, et la laideur presque constante. Un torrent de huées a accueilli l’équipe de production, suivi d’une presse dévastatrice : un résultat inattendu pour les débuts de la nouvelle direction…La distribution, en revanche, a très largement tenu ses promesses. En affichant en face d’elle quatre contre-ténors, choix discutable en soi, Cecilia Bartoli se donnait aussi la part belle. Elle a été très largement méritée, tant la performance fut admirable dans la virtuosité comme dans un «Se pietà» d’anthologie, suscitant un triomphe sans fin, puis un «Piangero» où la voix a su gagner en intensité d’émotion, bouleverrsante même, pour un personnage dont la production ne faisait qu’une simple coquette aguicheuse. Dans le rôle-titre, Andreas Scholl pose le même problème qu’au Théâtre des Champs-Élysées en 2006, avec une voix impeccablement lisse, qui fait merveille dans le virtuose «Al lampo dell’armi», mais chanteur trop inconsistant ailleurs. Philippe Jaroussky, en reevanche, a enthousiasmé la salle par la perfection de la ligne, le délié de la vocalisation, le timbre toujours aussi pur et transparent, magnifiquement engagé dans son personnage et faisant oublier les ridicules culottes courtes qu’exigeait, parait-il, l’âge de Sesto. Christophe Dumaux, lui aussi brillantissime, avec un volume supérieur et un timbre plus sombre, fait constamment regretter le sous-emploi de son excellent talent d’acteur, tel qu’on l’avait vu au Palais Garnier, l’an dernier. Jochen Kowalski peine un peu dans l’air «Chi perde un momento» (n° 16a de la version de 1725), mais donne une figure crédible et attachante. Ruben Drole apporte à son Achilla le contraste d’un instruument puissant. En excellente voix, Anne Sofie von Otter, particulièrement enlaidie, est malheureusement confinée à un personnage monochrome d’éternelle pleureuse, alcoolique de surcroît ! Dans la fosse, Giovanni Antonini ménage très soigneusement ses chanteurs, en parfait accord avec les raffinements de son plateau. Il faut l’avoir entendu, la veille (Mozarteum, 26 mai), diriger le concert Cleopatra virtuosa», pour apprécier la force d’une innprétation aussi sensuelle que subtile et ferme, avec un Giardino Armonico aux timbres enchanteurs. À quatre airs de Giulio Cesare, Cecilia Bartoli ajoutait de nombreuses perles. Et notamment l’extrait de La Cleopatra de Castrovillari (1662), une admirable «Mort» de l’héroïne, et la magistrale vigueur de Marc’Antonio e Cleopatra de Hasse (1723), serenata créée pour les débuts du compositeur à Rome, exactement contemporaine de l’opera seria de Haendel. »

Allemagne – Gut Immling – Opernfestival – 27 juillet, 4 août 2012 – dir. Cornelia von Kerssenbrock

 

Salzbourg, Haus für Mozart – 25, 27 mai 2012 – dir. Giovanni Antonini – mise en scène Moshe Leiser, Patrice Caurier – décors Christian Fenouillat – costumes Agostino Cavalca – lumières Christophe Forey – avec Andreas Scholl (Giulio Cesare), Cecilia Bartoli (Cleopatra), Anne Sofie von Otter (Cornelia), Philippe Jaroussky (Sesto Pompeo), Christophe Dumaux (Tolomeo), Ruben Drole (Achilla), Péter Kálmán (Curio)

 

Stockholm – Folkoperan – 8, 10, 12, 15, 17, 19, 22, 24, 26 février, 7, 9, 11, 14, 16, 18, 21, 24, 25, 28, 29, 31 mars 2012 – en suédois – dir. Joakim Unander – mise en scène, décors, costumes Cisco Aznar – lumières Karl Svensson – chorégraphie Cisco Aznar – avec Maria Sanner (Giulio Cesare), Tove Dahlberg (Cleopatra), Karolina Blixt (Cornelia), Josefine Andersson (Sextus), Daniel Carlsson (Tolomeo), Håkan Ekenäs (Achilla) – nouvelle production

Tallin – Rahvusoper – Estonie – 27, 28 janvier, 9, 19 février, 31 mars, 5 avril, 4 mai 2012 – dir. Andres Mustonen – mise en scène Georg Rootering – décors, costumes Lukas Noll – lumières Anton Kulagin – avec Helen Lokuta / Katrin Targo (Cleopatra), Oliver Kuusik / Helen Lokuta (Sesto), Teele Jõks / Monika-Evelin Liiv (Giulio), Mart Laur / Priit Volmer (Tolomeo), Juuli Lill / Triin Ella (Nireno), Monika-Evelin Liiv / Juuli Lill (Cornelia), Rene Soom / Aare Saal (Achilla), ,Märt Jakobson / Simo Breede (Curio) – nouvelle production

Opéra d’Helsinki – 20, 23, 25, 30, 31 janvier, 3, 16, 18, 22, 29 février 2012 – dir. Howard Arman – mise en scène Ville Saukkonen – décors Patrick Woodroffe – costumes Kalle Kuusela – lumières Patrick Woodroffe – avec Franco Fagioli (Julius Caesar), Marko Nykänen (Curius), Claire Meghnagi (Kleopatra), Melis Jaatinen / Niina Keitel (Sextus), Alon Harari / Teppo Lampela (Ptolemaios), Jussi Merikanto / Riku Pelo (Achilla), Arto Hosio (Nirenus)

Leeds, Grand Theatre – 14, 25 janvier, 7, 10, 16 février 2012 – Nottingham, Theatre Royal – 23 février 2012 – Newcastle upon Tyne, Theatre Royal – 9 mars 2012 – Salford Quays, The Lowry – 1er mars 2012 – Dublin – 14, 16 mars 2012 – Opera North – dir. Robert Howarth – mise en scène Tim Albery – décors, costumes Leslie Travers – lumières Thomas Hase – avec Pamela Helen Stephen (Cesare), Sarah Tynan (Cleopatra), Ann Taylor (Cornelia), James Laing (Tolomeo), Paola Gardina (Sesto), Andrew Radley (Nireno) – nouvelle production

Théâtre des Champs Élysées – 25 novembre 2011 – version de concert – Il Complesso Barocco – dir. Alan Curtis – avec Marie-Nicole Lemieux (Giulio Cesare), Romina Basso (Cornelia), Emoke Baráth (Sesto), Karina Gauvin (Cleopatra), Mary-Ellen Nesi (Tolomeo), Johannes Weisser (Achilla), Milena Storti (Nireno)

 

Forum Opéra – Lemieux fait son show

« S’il faut en croire l’applaudimètre et les rappels qui nous ont d’ailleurs valu la reprise du chœur final, la majorité des spectateurs du Théâtre des Champs-Elysées ont passé une excellente soirée. Deviendrions-nous impossibles à satisfaire ? Nous venions attirés par la distribution car, avouons-le, d’Alan Curtis, nous n’attendons plus de miracle. Toutefois, nous conservions l’espoir qu’un tel casting parvienne au moins à l’arracher à son flegme, pour ne pas dire à sa torpeur, et l’inspire, ce qui, en fait, n’arriva qu’après l’entracte et pour de trop brefs moments. Un ouvrage dramatiquement aussi abouti que Giulio Cesare n’a pas besoin d’une mise en scène ni même d’une mise en espace : il lui suffit d’être porté par une vision et incarné. Si nous n’avons pas entendu un opéra, mais un concert, la responsabilité en incombe d’abord au chef. A cet égard, les coupes sombres pratiquées dans la partition retenue pour cette soirée ne vont pas sans dommage pour la lisibilité et la cohérence de l’action. La disparition du tribun Curio ne constitue pas exactement une perte, en revanche, il nous faut déplorer la suppression – étonnante de la part d’un haendélien d’ordinaire si scrupuleux – de scènes entières et d’un certain nombre d’airs, ce dont souffre en particulier la psychologie de Tolomeo. Même avec une formation de poche (adieu paires de cors, harpe, gambe, etc.), à défaut de grandeur et de variété, un chef qui a le théâtre dans le sang et de l’imagination à revendre sait planter le décor, suggérer un climat, imprimer surtout élan et tensions au drame et galvaniser ses troupes. Las ! Pour le théâtre, la passion, la puissance d’évocation, il fallait… revenir deux jours plus tard, le dimanche 27 novembre. Avec un effectif encore plus réduit que celui d’Il Complesso Barocco, I Virtuosi delle Muse nous offraient une extraordinaire leçon de musique vivante, prenant des risques et les assumant jusqu’au bout. Au programme de cette matinée : un pilier du répertoire instrumental cette fois, Les Quatre Saisons de Vivaldi, transformées par ces démiurges en une fresque dantesque et palpitante. L’audace et l’investissement, voilà ce qui manquait précisément à Curtis et à plusieurs solistes d’une affiche qui est loin d’avoir tenu toutes ses promesses.Cléopâtre apparaît généralement comme la figure centrale de l’opéra, plus dense et complexe, mieux dessinée et plus richement dotée musicalement que les autres protagonistes au point d’ailleurs de voler la vedette à Jules. Rien de tel en l’occurrence. Le soprano de Karina Gauvin semble, a priori, tout indiqué pour habiller cette belle intrigante : pulpeux, agile et brillant, mais tellement séduisant que l’artiste en oublie justement de séduire, entendez de jouer la séduction, comme si elle succombait à ses propres charmes. Cette Cléopâtre garde un maintien, une distance aristocratique dont ne peuvent s’accommoder la frivolité et la grâce primesautière de la jeune reine. De surcroît, elle se montre par trop pudique pour s’épancher vraiment (« Se pietà », plastiquement irréprochable mais si peu habité). En outre, Gauvin ne s’approprie aucune des superbes gemmes qui sertissent sa partie, ses Da Capo frisant l’indigence. Le duo des amants révèle lui aussi un décalage frappant entre le son – banal et impersonnel – et l’image – saturée de minauderies. Cette Cléopâtre trop belle en son miroir ne peut que s’incliner devant le César bouillonnant de Marie-Nicole Lemieux. Ses manières, son style pourront choquer (d’aucuns fustigeront sans doute ce « Presti omai » outrageusement débraillé, voire bestial), la Québécoise en fait beaucoup, se promène sur la corde raide et n’évite pas toujours l’accident (l’attaque piano d’ « Aure, deh, per pietà »), mais au moins César vit et respire. C’est la seule qui se lâche vraiment, la seule aussi qui connaît suffisamment son rôle pour oser détourner les yeux du pupitre et plonger dans ceux de sa partenaire. Bien sûr, à force d’entendre Marie-Nicole Lemieux, nous finissons par la connaître et même, à travers ses sourires conquérants, ses airs de défi ou ces ahanements sauvages qui surgissent à la fin des airs de bravoure, par la reconnaître, car la cantatrice se fond moins dans son personnage qu’elle n’exprime sa personnalité. Son show enchantera les uns, horripilera les autres, mais depuis Sarah Connolly à Glyndebourne (MacVicar/Christie), summum d’élégance et de fantaisie, nous n’avions pas entendu de « Se in fiorito » aussi ludique et jouissif.Tolomeo carnassier et vipérin il y a quelques années, Romina Basso allège son émission, affine couleurs et inflexions pour brosser un portrait tout en délicatesse, mais peut-être aussi trop léché, de Cornelia. Un temps annoncée en Sesto, Julia Lezhneva nous a fait faux bond. Avec Emoke Baráth, le fils de Pompée régresse à l’âge tendre, frêle oisillon au bord du nid don les ardeurs belliqueuses laissent rêveur. Mère et fils se cherchent vainement dans un « Son nata a lagrimar » statique et qui jamais ne décolle. L’épée de bois de ce garçonnet au souffle court suffirait pourtant à terrasser l’inoffensif Tolomeo de Mary-Ellen Nesi. Qu’est-il donc arrivé à l’incisive Médée (Teseo) acclamée ici même en début d’année ? Le mezzo grec n’est manifestement pas dans un bon soir. L’Achilla de Johannes Weisser a une autre ampleur, mais manque, lui aussi, de relief et d’idées. Ce n’est pas un rôle inépuisable, mais des artistes tels que Luca Pisaroni ou Christopher Maltman nous ont montré, chacun à sa façon, qu’il était possible d’en tirer quelque chose. »

Kassel – Staatstheater – 23 septembre, 8, 16 octobre, 3, 09 novembre 2011 – dir. Alexander Hannemann – mise en scène Dominique Mentha – décors Werner Hutterli – costumes Anna Ardelius – avec Bettina Ranch (Julius Cäsar), Jürgen Appel (Curius), Stefanie Schaefer / Susanne Schaeffer (Cornelia), Maren Engelhardt (Sextus Pompejus), Nina Bernsteiner (Kleopatra), Igor Durlovski (Tolomeus), Tomasz Wija (Achillas), Nirenus Gideon Poppe

Brême – Die Glocke, Großer Saal – 6 septembre 2011 – Accademia Bizantina – dir. Ottavio Dantone – avec Sonia Prina (Giulio Cesare), Maria Grazia Schiavo (Cleopatra), Riccardo Novaro (Achilla), Josè Maria Lo Monaco (Cornelia), Filippo Mineccia (Tolomeo), Paolo Lopez (Sesto), Floriano D’Auria (Nireno), Andrea Mastroni (Curio) – coproduction avec Teatro Comunale di Ferrara

 

Düsseldorf – 25, 30 juin 2011 – Theater Duisbourg – 9, 15 juillet 2011 – Düsseldorfer Symphoniker – dir. Rainer Mühlbach – mise en scène Philipp Himmelmann – costumes Gesine Völlm – dramaturgie Hella Bartnig – avec Günes Gürle (Cesare), Marta Marquez (Cornelia), Iryna Vakula (Sextus), Sylvia Hamvasi (Cleopatra), Matthew Shaw (Ptolemäus), Laimonas Pautienius (Achillas), Daniel Djambazian (Nireno)

Fort Worth Opera – Texas – 28 mai, 5 juin 2011 – dir. Daniel Beckwith – mise en scène David Gately – décors Ming Cho Lee – costumes Robert Perdziola – lumières Chad R Jung – avec Randall Scotting (Cesare), Ava Pine (Cleopatra), Meredith Arwady (Cornelia), Michael Maniaci (Sesto), José Álvarez (Tolomeo), Donovan Singletary (Achilla), Lane Johnson (Curio), Meaghan Deiter (Nireno)

Grand-Théâtre de Reims – 6, 8 mai 2011 – Versailles – Opéra Royal – 10, 20, 22 mai 2011 – Brest – Le Quartz – 11, 12 mai 2011 – Tourcoing – Théâtre Municipal Raymond Devos 26, 27, 29 mai 2011 – La Grande Ecurie et la Chambre du Roy – Musiciens de l’Orchestre de l’Opéra de Reims – dir. Jean-Claude Malgoire – mise en scène Christian Schiaretti – costumes Thibault Welchlin – lumières Rémi El Mahmoud – avec Christophe Dumaux (Giulio Cesare), Sonya Yoncheva (Cleopatra), Alessandra Vissentin (Cornelia), Lina Markeby (Sesto), Valérie Yeng Seng (Nireno), Dominique Visse (Tolomeo), Ugo Guagliardo (Achilla), Davis Witczak (Curio)

La Voix du Nord

« Cléopâtre charmeuse en robe blanche, Jules César impérial, pour n’évoquer que le couple-phare -, mais une scénographie curieusement statique pour ne pas dire figée qui donne une étonnante impression de langueur dans un opéra pourtant fascinant : telles sont les impressions de partage qui émanent de ce Giulio Cesare in Egitto de Haendel, dernière production de saison de l’Atelier lyrique de Tourcoing. Impressions d’autant plus curieuses que les trois représentations de Tourcoing – la dernière ce dimanche après-midi – arrivent en fin de tournée après Reims, Brest et le très prestigieux Opéra royal de Versailles la semaine dernière.D’une partition fleuve qu’il connaît parfaitement pour l’avoir souvent dirigée et enregistrée il y a une quinzaine d’années (dans une autre distribution), Jean-Claude Malgoire sait donner à chaque personnage une identité forte grâce à un casting exemplaire. Certes le couple-phare on l’a dit, Jules César (Christophe Dumaux, contre-ténor impeccable) et Cléopâtre (la toute belle soprano Sonya Yoncheva qu’on se réjouit de retrouver la saison prochaine à l’opéra de Lille), mais également les six rôles qui n’ont rien de secondaires et qu’il faut citer : Dominique Visse toujours fascinant (Tolomeo), Alessandra Visentin (Cornelia), Lina Markeby, (touchante dans le rôle masculin de Sesto), Ugo Guagliardo (solide basse en Achilla), Valérie Yeng Seng (Nireno), David Witczak (Curio). Côté mise en scène, on attendait de Christian Schiaretti, complice fidèle de Jean-Claude Malgoire, un vent de folie que le livret, l’histoire et la musique haendelienne peuvent susciter (le sable chaud et le sang, la bravoure, le sexe et toutes ces sortes de choses) : l’affaire, semble-t-il, ne l’a pas beaucoup inspiré, ou alors, les recettes n’ont pas fonctionné. Deux premiers actes menés plan-plan, un troisième à peine plus enlevé, des chanteurs laissés sans direction, statiques, comme pour une version de concert. Heureusement, les airs fulgurants de Cléopâtre (« Si tu n’as pas pitié de moi, je mourrai »), heureusement le soin extrême apporté à la scénographie – costumes, lumières, maquillages -, viennent contrebalancer ces manques. En janvier dernier, la mise en scène de Laurent Pelly du même Giulio Cesare donné à Paris sous la direction d’Emmanuelle Haïm avait, elle aussi, déçu. Pour fascinant qu’il soit, Haendel est un univers terriblement complexe. »

ResMusica

« Grâce à cette production, pourtant peu fortunée (l’Atelier lyrique de Tourcoing et le Grand Théâtre de Reims s’en partagent la responsabilité), comment ne pas être réconcilié avec Giulio Cesare ? En ce début d’année à l’Opéra Garnier, une production, musicalement cadenassée et scéniquement tautologique, avait été une telle douche froide… Jean-Claude Malgoire et Christian Schiaretti ont appréhendé ce dramma per musica tel qu’il est, avec ses moments radieux et ses « tunnels ». Surtout, dans un livret qui, avant tout, vise à servir des chanteurs, ils ont cueilli les diverses fleurs qu’il offre et n’ont pas cherché à en faire une étude sur le pouvoir. Comme souvent avec Christian Schiaretti (il n’est pas, en vain, le successeur de Jean Vilar à la tête du Théâtre National Populaire), nul décor mais un parquet « savant ». En l’occurrence, une des quatre pointes de ce parquet carré est dirigée vers la salle ; son matériau accueille un très subtil travail d’éclairage, tantôt en sa teinte naturelle, tantôt selon une vaste palette colorée, jusqu’au rouge. Et comme toujours avec Christian Schiaretti, outre des costumes très raffinés, la direction d’acteurs est engagée et si précise qu’on l’oublie au profit des deux textes (le livret et la partition). Chaque personnage important est cerné dans ses complexités, tandis que les rôles que l’œuvre laisse incertains (Tolomeo et Achilla) trouvent ici une intéressante justification dramaturgique. Le droit fil qui est tissé tout au long de cette représentation tient à cet intelligent entrelacs de portraits et de situation. Et si le champ politique demeure central, du moins chaque personnage semble-t-il agir selon son libre arbitre, et non dans des voies préalablement fixées. Laisser ainsi parler l’œuvre, plutôt que de jouer, ricanant, avec elle comme avec un objet méprisé, laisse, au spectateur, une savoureuse impression de liberté… Musicalement, la réussite fut identique. Jean-Claude Malgoire a offert (au sens d’un don généreux) une matière musicale vivante : il a établi une exacte complicité avec les chanteurs (si le soutien est constant et confiant, point n’est besoin d’indiquer, au chanteur, chacun de ses départs) ; à l’égard de l’orchestre, il a trouvé la structure rythmique de chaque numéro et, à l’intérieur de chacun d’eux, des phrasés qu’ils n’a pas gérés en expert-géomètre ou en commissaire aux comptes (une nouvelle fois, notre regard se tourne vers la « grande boutique » au début de cette année) mais qu’il a conduits avec la souplesse d’un chat, précis mais bonhomme, qui jouerait du jazz. Ainsi une partition vit-elle, pleinement et chaleureusement, servie par musicien-né et par un praticien d’abord soucieux de faire vivre la musique (de la musique médiévale au théâtre-musical), avant de la faire sonner. Parmi les générations postérieures, un seul suit un chemin similaire : Hugo Reyne. À quand les suivants ? Quant au plateau vocal, il fut de belle tenue. Notamment le couple central : après avoir maintes fois chanté Tolomeo, Christophe Dumaux effectue là de remarquables débuts en Giulio Cesare : théâtralement, il en magnifie les diverses facettes, et vocalement, il en maîtrise toute la tessiture, pourtant assez grave. D’emblée, il surgit comme un des meilleurs titulaires de ce rôle. Les éloges que nous lui adressions dans le récent Akhmatova, à l’Opéra-Bastille, sont ici renouvelés et montrent tout le talent de ce jeune chanteur. À ses côtés, Sonya Yoncheva, dont la carrière internationale impressionne, n’usurpe pas le soutien que Placidó Domingo lui apporte : elle allie un timbre dense et assez sombre mais d’une séduisante douceur. Grâce à elle, Cleopatra existe dans toute sa complexité et est autant une femme amoureuse (presque malgré elle) qu’une souveraine qui, par tout moyen, tente d’enrayer le déclin de son empire. Elle offre là une de ces compositions scéniques et vocales qu’il est difficile d’oublier. Soyons rassurés : Giulio Cesare vit encore ! « 

Opéra Magazine – juillet/août 2011

« L’Atelier Lyrique de Tourcoing sait ne pas pouvoir rivaliser avec les « grandes » scènes en termes de moyens mais, une fois encore, il nous démontre qu’avec peu, on peut faire beaucoup. Il s’agit donc d’une production minimaliste, non seulement pour des raisons de coût, mais aussi de mobilité, puisqu’elle a été donnée à Reims, à Brest et à Versailles, dans les jours précédant les représentations tourquennoises. Pas de réel décor, mais une scène ouverte sur les côtés avec des chaises, une toile où l’on peut projeter quelques images et jouer sur les lumières et, au milieu du plateau, deux grands triangles de parquet, l’un pointant vers le fond de scène, l’autre vers la salle, formant ainsi une sorte de losange coupé en deux. Ce dispositif simple se révèle particulièrement efficace pour créer de nombreux espaces dramaturgiques, à l’intérieur desquels semble même se dégager une hiérarchie qui sied parfaitement au genre de l’opera seria. Avec l’appui des éclairages de Rémi El Mahmoud, Christian Schiaretti utilise souvent très bien les zones de jeu dont il s’est doté. Souvent, mais pas toujours. D’une part, on ne peut s’empêcher de penser qu’il y avait plus encore à en tirer, notamment dans l’évolution des rapports entre Cesare et Cleopatra, mais aussi dans l’utilisation de l’espace séparant les demi triangles. D’autre part, les chanteurs sont un peu trop souvent plantés là pour chanter leurs airs. Au crédit encore du metteur en scène, il faut noter que les Égyptiens ne sont pas tournés en ridicule, du début à la fin, comme c’est si souvent le cas. À noter, également, les très beaux costumes d’inspiration XVIIIe.La baguette de Jean-Claude Malgoire cisèle un Haendel élégant, mais pour qu’un Giulio Cesare soit vraiment réussi, il faut aussi des chanteurs. Nous attendions avec gourmandise les débuts de Christophe Dumaux dans le rôle-titre, lui qui est déjà le meilleur Tolomeo de ces dernières années. Registres contrastés mais unis, chant incisif et constamment expressif, aisance dans la vocalise comme dans l’élégie, trilles … voici, peut-être, le Cesare le mieux chantant que nous ayons jamais entendu. Ajoutez à cela une aisance scénique telle qu’on le croirait né sur les planches, et ce qu’il nous offre se résume en deux mots : admirable et exemplaire ! Malhyeureusement, le reste de la distribution est très loin d’atteindre un tel niveau. Aigreur du timbre, notes glissées … on connaît les défauts de Dominique Visse (Tolomeo), mais on retrouve toujours avec plaisir son abattage et son sens de l’effet. Achilla, Nireno et Curio sont correctement campés, mais que de lourdeurs et d’absence de nuances chez les autres ! Sonya Yoncheva, aigus forte et manque de souplesse, ne laisse jamais penser qu’elle a la voix pour Cleopatra. La Cornelia d’Alessandra Visentin est plus raide encore, avec un chant engorgé à souhait. Quant à Lina Markeby, dans le rôle travesti de Sesto, on est vraiment sceptique devant cette respiration haute, cette voix fragmentée dont l’émission, souvent tendue, semble nécessiter des prouesses de contorsions. Un spectacle très bien conçu, que l’on aurait envie de revoir affiné et, surtout, mieux distribué. »

Kassel – Staatstheater – 12, 16, 19, 27, 30 mars 2011 – dir. Alexander Hannemann – mise en scène Dominique Mentha – décors Werner Hutterli – costumes Anna Ardelius – avec Inna Kalinina (Giulio Cesare), Jürgen Appel (Curio), Stefanie Schaefer (Cornelia), Maren Engelhardt (Sesto), Nina Bernsteiner (Cleopatra), Igor Durlovski (Tolomeo), Geani Brad (Achilla), János Ocsovai (Nireno) – nouvelle production

 

Ferrare – Teatro Communale – 11, 13 mars 2011 – Ravenne – 18, 20 mars 2011 Modène – Teatro Communale – 8, 10 avril 2011 – Accademia Bizantina – dir. Ottavio Dantone – mise en scène Alessio Pizzech – décors Michele Ricciarini – costumes Cristina Aceti – lumières Marco Cazzola – avec Sonia Prina (Giulio Cesare), Eleonora Buratto (Cleopatra), Riccardo Novaro (Achilla), Josè Maria Lo Monaco (Cornelia), Filippo Mineccia (Tolomeo), Paolo Lopez (Sesto), Floriano D’Auria (Nireno), Andrea Mastroni (Curio) – nouvelle coproduction avec Teatro Comunale Alighieri di Ravenna; Fondazione Teatro Comunale Pavarotti di Modena; Händel Festspiele Halle; Teatr Wielki Poznan; Musiksfests Bremen

Palais Garnier – 17, 20, 23, 27, 29 janvier, 1er, 4, 7, 10, 12, 14, 17 février 2011 – Orchestre du Concert d’Astrée et Choeur de l’Opéra national de Paris – dir. Emmanuelle Haïm – mise en scène et costumes Laurent Pelly – décors Chantal Thomas – lumières Joël Adam – dramaturgie Agathe Mélinand – chef du Choeur Patrick Marie Aubert – avec Lawrence Zazzo (Giulio Cesare), Varduhi Abrahamyan (Cornelia), Isabel Leonard (Sesto), Natalie Dessay (17, 20, 23, 27, 29 janvier, 1er, 4, 7 février) / Jane Archibald (10, 12, 14, 17 février) (Cleopatra), Christophe Dumaux (Tolomeo), Nathan Berg (Achilla), Dominique Visse (Nireno), Aimery Lefèvre (Curio)

RTL.info

« De l’Egypte ancienne à nos jours, des ambiances graves aux plus légères, la nouvelle production de l’opéra de Haendel « Guilio Cesare », présentée à l’Opéra national de Paris avec pour vedette la soprano Natalie Dessay, navigue sur un étrange mélange des genres.Emmanuelle Haïm assure la direction musicale de l’oeuvre à la tête de son orchestre baroque du concert d’Astrée, accompagné des choeurs de l’Opéra de Paris, dans une mise en scène de Laurent Pelly….Pour décor, la remise d’un musée où s’entassent des bustes sur des étagères métalliques et où s’activent des travailleurs en costumes de toutes les époques de l’Antiquité à nos jours. Pendant les trois actes de l’opéra, ils ne cesseront d’aller et venir transportant des colonnes, des caisses, des tableaux de différentes époques, ou de gigantesques statues.« Le tragique, l’émotion viennent surtout de la musique, du rythme aussi, mais la partie comique n’est pas négligeable », affirme le metteur en scène qui « évoque le traitement à l’eau de rose de la grande Histoire » dans cet opéra. « La plupart des ouvrages que j’ai montés se maintenaient sur le fil entre le léger et le grave, la mélancolie et l’humour », assure-t-il.D’emblée, le ton est donné quand les bustes installés sur les étagères du musée se mettent à chanter comme s’ils étaient des choeurs, alors qu’une tête monumentale, celle de Pompée, est apportée à César. Une autre gigantesque statue couchée, tel un Toutankhamon, est traînée sur la scène et c’est sur elle que Cléopâtre, interprétée par une Natalie Dessay aux cheveux très courts, vêtue d’une robe en voile blanc transparent, va évoluer un temps, alliant prouesses vocales et acrobaties.Puis, sur un diable destiné à transporter les marchandises, elle est amenée devant César, interprété par le contre-ténor américain Lawrence Zazzo, les rôles principaux masculins étant traditionnellement joués par des castrats dans ce type d’opéra. Femme légère et aguicheuse, Cléopâtre danse, presque nue, devant les ouvriers du musée et prend des poses langoureuses sur une caisse où se lit l’inscription « fragile ».La mise en scène a fait grincer des dents une partie du public. Mais Cléopâtre a ému par la profondeur de son chant et suscité de nombreux applaudissements. »

Le JDD.fr

« Trois heures et demie de musique plus deux entractes, soit un spectacle, commencé à 19 h et terminé à 23 h 25. A l’issue d‘une telle performance, Natalie Dessay qui chantait pour la première fois le rôle de Cléopâtre, ne montrant aucune fatigue, se mit à danser dans sa longue tunique transparente de vamp d’où jaillissaient un, voire deux (faux) seins. Aguicheuse, langoureuse, elle s’est bien amusée notre diva nationale, nous aussi. Courant sur la barbe d’une gigantesque statue de pharaon allongé, elle s’assit en guise de trône sur un amoncellement de caisses de bois marquées « fragile ». Le metteur en scène Laurent Pelly a situé l’opéra de Haendel (1685-1759) non pas sur les rives ensoleillées du Nil mais dans les sombres réserves d’un musée imaginaire, vraisemblablement celui du Caire. Dans ce lieu un peu terne, des travailleurs impavides transbahutent des statues, des colonnes et d’autres antiquités. Les gags se multiplient: au premier acte les voix des chœurs sortent de bustes en faux marbre, aux bouches déformées et aux visages animées par le chant. Tandis que brillent dans ces fameux airs da capo –répétés plusieurs fois– les héros de l’Histoire, on voit défiler, portées par des restaurateurs ou des magasiniers, des peintures qui se rapportent à Cléopâtre et à Jules César, dont un temple de l’Amour d’Hubert Robert et un irrésistible tableau du très pompier Alexandre Cabanel. Tout cela distrait mais ne diminue jamais l’intérêt du chant et de la musique. A la tête de sa formation, le Concert d’Astrée, la chef Emmanuelle Haïm joue joliment mais sans envol et sans humour une partition qu’elle allonge à plaisir tant visiblement elle l’aime. On aurait souhaité plus de punch. Natalie Dessay vocalise avec délices et même si sa voix n’a pas le charnu espéré, elle met tant de sensualité dans son jeu qu’elle est irrésistible. Le contre-ténor Lawrence Zazzo possède son interprétation de César depuis longtemps. Formidable, le Ptolémée de Christophe Dumaux est ambigu à merveille. Dans un petit rôle, celui de Nireno, le haute-contre Dominique Visse semble sortir d’un Astérix. Voix splendide et pleine, celle de l’Arménienne Varrduhi Abrahamyan en Cornélie (épouse de Pompée). Mais la révélation de la soirée est Sextus, fils de Cornélie et de Pompée, qui cherche à venger son père assassiné par Ptolémée. Il est chanté par la mezzo américaine Isabel Leonard travestie : un nom à retenir dans cette belle production d’un opéra baroque qui est l’un des plus célèbres. »

Forum Opéra – 27 janvier 2011 – Le grand défi d’Archibald

« Cette nouvelle production de l’Opéra de Paris pour Giulio Cesare, très attendue, succède à celle, certes pas toujours parfaite, mais plutôt efficace et même ludique de Nicholas Hytner, datant de 1987, qui fut d’ailleurs reprise deux fois sous l’ère Gall, en 1997 et en 2002, cette dernière avec Marc Minkowski à la tête des Musiciens du Louvre. De surcroît, Laurent Pelly a construit sa mise en scène autour de la personnalité très médiatisée de Natalie Dessay, la « soprano préférée des Français » qui chante pour la première fois sur scène le rôle de Cléopâtre.Malgré le succès rencontré avec ses précédentes mises en scène, il est vrai dans un registre parfois plus léger : Platée, La Belle Hélène, La Grande Duchesse de Gerolstein, l’Elixir d’Amour, il faut bien reconnaître que le résultat est cette fois décevant. Le « système Pelly » ne fonctionne pas avec cet opéra complexe et contrasté – un des plus grands de Haendel – qui, comme tous les chefs-d’œuvre, résiste à un traitement trop réducteur. L’idée de situer l’action dans un musée n’est pas nouvelle, Robert Carsen s’y était risqué avec plus ou moins de bonheur pour « Armide » de Lully au TCE. Certes, les personnages historiques et les œuvres d’art nous interpellent, certes ils nous renvoient comme un miroir à notre identité contemporaine, face aux gloires du passé. Pelly ne va cependant pas jusqu’au bout de son propos, il s’essoufle dans la surcharge et la répétition, et finit par se prendre les pieds dans le tapis. Et Dieu sait s’il y en a, des tapis, dans ce bric-à-brac muséal teinté d’orientalisme, y compris celui dans lequel Cléopâtre est « livrée » à César à la fin. Chez Mankiewicz, c’était au début, mais qu’importe. Très vite, tout cela se délite, s’enlise pour finir par lasser et engendrer un certain ennui.Côté fosse, on retrouve un peu le même problème et il est clair que les langueurs crépusculaires d’Orlando, il y a peu au TCE, conviennent mieux aux qualités de chambriste et d’orfèvre d’Emmanuelle Haïm que ce bouillonnant « théâtre des passions » qu’est Giulio Cesare. Sa direction trop égale confine souvent à la monotonie, même si les sons qu’elle tire de l’orchestre sont plutôt charmeurs, voire capiteux. Elle réussit mieux dans l’élégie, mais manque de punch dans les pages plus dramatiques de la partition. Il est clair que la conception de Minkowski en 2002 était autrement plus vivante, dynamique, et théâtrale.Pris dans un tel étau, les interprètes ont quelque peine à faire exister leur personnage. Incontestablement, c’est Isabel Leonard – Sesto – et Varduhi Abrahamyan – Cornelia – qui, ce soir-là, tirent leur épingle du jeu. L’une, Leonard, pour sa voix fraîche, vibrante de mezzo clair, son enthousiasme juvénile, presque adolescent et la pureté de son style. L’autre, Abrahamyan, remarquée au TCE dans Rinaldo où elle avait brillamment remplacé Sonia Prina souffrante, pour son timbre sombre d’authentique contralto, son phrasé irréprochable et la noblesse de son incarnation. Leur magnifique duo « Son nata per lacrimar », à la fin de l’acte I, fut un des rares moments d’émotion de cette longue soirée.Le Giulio Cesare de Lawrence Zazzo, sans démériter, est assez falôt et plutôt éloigné du conquérant que l’on attend. Son chant est impeccable, mais sans grand relief. Il est vrai que ce rôle, prévu pour un castrat, en l’occurrence à la création, le grand Senesino, Haendel préférait l’attribuer, quand il n’avait pas de castrat sous la main, à un contralto féminin, selon lui plus adéquat qu’un contre-ténor, qu’il utilisait plutôt pour le répertoire d’oratorio. Christophe Dumaux, qui possède une voix plus claire, livre cependant une interprétation de Tolomeo un peu terne, bien loin de l’ambiguïté perverse et maléfique qu’y mettait Behjun Mehta dans ce même théâtre il y a quelques années. Même Dominique Visse, inénarrable et incontournable en Nireno, qu’il a beaucoup chanté, paraît amorti. Aimery Lefèvre tient dignement le rôle de Curio, mais Nathan Berg, qui affiche une méforme notoire en Achilla est contraint de parler ses dernières phrases au lieu de les chanter.Venons au cas de Cleopatra, chantée ce soir – Natalie Dessay ayant déclaré forfait pour deux dates – par Jane Archibald, prévue pour lui succéder à partir du 10 février, et dont c’était la première représentation « complète » (elle avait dû terminer celle du 23, Dessay étant déjà malade ce jour-là.) Certes, pour elle, le challenge est majeur, toute la production de Pelly étant conçue pour et autour de Dessay et il est périlleux pour cette jeune chanteuse de se glisser dans un costume – très, très, très léger – prévu pour une autre. Incontestablement, Archibald est une musicienne accomplie, à la technique vocale irréprochable. Oui, mais voilà, bien que très en précise, la voix est petite, le timbre agréable, mais assez impersonnel, et si elle fait son miel des airs de virtuosité, elle peine à convaincre et à émouvoir dans le redoutable « Se pieta di me non senti, et même dans « Piangero »…On peut d’ailleurs s’interroger sur le choix d’un soprano léger pour ce rôle, ce qui vaut également pour Natalie Dessay. Rappelons au passage que Sutherland et Caballé l’avaient à leur répertoire et qu’à Garnier, Valerie Masterson, Felicity Lott, Maria Bayo et Danielle de Niese s’y sont illustrées. Beverly Sills, elle aussi le chanta, et avec brio, mais c’est plutôt l’exception qui confirme la règle. D’ailleurs il convient de souligner, dans cette version dirigée par Emmanuelle Haïm, les cadences et ornementations quasiment stratosphériques qu’on entend dans certains airs, en particulier dans « Da tempesta », qui évoquent plutôt une esthétique très « dix-neuvième siècle », façon «air des clochettes de Lakmé » que la fin du dix-huitième siècle. Sutherland et Sills réunies n’auraient pas osé, même en leur temps, sous peine d’être taxées de coquetterie excessive. »

ConcertoNet – 17 janvier 2011 – Des réserves pour Jules César

On attendait beaucoup de la première production baroque commandée par Nicolas Joël : ce Jules César n’est guère une réussite, ni musicalement ni scéniquement.Laurent Pelly est victime de lui-même. De son goût pour la mise à distance ironique : dans les réserves du Musée du Caire – et du Louvre – les personnages ressuscitent à travers sculptures antiques ou tableaux pompiers, manipulés par des magasiniers très affairés, sinon perpétuellement agités qui, à la fin, éteignent les lumières et rentrent chez eux. Mais cette histoire d’amour et de lutte pour le pouvoir sur fond d’invasion étrangère et de guerre civile, dont l’actualité de ne se dément nullement aujourd’hui, ne gagne rien à osciller perpétuellement entre deux registres. Cela tue la tragédie, avec une Cléopâtre moins fine politique et grande amoureuse que soubrette, cocotte ou pensionnaire délurée travaillée par Eros : l’opéra flirterait presque, ici, avec le music-hall. On se croirait parfois chez Astérix, alors que l’intrigue se suffit à elle-même – Jules César n’est pas Le Roi malgré lui, où le metteur en scène avait joué beaucoup plus subtilement sur la mise en abyme. Le tragique n’est pourtant pas évacué, il est même parfois assumé, comme si l’on assistait à deux spectacles indépendants, entre lesquels le lien ne se fait pas. Laurent Pelly est pris cette fois au piège de sa vieille complicité avec Natalie Dessay pour qui le spectacle semble conçu et à laquelle il demande finalement la même chose que dans le répertoire comique. La sensualité de l’Egyptienne en fait les frais, malgré ce sein découvert dont on a tant parlé. Sentir que les autres n’ont pas bénéficié du même traitement accroît le malaise à la vue de ce Jules César plutôt fait pour Favart ou Mogador, hétérogène et éclaté. On se lasse surtout très vite : l’apparition de Cléopâtre, au deuxième acte, à travers un tableau crée une atmosphère très artificielle de fête galante libertine, le portrait bien connu de Haendel par Hudson y pèse bien lourd, comme ensuite l’espèce de souk où pendent des tapis, à la fois prison pour Cornélie et maison close pour Ptolémée auquel on fait quelques gâteries. Bref, on n’y croit pas, parce que Jules César n’est pas une pièce de musée et n’a nul besoin de ravalement. C’est d’autant plus dommage que la mise en scène, signée de quelqu’un qui entend la musique, avait le mérite de contourner la difficulté de l’aria da capo et de ses reprises. Les musiciens de l’Opéra n’avaient pas voulu d’Emmanuelle Haïm pour Idoménée. La voici avec son ensemble, dans une situation plus confortable – on se demande d’ailleurs comment un orchestre symphonique peut comprendre ses gestes. Un Concert d’Astrée homogène, composé de solistes remarquables – même le cor naturel résiste à « Va tacito e nascosto » – et parfaitement préparés, qui sonne cependant assez monochrome alors que la partition de Haendel est une des plus colorées qui soit. Et dont le chef, surtout, manifeste un sens du théâtre limité, accompagnant – fort bien – les chanteurs plutôt que de porter le drame et de lui donner le souffle de la vie. Une complicité lie aussi Emmanuelle Haïm à Natalie Dessay, notamment pour un disque Haendel intitulé… « Cléopâtre », dont la sortie, très médiatiquement orchestrée – le voir et l’entendre partout finit d’ailleurs par lui nuire – accompagne les représentations de Garnier. La troisième s’avère fatale à la soprano française, rappelant les mauvais souvenirs de sa Somnambule à Bastille : on l’annonce d’abord malade, avant qu’elle soit remplacée, au troisième acte, par Jane Archibald, qui n’attendra donc pas les dernières pour être Cléopâtre. De fait, le timbre semblait durci, voire aigri, et l’on sentait la voix à la peine. Quoi qu’il en soit, nous avons toujours douté de la vocation belcantiste de Natalie Dessay, de sa capacité à varier les couleurs notamment – question d’école sans doute, elle chante décidément italien comme elle chante français. Et elle n’est pas naturellement Cléopâtre, dont la tessiture, quels que soient les ornements que l’on peut rajouter dans l’aigu, reste plus longue et plus centrale qu’il y paraît, jusqu’à faire le bonheur de certaines mezzos ; rien à faire : le médium, s’il s’est étoffé, n’a pas encore trouvé son assise. Du coup, Jane Archibald n’a rien à envier à sa consoeur : une Zerbinette pourtant, elle aussi, mais dont le médium tient bien… comme le contre-mi, qui chante un superbe « Piangerò la sorte mia », avant un vertigineux « Da tempeste il legno infranto ». Souffrante également Isabel Leonard, doublée en Sextus par une Marina Comparato chantant à l’avant-scène devant un pupitre, ce qui est assez gênant – mais la mezzo, familière de ce répertoire, impressionne par sa maîtrise du rôle et l’émotion qu’elle dégage. A tel fils telle mère : beau timbre au service d’un style exemplaire, Varduhi Abrahamyan incarne avec une dignité toute tragique la douleur de Cornélie. Reste maintenant – passons sur le malcanto de Nathan Berg en Achillas, auquel nous préférons le Curion d’Aimery Lefèvre, pourtant réduit à la portion congrue – à discuter de l’opportunité de confier à des contre-ténors les rôles de castrat contralto, à commencer par celui du héros. Il appelle en effet une vaillance que n’a pas Lawrence Zazzo, dont le médium, souvent à la limite de l’audible, ne résiste que lorsque la voix se trouve à découvert ou presque : si « Empio, dirò tu sei » l’éprouve terriblement, malgré une aisance certaine dans les vocalises, « Aure, deh, per pietà » révèle une maîtrise du souffle, un legato authentiquement belcantistes. Mais ce César tendrement amoureux n’atteint pas à l’héroïsme du conquérant romain. Christophe Dumaux, lui, se tire plutôt bien d’affaire : un peu coincée dans le nez, la voix ne s’en projette pas moins aisément et montre de l’agilité, à défaut de rendre toute la fourberie venimeuse du pharaon – dont la production fait surtout un obsédé. Impayable Nirenus de Dominique Visse, un habitué du rôle, vinaigré de timbre mais impeccablement chanté. »

Lalibre.be – Emmanuelle Haïm et Laurent Pelly signent un très décevant “Giulio Cesare in Egitto”. Débuts mitigés pour la soprano Natalie Dessay en Cléopâtre, qui n’est pas à la hauteur de sa réputation.

« On disait que les personnages de l’opéra étaient des statues qui prennent vie, la nuit, aujourd’hui, dans les réserves du musée du Caire. Et que les ouvriers du musée ne les voyaient jamais. » Au sortir du nouveau « Giulio Cesare in Egitto » que propose l’Opéra de Paris, on a l’impression que la conception dramaturgique de Laurent Pelly se résume à cette idée, nullement novatrice au demeurant. Dans ce spectacle, pourtant un des plus attendus de la saison lyrique, on cherchera en vain quelque travail psychologique sur les personnages : à l’éventuelle exception de Cornelia, tous sont peu ou prou ridiculisés, transformés en archétypes sortis d’ »Astérix et Cléopâtre » et privés de toute épaisseur. César est un hercule plus velléitaire qu’impressionnant, Ptolémée une caricature de méchant de BD et Cléopâtre une midinette dépourvue de toute dignité royale et qui frise plus d’une fois la vulgarité. Zizi Jeanmaire menant une revue plutôt que la reine d’Egypte.Certes – et David Mc Vicar l’a prouvé de brillante façon dans sa mise en scène de Glyndebourne, immortalisée au DVD – on peut rire ça et là dans le célèbre opéra de Haendel, mais de là à faire de cet opera seria une comédie truffée de gags, il y a plus qu’un pas. Or la mise en scène se réduit ici aux rencontres successives entre les protagonistes, les ouvriers et la quasi-totalité des accessoires, statues, colonnes, vitrines et tableaux en tous genres qu’on peut trouver dans les réserves du musée. Une agitation scénique permanente qui tente désespérément de cacher un manque d’idées, dans des décors sans valeur autre qu’anecdotique, mis en lumière sans charme ni originalité.On aimerait pouvoir dire que la musique console de cette débâcle théâtrale. Faut-il incriminer le dispositif scénique, si vaste que les voix n’ont derrière elle rien qui puisse les renvoyer vers la salle, un orchestre trop fourni (ou placé trop haut dans la fosse ?) ou un diapason trop bas ? Toujours est-il que tous les chanteurs semblent, à un moment ou à un autre, à la peine pour passer la fosse et se projeter vers la salle. Lawrence Zazzo, contreténor stylé et capable d’ornementations raffinées, a parfois du mal à dominer le rôle-titre. Son collègue Christophe Dumaux (Ptolémée) est brillant, mais un peu mécanique. Sans être exceptionnelles, les deux mezzos (Varduhi Abrahamyan en Cornelia, Isabel Léonard en Sesto) sont celles qui s’en tirent le mieux, tandis que Nathan Berg (Achille pathétique) et Dominique Visse (Nireno usé) sombrent corps et biens.On espérait beaucoup – trop, sans doute – de la première Cléopâtre de Natalie Dessay (son nouveau CD, paru chez Virgin, reprend d’ailleurs tous les airs du rôle), et on est déçu. Débuts trop tardifs ? Manque de couleurs, attaques parfois imprécises, intonation pas toujours irréprochable : même si la virtuosité reste là, l’extraordinaire chanteuse n’est pas à la hauteur de sa réputation. Et l’extraordinaire comédienne se contente de faire des pitreries, de faire du Dessay, et cela ne fait plus rire. Dommage car, quand elle cesse de bouger dans tous les sens – « Se pieta di me non senti » ou le fameux « Piangero » – l’émotion peut naître.Emmanuelle Haïm porte sa part de responsabilité dans le naufrage. Certes, son Concert d’Astrée sonne superbement, mais les tempi sont trop réguliers, trop linéaires – et parfois même trop rapides, comme dans le duo « Son nata a lagrimar » – pour émouvoir. Le sens musical ne suffit pas à créer le sens théâtral. »

ResMusica – Haendel remisé dans les caves !

« Avec le ticket gagnant « Pelly-Dessay », nombreux étaient les spectateurs à miser leurs attentes sur une affiche pour le moins prometteuse. Et pourtant, c’est bien de ces deux stars du monde lyrique qu’est venue la relative déception occasionnée par cette nouvelle production de Giulio Cesare, un des opéras les plus accomplis de Haendel. Si le concept scénique retenu par Laurent Pelly aurait peut-être été original il y a une dizaine d’années, il donne aujourd’hui l’impression de déjà vu et devient vite lassant passé l’amusement des premiers instants. L’action se situe dans les caves d’un musée, sans doute celui du Caire, où sont amoncelés de toute part des bustes à l’antique, des statues de marbre ou de granite, et autres vases ou potiches rescapés de diverses fouilles archéologiques. Giulio Cesare et Curio s’échappent de leurs vitrines, Cléopâtre apparaît juchée sur le gigantesque Ramsès de Memphis, et les personnages sont régulièrement entreposés sur des diables manipulés par les magasiniers du musée. Tout ce petit monde – conservateurs, restaurateurs, autres machinistes – cohabite avec les personnages du drame. S’agit-il de montrer que ces derniers ne sont que les marionnettes d’un genre lyrique devenu lui-même poussiéreux, tout juste bon à hanter les caves d’un musée ? Nul ne le saura… Au deuxième acte, c’est dans un défilé de toiles de maître qu’évoluent les personnages du drame : Cléopâtre apparaît à l’intérieur d’un tableau baroque au cours de la scène du Parnasse, Nireno exhibe le portrait de Haendel par Thomas Hudson au moment où Giulio entonne « Se in fiorito ameno prato », etc. À quelques rares moments affleure le parallèle qui permettrait d’identifier le personnel du musée avec les armées romaines et égyptiennes. Tout cela est bien peu pour meubler trois heures et demie de musique ! En sacrifiant la puissance du drame haendélien, essentiellement suscitée par la dimension musicale, à l’anecdotique, au luxe gratuit des reproductions archéologiques (fort belles au demeurant) et à tout ce qui fait aujourd’hui « tendance », Pelly ne fait que souligner les réelles difficultés qu’il y a à faire sortir l’opera seria du poids de ses conventions. D’autres metteurs en scène ont su pourtant véritablement animer la succession d’airs qui constitue la partition, et dégager la véritable théâtralité d’une œuvre dont les clés dramatiques ne sont pas, il est vrai, faciles à trouver. Sur le plan vocal et musical, heureusement, la soirée offrait davantage de satisfactions. Lawrence Zazzo, dans le redoutable rôle de Giulio Cesare, s’affirme aujourd’hui comme un des contreténors les plus accomplis de sa génération, autant à l’aise dans la vocalise débridée que dans le chant legato et spianato : on aura rarement entendu un aussi beau « Aure ». En début de soirée, pourtant, la relative faiblesse de son registre grave – une constante pour les contreténors qui abordent les parties toujours très graves du castrat alto Senesino – le force à recourir aux notes de poitrine de façon un peu intempestive. Très à l’aise en Tolomeo, aussi bien vocalement que scéniquement, Christophe Dumaux confirme qu’il est sous-employé par les scènes lyriques françaises actuelles, et Dominique Visse, avec le brin de voix qui lui reste, livre son habituel numéro comique en Nireno. Dans les rôles plus tragiques, Varduhi Abrahamyan déploie son superbe contralto pour les larmes de Cornelia, et Isabel Leonard offre elle aussi une magnifique prestation dans le rôle toujours aussi gratifiant, musicalement et scéniquement, de Sesto. Nathan Berg est lui aussi parfait en Achilla, même si le concept scénique lui fait accentuer peut-être exagérément la dimension comique de son personnage. Aimery Lefèvre, qui n’a pas grand-chose à faire, se montre un fort compétent Curio. Reste le cas Natalie Dessay. La vocalité de la star française n’a jamais vraiment convenu à la phrase haendélienne, et la tessiture centrale de Cleopatra, qui convient idéalement à une voix de mezzo léger (Bartoli, Kozena, autrefois Tatiana Troyanos), ne met pas en valeur un instrument dont le médium a toujours été désespérément pauvre en harmoniques. Si Dessay réussit, grâce à son jeu habile et toujours aussi fluide, à rendre vifs et pétillants les airs légers de la première moitié de l’ouvrage – « Non disperar », « Tutto può », « Venere bella » –, si elle parvient également, à force d’intelligence et d’imagination musicales, à émouvoir dans « Se pietà » et « Piangerò », elle évite de justesse le désastre avec « Da tempeste », le morceau où on l’attendait le plus. Déstabilisée par une inquiétante panne vocale, terrassée par un trou de mémoire, elle massacre la première partie de l’air, mais parvient miraculeusement à se ressaisir et à finir dignement la soirée. Au pupitre, Emmanuelle Haïm fait enfin ses débuts à l’Opéra de Paris. Sa direction énergique et animée lui a valu les acclamations du public, même si l’on pouvait déplorer un certain manque d’imagination dans le choix des tempi et dans la construction d’une atmosphère théâtrale. En somme, en dépit de l’agitation perpétuelle déployée sur scène, c’est bien le manque de théâtralité qui aura marqué une soirée décevante à plus d’un titre. Peut-être la captation vidéo prévue saura-t-elle apporter, avec la multiplicité des plans, un peu de variété à un spectacle qui, vu de la salle, semblait quelque peu tourner en rond. »

Webthea – Cléopâtre au musée du Caire

« Emmanuelle Haïm et son Concert d’Astrée, pour la première fois dans la fosse de la grande maison parisienne – surélevée comme il convient pour un ensemble baroque –, en font déferler les arabesques en douceurs pétillantes, Laurent Pelly, metteur en scène, y apporte sa dose de fantaisie décalée et la diva Natalie Dessay, superstar des paradis lyriques, appose sa signature, sa voix, sa présence, au haut d’une affiche dont les places se sont arrachées jusqu’au dernier strapontin du dernier rang de balcon.Entré au répertoire de l’Opéra de Paris en 1987, le cinquième opus lyrique de Haendel avait conservé la mise en scène souriante de l’Anglais Nicholas Hytner de reprise en reprise jusqu’en 2002. Puis avait quitté la scène parisienne, tandis qu’ailleurs elle fleurissait sous des signatures variées Un Giulio Cesare hollywoodien de Peter Sellars fut découvert à Nanterre, il y a une quinzaine d’années, à Nancy, Yannis Kokkos en faisait une sorte de roman photo d’égyptologie, au Théâtre des Champs Elysées, Irina Brook adoptait un style vacillant entre Bécassine et les Pieds Nickelés, à Amsterdam puis à Bruxelles le couple Karl-Ernst et Ursel Hermann en tirait un spectacle de pure féerie (voir webthea des 30 octobre 2006, 5 mars 2007, 29 janvier 2008). De réussites en ratages ou dérapages, la sublime musique de Haendel, le livret subtil de Nicola Francesco Haym déjouaient toutes les ruses, tous les partis pris.Pour Laurent Pelly, metteur en scène voltigeur de quelques jolis triomphes (Platée de Rameau, Ariane à Naxos, à l’Opéra de Paris, La belle Hélène et quelques autres Offenbach au Châtelet, le pari était difficile. Que faire de plus ? Comment faire autrement ? L’idée lui vint d’un musée où les personnages, peints ou statufiés, prendraient vie dans les réserves et remettraient en chair, en os, en passions et batailles les péripéties de l’Empereur de Rome tombé raide amoureux de la reine d’Egypte, dont le nez, comme on sait, aurait pu changer la face du monde. Ce musée ressemble comme un jumeau à celui du Caire, son bric-à-brac amplifié dans ses coulisses et ses réserves où s’entassent bustes de pierres, statues de marbres, tableaux, tapis, vitrines, caisses de bois brut et plateaux roulants que manipulent – en musique – une équipe d’employés-choristes-figurants qui s’agite en salopettes ou caftan, calottes ou tobis vissés sur le crâne… Le décor de Chantal Thomas, volontairement en surcharge, manque d’espaces où respirer librement. Le grand Jules en costume couleur de pierre grise y est doublé d’une sculpture sur pied, l’irrésistible Cléopâtre arrive alanguie sur sa propre effigie, la tête du pauvre Pompée assassiné s’est raidie dans le marbre et se laisse traîner en laisse…C’est enlevé en ironie avec une sorte de sourire en coin – les bustes chantant du premier acte sont désopilants -, c’est parfois brouillon ou éclairé à contre sens, un spot braqué sur une chaise vide tandis le personnage – Sesto par exemple – chante dans l’ombre. D’un acte à l’autre, les ambiances alternent les styles, les costumes – toges à l’antique, crinolines romantiques, des tableaux défilent, paysages à la Caspar Friedrich, portrait de Haendel par Thomas Hudson ou imageries de Cléopâtre par John William Waterhouse, Cabanel ou autre Bridgeman…Homme de théâtre, Pelly est avant tout excellent directeur d’acteur. Avec les lui, les chanteurs deviennent comédiens et visiblement ils s’en régalent. Sa connivence avec Natalie Dessay date de 1997 quand il la dirigea dans Orphée aux Enfers à Lyon et Genève. Depuis, leur compagnonnage se renouvela une demi-douzaine de fois à travers Richard Strauss, Claude Debussy, Donizetti, Verdi et même Michel Legrand… Leur plaisir de travailler ensemble fait tache d’huile sur l’ensemble de la distribution. La cohésion, la bonne humeur, sont palpables, au chant s’ajoute une jubilation des corps qui se joue notamment des pièges des arias da capo. Reprises et répétées dans des poses et chorégraphies ludiques, elles constituent une mosaïque d’intentions, tantôt loufoques, tantôt dramatiques en accord avec la musique et les rebondissements du livret.A mains nues, Emmanuelle Haïm fait danser les violes, théorbes, clavecin, luths, harpes et hautbois de son Concert d’Astrée en raffinements respectueux, presque trop sages. Haendel pétille comme un Crémant auquel il manque le petit grain d’un Champagne grand cru, les bulles swinguées d’un René Jacobs quand il dirige le Freiburger Barockorchester. Les voix sont magnifiques : Lawrence Zazzo qui connaît son César comme son double pour l’avoir chanté sur bien des scènes du monde démarre un peu en roue libre puis peu à peu retrouve les aigus et les velours de son timbre de contre-ténor, la Cornelia de la mezzo arménienne Varduhi Abrahamyan allie à merveille le pathétique de son personnage à la sensualité de sa voix, Christophe Dumaux/Tolomeo a pris bien de l’assurance depuis son Giasone de Cavalli au Vlaamse Opera d’Anvers (voir webthea du 28 mai 2010) et retrouve le mordant de sa tessiture révélé dans cet autre Haendel, Jephta de l’Opéra National du Rhin (webthea du 31 mars 2009). Le Sesto ado rebelle, piaffant et joliment en voix d’Isabel Leonard constitue une jolie révélation. Pareil à lui-même, toujours fou-fou, fofolle, Dominique Visse fait son inusable numéro en Nireno… Enfin celle qu’on attend : « la » Dessay, coquine, féline, les nichons à l’air, elle se glisse en Cléopâtre à la façon d’une gamine en crise, entre naïveté et provocation, toujours aussi nature et délurée, roucoulant ses coloratures et poussant ses contre fa, sans effort apparent, aussi naturelle que quand elle se brosse les dents… Le jeu est intact, la présence mutine mais sa magie d’autrefois a pris de la patine. On ne ressent plus le choc, on se contente de subir le charme. »

L’Humanité – Quoi de neuf entre César et Cléopâtre ?

« Nous n’en sommes pas encore aux amours de Marc-Antoine et de la reine d’Égypte, qui ne seraient peut-être pas grand-chose sans Liz Taylor et Burton dans le film de Mankiewicz, mais tout juste au début des aventures de Cléopâtre, soit donc sa rencontre avec Jules César, sa prise du pouvoir et l’élimination de son frère Ptolémée, lequel a voulu lui-même écarter sa sœurette et liquider son Jules. L’opéra de Haendel, composé en 1724, nous conte donc l’affaire par le menu, chacun des personnages défilant à son tour pour tenir sa partie, ce qui donne donc pendant trois bonnes heures une suite rare de récitatifs, applaudis comme il se doit et particulièrement quand il s’agit d’une star comme Natalie Dessay, en séductrice, dont les voiles ne font que dévoiler les charmes.Les autres premiers rôles ne sont pas en reste, quand bien même le goût de l’époque allait aux voix de castrats, laissant aux seconds rôles des registres vocaux plus vulgaires, traduits ici en voix de contre-ténors pour César (Giulio Cesare – Lawrence Zazzo) et Ptolémée (Toléméo – Christophe Dumaux). On aura remarqué sinon Isabel Leonard dans les personnages de Sesto (fils de Pompée que Ptolémée a fait assassiner), juste et authentique, sans effets inutiles, et de Cornelia (veuve de Pompée), pour son timbre. Le tout avec à la direction d’orchestre Emmanuelle Haïm assurée, rompue au baroque avec son Concert d’Astrée.On pourrait en rester là, ce qui est une option, mais qui implique de ne pas répondre à une seule question. Que nous disent aujourd’hui les amours de César et de Cléopâtre?? À cela, semble-t-il, avec tout son savoir-faire, Laurent Pelly a choisi de ne pas répondre. L’idée de faire évoluer les personnages dans les réserves d’antiquités d’un grand musée, qui pourrait être le Louvre, est d’emblée séduisante mais n’a pas convaincu. Elle tourne court et parfois trop vite, jusqu’à détourner l’attention à certains moments des personnages. Or le problème est là.S’il y a un sens dans cet opéra, il ne peut être que dans ce qui a été écrit par Haendel et par son librettiste, et c’est ce à quoi il faut donner une véritable chair. Des astuces de jeu, flirtant parfois avec la BD, n’y suffisent pas. Que faire, alors?? Peut-être tenter de retrouver la vérité de Haendel en son temps et ce que disaient, aux spectateurs du XVIIIe?siècle, les amours des princes, leur soif de pouvoir, leurs conspirations et leurs artifices. Il ne s’agit en rien d’en tenir, d’une façon figée, pour la tradition mais de chercher l’authenticité dramatique dans les problèmes du temps, de même qu’il faut, pour comprendre qu’il se passe quelque chose dans un tableau de Poussin ou de David, approcher ce qu’ils ont dit en leur temps et avec les moyens de son temps. Ce ne semble, sinon, que de la peinture d’histoire, même si on en rafraîchit les couleurs. De ce point de vue, les quelques scènes où Laurent Pelly, pratiquant le mélange des siècles, fait apparaître des personnages en costumes du XVIIIe?siècle semblent les plus vraies et, partant, les plus modernes, ce qui semble la direction la plus pertinente. »

Classica – mars 2011 – César ou Astérix

« Laurent Pelly a sans doute sous-estimé Jules César : l’empereur de Haendel avait pourtant déjà défait de nombreux metteurs en scène, certains fort respectés. Réunir ses troupes dans la réserve du Musée égyptien du Caire témoigne d’une stratégie astucieuse, mais il faut ensuite la tenir. Or, à confondre idées et gags (Natalie Dessay n’est pas toujours crédible en Cléopâtre), l’inventif Laurent Pelly finit par détourner le drame vers la comédie. Si son métier lui perrmet de conserver la maîtrise de l’espace, il ne peut pas toujours assurer la gestion du temps. Cette demi-réussite oblige à se demander si l’opera seria et ses conventions ont leur place dans le (trop) grand Palais Garnier. Et pourquoi continuer à préférer des contre-ténors aux épaules trop frêles (Lawrence Zazzo bien fatigué dans le rôle-titre) à des mezzo-sopranos qui porteraient mieux l’armure et le casque? Ce sont d’ailleurs les dames qui retiennent l’ attention, telles Varduhi Abrahaamyan en Cornelia éplorée mais digne, Isabel Leonard en Sesto belliqueux et impatient, et Emmanuelle Haïm en vaillante meneuse d’orchestre. Mais cela ne suffit pas à appporter les lauriers espérés. »

Dresde – Semperoper – 23, 25, 28, 31 octobre 2010 – dir. Alessandro de Marchi – mise en scène Jens-Daniel Herzog – décors, costumes Mathis Neidhardt – lumières Stefan Bolliger – chorégraphie Ramses Sigl – chef de choeur Christof Bauer – dramaturgie Stefan Ulrich – avec Anke Vondung (Giulio Cesare), Tomislav Lucic (Curio), Sofi Lorentzen (Cornelia), Stephanie Atanasov (Sesto Pompeo), Laura Aikin (Cleopatra), Christophe Dumaux (Tolomeo), Christoph Pohl (Achilla), Christopher Field (Nireno)

Opéra de Baugé – Maine et Loire – Opéra champêtre dans le Pays de la Loire – 30 juillet, 2, 4 août 2010 – dir. John K. Andrew – mise en scène Bernadette Grimmett – avec Susan Jiwey (Cleopatra), Claudio Girard (Tolomeo), Monika-Evelin Liiv (Cornelia)

 

La Plata – Teatro Argentino – Argentine – 25, 29 juillet, 1er août 2010 – dir. Facundo Agudín – mise en scène Gustavo Tambascio – décors Daniel Bianco – costumes Graciela Galán – avec Evelyn Ramírez / Vanesa Mautner (Giulio Cesare), Fabrice di Falco / Damián Ramírez (Tolomeo), Paula Almerares / Marisú Pavon (Cleopatra), Cecilia Diaz / Mónica Sardi (Cornelia), Adriana Mastrángelo / Gabriela Cipriani Zec (Sesto), Sebastián Sorarrain / Mariano Fernández Bustinza (Achilla), Damián Ramírez / Joaquín Sofredini (Nireno), Mariano Fernández Bustinza / Ricardo Crampt (Curio)

Melbourne – Melbourne Recital Centre – Elisabeth Murdoch Hall – 20, 22, 24, 26, 28, 30 juillet 2010 – dir. Richard Gill – mise en scène Steven Heathcote – décors Stephen Curtis – costumes Alexis George – avec Jessica Aszodi (Sesto Pompeo), Tobias Cole (Tolomeo), Tania Ferris (Cornelia), Steven Gallop (Achilla), David Hansen (Giulio Cesare), Anthony Mackey (Curio), Dimity Shepherd (Nireno), Tiffany Speight (Cleopatra)

Duisbourg – Theater der Stadt – 20, 26 juin 2010 – Düsseldorfer Symphoniker – dir. Rainer Mühlbach – mise en scène Philipp Himmelmann – costumes Gesine Völlm – avec Günes Gürle (Cesare), Marta Marquez (Cornelia), Theresa Kronthaler (Sextus), Sylvia Hamvasi (Cleopatra), Gunther Schmid (Ptolemäus), Laimonas Pautienius (Achillas), Daniel Djambazian (Nireno)

Salle Pleyel – 9, 12 février 2010 – version de concert – Les Arts Florissants – dir. William Christie – avec Cecilia Bartoli (Cleopatra), Andreas Scholl (Giulio Cesare), Nathalie Stutzmann (Cornelia), Philippe Jaroussky (Sesto), Christophe Dumaux (Tolomeo), Rachid Ben Abdeslam (Nireno), Umberto Chiummo (Achilla), Andreas Wolf (Curio)

Forum Opera – Bartoli méritante

« Une soirée majuscule. Ne serait-ce que par la durée : près de 5 heures, entracte compris. Pourtant, à la fin du concert, largement passé minuit, le public refuse de partir pour laisser éclater sa joie. Une soirée majuscule aussi par l’affiche qui, dans Giulio Cesare, réunit Salle Pleyel une poignée de nos étoiles actuelles : William Christie, Cecilia Bartoli, Philippe Jaroussky, Andreas Scholl, Nathalie Stutzmann, etc. Raison pour laquelle, à peine ouvertes à la vente, les deux dates annoncées (les 9 et 12 février) étaient déjà complètes. Il a fallu, pour faire face à la demande, en ajouter une troisième (le 14 février) dont les places se sont arrachées aussi vite. Une affiche prestigieuse donc mais aussi originale car essentiellement masculine quand le disque nous a habitué à des distributions plus féminines : Jennifer Larmore, Marijana Mijanovic dans le rôle de César ; Marianne, Rørholm, Anne-Sophie Von Otter dans le rôle de Sesto si l’on s’en tient aux deux versions de référence, René Jacobs (Harmonia Mundi 1991) et Marc Minkowski (Archiv 2001). Le sexe des chanteurs conforme à celui de leur personnage, voilà qui n’est pas très baroque et qui, surtout, modifie les rapports auxquels nous sommes habitué. C’est évident dès la première scène où Cornelia – Nathalie Stutzmann – se montre plus impériale, et impérieuse, que César lui-même : Andreas Scholl dont le tempérament vocal s’accommode mal d’héroïsme. Question d’affinité plutôt que de virtuosité. Le souffle reste long, la vocalise souple mais un timbre que le temps a feutré et une projection limitée achèvent de faire de cet empereur un contemplatif qui ne se réalise vraiment que dans le recueillement (« Alma del gran Pompeo ») ou dans la poésie (« Aure, deh, per pieta » avec, dans ce dernier air, quelques notes suspendues du meilleur effet). William Christie lui épargne d’ailleurs le redoutable « Quel torrente, che cade dal monte», seule coupure relevée dans une version quasi intégrale au point d’inclure l’air de Nireno « Chi perde un momento ». Rachid Ben Abdeslam y laisse entrevoir un talent affûté. Ce parti-pris de tessiture donne aussi un autre relief au rôle de Tolomeo qui, de fait, n’est plus le seul contre-ténor – ou presque – de l’histoire. Moins différent, moins inquiétant, moins pervers. D’autant que le timbre de Christophe Dumaux ne présente pas cette étrangeté qui fait du frère de Cléopâtre un personnage malsain en plus d’être malfaisant. Au contraire, la voix est franche, l’émission naturelle. La présence du chanteur parachève un portrait qui, dans ces conditions, présente autant de noblesse que celui de César. Même changement d’équilibre entre Cornelia et Sesto dont le rapport mère-fils perd de sa tendresse vocale avec un duo moins céleste que lorsque deux voix de femme l’interprètent. Nathalie Stutzmann, grande figure tragique dans son arioso « deh piangete », s’y montre moins sonore que Philippe Jaroussky. Difficile, à vrai dire, de rivaliser ce soir avec le contre-ténor français dont le chant, varié dans les reprises, magnifié par un legato infini, envoûte autant qu’il transporte, provoquant parmi les spectateurs des débordements d’enthousiasme, malgré la demande faite de ne pas applaudir durant le spectacle afin de ne pas en allonger la durée. L’autre triomphatrice de la soirée, c’est évidemment Cecilia Bartoli qui trouve en Cléopâtre matière à faire scintiller toutes les facettes de son art. Une fois reconnue l’intelligence de la caractérisation, frappe la maîtrise absolue de la syntaxe belcantiste : l’imagination dans les variations et la science de l’ornementation qui donne son sens à chaque note. Dans la première partie, le « Non disperar » avec ses « Chi sa » impertinents prend une dimension qu’on ne lui soupçonnait pas. L’interprétation culmine dans un « se pietà di me non senti » à fleur de lèvres, qui submerge d’émotion la salle mais aussi la cantatrice, en larmes à la fin de l’aria. Est-ce l’ordre du Mérite remis par l’écrivain Dominique Fernandez durant l’entracte ? La deuxième partie laisse un sentiment plus mitigé comme si Cecilia Bartoli avait oublié Cléopâtre pour redevenir La Bartoli. Défaut particulièrement flagrant dans l’agitato de « Piangero la sorte mia » et plus encore dans « Da tempeste il legno infanto » où l’écriture plus centrale et les difficultés accumulées poussent la cantatrice dans ses retranchements, à la limite de l’autocaricature. A chacun son Haendel. Qu’il nous soit permis de le préférer latin quand la direction de William Christie le drape d’une majesté toute britannique. De la grandeur mais aussi de la froideur dans une partition où une orchestration inventive donne plusieurs fois aux instruments solistes l’occasion de briller. Dommage que le cor dans « Va tacito e nascosto », comme le premier violon dans « Se in fiorito ameno prato » ne sachent pas la saisir. »

Opéra Magazine – mars 2010 – 9 février 2010

« Imagine-t-on un opéra de Haendel autrement que comme une fête vocale ? Même si le livret de Giulio Cesare, concocté par Nicola Francesco Haym, est dramatiquement d’une solidité à toute épreuve, et si sa perspicacité psychologique ne faiblit jamais, ce sont les chanteurs que l’on attend. Leurs rôles exigent une technique irréprochable et une justesse expressive infaillible, surtout lorsque l’ouvrage est donné en concert, l’absence de mise en scène focalisant encore davantage l’attention sur les interprètes, qui deviennent eux-même objet de spectacle. Mais imagine-t-on un Giulio Cesare sans Cesare ? La classe, l’allure d’Andreas Scholl, la séduction de son médium et de son aigu, ne cachent pas l’inexistence de ses notes graves ; l’acoustique de la Salle Pleyel ne favorisant pas les voix, il peine à se faire entendre dans un rôle dont la tessiture est trop basse pour lui (comme pour beaucoup de contre-ténors). Sombre et prenant, le timbre de Nathalic Stutzmann confère à Cornelia noblesse et dignité ; mais la projection yocale est irrégulière, et le registre inféricur sonne très mat. On ne peut dire que du bien d’Andreas Wolf, jeune baryton plein d’assurance, d’Umberto Chiummo, solide et stylé, et de Rachid Ben Abdeslam, dont l’humour fait mouche. Christophe Dumaux a désormais gagné ses galons de vedette ; de Tolomeo, qu’il a chanté à Chicago, à Vienne, à Glyndebourne avant de s’attaquer, l’an prochain, à Cesare, il traduit ayec esprit les humeurs changeantes, l’instabilité, les instincts criminels. Qu’il s’effondre sur le sol après sa mort … et le fou rire menace ses partenaires ! Place aux étoiles du jour, Philippe Jaroussky et Cecilia Bartoli. De Sesto, le premier possède l’ardeur juvénile, la fraîcheur d’âme; comme toujours, la vélocité, la musicalité sont irréprochables, et la variété des couuleurs est exquise. Ses airs, délivrés avec une facilité déconcertante, sont autant de moments de bonheur. Et que dire de Bartoli ! Fantastique bête de scène, elle met le public dans sa poche en quelques secondes. De la jeune reine d’Égypte, elle n’ignore rien, la rouerie, la légèreté, le charme envoûtant ; vocalises vertigineuses, legato parfait, nuances enchanteresses, jusqu’à des pianissimi impalpables, rien ne l’arrête, sans oublier ces mots italiens auxquels le naturel de sa diction confère rondeur et chaleur. On attend le fameux «Piangero la sorte mia» du troisième acte, ses contrastes, son émotion : il est tel qu’on l’espérait, instant de grâce dans une soirée qui, en dépit de sa longueur (plus de quatre heures et demie), paraît trop courte. À l’entracte, Dominique Fernandez remet à cette amoureuse de la France (sa culture et, précise-t-elle, sa cuisine !) la médaille d’officier de l’Ordre national du Mérite, qu’elle accepte ayec sa spontanéité coutumière. William Christie est au pupitre de ses Arts Florissants, joyeux trentenaires en pleine forme. À quelques bribes près, il donne l’ouvrage sans coupures, et le dirige ayec une verve, un entrain, un sens de la progression du discours, qui font que le théâtre n’est jamais très loin. Royalement fêté, Haendel ne peut que se réjouir. »

Diapason – avril 2010 – Sans regret

« Tout était prévu, séances photos comprises, pour que le Giulio Cesare donné en (trois) concert(s) salle Pleyel soit publié cet automne par Decca, avec Bartoli et Scholl en couverture. Disque d’or assuré, avec Christie à la baguette et surtout Jaroussky en Sextus, mais projet annulé après la générale, décision clairvoyante si l’on en juge par la soirée du vendredi. La première demi-heure laissait tous les espoirs : Ouverture flamboyante, Cornelia trop virile mais noble et tragique (et demie) de Stutzmann, Jaroussky en grande voix, Scholl plus retenu mais fort d’une autorité subtile … qui part en fumée dès que la diva croise son chemin. Un astre si puissant laisse forcément dans l’ombre cet art supérieur de la demi-teinte. Quelle idée, quand on y pense – idée de la diva. Et quel danger supplémentaire pour le César de Scholl, de se mesurer à ce Sextus formidablement juvénile et fier. Mais la déception véritable, car imprévisible, vient de Bartoli elle-même, moins épanouie et libre qu’hier à Zurich, avec Minkowski. Christie l’oriente vers un personnage plus sensuel, insinuant, léger, bref, sur les pas de sa Cléopâtre de Glyndebourne, Danielle de Niese. En admirable pro, l’Italienne joue un jeu qui la déstabilise dans les deux premiers airs, et finalement la porte au triomphe dans «Da tempeste». Entre-temps, un «Se Pietà» poignant mais loin des verrtiges de 2005, et un «Piangerà» commplaisant dans son extase … et tout de même fascinant. On ne s’ennuie pas en telle compaagnie, mais quatre heures et demie durant, on suit la ribambelle des airs sans être porté par l’urgence humaine du théâtre. Défaut inhérent à une version de concert ? Minkowski, dirigeant la même œuvre à Poissy avec un plateau de rêve, a prouvé que non. Christie lui oppose une élégance, parfois une ironie savoureuse, mais s’essouffle dès le milieu du 1 puis s’économise par intermittence, ou distrait l’attention avec quelques pincées de poudre aux yeux à défaut de la soutenir (doublures agrestes de pipeau, reprise indéfendable du «Se pietà» au violon solo). On regrette le disque pour un seul moment : le terrible duo Cornelia-Sextus, dans lequel Stutzmann et Jaroussky portent à la fois toute la douleur du monde et toute sa tendresse. »

Theater Dortmund – Opernhaus – 24, 31 janvier, 3, 19 février, 10, 18 mars, 15 avril, 22 mai, 11 juin 2010 – dir. Motonori Kobayashi – mise en scène Lukas Hemleb – décors Roland Aeschlimann – costumes Andrea Schmidt-Futterer – chef de choeur Granville Walker – avec Matthew Shaw (Cesare), Ji-Young Michel (Cornelia), Maria Hilmes / Vera Semieniuk (Sesto), Christina Rümann (Cleopatra), Alon Harari (Tolomeo), Brian Dore (Achilla), Marko Spehar (Curio) – nouvelle production

Dresde – Semperoper – 13, 16, 19, 23, 26, 28 décembre 2009, 2 janvier, 6, 13, 19, 20 mai 2010 – dir. Alessandro de Marchi – mise en scène Jens-Daniel Herzog – décors, costumes Mathis Neidhardt – lumières Stefan Bolliger – chef de choeur Christof Bauer – dramaturgie Stefan Ulrich – avec Anke Vondung / Hadar Halevi (Giulio Cesare), Michael Eder / Tomislav Lucic (Curio), Christa Mayer (Cornelia), Janja Vuletic / Antigone Papoulkas Sesto (Pompeo), Laura Aikin / Cornelia Götz (Cleopatra), Max Emanuel Cencic / David DQ Lee (Tolomeo), Christoph Pohl /Simon Schnorr (Achilla), Christopher Field (Nireno) – nouvelle production

Lodz – Teatr Wielki – Pologne – 12, 13 décembre 2009, 10 janvier 2010 – dir. Paul Esswood / Lilianna Stawiarz – mise en scène Artur Stefanowicz – décors Ewa Bloom-Kwiatkowska – lumières Wojciech Pus – chorégraphie Edyta Waslowska – chef de choeur Anna Domanska – avec Anna Werecka / Olga Maroszek (Giulio Cesare), Patrycja Kujawa / Anna Terlecka (Cleopatra), Malgorzata Domagala / Malgorzata Domagala (Cornelia), Kinga Borowska / Martyna Kasprzyk (Sesto), Bartek Rajpold / Grzegorz Hardej (Tolomeo), Pawel Erdman / Mateusz Cieslak (Achilla), Damian Ganclarski / Damian Ganclarski (Nireno), Bartosz Szulc / Andrzej Mankowski (Curio) – nouvelle production

 

Düsseldorf – Deutsche Oper am Rhein – 23, 27 octobre, 2 novembre 2009, 8, 13, 18, 22, 25, 29 avril 2010 – Düsseldorfer Symphoniker – dir. Rainer Mühlbach – mise en scène Philipp Himmelmann – costumes Gesine Völlm – avec Günes Gürle (Cesare), Marta Marquez (Cornelia), Theresa Kronthaler (Sesto), Sylvia Hamvasi (Cleopatra), Gunther Schmid (Tolomeo), Laimonas Pautienius (Achilla), Daniel Djambazian (Nireno)

 

Varsovie – Warszawska Opera Kameralna – 15, 17, 19, 21 octobre 2009 – Soloists Ensemble of the Warsaw Chamber Opera – Early Instruments Ensemble of the Warsaw Chamber Opera – Musicae Antiquae Collegium Varsoviense – dir. Wladyslaw Klosiewicz – mise en scène Marek Weiss – scénographie Marlena Skoneczko – avec Anna Radziejewska (Giulio Cesare), Slawomir Jurczak (Curio), Dorota Lachowicz (Cornelia), Jacek Laszczkowski (Sesto), Olga Pasiecznik (Cleopatra), Jan Monowid (Tolomeo), Jaroslaw Brek (Achilla), Karol Bartosinski (Nireno)

Théâtre de Kiel – 10, 17, 30 octobre, 15 novembre, 5, 27 décembre 2009, 10 février, 11 mars, 9 avril, 11 mai, 10 juin 2010 – dir. Rubén Dubrovsky – mise en scène Silvana Schröder – décors, costumes Andreas Auerbach – avec Antonio Giovannini / Flavio Ferri-Benedetti (Cesare), Eleni Voudouraki (Cornelia), Amira Elmadfa (Sesto), Heike Wittlieb / Sen Acar (Cleopatra), Tomohiro Takada (Tolomeo), Kyung-Sik Woo (Achilla) – nouvelle production

Beaune – Cour des Hospices – 11 juillet 2009 – en version de concert – Al Ayre Espanol – dir. Eduardo Lopez Banzo – avec Lawrence Zazzo (Giulio Cesare), Juliette Galstian (Cornelia), Maria Riccarda Wesseling (Sesto), Marita Solberg (Cleopatra), Antonio Giovannini (Tolomeo), Riccardo Novaro (Achilla)

 

Diapason – septembre 2009

« 13 juillet 1991 : miracle dans la basilique Notre-Dame de Beaune, (presque) pas une note ne manque au Giulio Cesare in Egitto de Handel que dirige René Jacobs dans l’élan de l’enregistreement réalisé à Cologne, référence toujours, égaalée peut-être, mais non surpassée. 11 juillet 2009 : même lieu, même œuvre, substantiellement racccourcie cependant, jusqu’à rompre le fil des péripéties en un dénouement parfaitement incongru. Mais Eduardo Lopez Banzo sait réinsuffler du drame à travers la vaste palette chromatique d’Al Ayre Espanol, tant au continuo, qu’il mène d’un clavecin fantasque, qu’à l’orchestre, qui respire large sur ses assises graves, même aux tempos les plus prestes – et ils le sont souvent. Surtout, Lawrence Zazzo, César ailleurs plus véloce, impose d’emblée un théâtre, tant par la pose, le regard, que par ce contre-ténor conquérant et conséquent, car authentiquement alto. Si le mezzo grand teint, un peu bon à tout faire de Juliette Galstian assèche Cornelia de larmes conveenues, le timbre courroucé de Maria Riccarda Wesseling projette idéalement l’obsession vindicative de Sesto. Et c’est avec une plénitude nouvellement conquise que Thomas Dolié forge le métal chauffé à blanc d’Achilla, alors que le falsetto fielleux d’Antonio Giovannini se contente de batifoler ostensiblement dans l’aigu. Vraie révélation enfin, la Cleopatra en velours de soie de Marita Solberg. Sans doute l’accent, où pointent les proomesses d’un tempérament, porte-t-il la marque d’une fraîcheur encore univoque. Pourtant les ressources vocales semblent infinies, matière charnue et ductile, lumineuse mais pertinemment ambrée, agilité grisante de facilité, de naturel cultivé. Vite d’autres Handel, des Mozart. .. tout ce qu’elle voudra! « 

Res Musica

« Ce concert enthousiasmant ne cherche pas à rivaliser avec la version très complète dirigée in loco par René Jacobs en 1991. Les coupes, assez larges, sont comme toujours discutables. Elles permettent ainsi l’économie de deux rôles : Curio et Nireno qui disparaissent. Certains da capo ont été coupés et bien des airs omis. C’est à ce prix que cette version a avancé sans répits et sans trop d’incohérences, dirigée de main de fer dans un gant de velours par un Eduardo Lopez Banzo survolté. Il est rare d’entendre un orchestre si puissamment décidé à porter l’action. Les tempi très allants en général ont permis dans les moments élégiaques de laisser l’émotion s’imposer. L’orchestre a apporté à la partition un feu latin à la chaleur communicative. La distribution, sans faille, a associé de grands habitués de cet opéra et des prises de rôles toutes réussies. On ne présente plus Lawrance Zazzo en Haendelien confirmé. Son César a été chroniqué sur scène à plusieurs reprises (Bruxelles et Paris), et ses interprétations haendeliennes au disque sont toutes réussies, en duo ou en intégrale. Pourtant à Beaune il n’a pas toujours tenu ses promesses en début de soirée avec des vocalises peu sures (trop molles ou même brutales), certains trilles non réalisés et la fabrication d’un son grave caverneux qui peut paraître trop artificiel. Il a retrouvé sa superbe par la suite. Reste la taille d’une voix confortable et une relation charmeuse avec le public, qui ainsi lui a tout pardonné… À ses cotés Marita Solberg a fait des débuts remarqués avec sa première Cléopâtre. La voix essentiellement lyrique est d’une grande beauté avec une quinte aigue resplendissante. Elle s’est pliée avec grâce aux exigences du rôle sachant orner les da capo avec aisance. C’est elle qui a été victime du plus grand nombre de coupes avec quatre airs en moins. Le maestro Lopez Banzo aurait pu lui faire d’avantage confiance car elle a tout pour incarner la superbe reine d’Egypte. Obligée de se réserver pour ces airs les plus sublimes elle termine l’opéra en tirant la lumière à elle. Après l’intense émotion de « Se pieta » et « Piangero », l’aria « Da tempeste » pris dans un tempo rapide a été tout à fait sidérant. Le timbre est crémeux, la sûreté de la technique subjugue, le vibrato est parfaitement maîtrisé, les attaques sont précises, les vocalises subtiles et les aigus victorieux. Les variations dans le bas médium signalent un registre grave timbré sans poitrinage excessif. Une voix à suivre qui a été heureusement distribuée dans Haendel. Cette première interprétation encore un peu appliquée ne demande qu’à évoluer sur scène pour devenir incarnation car la cantatrice norvégienne est ravissante. À côté de cette voix splendide Maria Riccarda Wesseling ne pâlit pas et son timbre fruité et son énergie font merveille dans les airs de Sesto. La technique est parfaite avec des trilles subtilement préparés et des vocalises souples et précises à la fois, avec une belle homogénéité sur toute la tessiture, et quels beaux aigus ! La sensualité de sa voix lui permettrait de chanter Cléopâtre. En fait la grande féminité de cette voix de mezzo, qu’elle avait subtilement déployée dans un CD Haendel chroniqué par notre confrère Jacques Schmitt, ne convient pas vraiment au rôle de Sesto. C’est le seul petit accroc dans la distribution. Mais l’énergie et l’abattage contribuent à le faire oublier. Autre sacrifié, Thomas Dolié n’a que quelques airs et récitatifs pour donner tout son poids au personnage d’Achillas. Le timbre est superbe, l’autorité naturelle de la voix et la maîtrise parfaite des vocalises lui permettent d’envisager d’autres personnages de Haendel. Ce jeune baryton aborde ce rôle avec beaucoup d’aplomb. Le timbre somptueux de Juliette Galstian, sa noblesse et son aisance lui permettent de s’emparer du rôle de Cornélia dont les plaintes et la grandeur romaine sont parfaitement rendues. La sensibilité douloureuse et aristocratique dans le duo avec Sesto a été magnifique. Pltolomée est un rôle délicat car il nécessite une précision dans les vocalises qui doivent démontrer la violence et la cruauté du personnage tout en restant fougueux et jeune. Le choix du contre-ténor Antonio Giovannini est excellent. La voix est projetée comme un dard sur toute la tessiture, condensée dans le masque et sans faiblesse. Le timbre n’est pas très riche en harmoniques mais comme concentré. Il rend parfaitement justice à ce rôle avec des vocalises précises comme des coups de poignard. Un nom à retenir. L’orchestre a été de bonne tenue avec une énergie que rien n’arrête. Le premier violon est sorti vainqueur de l’aria avec César qui n’est pas arrivé à répondre à ses superbes trilles. Hautbois, harpe et basson dans les arias obligés sont d’excellents partenaires, seul le cor solo a un peu déçu. Ce millésime du festival de Beaune en son deuxième week-end est excellent, dominé par un chef très énergique et une Cléopâtre dont il conviendra de suivre le parcours tant la voix de Marita Solberg est belle et ductile. »

Glyndebourne – 22, 26, 29, 31 mai, 4, 07, 10, 14, 19, 23, 26, 28 juin, 3 juillet 2009 – Glyndebourne Festival Opera – Orchestra of the Age of Enlightenment – dir. Laurence Cummings – mise en scène David McVicar – décors Robert Jones – costumes Brigitte Reiffenstuel – lumières Paule Constable – chorégraphie Andrew George – avec Sarah Connolly (Giulio Cesare), Patricia Bardon (Cornelia), Stéphanie d’Oustrac (Sesto), Danielle de Niese (Cleopatra), Christophe Dumaux (Tolomeo), Guido Loconsolo (Achilla), Rachid Ben Abdeslam (Nireno)

Duisbourg – Theater der Stadt – 9, 13, 18 avril, 12 juin 2009 – Duisburger Philharmoniker – dir. Andreas Stoehr – mise en scène Philipp Himmelmann – costumes Gesine Völlm – avec Günes Gürle (Cesare), Marta Marquez (Cornelia), Kristen Leich (Sextus), Alexandra von der Weth (Cleopatra), Heikki Kilpeläinen (Achillas), Gunther Schmid (Ptolemäus), Daniel Djambazian (Nireno)

 

Bloomington – Indiana University Opera – États Unis 27, 28 février, 6, 7 mars 2009 – dir. Gary Thor Wedow – mise en scène Stefano Vizioli – décors et cosstumes Robert O’Hearn

Schwerin – Mecklenburgisches Staatstheater – Allemagne – 31 janvier, 13, 27 février, 9 décembre 2009 – dir. Matthias Foremny / Martin Schelhaas – mise en scène Roland Velte – décors Michael Engel – costumes Dorothea Jaumann – chef de choeur Ulrich Barthel – avec Steve Wächter (Giulio Cesare), Frank Blees (Curio), Dshamilja Kaiser (Cornelia), Sarah van der Kemp (Sesto), Ulrike Maria Maier (Cleopatra), Roman Grübner (Tolomeo), Andreas Lettowsky (Achilla), Christian Hees (Nireno)

Bilbao – Abao – 17, 19, 21, 23 janvier 2009 – Al Ayre Español – dir. Eduardo López Banzo – mise en scène Yannis Kokkos – avec Lawrence Zazzo (Giulio Cesare), Patricia Ciofi (Cleopatra), María Riccarda Wesseling (Sesto Pompeo), Christianne Stotijn (Cornelia), Christophe Dumaux (Tolomeo), Marife Nogales (Nireno), Gezim Myshketa (Achilla), Alberto Arrabal (Curio)

Séville – Teatro de la Maestranza – 22, 24, 26, 28 novembre 2008 – version de concert – Orquesta Barroca de Sevilla – dir. Andreas Spering – mise en scène Herbert Wernicke et Bjorn Jensen – décors, costumes Herbert Wernicke – lumières Hermann Münzer – avec Lawrence Zazzo (Giulio Cesare), Pau Bordas (Curio), Marina Rodriguez-Cusí (Cornelia), Tuva Semmingsen (Sesto), Elena de la Merced (Cleopatra), David Hansen (Tolomeo), José Julián Frontal (Achilla), David Sagastume (Nireno) – production de Gran Teatre del Liceu de Barcelona – Theater Basel

 

Kansas City – Lyric Theatre – 8, 10, 12, 14, 16 novembre 2008 – dir. Ward Holmquist – décors Ming Cho Lee – costumes Mary Traylor – lumières Michael Baumgarten – avec David Walker (Giulio Cesare), Scott Conner (Curio), Gloria Parker (Cornelia), Christine Brandes (Cleopatra), Andrew Harris (Achilla), James Plante (Nireno), José Lemos (Tolomeo)

 

Opéra de Göteborg – 13, 17, 21, 25, 28 septembre, 1er, 4, 10, 19, 25 octobre 2008 – dir. Laurence Cummings – mise en scène David Radok – décors Ivan Theimer – costumes Ann-Mari Anttila – lumières Torkel Blomkvist — chorégraphie Håkan Mayer – avec William Towers (Giulio Cesare), Markus Schwartz (Curio), Charlotte Hellekant (Cornelia), Ann-Kristin Jones (Sesto), Ida Falk Winland (Cleopatra), Yaniv d’Or (Tolomeo), Åke Zetterström (Achilla), Marianne Schell (Nireno)

 

Glimmerglass – 6, 12, 14, 20 juillet, 1er, 5, 9, 17, 21, 23 août 2008 – dir. David Stern – mise en scène Robin Guarino – décors John Conklin – costumes Gabriel Berry – lumières Robert Wierzel – avec Laura Vlasak Nolen (Cesare), Lyubov Petrova (Cleopatra), Aurhelia Varak (Sesto), Gerald Thompson (Tolomeo), Lucia Cervoni (Cornelia), Jonathan Lasch (Achilla), Anthony Roth Costanzo (Nireno) – nouvelle production

Opéra Magazine – novembre 2008 – 9 août 2008

« Situé par Robin Guarino à l’époque coloniale, pendant l’entre-deux-guerres, Giulio Cesare est, sur le plan visuel, le spectacle le plus réjouissant de l’été à Cooperstown. Laura Vlasak Nolen campe un Cesare fanfaron, à la voix sûre et puissante (parfois trop) même <s’l lui faut encore apprendre à ne pas reprendre sa respiration de manière aussi audible dans les roulades, pour s’affirmer comme une authentique haendélienne.Malgré quelques stridences dans l’aigu à pleine voix, Lvubov Petrova chante somptueusement en Cleopatra, avec un timbre rayonnant et des embellissements aussi imaginatifs que pertinents. Physiquement, elle possède en plus le sex-appeal du personnage imaginé par le metteur en scène, mélange de Rhonda Fleming et Linda Darnell.Lucia Cervoni est également une belle Cornelia, Aurhelia Varak apportant à Sesto, en plus d’une vraie allure d’adolescent, une couleur de voix idéalement androgyne et un style très sûr. Gerald Thompson évoque curieusement Elena Souliotis quand il chante Tolomeo, l’autre contre-ténor Anthony Roth Costanzo, n’ayant que peu d’opportunités de faire valoir unu talent prometteur, en raison de l’absence de l’air de Nireno.David Stern a, de toute manière, largement coupé dans la partition : manquent, entre autres, trois airs de Cleopatra « Tutto pus donna vezzosa », « Tu la mia stella sei » et « Venere bella » , tout en essayant de respecter les da capo. L’orchestre joue bien mais, à certains moments (« Aure, deh, per pietà »), par exemple, on aurait souhaité des tempi moins nerveux. »

Salle Pleyel – 14 juin 2008 – Freiburger Barockorchester – dir René Jacobs – version de concert – avec Christophe Dumaux (Tolomeo), Malena Erman (Sesto), Nicolas Rivenq (Achilla), Kristina Hammarström (Cornelia), Sandrine Piau (Cleopatra), Lawrence Zazzo (Giulio Cesare)

 

Miami – Carnival Center – 26, 30 avril, 3, 6, 9, 11 mai 2008 – Fort Lauderdale – Broward Center – 15, 17 mai 2008 – mise en scène Mark Lamos – décors Paul Steinberg – costumes Constance Hoffman – chef de choeur Douglas Kinney Frost – avec Leah Partridge (Cleopatra), John Gaston (Giulio Cesare), Brian Asawa (Tolomeo), Katherine Calcamuggio (Sesto)

Opéra de Lausanne – Métropole – 18, 20, 23, 25 avril 2008 – Orchestre de Chambre de Lausanne – dir. Ottavio Dantone – mise en scène Emilio Sagi et Curro Carreres – décors et costumes Jesús Ruiz Moreno – lumières Eduardo Bravo – avec Andreas Scholl (Giulio Cesare), Elena de la Merced (Cleopatra), Stéphanie d’Oustrac (Cornelia), Max Emanuel Cencic (Sesto), Christophe Dumaux (Tolomeo), Riccardo Novaro (Achilla), Florin Cezar-Ouatu (Nireno)

Res Musica – Andreas Scholl, César en miel – 20 avril 2008

« Quelles voix ! Quelle voix d’abord ! Celle d’Andreas Scholl. Des couleurs de miel, des ocres clair-obscurs, une rondeur si confortable qu’on se dit qu’aucun effort n’est plus nécessaire à rien. Il berce, il enchante, il s’envole. Sa technique irréprochable lui autorise toutes les folies. Il monte, il monte, il monte comme si ses aigus ne devaient jamais s’éteindre. Ses vocalises sont d’une agilité stupéfiante et d’une intelligence musicale remarquable. Cette aisance, ce talent ont tout naturellement forgé la notoriété du contreténor allemand. Une notoriété amplement justifiée qui s’avère pourtant un handicap certain. Et parce qu’Andreas Scholl est une star, on ne peut lui offrir d’autres rôles que les premiers. A Lausanne, il est donc Jules César. Malheureusement, une voix si belle, si douce, si délicieusement ouatée n’est pas à l’image du conquérant romain qui vient d’envahir l’Egypte. Mais comme on accepterait de boire un cru exceptionnel dans de mauvais verres, on se prend au jeu vocal de ce trop bon César. L’entendre est si doux, si agréable qu’on oublie l’acteur emprunté, incapable d’extérioriser ses colères ou ses sentiments amoureux pour Cléopâtre. Quelle voix encore ! Celle de la radieuse Cléopâtre de la soprano Elena de la Merced. Même si son chant est plus lyrique que baroque, sa brillante vocalité, sans stridence, parfaitement conduite, habite son personnage avec ce qu’il faut de féminité pour jouer la mutine Lydie cachant sa personnalité royale de Cléopâtre avant de laisser s’épanouir la femme amoureuse avouant sa passion pour César. Deux timbres superbes dans une même femme. Quelle voix toujours ! Celle de la mezzo Charlotte Hellekant offrant la grâce vocale de Cornélie. Déjà interprète du rôle dans l’enregistrement de Mark Minkowski avec Les Musiciens du Louvre, son interprétation scénique de l’émouvante veuve de Pompée ajoute à la chaleur profonde de sa voix. Troublante, elle touche à l’essentiel lorsqu’elle demande justice devant l’assassinat de son mari. Elle bouleverse aux larmes dans le duo Je suis née pour pleurer qu’elle chante avec son fils Sextus avant leur séparation. Quelle voix aussi ! Celle du contreténor Max Emanuel Cencic, véritable phénomène vocal récemment découvert sur les scènes de nos théâtres. Il projette son énergie dans ses violences et ses désirs de venger sa mère et la mort de son père. Une énergie qui le porte à une interprétation où la fougue se mélange à l’excès. Mais qu’importe si parfois sa ferveur l’entraîne au-delà de ses limites techniques, il s’engage dans son personnage sans retenue. Quelle voix enfin ! Celle du Ptolémée de cet autre contreténor, Christophe Dumaux. Typée, pouvant passer de la douceur extrême à la fureur la plus totale, Christophe Dumaux module son instrument au fil du texte peignant son personnage aux couleurs de la traîtrise, de la vilenie et du meurtre. Méchant de la fable, marginal de la société, s’il possède le rôle le plus caractérisé du drame, le contreténor français en offre un aspect théâtral très convaincant. Avec la liberté qu’Emilio Sagi s’octroie en coupant trois scènes du dernier acte, privant ainsi le spectacle de sa raison d’être, à savoir la disparition de Ptolémée, sa mise en scène et sa direction d’acteurs restent le maillon faible de cette production. Seuls les protagonistes les plus habitués de la scène crédibilisent leurs personnages. Pour d’autres, le manque de travail théâtral de leurs personnages les dépeint sans enjeux. C’est ainsi que malgré leurs voix exceptionnelles, Jules César est souvent ridicule, Cléopâtre ondule comme une danseuse de night-club pour touristes et Sextus s’identifie plus à un malade hystérique qu’à un fils conscient de devoir venger son père. Pourtant, les décors et les éclairages sont remarquablement travaillés dans leur dessein de soigner les ambiances et les lieux alors que le décor ne change pas tout au long de l’opéra. De même les costumes, le noir des Romains contrastant avec la blancheur des costumes des Egyptiens, font l’objet d’un très beau travail de caractérisation. En particulier la vaporeuse robe de tulle blanc ceinte d’un large ceinturon de métal doré que porte Ptolémée soulignant à travers son dessin bisexué l’ambiguïté du personnage. Dommage qu’Emilio Sagi n’a pas su raconter l’intrigue en se servant du fil rouge de l’action, voire d’empoigner un parti pris scénique cohérent, pour présenter un spectacle parfait. Peut-être à cause de l’acoustique de la salle (ou de la place d’où votre serviteur suivait le spectacle), l’Orchestre de Chambre de Lausanne sous la direction d’Ottavio Dantone est apparu bien timide et souvent étouffé. Reste qu’avec une pareille performance vocale, presque tout est pardonnable. Le public ne s’y est pas trompé. Il a ovationné les chanteurs avec une ferveur rarement entendue à l’Opéra de Lausanne. »

Duisbourg – 20, 22 mars, 5, 12, 20, 22 avril, 4 mai 2008 – dir. Andreas Stoehr – mise en scène Philipp Himmelmann – décors, costumes Gesine Völlm – avec Günes Gürle (Cesare), Marta Marquez (Cornelia), Kristen Leich (Sesto), Alexandra von der Weth (Cleopatra), Heikki Kilpeläinen (Achillas) Gunther Schmid (Tolomeo)

Théâtre de Caen – 6, 8 mars 2008 – dir. François-Xavier Roth – Les Siècles – dir. François-Xavier Roth – mise en scène Yannis Kokkos, Stephan Grögler – décors, costumes Yannis Kokkos – lumières Patrice Trottier – chorégraphie Richild Springer – dramaturgie Anne Blancard – avec Delphine Galou (Jules César), Ingrid Perruche (Cléopâtre), Elodie Méchain (Cornélie), Stéphanie d’Oustrac (Sextus), Damien Guillon (Ptolémée), Riccardo Novaro (Achillas), Artur Stefanowicz (Nireno), Xavier Szymczak (Curio)

Karlsruhe – 22, 24, 26, 28 février 2008 – dir. Michael Hofstetter – mise en scène, décors, costumes Peer Boysen – chef de choeur Carl Robert Helg – avec Franco Fagioli (Cesare), Ewa Wolak (Cornelia), Tamara Gura (Sesto), Kirsten Blaise (Cleopatra), Martin Wölfel (Tolomeo), Armin Kolarczyk (Achilla), Barbara de Koy (Nireno / Curio) – nouvelle production

« En opposition totale avec les raretés programmées d’ordinaire, le Festival Haendel organisé par le Badisches Staatstheater de Karlsruhe n’a pu miser que sur l’originalité de l’équipe Peer Boysen/Michael Hofstetter pour créer l’événement dans un ouvrage aussi connu que Giulio Cesare. Mais ce chef-d’oeuvre impeccablement taillé aura paru, en définitive, moins bien supporter l’interventionnisme de ces grands imaginatifs que les ouvrages imparfaits qu’on leur avait livrés en pâture lors des éditions précédentes (dont un désopilant Giustino). Cette fois, une scénographie étonnante et une mise en place musicale pleine de surprises n’ont malheureusement pas fait oublier de nombreuses lacunes. On apprécie par exemple assez peu le charcutage des récitatifs, en vue de créer de toutes pièces un personnage de clown triste/commentateur/accessoiriste omniprésent, qui finit par paraître envahissant. De même, l’accumulation sur scène d’objets improbables, même s’ils sont souvent utilisés avec d’excellentes intuitions comiques, fatigue à force de répétitivité. Quant au dispositif unique partiellement tournant, il ne varie pas assez les ambiances d’un ouvrage très long (et encore plus long sous la direction subtile, mais terriblement flâneuse, de Michael Hofstetter). Enfin, même après quatre heures d’observation attentive, on ne comprend toujours pas pourquoi tous les personnages romains sont accoutrés en chasseurs tyroliens. Mais finalement, peu importe…Car, malgré l’exubérance amusante de la direction d’acteurs, ce sont bien ici les voix qui font la différence, le niveau de la soirée montant et descendant en fonction du magnétisme des solistes mis en vedette. Un palmarès où, indiscutablement, le fascinant Cesare de Franco Fagioli l’emporte, avec des moyens d’une aisance et d’une pertinence musicale époustouflantes. Ni les vocalises escarpées du rôle ni ses exigences d’ornementation ne lui posent le moindre problème : il n’y a plus qu’à se laisser griser et attendre avec gourmandise le da capo, principe qui, pour une fois, n’est jamais vécu comme fastidieux. La différence avec l’autre falsettiste de la distribution, Martin Wôlfel, qui flotte un peu dans le personnage de Tolomeo, est malheureusement patente.Autres voix remarquables la Cornelia d’Ewa Wolak, aux graves profonds toujours aussi émouvants, et le superbe Achilla du jeune Armin Kolarczyk. Dommage que Tamara Gura ait été souffrante : scéniquement crédible, son Sesto turbulent souffle d’une émission trop perceptiblement enrhumée. On apprécierait aussi chez la Cleopatra piquante de Kirsten Blaise un peu plus de rondeur dans l’aigu, l’émission restant légèrement pincée dans cette zone de la tessiture. Mais l’incarnation est convaincante, même quand le metteur en scène l’enveloppe occasionnellement d’un costume de Bibendum rose, aux rondeurs adipeuses certes hilarantes mais quand même difficiles à porter !Une soirée inégale, qui fait parfois étinceler la musique de Haendel avec une fraîcheur et un bonheur rarement vécus à ce point d’intensité. »

Amsterdam – Stadsschouwburg – 16, 17, 19, 20, 22, 23 février 2008 – Freiburger Barockorchester – dir. René Jacobs – mise en scène Ursel Herrmann, Karl-Ernst Herrmann – décors, costumes Karl-Ernst Herrmann – lumières Karl-Ernst Herrmann – dramaturgie Klaus Bertisch – avec (16, 19, 22 février) Lawrence Zazzo (Giulio Cesare), Lionel Lhote (Curio), Charlotte Hellekant (Cornelia), Monica Bacelli (Sesto), Rosemary Joshua (Cleopatra), David Hansen (Tolomeo), Luca Pisaroni (Achilla), Dominique Visse (Nireno) – (17, 20, 23 février) Marijana Mijanovic (Giulio Cesare), Lionel Lhote (Curio), Christianne Stotijn (Cornelia), Anna Bonitatibus (Sesto), Sandrine Piau (Cleopatra), Tania Kross (Tolomeo), Luca Pisaroni (Achilla), Dominique Visse (Nireno)

« Comme pour toutes leurs productions d’opéra, Ursel et Karl-Ernst travaillent en binome dans une optique organique, particulièrement exigeante car l’un apporte à l’autre, une vision critique et formule des propositions qui peuvent s’avérer décisives dans la démarche particulière sur le geste et l’attitude des corps, élément souvent fondamental et emlématique de leur démarche. Le mouvement corporel signifie autant que le chant. « L’attitude traduit toujours l’état d’esprit du personnage, elle doit être motivée. » La ligne et la silhouette des figures chantantes sont d’autant plus signifiantes qu’elles expriment sur un décor relativement discret. La recherche du sens concerne aussi la reprise des da capo: « Souvent, c’est très difficile, parce qu’ils sont issus des conventions de l’époque. Le metteur en scène d’aujourd’hui est tenu de les définir et de les interpréter. Ce n’est pas une tâche aisée, notamment parce que ce type d’aria est une forme dérivée de la rhétorique. Quelqu’un exprime ses idées ou sentiments, suivent alors des variantes, questions, variations et objections, pour en revenir finalement à confirmer ce qui était énoncé au départ. Mais mis en texte et en musique, cela n’apparaît plus aussi clairement.  » L’apport des Hermmann se réalise dans la perception des da capo dont il envisage un surcroît de sens et donc l’approfondissement de l’évolution psychologique des personnages: « Dans Giulio Cesare, il y a un seul cas où la partie B apporte quelque chose de tout à fait nouveau : c’est le largo de la première aria de Sesto, qui est très éloigné de la partie A, le da capo. Dans ses œuvres ultérieures, comme Semele, Haendel a nettement plus accentué les différences entre partie A et partie B. Là, il allait contre les conventions, tandis qu’ici, toutes les arias obéissent plus ou moins au même schéma formel. Il en va de même chez Mozart. Dans ses œuvres de jeunesse, lui aussi est resté fidèle aux conventions, dans Mitridate par exemple. » Contre l’héroïsme cynique souvent de mise dans notre perception actuelle du théâtre baroque, les Herrmann souligne combien dans Giulio Cesare, la courbe des climats psychologiques est justement contrastée: Haendel y dépeint en de confondants vertiges, le basculement fugace, la versatilité émotionnelles de tous ses héros: chacun, y compris Cesare, est capable de désespoir et d’angoisse fulgurante. Haendel ne reproduit plus des types vocaux et musicaux, mais brosse des portraits individuels, loin des caricatures dont on parle souvent à l’encontre du genre conventionnel de l’opera seria. » (Classique.news)

Opéra de Marseille – 1er, 3, 5, 7 février 2008 – dir. Kenneth Montgomery – mise en scène Yannis Kokkos – décors, costumes Yannis Kokkos – lumières Patrice Trottier – chorégraphie Richild Springer – avec Beth Clayton (Giulio Cesare), Jane Archibald (Cleopatra), Stéphanie d’Oustrac (Sesto), Marie-Ange Todorovitch (Cornelia), Christophe Dumaux (Tolomeo), Marc-Olivier Oetterli (Achilla), Lucie Roche (Nireno), Jean Teitgen (Curio) – coproduction avec Opéra National de Nancy ; Théâtre de Caen

Classique.news

« Disons-le d’emblée : mise en scène, costumes, scénographie de Yannis Kokkos sont d’un rare beauté, le décor, d’une exceptionnelle et efficace intelligence… Ceci dit pour une déontologie culturelle, on savoure en esthète la proposition de Kokkos : l’Antiquité égyptienne ramenée aux années 20 coloniales. Le vaste hall d’hôtel ou de palais l’Art Déco, décoré de monumentales frises égyptiennes et grecques archaïques dans des teintes, rousses, rousseâtres, pain d’épice, semble émaner de la décoration même de l’Opéra de Marseille, du cadre de scène en stuc beige veiné de marron et de son haut-relief ocre. Un immense lustre à lames plates translucide se hisse comme un salut au drapeau. Deux fauteuils club meublent le plateau. Deux escaliers latéraux rouges, dont la géométrie du profil des marches est soulignée de blanc et de lumière dans la nuit, changeant de place selon les scènes, seront tour à tour degrés et podium du triomphe, descente du spectacle magique offert à César, affrontés en pyramide anguleuse du défi, machines de guerre. Des panneaux mobiles coulissants, dessinent avec fluidité des espaces divers, publics ou intimes, avec des fonds bleus étoilés de tombeau égyptien, dans des lumières, du jour à l’ombre, d’un grand raffinement (Patrice Trottier). Élégante soldatesque avec quelques smokings, les Romains sont en costumes coloniaux, vareuse et casque blancs sur bottes et pantalons cavaliers noirs, sauf Jules César, tête couronnée de lauriers, qui arbore, en long manteau noir, la dignité de la pourpre symbolisée par une longue écharpe rouge à l’épaule. Une chorégraphie subtile (Rachild Springer) synthétise et stylise leurs déplacements d’automates militaires pliés aux défilés, aux gestes saccadés. La cour égyptienne a des signes d’Égypte ancienne, bras nus, coiffures, colliers, aux attitudes de profil, aux gestes calqués sur le graphisme schématique des bas-reliefs ; Cléopâtre est escortée de deux superbes figures sombres de dieux gardiens, Anubis, tête de chacal, et de Thot, tête d’ibis. De grands vases canopes, à oreilles pointues de chien, symbolisent avec humour le zoo de Ptolémée et, à la fin, la triomphante Cléopâtre, en robe lamée or et perruque, portera le pschent, la double couronne de pharaon.Le ramage est à la hauteur de l’image, ainsi que la direction d’acteurs : enfantin jeu de balle-boule du pouvoir entre Cléopâtre et son frère, mais enjeu mortel ; jeu de dupes, du chasseur et de la proie, gravissant ou descendant les marches entre César et Ptolémée. Tout semble couler de source, tel l’écoulement flottant de la cape bleue dont est drapé César sortant de l’onde sains et sauf. L’orchestre mené par Kenneth Montgomery réussit le prodige d’alléger l’effectif orchestral et de le plier à la souplesse et au phrasé baroques, sans solution de continuité entre aria et récitatif, coulés dans un grand naturel. Le continuo (Ivon Repérant, clavecin, Mauricio Buraglia, théorbe et Anne-Garance Fabre Garrus, viole de gambe, est vif, inventif et le corniste ironise et poétise son instrument dans l’air du chasseur et l’apothéose.Pour alléger le spectacle, on a coupé quelques da capo (de Cornélie, un de Sextus, un autre d’Achille) mais ces reprises, terreur des metteurs en scène, sont habilement jouées (César, sortant dans son air de l’oiseau, est ramené sur scène par le trille du violon-ailé et se reprend à jouer avec lui) et font sens par les variations et confirmant avec vigueur la passion exprimée par les chanteurs. Pour deux seuls « baroqueux » (d’Oustrac et Dumaux), six prises de rôles, des réussites. Si Jane Archibald, belle, aguicheuse, provocante, coquette, cocotante, brodant et enfilant en virtuose les vocalises voluptueuses comme des perles, émouvante dans ses lamentations, est une Cléopâtre royale, Marie-Ange Todorovitch, est impériale en Cornélie, noble phrasé, dignité de la ligne et de la douleur, elle rend plausible l’amour brouillon et immédiat, impatient, de ses trois amants. Blottie comme un enfant dans le fauteuil club, s’y dressant comme une juvénile statue de la vengeance, visage convulsé, regard halluciné, affûtant ses aigus comme des lames, émettant des graves brûlants comme une lave révoltée dans ses airs de fureur, Stéphanie d’Oustrac, frémissante, délirante, fait vivre Sesto avec une rare intensité tragique. Ptolémée hirsute, hystérique, insolite, destructuré et décadent, le contre-ténor Christophe Dumaux, hoquette, crache ses vocalises comme un aspic venimeux. En amoureux transi, Marc-Olivier Oetterli, donne à Achilla une expressive rudesse militaire dans sa déclaration amour à la veuve. Lucie Roche et Jean Teitgen, sans aucun air, réussissent à s’imposer dans les récitatifs. Avec une technique impressionnante, un timbre rond et sans faille dans une tessiture grave redoutable et des vocalises hallucinantes, dans le rôle titre, Beth Clayton est desservie par ce vaste opéra. Triomphe romain à Marseille pour César. »

Opéra Magazine – mars 2008

« Marseille n’étant pas vraiment réputée pour son attachement à l’opéra baroque, il y avait quelque audace à programmer Giulio Cesare. Audace tempérée par le fait que le chef-d’oeuvre de Haendel, regorgeant d’airs d’une virtuosité ébouriffante, de sentiments amoureux contrariés et d’actes héroïques en tout genre, cristallise une très large palette d’émotions propre à soutenir l’attention des spectateurs pendant un peu plus de trois heures.Créé l’an dernier à Nancy avec une distribution presque entièrement différente, le spectacle de Yannis Kokkos s’autorise une transposition coloniale bien pensée, sans pour autant faire preuve d’une originalité fracassante. Le grand hall d’un hypothétique hôtel de luxe aux lignes chics et épurées, un imposant lustre central tombant des cintres, deux fauteuils lumineux cernés par de grands escaliers lumineux amovibles, délimitent une fois pour toutes l’espace dévolu aux protagonistes. Dans son genre, et malgré d’indéniables atouts visuels, un rien frileuse. Surtout, aussi réussies soient certaines trouvailles scénographiques, relevées à l’époque par mon confrère Philippe Geinaud, la direction d’acteurs rencontre vite ses propres limites. Outre les mouvements stéréotypés des figurants, les solistes semblent trop souvent livrés à eux-mêmes au moment où ils auraient besoin d’un surcroît de crédibilité.Fort heureusement, la plupart font preuve d’un authentique charisme à défaut de toujours posséder les moyens requis. C’est notamment le cas de la mezzo américaine Beth Clayton, Cesare scéniquement pleine d’aplomb et au timbre attachant, mais privé de la puissance dans l’invective et de la vraie vélocité nécessaires pour convaincre pleinement.A ses côtés, la Cleopatra de la soprano canadienne Jane Archibald fait figure de torche vivante. Non que la voix soit immense ou volcanique, tant en faut, mais la précision fuselée des vocalises, la projection habile, l’abattage digne d’une meneuse de revue ainsi qu’une plastique avantageuse suffisent à emporter l’adhésion.Marie-AngeTodorovitch campe une Comelia aussi touchante qu’incorruptible face aux avances du Tolomeo sec et fébrile de Cliristophe Dumaux. Stéphanie d’Oustrac, en revanche, déconcerte avec un Sesto moins persuasif qu’on aurait pu l’espérer, surtout après sa prestation nancéienne de l’an dernier. Quelques vocalises précipitées, doublées de tiraillements dans le haut médium, trahissent une fatigue que l’on espère passagère. L’Achilla monolithique mais franc de Marc Olivier Oetterli n’apelle aucune remarque désobligeante.Les pupitres de l’Orchestre de l’Opéra de Marseille, peu rompus aux dynamiques de l’écriture haendélienne, se montrent d’une réelle docilité, ce qui ne les empêche pas de noyer les trois quarts de la partition dans des profondeurs abyssales. La battue indolente et dénuée de tout relief du chef britannique KennethMontgomery, est en grande partie responsable du sinistre. Mention très spéciale, néanmoins, pour la sûreté d’intonation du corniste dans le célèbre et périlleux « Va tacito ».

Bruxelles – Théâtre de la Monnaie – 20, 22, 23, 25, 26, 27, 29, 30, 31 janvier, 1er, 3, 5, 6, 7 février 2008 – Amsterdam – 16, 17, 19, 20, 22, 23 février 2008 – Freiburger Barockorchester – dir René Jacobs – mise en scène Karl-Ernst & Ursel Herrmann – décors, costumes et éclairages Karl-Ernst Herrmann – avec (20, 23, 26, 29, 31 janvier / 3, 6 février) Lawrence Zazzo, contre-ténor (Giulio Cesare), Danielle De Niese (Cleopatra), Tania Kross (Tolomeo), Christianne Stotijn (Cornelia), Anna Bonitatibus (Sesto), Luca Pisaroni (Achilla), Dominique Visse (Nireno), Lionel Lhote (Curio) – avec (22, 25, 27, 30 janvier / 1er, 5, 7 février) Marijana Mijanovic, mezzo-soprano (Giulio Cesare), Sandrine Piau (Cleopatra), Brian Asawa (Tolomeo), Charlotte Hellekant (Cornelia), Monica Bacelli (Sesto), Luca Pisaroni (Achilla), Dominique Visse (Nireno), Lionel Lhote (Curio)

Webthea

« Ce Giulio Cesare in Eggito – Jules César en Egypte qui ouvre l’année 2008 à La Monnaie de Bruxelles fait partie de ces spectacles rares qui tracent des ondes dans les mémoires et ne vieillissent pas. C’est l’opéra le plus joué du très prolifique Haendel qui en composa une quarantaine et l’on a pu ces dernières années le voir et le revoir dans toutes les formes et sous toutes les couleurs. L’américain Peter Sellars fut le premier, il y a près de vingt ans, à le remettre en selle dans un irrésistible rafraîchissement hollywoodien qui fit école. On ne compte plus depuis les transpositions tous azimuts via le cinéma ou la politique avec quelques réussites et pas mal de flops sur l’air de n’importe quoi. C’est ce qui différencie radicalement le point de vue du couple Karl-Ernst et Ursel Herrmann, metteurs en scène et décorateur de la version présentée à La Monnaie de Bruxelles. Présentée en 2001 à l’Opéra d’Amsterdam, revisitée sept ans plus tard pour La Monnaie, leur vision reste un délice de fantaisie poétique. Avec eux les rives du Nil sont métamorphosées en labyrinthes de roseaux frémissants qui escamotent les personnages ou les font surgir comme lapins d’un chapeau de magicien. Tout est blanc et noir avec ici ou là les taches rouges du sang versé. Les jeux du pouvoir et de la séduction s’y déroulent au trot ludique des vocalises. De l’humour et du rêve, un brin de dérision met en féerie cet opera seria qui commence et s’achève sur une décapitation. La mort omniprésente glisse dans les airs sa faux à la main, des chars volants et des drôles de chapeau, des parasols baladeurs et des batailles d’éventails, tout est mis en œuvre pour traverser les miroirs des songes … Dans le parti pris de stricte fidélité du maestro René Jacobs à la tête du Freiburger Barockorchester ces allègements ne sont pas superflus. La version originale du cinquième opus lyrique (1723-1724) de Haendel est respectée à la lettre, toutes les arias da capo (répétées à nouveau) y sont exécutées intégralement à l’exception de quelques discrètes coupures concédées dans les récitatifs. A l’arrivée plus de trois heures et trente minutes de marathon musical qui se laisse voir, revoir, entendre et réentendre sans une seconde d’ennui. Car les deux distributions à l’affiche méritent chacune le déplacement.Le rôle titre balance entre la tessiture du contre ténor américain Lawrence Zazzo et celle de la contralto serbe Marijana Mijanovic. Si le timbre de cette dernière a d’incontestables qualités de chaleur et de couleurs, elle manque cependant d’ampleur et de projection. Avec ses déhanchements de style rouleur de mécaniques elle incarne le travesti par excellence. Ce qui de toute évidence n’est pas le cas du haute contre, homme à part entière mais doté d’une voix aux aigus de soprano. Celle de Zazzo est toute force et tout velours, il chante avec esprit et joue avec grâce. La belle Cléopâtre a l’embarras du choix : même si la très sensuelle Danielle De Niese, sexy à mettre en péché mortel tous les adeptes de la chasteté, tient la vedette médiatique de la production, Sandrine Piau ne démérite en rien de sa rivale, ni par l’allure, ni par le chant. Toutes deux sont parfaites comédiennes et danseuses à l’occasion sachant faire parler leurs corps, toutes deux connaissent l’art des broderies vocales qui ornementent les arias haendéliennes. L’Américaine est plus pulpeuse, la Française plus délurée, la première est chatte ravageuse, la seconde souris finaude. Toutes deux séductrices manipulant les hommes et les contre fa avec le même brio.De Cornelia Charlotte Hellekant a l’élégance aristocratique et Christianne Stotijn le pathétique. Aléas récurrents des fines distributions vocales : certains soirs, l’un ou l’autre des interprètes déclare forfait pour raisons de santé. Ainsi, deux fois à la suite, Brian Asawa s’acquitta avec la même énergie du rôle de Tolomeo alors que celui de Sesto, d’abord incarné en gamin ombrageux par Monica Bacelli, fut le lendemain carrément laissé vacant et remplacé au pied levé par une duo inattendu : sur scène, Rogier Hardeman, l’assistant des Hermann, mimant un Sesto muet, et, dans la fosse, la mezzo suédoise Malena Ernman, le chantant, tout simplement sublime de justesse et d’émotion… Dans les rôles à distribution fixe Luca Pisaroni incarne sans faille vocale ni de prestance un Achille roublard et malheureux, Lionel Lhote un solide Curio et Dominique Visse, une fois de plus, impayable de drolerie musicale en Nireno, suivante/nounou sur le qui vive, toujours aux petits soins de sa royale maîtresse.Dans la fosse traditionnellement surélevée des baroqueux, et parfois sur scène, les instrumentistes du Freiburger Barockorchester, du théorbe au positif, des clavecins à la harpe, aux bassons, à la viole et jusqu’au duo de violons qui dialoguent malicieusement avec César, tous sans exception font corps, esprit, et cadence avec René Jacobs. Ici, les yeux et les oreilles sont à la fête. »

Table d’écriture

« Certains soirs à l’Opéra, la grâce vous prend, le temps est suspendu. Tout s’harmonise pour vous transporter dans un au-delà de beauté, d’intelligence, d’harmonie. Le “Giulio Cesare in Egitto” de Haendel, dirigé par René Jacobs offre un tel moment de rare bonheur. Dans les deux distributions, les chanteurs nous ravissent, jouant avec humour et gravité sur l’ambiguïté des sexes propre à l’art baroque du trompe-l’oeil et de l’artifice. Karl-Ernst et Ursel Herrmann, depuis vingt déjà, nous enchantent comme toujours par leur rigueur et leur fantaisie mêlées. Pas un temps mort dans cette représentation qui dure presque 4 heures 20. A chaque instant il se passe quelque chose de magique sur la scène : les éclairages sans cesse mouvants – sur un décor simplissime de roseaux – accompagnent les mouvements de l’âme des personnages. Toutes les nuances des émotions humaines sont palpables : de la gravité la plus sombre à la légéreté la plus ludique. La mort et la séduction, la soif de pouvoir, la vengeance, l’envie, la douleur, mais aussi la tendresse, l’amour et la dignité. L’extraordinaire Dominique Visse dans le personnage de Nireno apporte cette distance amusée qui nous permet à nous spectateurs de jeter un oeil complice mais pas dupe de ce qui se joue sur scène. Epurée – sur fond de noir et blanc, quelques taches de couleur pour les costumes ou les accessoires – la mise en scène est un écrin pour cette histoire éternellement humaine de l’amour et de la mort, du couple jaloux frère-soeur (Ptolémée et Cléopâtre se disputent, se chamaillent même, la couronne d’Egypte auprès de César, le vainqueur), du couple fils vengeur-père mort, des ruses et stratagèmes de la séduction d’une femme pour gagner l’amour d’un homme mais aussi le trône d’Egypte. »

Res Musica

« Créé à Amsterdam en 2001 et invitée à Bruxelles, par Peter de Caluwé, le directeur du théâtre de La Monnaie, ce spectacle montre encore une fois le génie illimité de Karl-Ernst et Ursel Herrmann, ce couple hors de commun et virtuose de la mise en scène. Certes, à l’image de Robert Wilson, leur vocabulaire scénique est connu : espace blanc, longs manteaux doubles faces, contrastes noirs-blancs, références à l’histoire de l’art, subtilité des éclairages, mais à chaque fois la magie opère et plonge l’œil dans une rêverie éperdue. Dans un décor unique blanc d’où émergent une sorte de champs de plumes blanches, les Herrmann imposent une vérité scénique absolument confondante de simplicité et d’évocations. Les personnages sont caractérisés avec naturel et simplicité alors que certains accessoires stylisent intelligemment une Egypte moderne essentiellement à travers les masques des figurants. L’humour n’est pas absent de cette vision à travers certaines scènes entre Tolemeo et Achilla ou avec les interventions décalées de Nireno. A tout moment, et pour notre plus grand bonheur, le second degré flirte avec le premier degré, dans cette vision que l’on peut qualifier de légendaire. »

Opéra Magazine – mars 2008

Selon une formule chère à René Jacobs, la reprise bruxelloise de cette p créée à Amsterdam en 2001 affichait deux distributions parallèles, pas seulement par nécessité de substitution mais pour confronter des formules différentes avec des chanteurs également de premier plan. La maladie a failli faire voler ce dispositif en éclats jusqu’au 30 janvier, où aucun Sesto ne s’est plus trouvé disponible, à l’instar du chef, également absent le lendemain ! Le résultat a pourtant comblé nos attentes, et même au-delà.L’alternance principale portait sur le rôle-titre, avec une comparaison attendue entre un alto féminin et un contre-ténor. Marijana Mijanovic ne rallie pas tous les suffrages. La voix porte relativement peu et, sans qu’il y ait aigus forcés ni graves poitrinés, change de couleur dans la tessiture, ce qui peut gêner. Pour autant, la mezzo serbe assume sans faiblesse la totalité d’un rôle écrasant, impeccable dans les vocalises, avec ce timbre étrange, véritablement androgyne, qui fascine, et une vibrante présence. Souvent émouvante, toujours passionnante, elle nous a davantage convaincus que Lawrence Zazzo, pourtant plus parfait vocalement. L’homogénéité, la puissance et l’aigu éclatant sont là mais l’intériorité fait défaut au contre-ténor américain, Cesare finalement moins empereur que petit-bourgeois. Le récital est admirable, la prestation scénique l’est moins.Le face-à-face entre les deux Cleopatra s’est avéré tout aussi stimulant. Sandrine Piau est vraiment éblouissante. Dans la conception particulière de la production, le personnage réclame une fougue et un abattage qui sont ici au rendez-vous, et l’actrice est étincelante, des déhanchements du show aux lents mouvements de la tragédie. Lincarnation vocale est non moins étourdissante, pour l’agilité mais aussi pour un legato et une subtilité dans les nuances confondants. Après avoir été souffrante, Danielle de Niese est revenue le 31 en bonne forme, pour un rôle qu’elle a déjà interprété à Arnsterdam, Paris et Glyndebourne. Plus grande, plus en chair (les costumes ne laissent rien ignorer des anatomies…), également d’une très grande beauté en scène, et d’un charme peut-être plus pénétrant, elle n’a pas moins de tempérament et séduit tout autant. La voix, richement timbrée, est plus large, la virtuosité équivalente, l’aigu s’envolant avec force (extraordinaire « Da tempeste » final).Le 30, Sesto a été mimé sur le plateau par un assistant, donnant l’occasion de découvrir en fosse la jeune et très brillante Regina Richter, dans un emploi qu’elle a tenu à Cologne, où elle est en troupe. De retour le lendemain, Anna Bonitatibus (en principe en alternance avec Montca Bacelli, elle aussi malade) a tenu à faire une annonce. Elle a pourtant transporté l’assistance par la rondeur de son instrument, la qualité de son phrasé, avec des pianissimi et des sons filés irrésistibles. La différence est nette entre la Cornelia irréprochable mais un peu effacée de Charlotte Hellekant et celle, plus émouvante, de Christianne Stotijn, aux graves également plus séduisants. Dans une autre confrontation contre-ténor/mezzo, Brian Asawa, un habitué de Tolomeo, s’en sort mieux vocalement que Tania Kross. Celle-ci, en revanche, est époustouflante scéniquement. À côté d’un solide Lionel Lhote et d’un Dominique Visse toujours irrésistible, Luca Pisaroni dessine un Achilla impressionnant.À la tête du merveilleux Freiburger Barockorchester (les cors ont rattrapé, le second soir, quelques accidents excusables dans l’extraordinaire « Va tacito »), Piers Maxim, chef des choeurs de la Monnaie et depuis longtemps assistant de René Jacobs, assure beaucoup plus qu’un remplacement impeccable d’efficacité et de précision, il est absolument enthousiasmant dans la mise en valeur des formidables contrastes de la partition.Reste la production de Karl-Ernst et Ursel Herrmann. Soigneusement révisée par ses auteurs et donnée dans de bien meilleures conditions qu’à Amsterdam il y a sept ans, elle nous paraît appartenir au meilleur de leurs réalisations. On ne s’arrêtera pas aux accessoires usuels, au demeurant peu nombreux (flèche au mur, paire de chaussures à l’avant-scène, ombrelles…), qui irritent certains : ce serait regarder par le mauvais bout de la lorgnette. Dans sa boîte blanche impeccablement réalisée, avec ses panneaux latéraux s’ouvrant rapidement pour les différentes entrées et, surtout, son fabuleux système de rangées de plantes aquatiques recouvrant le plateau et glissant latéralement pour moduler des espaces variables ou accompagner les personnages dans leurs mouvements, le spectacle assure une qualité plastique exceptionnelle. Il confère également une puissante unité à un ensemble ouvert et refermé (entre autres leitmotive) par l’image saisissante d’une Mort à la torche enflammée et rend justice aux différentes facettes de cette oeuvre shakespearienne, du bouffe le plus débridé au pathétique le plus déchirant.Tout ceci fait que l’on suit sans un instant de distraction ou de fatigue ces trois heures trente de musique constamment sublime (outre les coupes dans les récitatifs, cinq arie ont été supprimées). On peut certainement monter Giulio Cesare différemment. Mais pour nous, cette production, telle que nous l’avons découverte à Bruxelles, représente un moment de perfection dans l’histoire des représentations de l’oeuvre que nous ne sommes pas près d’oublier. »

Passau – 27 janvier, 9 février, 23 mars, 13, 24 avril 2008 – Landshut – 18, 19 janvier 2008 – Straubing – 22 janvier 2008 – dir. Basil H. E. Coleman – mise en scène et chorégraphie Jonathan Lunn – décors Dorothee Schumacher – costumes Lutz Kemper – avec: Thomas Diestler (Giulio Cesare), Oscar Imhoff (Curio), Karla Bytnarová (Cornelia), Anna Janiszewski (Sesto), Wiebke Renner / Elizabeth Immelman (Cleopatra), Samuel Jaime Santana (Tolomeo), Peter Tilch (Achilla), Kyung Chun Kim (Nireno) – nouvelle production

 

Théâtre de Hagen – Allemagne – 12, 15, 25 janvier, 10, 21, 29 février, 20, 26 mars, 6, 23 avril , 4, 16, 31 mai 2008 – dir. Gwennolé Rufet – mise en scène Gregor Horres – décors, costumes Jan Bammes – costumes Christiane Luz – nouvelle production

 

Oslo – Den Norske Opera – 3, 5, 7, 13, 15, 19, 21, 23 novembre 2007 – dir. Rinaldo Alessandrini – mise en scène Stefan Herheim – décors, costumes Heike Scheele – lumières Gretar Sveinbjørnsson – dramaturgie Alexander Meier-Dörzenbach – chef de choeur Steffen Kammler – avec Franco Fagioli (Giulio Cesare), Birgitte Christensen (Cleopatra), Ingebjørg Kosmo (Sextus), David Hansen (Ptolemaios), Hege Høisæter (Cornelia), Johan Rydh (Akillas), Robert Ogden (Nirenos), Gregg Santa (Curio)

 

Opera de Chicago – 2, 6, 11, 15, 19, 24, 28 novembre, 1er décembre 2007 – dir. Emmanuelle Haïm – mise en scène David McVicar – décors Robert Jones – costumes Brigitte Reiffenstuel – lumières Paule Constable – chorégraphie Andrew George – avec David Daniels (Cesare), Danielle de Niese (Cleopatra), Christophe Dumaux (Tolomeo), Maité Beaumont (Sesto), Patricia Bardon (Cornelia), Wayne Tigges (Achilla), Gerald Thompson (Nireno) – production de Glyndebourne Festival Opera

Cologne – Oper der Stadt – 26, 28 mai, 2, 7, 10, 14, 16, 17 juin 2007 – dir. Christopher Moulds – mise en scène Karoline Gruber – décors Thilo Reuther – costumes Henrike Bromber – chef de choeur Andrew Ollivant – avec Kristina Wahlin (Giulio Cesare), Susanne Schaeffer (Cornelia), Viola Zimmermann (Sesto), Iride Martinez (Cleopatra), Martin Wölfel (Tolomeo), Leandro Fischetti (Achilla), Alexandra Thomas (Nirena)

Stadthalle Göttingen- Händel Festspiele – 24, 27, 29 mai 2007 – FestspielOrchester Göttingen – Opernkammerchor Hannover (chef des choeurs Ralf Popken) – dir. Nicholas McGegan – mise en scsène Igor Folwill – décors Manfred Kaderk – costumes: Andreas Meyer – lumières Peter Sandvoss – avec Gerald Thompson, alto (Giulio Cesare), Cécile van de Sant, alto (Cornelia), Diana Moore, soprano (Sesto), Sophie Daneman, soprano (Cleopatra), José Lemos, alto (Tolomeo), Yosemeh Adjei, alto (Nireno), Konstantin Wolff, basse (Achilla), Thomas Bonni, basse (Curio)

 

Opéra de Lille – 15, 18, 21, 24, 26 mai 2007 – Le Concert d’Astrée – dir. Emmanuelle Haïm – mise en scène David McVicar – chef de choeur Yves Parmentier – avec Sonia Prina (Giulio Cesare), Anna Christy (Cleopatra), Charlotte Hellekant (Cornelia), Tuva Semmingsen (Sesto), Christophe Dumaux (Tolomeo), Simon Bailey (Achilla), Rachid Ben Abdeslam (Nireno), Alexander Ashworth (Curio) – production de Glyndebourne Festival Opera, Lyric Opera of Chicago

Les Échos – Le Triomphe de l’humour – Impertinent et spirituel, un spectacle « very british ».

« Fruit d’une union entre l’Opéra de Chicago et le Festival de Glyndebourne, ce « Giulio Cesare » avait, deux saisons durant, enchanté les vertes collines du Sussex. Heureux Lillois, qui ont eu le privilège de voir ce spectacle, même si, musicalement, il n’apporte pas toujours le plaisir escompté. Ensemble en résidence à l’Opéra de Lille, le Concert d’Astrée, en dépit de cors naturels qui ont parfois tendance à faire l’école buissonnière, fait preuve d’une réjouissante verdeur sonore. Mais la direction d’Emmanuelle Haïm est loin de susciter l’enthousiasme et ne correspond guère à l’idée que donnent ses enregistrements : disparate et inégale dans un premier acte qui peine à trouver son unité, elle se reprend dans les actes suivants, sans pour autant atteindre la fluidité et l’aisance narrative que l’on attend. L’équipe a de la tenue, à l’exception de Simon Bailey (Achillo), qui se croit dans un opéra vériste. Rachid Ben Abdeslam (Nireno) est irrésistible de drôlerie, la réserve et la noblesse de Charlotte Hellekant (Cornelia) sont dignes de la veuve de Pompée ; et si sa voix pointue n’a guère de charme, si sa vocalisation est quelquefois hasardeuse, l’abattage d’Anna Christy en fait une piquante Cleopatra. Christophe Dumaux campe avec drôlerie un Tolemeo incestueux, efféminé et agressif, dont le chant, à la hauteur du comédien, s’affirme avec aplomb. Mezzo chaleureux et musicienne généreuse, Tuva Semmigsen n’a aucune peine à dessiner un Sesto ardent et juvénile. Bejun Mehta, contre-ténor, souffrant, c’est Sonia Prina, prévue au départ comme Cornélia, qui incarne Giulio Cesare ; l’empereur ne perd rien à ce changement de sexe, tant le timbre de la contralto est ambigu et androgyne.Une mise en scène vivante, prenant ses distances avec l’intrigue sans jamais la dénaturer, et donnant aux personnages toute l’épaisseur possible dans le cadre des conventions du « dramma per musica » : la mise en scène de David McVicar est une fois encore une réussite, parce qu’elle respecte le spectateur et l’auteur. Aidé de son décorateur, Robert Jones, il joue avec les époques, se référant au théâtre à machines de l’âge baroque, aux conquêtes coloniales anglaises, aux guerres du XXe siècle avec un humour qui n’exclut pas l’émotion nécessaire dans cet univers où politique et passions s’entremêlent. Du coup, Haendel nous parle comme il l’a rarement fait. Il est quand même étonnant qu’un metteur en scène de cette trempe n’ait pas encore travaillé à l’Opéra de Paris. »

Forum Opéra

« Le forfait de Bejun Mehta aurait pu compromettre cette reprise du Giulio Cesare de Glyndebourne, mais il n’en fut rien. A toute chose malheur est bon : le remaniement partiel de la distribution nous a même réservé une bonne surprise, là où on ne l’attendait vraiment pas, avec la Cornelia de Charlotte Hellekant. Créée en 2005 par le tandem McVicar/Christie, cette production a beaucoup fait parler d’elle, non seulement pour ses qualités intrinsèques, mais aussi parce qu’elle a propulsé sous les feux de la rampe une jeune cantatrice de vingt-cinq ans : Danielle de Niese, bien vite surnommée « la soprano qui danse » par un grand quotidien français. Chacun sait que vocalement Cleopatra est le premier rôle de cet opéra, le plus richement doté par Haendel. Si l’incarnation de Danielle de Niese est entrée dans la légende, ce n’est pas pour ses prouesses belcantistes, mais parce qu’au-delà d’une sensualité ravageuse et d’une apparente frivolité, elle a également su traduire la fascinante complexité de cette prédatrice hors pair. Le mérite en revient aussi, bien évidemment, au metteur en scène. David McVicar sait révéler un acteur à lui-même, l’aider à libérer son potentiel et à l’explorer. C’est d’ailleurs l’une des clés de son succès et du triomphe remporté par ce Giulio Cesare. Aucun personnage n’est laissé au hasard, ils sont tous investis et acquièrent ainsi une épaisseur, une vérité trop souvent négligées dans l’opera seria. Les commentateurs ont souligné, à juste titre, la fantaisie et la vitalité du spectacle qui se déroule à un rythme soutenu et sans le moindre temps mort, mais le plus remarquable, c’est qu’il réussit à divertir le public sans escamoter les enjeux dramatiques, la noirceur et même la cruauté que recèle cet ouvrage et qui nous vaut ici des tableaux d’un réalisme sans concession. A cet égard, la reprise lilloise est marquée par la performance exceptionnelle de Charlotte Hellekant. Appelée à la rescousse quelques jours avant la première, la chanteuse a endossé le rôle de Cornelia qui devait être tenu par Sonia Prina. Est-ce la pression, le challenge ? Elle lui confère un relief saisissant et approfondit le portrait brossé par Patricia Bardon voici deux ans. Hellekant apparaît littéralement habitée – d’ordinaire, le terme est volontiers galvaudé, mais il retrouve ici toute sa force et sa pertinence – et son duo avec Sesto est sans conteste le climax de la soirée. Pour ceux qui ont vu Danielle de Niese, retrouver sa Cléopâtre, mais sans elle, est un cadeau empoisonné. L’interprète et sa composition sont indissociables ; vous avez beau vous dire que comparaison n’est pas raison, il est impossible de chasser le souvenir de cette orchidée au parfum entêtant. Il faut dire aussi que c’est une gageure que de lui succéder et d’arriver à se distinguer, a fortiori quand on possède une vocina citronnée faite pour Oscar ou Papagena… Cleopatra ne demande pas forcément une voix large et capiteuse, mais malléable et expressive. Anna Christy peine à trouver ses marques dans le cantabile (Se pietà, Piangerò) et si son soprano léger flirte avec la virtuosité, c’est pour mieux l’éconduire, livrant un Je t’aime moi non plus qui laisse l’auditeur sur sa faim. En revanche, l’actrice est nettement plus dégourdie et donne une réplique brillante au Tolomeo de Christophe Dumaux, à la fois sportif et très camp, et qui agrémente aujourd’hui son numéro d’un clin d’œil à Matrix. C’est donc Sonia Prina qui s’est collée à Cesare. Heureusement, elle connaissait déjà le rôle pour l’avoir incarné en mars dernier au Teatro Carlo Felice de Gênes sous la direction de Diego Fasolis. D’allure comme de ligne, ce Romain gominé et débonnaire n’a plus rien de commun avec l’élégant général aux tempes grisonnantes que Sarah Connolly campait à Glyndebourne, même s’il lui emprunte quelques ornements et jusqu’au sifflement dans Se in fiorito. Avec le grain mat et terrien de ce contralto, César redevient l’homme de toutes les femmes : un macho qui leur en jette plein la vue avec ses vocalises martiales et ses tempi d’enfer. Dommage que la dynamique et l’ambitus soient réduits.Sesto connaît aussi une cure de jouvence en héritant du mezzo clair et joufflu de Tuva Semmingsen, moins fougueuse que Kirchschlager mais plus fine et personnelle dans un Cara Speme anthologique. En revanche, Simon Bailey est loin de posséder le magnétisme ambigu de Christopher Maltman et impose un Achilla brut de décoffrage. En traversant la Manche, la production a décidément perdu en glamour et en sex-appeal. Ce n’est d’ailleurs pas pour ce colosse, mais pour le moins tonitruant Curio (Alexander Ashworth) que Nireno en pince. Comme ses maîtres, l’eunuque (excellent Rachid Ben Abdeslam) a le diable au corps et nous régale dans son unique air, très habilement chorégraphié par Andrew George.De fait, la danse et une gestuelle élaborée sont les éléments les plus originaux, le sel même de cette mise scène qui privilégie un jeu très physique. Elles prolongent et suivent le mouvement de la voix ou imagent le sens d’un air tel que Va Tacito e nascosto, sur lequel Tolomeo et Cesare se jaugent et se narguent, longuement, en se tournant autour. On l’aura compris, la direction d’acteurs prime sur les machines : un décor unique délimite l’espace, fait de colonnes antiques et de rouleaux de mer en fond de scène, envahi par des soieries des mille et une nuit tombées des cintres pour habiller les appartements de Cleopatra et quelques accessoires parfois rehaussés d’humour (les zeppelins dans l’azur d’Alexandrie) pour évoquer la colonie britannique. Une transposition sans réelle importance, car l’essentiel, répétons-le, est ailleurs. Aujourd’hui adolescent, le Concert d’Astrée change, se cherche, tour à appliqué et rebelle (les cors), mais dans l’ensemble, il bonifie et se découvre des forces nouvelles ; son endurance, malgré quelques baisses de régime, fait d’ailleurs plaisir à entendre. Avec le temps et en poursuivant le travail accompli sous la conduite d’Emmanuelle Haïm, il devrait gagner en galbe, en couleurs et affirmer son identité. C’est tout le mal qu’on lui souhaite ! »

New York – Metropolitan Opera – 6, 10, 13, 17, 21, 24, 27 avril 2007 – dir. Harry Bicket – mise en scène John Copley – décors John Pascoe – costumes Michael Stennett – avec Ruth Ann Swenson (6 au 21 avril) / Danielle de Niese (24-27 avril) (Cleopatra), Alice Coote (Sesto), Patricia Bardon (Cornelia), David Daniels (Giulio Cesare), Lawrence Zazzo (Tolomeo)

Vienne – Theater an der Wien – 3, 5, 11, 13, 15, 17 avril 2007 – Freiburger Barockorchester – dir. René Jacobs – mise en scène Christof Loy – décors Johannes Leiacker – costumes Judith Weihrauch – lumières Olaf Winter – avec Marijana Mijanovic (Giulio Cesare), Veronica Cangemi (Cleopatra), Kristina Hammarström (Cornelia), Malena Ernman (Sesto), Christophe Dumaux (Tolomeo),Nicolas Rivenq (Achilla), David Hansen (Nireno), Klemens Sander (Curio)

Gênes – Teatro Carlo Felice – 23, 25, 27, 30 mars, 1er avril 2007 – dir. Diego Fasolis – mise en scène Björn Jensen d’après Herbert Wernicke – décors, costumes Herbert Wernicke – lumières Hermann Münzer – avec Sonia Prina (Giulio Cesare), Vittorio Prato (Curio), Marina De Liso (Cornelia), Laura Polverelli (Sesto), Carmela Remigio (Cleopatra), Max Emanuel Cencic (Tolomeo), Mirco Palazzi (Achilla), José Maria Lo Monaco (Nireno)

Alma Opressa

« Attention: OVNI! La partition a été entièrement tripatouillée (et vu le dramatisme foireux de cet opéra, je ne m’en plains pas!), l’instrumentation aussi visiblement (sorte de corne de brume bouchée dans les récitatifs!) et Prina en Cesare on pouvait craindre le gros plantage! Finalement c’est une très belle réussite pour elle que j’ai rarement entendu aussi en forme (du coté de ses modifications: son « Qual torrente » lui est ravi par Nireno et elle récupère le « Se tu consenti » d’Orlando): vocalisation à toute épreuve (« L’empio diro » est le plus rapide que j’ai jamais entendu!), souffle long, niaque dramatique, timbre charmeur ça dépote ! « 

Opéra de Nancy – 2, 4, 4, 6, 8, 10 mars 2007 – Orchestre symphonique et lyrique de Nancy – dir. Kenneth Montgomery – mise en scène, décors et costumes Yannis Kokkos – dramaturgie Anne Blancard – chorégraphie Richild Springer – lumières Patrice Trottier – avec Marie-Nicole Lemieux (Jules César), Ingrid Perruche (Cléopâtre), Elodie Méchain (Cornélie), Stéphanie d’ Oustrac (Sextus), Philippe Jaroussky (Ptolémée), Riccardo Novaro (Achille), Artur Stefanowicz (Nireno), Xavier Szymczak (Curio) – nouvelle coproduction avec Théâtre de Caen

Opéra Magazine – avril 2007 – 6 mars 2007

« Cinq mois après le Giulio Cesare donné au Théâtre des Champs-Elysées, celui de Nancy, fort prometteur également sur le papier, a à peine moins déçu. La salle offre pourtant au chef-d’oeuvre de Haendel un écrin infiniment supérieur et, même si l’Orchestre Symphonique et Lyrique de Nancy sonne de manière très présente — en termes de volume sonore du moins —,les chanteurs se font entendre sans problème. En plus, pour une fois, la fin de l’acte II n’est ni coupée ni déplacée. Hélas, c’est encore du côté de la mise en scène que le bât blesse ne faisant confiance ni au livret, ni à la partition, elle passe à côté de tout ce que Giulio Cesare recèle de théâtre, d’émotion, d’esprit et de plaisir. Pour traiter les airs da capo et les répétitions qu’ils impliquent, Yannis Kokkos entend « réduire au maximum» la suspension de l’action et « construire au même moment un arrière-plan qui soit l’écho de la dynamique particulière de chaque air et permette de toujours montrer une passion en action ». Comme d’autres avant lui, il fait donc du remplissage à base de chorégraphies ridicules et de mouvements de scène sans intérêt ou, quand il ne sait vraiment plus quoi faire, abandonne le chanteur à lui-même. Ne serait-il pas temps de laisser tomber cette vision de l’opera seria et d’arrêter de se référer à des cinq mois après le lieux communs tels que la « suspension de l’action » durant les airs ? Et si l’opera seria était construit non pas sur une action avançant, s’arrêtant ou se suspendant, mais sur la combinaison de deux actions ? L’une que l’on pourrait qualifier de « dynamique» (l’action physique), l’autre, la principale, de « sentimentale » (les affects, les passions). ‘opera seria n’est pas une action dynamique interrompue régulièrement par des passions, c’est un théâtre des passions agrémenté d’une dose d’action dynamique Il suffirait donc d’un infime glissement de perspective pour que les metteurs en scène actuels changent leur perception du genre. Ce qu’ils voient aujourd’hui comme une difficulté n’est en réalité que l’essence de ce théâtre, la source dans laquelle il puise son énergie.Il y a pourtant quelques jolies idées dans la conception de Yannis Kokkos. La transposition à l’époque coloniale, dans le hall d’un grand hôtel, se défend et s’avère une authentique réussite sur le plan visuel. Mais le principe si courant du décor unique, même modulable, aboutit là encore à un appauvrissement considérable du traitement des passions. Car un décor n’est pas seulement un fond de scène : il fait sens dans son rapport aux affects traités. Les moyens techniques en termes d’éclairages sont évidemment supérieurs aujourd’hui à ce qu’ils étaient au XVIIIe siècle, mais leur utilisation ne compense que de manière très relative les insuffisances de la scénographie. On portera quand même au crédit de cette production le recours à de grands escaliers mobiles, tantôt éloignés, tantôt rapprochés, par exemple pour l’air avec cor de Cesare, le sublime duo entre Sesto et Comelia à la fin du premier acte ou la bataille du troisième.La partie musicale apporte certes quelques compensations, mais pas suffisamment. La direction de Kenneth Montgomery d’abord, est sans relief et l’orchestre joue sans engagement, avec même quelques approximations. Passons rapidement sur le Curio aboyant de Xavier Szymczak et sur le Nireno d’Artur Stefanovicz, parfait dans les récitatifs mais médiocre dans son air. Le baryton Riccardo Novaro est, en revanche, un Achilla très bien chantant bien que manquant un peu de grave, et Élodie Méchain une Cornelia sensible et intelligente. Mais les vedettes de la soirée sont incontestablement PhilippeJaroussky et Stéphanie d’Oustrac. Qualité du timbre, physique d’adolescent, précision des attaques, coloratures, cadences réalisées sur le souffle, le jeune contre-ténor est un Tolomeo parfait durant le premier acte, légèrement moins à l’aise par la suite. La mezzo, quant à elle, est un Sesto idéal de juvénilité, avec une technique solide, une voix longue et égale, un beau sens des nuances et une réelle présence.Quid du couple Cleopatra-Cesare ? Ingrid Perruche n’est qu’agréable en reine d’Egypte, jolie incarnation servie par un timbre parfois un peu métallique et une émission manquant de souplesse dans certaines vocalises. Quant à Marie-Nicole Lemieux, ses duretés dans l’émission, ses fins de phrases ne laissant pratiquement jamais vivre le son, ses graves appuyés ou détimbrés, ses nombreuses respirations dans les traits de virtuosité ou les cadences, conduisent à une seule conclusion un chant à ce point dénué de morbidezza et de virtuosité est totalement hors propos dans Cesare. »

Webthea

« Yannis Kokkos a su merveilleusement en diriger les interprètes, ajoutant à leurs qualités vocales la finesse et l’efficacité du jeu dramatique. Ainsi, l’alto québécoise Marie-Nicole Lemieux, lauréate du Concours Reine Elisabeth de Belgique qui lui ouvrit les portes d’une carrière désormais internationale, prit sur elle avec un aplomb et une autorité sans faille, toutes les facettes du personnage de Jules César, tel que le réinventa Haendel, homme de guerre certes mais surtout de clémence et de passion amoureuse. Une tessiture chaleureuse capable de descendre vers des graves de nuit noire et des vocalises grimpant au sommet sans vibrato. En Sextus, adolescent rebelle, Stéphanie d’Oustrac apporta une fougue à fleur de nerfs et un timbre clair comme un matin de printemps tandis qu’Elodie Méchain à la ligne de chant somptueuse fut parfaite en Cornélia digne et pathétique. Quelques petites réserves sur la Cléopâtre d’Ingrid Perruche, rousse flamboyante à la Gilda, aguicheuse et sensuelle mais au legato parfois en montagnes russes. De même le Ptolémée de Philippe Jaroussky, malgré son auréole toute fraîche du prix « révélation lyrique » des dernières Victoires de la Musique, n’était pas au mieux de sa forme, plus gamin fatigué que tyran sanguinaire.Les décors et costumes du même Yannis Kokkos, rompant avec son élégance naturelle, cette fois déroutent. Lui, l’homme des épures et des transparences, joue ici la charge et le mélange des genres, entre Hollywood sur Nil et les Cigares du Pharaon façon Tintin. L’Angleterre coloniale des années 20 du dernier siècle flirte avec les dieux, Horus, Anubis et autre Thot, et l’imagerie des bas reliefs est mise en ballets stylisés BD. Des escaliers de music hall glissent, s’emboîtent et s’illuminent. Cela pourrait être drôle mais apparaît en porte à faux avec le parti pris tragique de la direction d’acteurs et surtout la lenteur et la mollesse de la direction d’orchestre. Là où un René Jacobs injecte du swing, Kenneth Montgomery, mozartien reconnu, applique une pommade inodore. Il n’est manifestement pas à l’aise dans ce répertoire si bien que les musiciens de l’Orchestre symphonique et lyrique de Lorraine semblaient un peu largués, à l’exception des quatre continuos sur instruments anciens qui apportèrent les justes couleurs à cette musique à la fois impétueuse et aristocratique. Dont la découverte soutenue par une formidable distribution reste un atout majeur. »

Le Monde – 2 mars 2007

« …On avoue ne voir ni légèreté ni humour dans le décor sans poésie d’un hall d’hôtel à la déco années trente et l’envahissement signalétique d’une Egypte hollywoodienne. En guise de dérision, les danseurs sont affublés de poses ridicules style fresques tombales, ccoiffures pyramidales, tatouages hiéroglyphiques, et emmenés dans uen chorégraphie inepte par Richild Springer et les dieux Horus et Anubis en maîtres de ballet. …La belle voix chaude de Marie-Nicole Lemieux, quiq manque de projection, compense en César amoureux le déficit d’un César héroïque. Philippe Jaroussky campe un Ptoléme enfant dont la cruaté enchante tandis que la Cornelia d’Elodie Mechain est une veuve éplorée qui tient son rang et son rôle. mais la révélation est le sesto de Stéphanie d’Oustrac, qui porte la vengeance paternelle avec autant d’engagement, de beauté et d’élégance que les cheveux courts à la garçonne et le costume de scène masculin. »

Altamusica – 6 mars 2007

Pour la nouvelle production de Jules César de Haendel à l’Opéra national de Lorraine, Laurent Spielmann a réuni une distribution dont la jeunesse n’entame en rien le prestige. Mais plus que la mise en scène tautologique de Yannis Kokkos, c’est l’Orchestre symphonique et lyrique de Nancy qui menace le succès de cette campagne haendélienne. Comme chez Irina Brook au Théâtre des Champs-Élysées, Jules César s’installe sitôt sur scène dans un fauteuil club. Comme chez Nicholas Hytner au Palais Garnier, et plus récemment David McVicar au Festival de Glyndebourne, les casques coloniaux sont légion. Comme chez Cesare Lievi à Zurich, les pyramides scintillent de feux hollywoodo-vegasiens. Comme chez Yannis Kokkos, car c’est lui qui, malgré tout, signe la mise en scène, quatre escaliers n’en finissent plus de s’emmêler pour, la plupart du temps, ne mener nulle part. Rien de nouveau, donc, sous le ciel souvent sombre d’Égypte, à peine éclairci par la lisibilité de l’action, qu’encombre pourtant une armée de figurants hiéroglyphiques censée, bien tristement d’ailleurs, y ajouter un zeste de music-hall. Mais plus triste encore est ce qui sort de la fosse, malgré un continuo de bonne tenue. Et Kenneth Montgomery, chef de bonne volonté sans doute mais en rien un spécialiste, n’y peut pas grand-chose. Car l’Orchestre symphonique et lyrique de Nancy est tout simplement inadapté à ce répertoire, audiblement et visiblement bien peu désireux de faire des efforts. Articulation, dynamique, phrasé sont aux abonnés absents, et jamais les musiciens ne semblent à l’écoute du plateau, ni à même de concéder ne serait-ce qu’un rien de rubato pour faire rebondir une cadence, comme sourds aux exigences du bel canto. Livrée à elle-même, la belle distribution réunie par Laurent Spielmann – qui avait, pour Vénus et Adonis de Desmarest, fait le choix autrement plus judicieux de Christophe Rousset et de ses Talens Lyriques – sauve plus que les meubles, mais ne peut empêcher de faire regretter l’absence d’un chef et d’un orchestre plus concernés par la rhétorique haendélienne, d’autant que les prises de rôles étaient nombreuses. À commencer par celle de Marie-Nicole Lemieux, qui porte déjà le redoutable travesti de César avec fougue et conviction, sinon cette incroyable aisance qui caractérisait d’emblée son Orlando vivaldien. Il ne manque à vrai dire qu’un souffle un peu plus long à la contralto québécoise pour ne pas morceler la vocalise, et ne point flotter, parfois, sur le legato, car du grave, extrême et sonore, à l’aigu, plantureux, la tessiture est vaillamment maîtrisée, la colorature précise, et le chant habité. Si elle n’a pas le timbre le plus séduisant qui soit – l’aigu est même un peu agressif, mais ses royales ambitions s’en accommodent –, Ingrid Perruche varie sa Cléopâtre à merveille, superbe dans la déploration – un Se pietà et surtout un da capo de Piangerò en apesanteur – et confondante d’abattage dans Da tempeste. Dans une tessiture qui, à l’instar de sa très belle Hélène strasbourgeoise, flatte son mezzo velouté, Stéphanie d’Oustrac fait un Sesto ravageur à l’élan irrésistible, qui n’en gagnerait pas moins à être parfois plus profondément musical qu’explosivement théâtral. Parfaitement appariée à son fils par les reflets d’un timbre chaleureux, la Cornelia d’Élodie Méchain peine à passer l’obstacle orchestral autrement que par intermittence, ce qui ne manque pas de la réduire à une certaine placidité, tandis que le Tolomeo déchaîné de Philippe Jaroussky s’en donne à cœur joie dans la félonie, injectant ce qu’il faut de venin dans son timbre exquisément juvénile. Enfin, l’Achilla de Riccardo Novaro, à l’émission franche, saine, colorée, et aux mots savoureux, complète luxueusement une distribution qui méritait décidément mieux qu’un orchestre réfractaire aux galbes haendéliens. »

Forum Opéra – 2 mars 2007

« Fortement médiatisé, l’événement fait salle comble, car l’affiche est alléchante : plateau vocal alignant les stars du moment, nouvelle production avec Yannis Kokkos à la mise en scène. Et Kenneth Montgomery à la baguette, l’ancien chef de Glyndebourne que l’on retrouvera dans ce site dirigeant ce même Jules César (avec Podles, Saffer, Genaux…) à San Diego dans la mise en scène hollywoodienne de Copley. Mais l’orchestre de Nancy n’est pas celui de San Diego… Et si le continuo idoine, rehaussé pour passer la fosse, tire son épingle du jeu, il aurait fallu une autre baguette que celle du placide Montgomery pour insufler aux nancéens le mordant, les dynamiques, les contrastes, que requiert la partition. Montgomery n’est pas un « baroqueux », lui en faire le reproche serait ridicule, l’essentiel des nécessités idiomatiques est respecté ; mais devant cette prudente atonie, et ce délitement systématique des fins d’arias lentes, on ne peut s’empêcher de songer au magnifique travail que fit il y a quelques années sur l’Orfeo et avec le même orchestre un Minkowski.Reste pour satisfaire les oreilles le plateau vocal. Prise de rôle pour Marie-Nicole Lemieux en Jules César ; si la caractérisation masculine a quelque peine à s’imposer tellement le personnage rayonne de féminité (ce qui ne nuit pas, d’ailleurs, pour camper une des facettes de ce César généreux et amoureux), une fois la convention admise, on se laisse emporter : par le timbre, bien sûr, mais surtout par cette conviction, cette générosité, qui transcende une technique affirmée bien nécessaire ici. Même si quelques vocalises de da capo pâtissent d’une diction parfois enrobée. La Cléopâtre d’Ingrid Perruche est formidable : plastiquement et vocalement idéale, certes (avec de nombreux changements de costumes), mais bien plus que cela, comédienne remarquable, donnant à son rôle une belle densité, une belle richesse d’affects. Le Piangerò la sorte mia est un moment d’anthologie. Stéphanie d’Oustrac a aussi quelque peine à habiter au début son travesti, mais semble se libérer au fil de l’opéra, et assure en tout cas vocalement des moments magnifiques. Cornelia a la difficile tâche d’incarner le reproche constant, la fidélité au disparu. Elodie Méchain l’assume avec une classe et une ligne vocale remarquables. Quant au Ptolémée de Jaroussky, tout en facilité vocale, c’est une parfaite incarnation de quasi rock star parvenue, veule et mégalo, un plaisir.Yannis Kokkos cadre tout cela dans une Egypte de pacotille années 20, irrésistiblement évocatrice des Cigares du Pharaon. Quelques pointes d’humour (figurants de côté comme dans les fresques égyptiennes, bataille stylisée sur deux escaliers), des changements à vue astucieux (à condition de refuser de voir les machinistes…) dans un espace délimité par des panneaux coulissants, n’empêchent pas un sentiment d’inabouti permanent. Les ballets deviennent souvent envahissants, Kokkos estimant qu’il faut « réduire autant que faire se peut la suspension » des airs, en construisant un arrière-plan qui « nous permette de toujours montrer une passion en action ». Certes, mais on pourrait tout autant se pencher sur la direction d’acteurs, tous, hormis Perruche et Jaroussky, instinctivement efficaces, semblant un peu laissés à leurs initiatives. Cette Egypte de bande dessinée, cette volonté de confusion des sexes qui est presque celle des personnages eux-mêmes, gomment le drame en affaiblissant ses protagonistes et les réduisant à l’anecdote. Il faut tout le talent vocal et dramatique du plateau pour gommer ce « climat léger » voulu par Kokkos, qui nous semble bien antinomique de l’ouvrage. »

Anaclase – 6 mars 2007

« On félicitera d’emblée Valérie Chevalier et Laurent Spielmann (respectivement conseiller artistique et directeur artistique de l’institution nancéienne) d’avoir offert une distribution luxueuse à la nouvelle production du Giulio Cesare in Egitto de Händel, visible actuellement dans le beau théâtre de Joseph Hornecker (jusqu’au 10 mars). Chacun y trouve un rôle à sa mesure, de sorte qu’on assiste à une véritable fête vocale comme cela se rencontre assez rarement, il faut l’avouer. Le contreténor polonais Artur Stepanowicz, bien que rencontrant çà et là quelques soucis dans les phrases descendantes, est un Nireno attachant, très avantageusement sonore, soulignée par un grave coloré. On remar-quera également l’émission confortablement ancrée dans la terre et la flatteuse projection de Riccardo Novaro, infiniment fiable en Achilla. Moins convaincante s’avère la Cornelia d’ Élodie Méchain qui semble ne parvenir jamais à trouver ses marques ; ainsi l’aigu est-il tour à tour trop léger ou artificiellement enflé, la nuance se trouvant souvent ternie par une tendance à détimbrer les pianissimi. On retrouve Stéphanie d’Oustrac en Sesto, arborant des moyens que l’on sait généreux, dans une incarnation parfois excessive – l’évidente et directe expressivité de sa voix opère sans qu’il soit nécessaire de recourir à un jeu démonstratif – ; de fait, la tentation du rôle est si grande que le mezzo-soprano gonflera jusqu’à le rompre L’angue offeso mai riposa (1ère aria du second acte), réservant, du coup, une approche plus prudente à une L’aure che spira de toute beauté (aria finale du même acte). L’on attendait beaucoup Philippe Jaroussky, décidément encore rare à la scène – Catone in Utica et La verità in cimento (Vivaldi), Agrippina (Haendel) – qui, en Tolomeo, affirme un grave de plus en plus corsé tout en gardant la juvénile lumière de son aigu ; l’auditeur fera ses délices de l’agilité de son chant, à défaut de croire en une incarnation pri-vant le personnage des possibles dangers qu’il devrait véhiculer.Par des récitatifs divinement mordants, puis un Tutto può donna vezzosa brillant (sa 2ème aria de l’Acte I), après un Non disperar timide et un peu terne, Ingrid Perruche impose une Cleopatra toujours élégante, offrant un Se pietà di me (lamento du II) somptueusement nuancé où l’émotion est au rendez-vous. Enfin, le rôle-titre bénéficie de la composition parfaitement crédible et de la couleur exceptionnelle du timbre de Marie-Nicole Lemieux, véritable chef de guerre dont l’art se révèle tant dans la vaillance – Va tacito e nascosto (1er acte) au da capo magnifiquement orné -, que dans la grandeur – Dall’ondoso periglio, ou l’air de Jules sauvé des eaux, est une merveille (3ème acte) -, la suavité – Se in fiorito, la gracieuse aria du II, partagée avec le violon solo – et la gravité recueillie – Alma del gran Pompeo (accompagnato de l’Acte I).Cependant, la réunion de ces ingrédients de choix n’est pas optimisée, le travail de fosse s’inscrivant a contrario du plateau. On s’interroge sur la tentative de Kenneth Montgomery de baroquiser les forces instrumentales de l’Orchestre Symphonique et Lyrique de Nancy, tentative soldée par des attaques trop souvent hasardeuses et une inertie constituant un réel handicap. Un tel contexte rend vain tout effort dynamique, le continuo – où se remarque la prestation de Mauricio Buraglia au théorbe – accusant d’autant plus la disparité stylistique. En revanche, alors que beaucoup de metteurs en scène s’acharnent à traverser de diverses agitations les opéras du Grand Saxon, et en particulier celui-ci, Yannis Kokkos concentre sa réalisation, où la chorégraphie de Richild Springer respecte un à propos systématiquement vérifiable, sur le rythme et les situations, ici montrées dans l’écrin judicieux d’un palais aux fresques intégrant des motifs antiques égyptiens à une esthétique Art Déco coloniale toujours savamment éclairée – Patrice Trotier -, créatrice de relief, de profondeur et de climats. »

La Libre Belgique – 10 mars 2007

« Marie-Nicole Lemieux passe à la vitesse supérieure en incarnant, à Nancy, le Giulio Cesare de Haendel, une première qui ne devrait pas rester sans lendemain. Uniforme avec pantalon et grand manteau, les cheveux ramenés en arrière, Lemieux est un César qui n’a pu gommer toute féminité, mais qui sait vivre et incarner la vaillance, la colère et la passion amoureuse. Loin de tout monolithisme, elle campe un Empereur en proie au doute et empreint d’une réelle fragilité, personnage riche et très humain. Si on sent encore un certain manque d’aisance scénique, la voix est superbe : intonation très sûre, riche en nuances et virtuose quand les coloratures l’impose. Véritable vitrine du chant français, le spectacle a d’ailleurs comme premier atout une distribution de premier plan : autour de Lemieux gravitent Stéphanie d’Oustrac (Sesto), Elodie Méchain (Cornelia), Ingrid Perruche (Cleopatra) et le contre-ténor Philippe Jarrousky, brillant Ptolémée façon punk star. La partie orchestrale est un cran en dessous, souffrant à la fois des approximations de l’Orchestre de Nancy et de Lorraine et de la direction de Kenneth Montgomery, baguette compétente mais routinière qui peine à donner vie à cette version intégrale frisant les cinq heures. Confirmant par une accumulation d’escaliers en tout sens qu’il reste avant tout un décorateur, Yannis Kokkos signe une mise en scène sans grand intérêt. A ses tentatives un peu laborieuses de second degré, on eût préféré une direction d’acteurs plus précise et plus inspirée. »

Crescendo – avril/mai 2007

Pourquoi ce chef peu accordé au répertoire baroque alors qu’il eût fallu une bombe du style Minkowski ou Jacobs pour dynamiser un orchestre peu intéressé par le répertoire et par ce qui se passait sur scène ? On crut entendre une mauvaise version des annees 30, au moment de la renaissance de ce chef-d’oeuvre du maître saxon : aucun souci de phrase ni de la rhétorique, un jeu routinier et lourd. D’emblée on avait deviné que le plus vibrant air de César, “Va tacite e nascosto” acccompagné du cor (à piston ici, bien sûr!) serait malheureusement raté, ce qui fut le cas. Yannis Kokkos avait reuni quelques poncifs pour sa mise en scène dans un salon de l’Egypte coloniale où apparaissent d’énormes escaliers qui se joignent et s éloignent au fil des amours-haines, avec, en contrepoint, des hiéroglyphes, des canopes, des mouvements chorégraphiés de Richild Springer car « il s’agit de construire au même moment un arrière plan qui soit l’écho de la dynamique particulière de chaque air et nous permette de nous montrer une passion en action ». Eh bien c’était raté! jouant d’un humour très premier comme le déplacement hors perspective des Egyptiens, ces mouvments aux intentions dispersées ne faisaient qu’ajouter à l’incohérence de l’ensemble.Heureusement il y avait les chanteurs. Ils ont vite réussi à nous faire oublier tout ce qu’il fallait oublier, pour jouir pleinement de la musique et de l’oeuvre de Haendel. Vocalement ils étaient tous parfaits alors que l’on connaît les périls auxquels le compositeur soumet ses chanteurs qui, à l’époque, finalement, ne demandaient que cela. Psychologiquement, ils se3 donnaient tous à fond. La générosité et le timbre charnu de Marie Nicole Lemieux nous offraient la part galante et amoureuse de César tandis que ses descentes fougueuses dans le grave profond nous en donnaient sa part guerrière. lngrid Perruche parvenait magnifiquement à se glisser dans les divers et subtils émois habillés de multiples costumes. Élodie Méchain – Cornelia – un rôle ingrat que cette veuve inconsolable, habite discrètement la scène mais réalise le tour de force d’y être intensément omniprésente. Stéphanie d’Oustrac offre son ample mezzo a un Sextus jeune énergique et fougueux pour défendre sa mère. Philippe Jaroussky est magnifiquement odieux dans la peau de Ptolémée dont le cynisme et la veulerie donnent froid dans le dos. Riccardo Novaro est ce personnage froid et glacial que finalement rien n’émeut, à la ligne vocale parfaite. On ne peut donc que féliciter doublement les chanteurs d’avoir transcendé tous les obstacles ceux de l’oeuvre et ceux de sa réalisation pour rendre à César…ce qui est à Haendel. »

Opéra de Seattle – McCaw Hall – 24, 25, 28 février, 3, 4, 7, 9, 10 mars 2007 – dir. Gary Thor Wedow – mise en scène Robin Guarino – décors Paul Steinberg – costumes Constance Hoffman – lumières Robert Wierzel – avec Ewa Podles / Anna Burford (Cesare), Alexandra Deshorties / Christine Brandes (Cleopatra), Helene Schneiderman / Gloria Parker (Cornelia),, Kristine Jepson / Carolyn Kahl (Sesto Pompeo), Brian Asawa / Mark Crayton (Tolomeo), Arthur Woodley (Achillas), David Korn (Nireno)

Wiesbaden – Staatstheater – 27 janvier, 12, 18, 24, 29 mars, 10 avril, 15, 30 juin 2007 – dir. Cornelius Heine – mise en scène Markus Bothe – décors Manfred Dittrich – costumes Dorothea Katzer – chef de choeur Christof Hilmer – avec Ute Döring (Giulio Cesare), Artur Pirvo / Hye-Soo Sonn (Curio), Sandra Firrincieli (Cornelia), Betsy Horne / Inga Lampert (Sesto), Thora Einarsdottir / Sharon Kempton (Cleopatra), Andreas Taubert (Tolomeo), Olaf Franz / Thomas de Vries (Achillas), Emma Pearson (Nireno) – nouvelle production

Opéra de Melbourne – 1er, 6, 9, 12, 15 décembre 2006 – dir. Richard Gill – mise en scène Fransisco Negrin, adaptation Matthew Barclay – décors et costumes Anthony Baker – lumières Davy Cunningham – chorégraphie Gregory Nash – avec Tobias Cole (Giulio Cesare), Emma Matthews (Cleopatra), Catherine Carby (Cornelia), Sally-Anne Russell (Sesto Pompeo), Christopher Field (Tolomeo), Richard Anderson (Achilla), Tim DuFore (Curio), Daniel Goodwin (Nireno)

Théâtre des Champs Élysées – 16, 18, 20, 22, 24 octobre 2006 – Rome – Accademia Nazionale di Santa Cecilia – 26 octobre2006 – Les Talens Lyriques – dir. Christophe Rousset – mise en scène Irina Brook – décors Noëlle Ginefri – costumes Sylvie Martin-Hyszka – chorégraphie Cécile Bon, lumières André Diot – avec Andreas Scholl (Cesare), Rosemary Joshua (Cleopatra), Sonia Prina (Cornelia), Alice Coote (Sesto), Mario Cassi (Achilla), Damien Guillon (Nireno), Renaud Delaigue (Curio), Franco Fagioli (Tolomeo) – nouvelle production

Opéra Magazine – décembre 2006 – 16 octobre 2006

« Lorsque le rideau se lève sur un Cesare baroudeur, pas rasé depuis plusieurs jours et prenant du repos avec ses compagnons, on n’imagine pas que le décor unique qui vient d’apparaître — un désert — résume la production dont on attendait tant. Désert dans lequel Irina Brook s’égare en entraînant tout le monde dans son sillage (chanteurs, musiciens, chef, spectateurs), sans espoir de retour.On pourrait sourire en voyant Cesare prendre son casse-croûte en guise de scène de triomphe, puis parler des portes qu’il force pour sauver Cleopatra en l’absence de tout palais, ou en découvrant Cleopatra en train de jongler et de se dandiner pendant « Da tempeste ». Sauf que tout cela été vu cent fois depuis des lustres et n’est jamais le fruit d’une pensée dramatique. La direction d’acteurs semble également absente, du remplissage inutile ou ridicule pendant les da capo et des solistes se retrouvant régulièrement à l’avant-scène pour chanter face au public. Irina Brook passe totalement côté des personnages, des émotions et de la drarnaturgie d’un ouvrage dont les conventions, faut-il le répéter, ne sont pas de superficiels artifices mais les éléments constitutifs d’un théâtre fort et les vecteurs d’émotions puissantes. Les lumières sont peu utilisées pour compenser la monotonie du décor, malgré une jolie scène de nuit pour le récitatif méditatif de Cesare « Alma del gran Pompeo ». Et la fin de l’acte II est en partie déplacée au début du III et coupée…La partie musicale ne sauve pas la représentation, les interprètes semblant contaminés par le vide de la mise en scène. En Cesare, Andreas Scholl chante bien mais de manière anodine, comme la Cornelia de Sonia Prina. RosemaryJoshua, a priori la plus charmante des Cleopatra, ne domine jamais son rôle et parait transparente. Dans ce désert, on trouve heureusement un peu de matière du côté de Sesto et de Tolomeo, respectivement incarnés parla mezzo-soprano Alice Coote et le contre-ténor FrancoFagioli, seules vraies présences vocales de la soirée.Quant aux Talens Lyriques et à Christophe Rousset — passons sur les errements continus des cors —, on les a rarement entendus aussi plats et peu expressifs. Malgré quelques sursauts,ils semblent résignés. Une fois de plus, le claveciniste et chef (l’orchestre français est victime de son metteur en scène. Par chance, nous savons par ailleurs tout ce qu’il peut apporter à Haendel (au disque, en concert, mais également au théâtre, voir les superbes productions de Pierre Audi). Nous lui témoignerons donc plus de compassion que de reproche. Une soirée ennuyeuse, quand elle n’est pas ridicule ou médiocre, qui révèle l’absence totale d’affinités entre Irina Brook et ce répertoire. Une fois n’est pas coutume dans ce théâtre, une bonne partie du public lui a manifesté son mécontentement au moment des saluts. »

Crescendo – décembre 2006/janvier 2007

« Un des points de mire du cycle Haendel du Théâtre des Champs Elysées était sans doute Giulio Cesare avec Andreas Scholl dans le rôle-titre. Le célèbre contre-ténor se produit en effet très rarement sur les scènes d’opéra. Il a interprété Bertarido de Rodelinda à Glyndebourne et au Metropolitan de New York et le rôle-titre de Giulio Cesare à Copenhague. C’est à nouveau en général romain qu’il a fait la conquête du public parisien, accompagné par Les Talens Lyriques sous la direction de Christophe Rousset, dans une mise en scène d’Irina Brook. La fille de Peter Brook n’a pas le talent de son père et sa production fut huée le soir de la Première. Dans un décor unique, constitué en majeure partie de dunes de sable (Noëlle Ginefri) auxquelles s’ajoutent des accessoires peu suggestifs, souvent inutiles et même vulgaires, elle propose une action pleine de mouvements superflus, de clichés et de gags exaspérants. Mais il n’y a pas d’authentique interaction dramatique entre les personnages qui manquent de profil. A aucun moment Brook n’entre dans l’esprit de la musique et de l’oeuvre qu’elle couronne d’une désuète scène de happy end romantique sous des pétales de roses. Ajoutez à cela les costumes médiocres de Sylvie Martin-Hyszka (la robe rouge de la pauvre Cleopatra!) et il est clair qu’il valait mieux se concentrer sur la musique. On peut se poser des questions sur la version présentée par Christophe Rousset, son interprétation et ses choix de tempi. Giulio Cesare peut faire montre de plus de variété dans les couleurs, plus d’intensité dans les dialogues et plus d’élan dramatique mais peut-être la mise en scène n’y était-elle pas étrangère. Dans l’ensemble, Rousset donne une exécution homogène et soignée, et accompagne bien les chanteurs.La belle voix d’Andreas Scholl me semble avoir perdu un peu de force et d’éclat, mais il reste l’interprète virtuose au style exemplaire et aux sons suaves. Rosemary Joshua fait une Cleopatra plus pétillante que séduisante dans ses robes et perruques impossibles mais son soprano pur et souple exprime bien les états d’âme de la reine d’Egypte. Tolomeo a le tempérament vif, la voix claire et la virtuosité impressionnante de Franco Fagioli. Alice Coote, expressive et merveilleuse haendélienne campe un excellent Sesto et Sonia Prina prête son contralto chaud aux émotions de Cornélia. Mario Cassi (Achilla), Damien Guillon (Nireno) et Renaud Delaigue (Curio) complétaient l’ensemble. »

Diapason – décembre 2006 – Empereur ou martyre ?

« Giulio Cesare, opéra érotico-militaire, veneziano-londonien, qui a assis la gloire de Haendel dès sa création (1724) et l’a rétablie dès sa résurrection (1922), est devenu un incontournable des scènes internationales… On pouvait en effet fermer les yeux devant la scénographie fauchée d’Irina Brook, coincée dans un décor piteux droit venu d’Oh les beaux jours ! de Beckett et dans d’affreux costumes de rebut. Si vous en êtes restés à l’âge des épées de bois, vous goûterez la direction d’acteurs minimaliste consistant à faire brandir aux interprètes tantôt une mitraillette, tantôt un poignard, tantôt un verre ou une flasque ; pas d’idée, d’élan ni de lecture mais, soyons juste, au moins une belle image : «Alma del gran Pompeo» chanté devant un brasero dans une nuit saharienne qui évoque le Douanier Rousseau.Côté musique, on balance. Souvent générique, allante mais routinière, la direction de Rousset se réveille sçudain dans les passages les plus orchestraux (« L’angue offesa », « Ne! tuo seno ») où se fait valoir la science dynamique que la fréquentation d’un répertoire plus tardif lui a apprise. La distribution ne manque pas d’atouts : une Cornelia au phrasé superbe, bien qu’assez triviale (Sonia Prina), un Sesto peu nuancé mais brûlant (Alice Coote), un Tolomeo qui se désinhibe dès qu’il peut chanter plus aigu que ne le veut sa partie (Franco Fagioli), un efficace Achilla confronté au même problème (Mario Cassi) et, surtout, une sensuelle et humaine Clèopâtre, qui ne peine que dans le piquant (Rosemary Joshua). Reste le rôle-titre, pour lequel Andreas Scholl n’a jamais été fait, et moins encore aujourd’hui : le grave s’est définitivement éteint, la chair envolée, ne reste qu’une virtuosité mécanique. »

Le Monde de la Musique – décembre 2006 – Maigre bilan pour Haendel – 21 octobre 2006

« Eu égard au potentiel d’une des plus fortes partitions lyriques de Haendel, le Jules César du Théâtre des Champs-Elysées a déçu. Irina Brook a choisi de mettre en scène Giulio Cesare dans un (joli) désert de sable jaune et de ciel bleu dessiné par Noëlle Ginefri, qui semble se souvenir des aventures de Tintin (Le Crabe aux pinces d’or). Privée du sens narratif et de l’humour (pas de capitaine Haddock) propres à cette bande dessinée, l’histoire se traîne en longueur. Si la mise en scène respecte, malgré une tranquille transposition contemporaine, la chronologie des faits, elle réduit les personnages à des silhouettes et néglige les enjeux du livret. Rosemary Joshua a, certes, la gracieuse silhouette d’une désirable Cléopâtre, mais son chant monochrome révèle bien mal sa vénéneuse ambition. L’envergure politique de l’empereur échappe à Andreas Scholl dont la voix, merveilleuse au disque, s’évanouit sur la scène du Théâtre des Champs-Elysées. Cette production semble confondre Giulio Cesare avec un marivaudage, alors qu’il s’agit d’un opéra où pleuvent les coups bas. Il faut du souffle pour intéresser pendant trois heures et demie, de l’obstination pour dévoiler un à un les ressorts de l’intrigue, de l’imagination pour soutenir ces longs airs. Feuilleter un somptueux catalogue de mélodies ne saurait suffire.Que retenir? Certainement pas les constantes approximations des Talens lyriques (s’acharner àvouloir faire entendre des cors naturels quand les souffleurs ne le peuvent pas constitue le meilleur argument contre les instruments anciens), ni la direction désinvolte de Christophe Rousset. Peut-être les efforts de Sonia Prina à nous émouvoir par les larmes de Cornelia alors qu’on la sait exceller dans les sports de combat. Sans doute le Sextus révolté d’Alice Coote, et le Ptolémée velléitaire du contre-ténor argentin Franco Fagioli. »

Anaclase.com

Le début du traditionnel cycle Haendel de l’avenue Montaigne s’ouvrait, cette semaine, par l’un des plus célèbres ouvrages du Saxon, Giulio Cesare in Egitto, une nouvelle production maison donnée cinq fois. Si la Sinfonia convainc dès l’abord, conduite avec une fermeté électrisante par un Christophe Rousset leste qui n’aura de cesse de tendre l’action depuis la fosse, il n’en est pas de même de la mise en scène d’ Irina Brook. Outre que le public se trouve une nouvelle fois confronté à une profusion de gestes, de gags, d’installations et de déménagements venant comme meubler une situation dont la musique se suffit à elle-même, il constatera l’irrecevable vulgarité d’une lecture qui ne repose que sur une suite de vagues trouvailles d’une futilité affligeante, une lecture accusant plusieurs contresens – dont celui qui décide de la conception du rôle de Tolomeo n’est pas des moindres : dans un sujet antique, les mots effeminato amante ne désignent absolument pas une éventuelle ambigüité sexuelle du personnage, mais au contraire son besoin de sans cesse rechercher la compagnie et le plaisir des femmes – qui révèlent une inculture inquiétante chez un créateur (sauf s’il suppose que les librettistes eux-mêmes soient incultes !) qui prétend se pencher sur une œuvre. Au regard de plusieurs réalisations récentes de cet opéra, il semble que nombre d’entre eux se soient four-voyés ; et si l’on tentait, tout simplement, de s’atteler à une véritable direction d’acteur qui prendrait le drame au premier degré, quitte à en intégrer le déroulement dans une scénographie plus inventive ? À méditer… À la déception d’une mise en scène inutile s’associait celle d’une distribution assez inégale dont les choix sont parfois difficilement justifiables. Du reste, dans l’ensemble, on remarquera de gros soucis de justesse chez presque tous les chanteurs ; on ne saurait pour autant accuser tout un plateau de chanter faux, n’est-ce pas ? Aussi pourra-t-on conclure à un cast maladroit, tout en relevant une direction si ferme qu’elle ne facilitait la tâche à aucun, y compris aux instrumentistes des Talens Lyriques, étonnamment approximatifs à plusieurs reprises.Si Renaud Delaigue s’acquitte honorablement du bref rôle de Curio, il en va de même du Nireno de Damien Guillon au chant souplement mené. Moins certains seront les récitatifs de Mario Cassi qui, par ailleurs, campe un Achilla attachant et crédible ; les voix est généreusement projetée, c’est indéniable, vaillante la prestation, mais la tessiture soulève quelques dou-tes que l’instabilité du bas-médium vient souligner. Les soupirs et autres effets plus ou moins minaudiers de la Cleopatra de Rosemary Joshua ne cachent guère un placement vocal inégal qui en contrarie trop souvent l’impact. Si certains choix de passages entre le falsetto et la poitrine séduisent lors des premières interventions de Franco Fagioli, l’absence de nuance, tant dans le chant que dans le jeu, l’incurie de la diction et les multiples imprécisions de hauteur discréditent cruellement son Tolomeo.De cette représentation l’on gardera toutefois le souvenir de trois artistes : Andreas Scholl, bien sûr, qui, bien que sans doute sur-distribué dans le rôle-titre qui réclame un tout autre format vocal, dispensait un chant d’une grande élégance, même si vocalises et ornements n’eurent pas ce soir le lustre de son Giulio d’il y a quatre ans, à Copenhague ; puis Alice Coote qui donnait un Sesto d’abord un rien propret qu’elle libérait peu à peu, au fil du spectacle ; Sonia Prina, enfin, qui n’a peut-être pas le contralto que l’on attend pour Cornelia – la chanteuse italienne serait plutôt un grand mezzo avec un beau grave -, mais dont l’incarnation demeure ici la plus convaincante, tant dramatiquement que vocalement, grâce à un timbre d’une riche couleur, une belle intelligence du chant, une sensibilité et un vrai sens de la scène. »

Le Monde.fr – Les tribulations de Jules César en Egypte

« Doté de huit airs magnifiques, le rôle de Jules César est celui du primo uomo par excellence, ce personnage numéro un de l’opera seria. Il était tenu à la création par le fameux castrat Senesino (« petit siennois », de son vrai nom Francesco Bernardi), dont le contre-ténor allemand Andreas Scholl possède la folle virtuosité paroxystique et la cartographie vocale, du chef de guerre avec ses arias « di furore » et ses flots de doubles croches (« Al lampo dell’armi ») à l’homme de vertu (« Alma del gran Pompeo ») en passant par l’amoureux transi (« Se in fiorito ameno prato »). Voix de velours féroce de vélocité, Andreas Scholl compense une faiblesse de projection par un bel engagement dramaturgique.Dotée de semblables attributs musicaux, la Cléopâtre de Rosemary Joshua séduit par sa ductilité et la joliesse de son chant. Le sensible Sextus d’Alice Coote émeut et Sonia Prina répand les larmes de Cornélie, la veuve de Pompée, avec toute la noblesse requise. Le Ptolémée de Franco Fagioli a du panache et de la classe, le reste de la distribution est à l’avenant.Mais la direction élégante de Christophe Rousset à la tête de ses Talens lyriques peine parfois à servir la violence de cette musique. Summum du cliché, la mise en scène d’Irina Brook, entre Tintin au pays de l’or noir, Lawrence d’Arabie et James Bond. Seul moment amusant, l’imitation de Dalida par Cléopâtre chantant sur une table, en perruque blonde, son air d’espérance et de conquête( « Tu la mia stella sei, amabile speranza »). »

Les Échos.fr – Empereur cherche metteur en scène« Chef d’orchestre et chanteurs portent à bout de bras une production théâtralement déficiente

« Irina Brook signe le spectacle. Elle réussit bien au théâtre, paraît-il, mais n’avait guère fait illusion à l’opéra, avec un « Eugène Onéguine » d’une désolante platitude, suivi d’une « Cenerentola » dans laquelle elle confondait idées et gadgets. Rien de comparable, toutefois, à ce « Cesare », exemple éloquent d’un metteur en scène qui ne sait pas par quel bout prendre l’oeuvre qu’on lui a confiée et ne sait comment vaincre le statisme qui pèse sur tout « opera seria ». Ne parlons surtout pas de direction d’acteurs : chacun fait ce que bon lui semble, préoccupé par son chant. Aucune caractérisation des personnages, aucune indication quant aux relations qui les unissent ou les séparent. Des entrées, des sorties, point final ! Le vide !Aucune tentative, non plus, pour faire comprendre au public d’aujourd’hui ce qui, dans l’intrigue, pourrait renvoyer à certaines tensions politiques actuelles – du coup, à quoi sert la transposition ? Alors que le livret de Nicolas Francesco Haym est d’une exceptionnelle richesse dramatique, les situations n’en sont pas exploitées, encore moins le mélange des genres. L’humour, ici, se réduit à quelques comparses jouant les Dupont-Dupond dans « Le Crabe aux pinces d’or » et à une chorégraphie indigente (Cécile Bon et Renato Giuliani). Les décors de Noëlle Ginefri, agréablement éclairés par André Diot, sont prétexte à quelques jolies images. Pour tout potage, c’est un peu maigre !Sous la houlette de leur mentor, les Talens Lyriques ne se ménagent pas – les cors naturels battent parfois la campagne, mais l’écueil est fréquent. Curieusement, les coupures ménagées dans une partition très longue finissent par faire disparaître Cornelia et son fils Sesto pour focaliser l’action sur les amants terribles, l’empereur romain et la reine d’Egypte. Malgré quelques tempos très rapides, la direction de Rousset demeure fort sage, prenant son plein essor dans le lyrisme, l’émotion à fleur de coeur. L’amour l’emporte sur les conflits, et la musique est la principale bénéficiaire de ce choix car le chef, qui guide ses troupes d’une main sûre, est musicien jusqu’au bout des ongles. D’où quelques moments captivants. Andreas Scholl peine parfois à se faire entendre, handicapé par la petitesse de sa voix ; et le comédien n’a guère l’autorité d’un souverain. Mais son « Aure, deh, per pietà » du IIIe acte est marqué par la grâce. Autre contre-ténor, Franco Fagioli (Tolomeo) incarne avec verve le frère perturbé de l’Egyptienne. Si le timbre profond d’Alice Coote s’adapte sans problème au travesti de Sesto, celui tout aussi chaud de Sonia Prina, plus que le tempérament de l’interprète, convient à Cornelia, veuve de Pompée. Rosemary Joshua prête son charme et sa musicalité raffinée à Cléopâtre. Haendel s’en sort à bon compte. Tant mieux pour lui ! »

ConcertoNet – 16 octobre 2006 – Une victoire de plus pour César! Ave!« La mise en scène d’Irina Brook reçoit des bravos et des huées au moment des saluts et c’est un assez bon résumé de son travail. S’il est vrai que les huées sont un peu excessives (on a vu pire dans d’autres salles parisiennes…), les bravos le sont aussi car cette production n’apporte pas une lecture bien originale de l’œuvre de Haendel. Comme nombre de ses collègues, Irina Brook transpose l’Egypte à notre époque mais avec des costumes toutefois assez intemporels : seuls les revolvers et autres fusils donnent à penser que nous sommes dans un conflit “égypto-romano” contemporain. On ne peut échapper au désormais incontournable costume-cravate alors que les différentes robes de Cléopâtre sont plutôt recherchées: la future reine change constamment de toilette, une robe rouge, une robe blanche vaporeuse, un robe noire décolletée dans le dos, etc… Tolomeo est également affublé de costumes assez ridicules puisqu’il entre sur scène dans un pyjama rose clair (avec un superbe T brodé sur la veste…) puis est vêtu de vestes de couleur violette, de pantalons cintrés, voire de collants en résille… Le décor principal fournit d’assez belles images: tout l’opéra se déroule sur des dunes légères avec du sable et une toile est dressée au fond de la scène. Voir les personnages se détacher sur le jaune du sable et le ciel bleu est assez captivant et esthétiquement beau. En revanche le mirage “The Oasis” qui accompagne le deuxième acte est du plus grand ridicule: l’action se déroule en plein désert donc un faux palmier clignotant est planté dans le décor ainsi qu’une entrée de boîte de nuit avec lettres lumineuses “The Oasis”. Autour de cette entrée, il y a un petit pont et une mare d’eau où tous les personnages vont aller patauger… La mise en scène est également agrémentée de personnages annexes, des serviteurs de Cléopâtre et de Ptolémée, qui sont en réalité des danseurs censés faire une chorégraphie égyptienne. Le goût est plus que douteux surtout dans l’air de Cléopâtre “Da tempeste” où ils se trémoussent sans grande élégance. Malheureusement le public rit souvent et c’est bien le comble dans un opéra qui n’est pas franchement drôle! Effectivement comment ne pas sourire quand les serviteurs sont obligés de redresser la table parce que Cléopâtre déplace tout sur son passage.Andreas Scholl met sa belle voix pure au service du chef romain et l’absence de vibrato contribue à apporter une profonde humanité au personnage: César est ici représenté comme un amoureux tendre doté d’un courage militaire sans faille mais qui n’aspire qu’à une juste vengeance. Pour avoir vu le chanteur dans ses premiers pas à Paris, on ne peut qu’être déçu d’entendre que la voix a perdu de sa puissance et de ses aigus au profit toutefois d’un grave de plus en plus nourri. Ce n’est que dans quelques passages, comme le magnifique début de “Aure deh per pieta” où il exécute un crescendo sur le “au”, que l’on retrouve l’Andreas Scholl des débuts. Il laisse mourir les notes peu à peu à la fin de l’air avec grande douceur. Le chanteur utilise également son élégance vocale dans les moments plus solennelles comme l’hommage rendu à Pompée: “Alma del gran Pompeo” où son interprétation est poignante. En revanche il n’a rien perdu de son agilité vocale car il enchaîne les vocalises avec une facilité confondante: “Al lampo dell’armi” en est un bon exemple car il adopte un tempo très vif et l’appel aux armes est encore plus expressif. Rosemary Joshua est une Cléopâtre bien convaincante et elle assume avec brio le rôle de la future reine d’Egypte. Elle parvient à donner une épaisseur au personnage et on est bien loin de l’oie blanche parfois représentée. Ses gestes, son phrasé et son assurance concourent à peindre une future reine ambitieuse qui découvre l’amour avec César. La voix est toujours aussi agile et les vocalises se multiplient au cours des airs surtout dans “tu la mia stella sei” où elle chante son amour à l’aide de très nombreuses notes rajoutées: elle se montre aguicheuse et ses vocalises sont à la limite de la vulgarité (calculée bien sûr). Toutefois elle prouve davantage son talent dans les airs plus lents comme “Per pietà” et “Piangero”. Le premier dégage une immense émotion parce qu’elle souligne particulièrement les “o” des verbes, tels que “moriro”, avec une voix blanche, presque décharnée. Elle reprend ce même procédé dans “pian”.Le timbre de Sonia Prina n’est pas des plus agréables mais il a le talent de brosser un portrait complet et sensible du personnage de Cornelia. La chanteuse se montre particulièrement émouvante dans l’air “nel tuo seno” où elle exprime la profonde douleur de Cornelia avec des couleurs très sombres, voire des notes un peu rauques. Certaines notes sont tenues auxquelles elle vient greffer progressivement un léger vibrato. Sa voix s’harmonise bien avec celle d’Alice Coote dans le duo “son nato/son nata”: ce morceau est d’une grande intensité et les deux chanteuses traduisent le désespoir de la mère et du fils avec des “mai piu” qui se répondent, chacun exprimant une gradation dans l’espoir. Tolomeo est interprété par le jeune Franco Fagioli qui a déjà fait forte impression à Zurich l’année dernière. Il maîtrise parfaitement les difficultés de la partition et ne recule devant aucune vocalise: il en rajoute, peut-être trop d’ailleurs, ce qui rend son personnage encore plus fou, voire détraqué. Irina Brook a souhaité en faire un être sanguinaire et intraitable et sa voix correspond bien à cette intention scénique. Il chante les deux airs “L’Empio” et “Si spietata” avec virtuosité malgré un tempo excessivement vif: son personnage est furieux et le contraste est d’autant plus saisissant quand il chante ce superbe air “belle dee”, véritable hymne à l’amour, dans lequel sa voix prend une coloration beaucoup plus douce et des résonances très pures. La grande révélation de la soirée est Alice Coote dont la carrière se développe essentiellement en Angleterre, où elle est fêtée dans les plus grandes maisons. La France la découvre ce soir dans un rôle qui lui va comme un gant: elle incarne un Sextus juste, rempli de colère et de désespoir, très attentionné auprès de sa mère… La voix souligne les intentions dramatiques de la chanteuse puisqu’elle est assez sombre quand il s’agit d’exprimer la douleur et plus claire quand le personnage reprend espoir, dualité qui se vérifie surtout dans les récitatifs. Elle apporte toute la fougue nécessaire dans le début de l’air “Svegliatevi nel core” pour ensuite donner des accents plus humains à la seconde partie: elle entrecoupe son chant de respirations sonores pour évoquer son père et donc la peine que suscite sa mort. L’air “cara speme, questo core” est une véritable parenthèse car Alice Coote dessine un personnage plus calme avec un superbe legato et de douces vocalises. Achilla est campé par Mario Cassi qui révèle un instrument assez métallique. Il ne manque pas de bonnes idées pour rendre son personnage méchant (notes très sombres, gestes assez violents) mais finalement assez naïf quand il tente de violenter Cornelia dans “Tu sei il cor”: il utilise toute la puissance de sa voix pour souligner les mots et apparaître comme un véritable tyran. De manière générale la couleur assez froide de sa voix ne s’entend, étrangement, que dans les airs: il montre une voix plus somptueuse et chaleureuse dans les récitatifs. Les rôles secondaires sont bien tenus à commencer par Damien Guillon dont le personnage de Nireno se trouve cependant amputé de son unique air. Mais les quelques remarques qu’il adresse à César ou à Cléopâtre dévoilent un timbre corsé et gracieux. Renaud Delaigue confirme sa belle longue voix de basse dans le rôle de Curio mais ce n’est aussi qu’à travers de trop rares apparitions que l’on peut admirer la richesse de son timbre.Christophe Rousset rend hommage à la partition et y dégage de belles nuances et d’intéressants tempi. Dès l’ouverture, il dirige avec nerf et conviction et il est suffisamment maître de son orchestre pour le lancer dans des tempi très rapides. Les détails sont bien mis en relief, les récitatifs sont expressifs et les airs sont tous bien rendus avec la justesse dramatique nécessaire, mais il manque toutefois la douceur et l’attendrissement d’un Marc Minkowski… Le plus beau passage est sûrement le duo Sextus/Cornelie où, de concert avec les chanteuses, il baisse le volume de l’orchestre et laisse progressivement s’éteindre la musique, avec des silences entres certaines phrases. A noter ce que l’on pourrait appeler le “gag du cor”, tellement l’instrument a joué faux et absolument pas en mesure dans “Va tacito”!Une fois passée la déception entraînée par la mise en scène, ce spectacle est très agréable à écouter même s’il n’est pas exceptionnel. Quelques belles images chaudes d’Egypte parviennent jusqu’à Paris et le drame se met finalement en place. Mais c’est dans quelques notes aériennes d’Andreas Scholl, dans de jolies vocalises de Rosemary Joshua et dans la direction générale de Christophe Rousset que cette nouvelle production trouve toute sa raison d’être. »
Libération.fr – 16 octobre 2006 – Haendel et son « César » dans le désert« La distribution prometteuse ne parvient pas à sauver la mise en scène médiocre d’Irina Brook. Première nouvelle production lyrique de la saison du Théâtre des Champs-Elysées, le Giulio Cesare de Haendel réunissait lundi, presse, musiciens et mélomanes, moins impatients, on l’imagine, de découvrir la mise en scène d’Irina Brook, que d’entendre la distribution prometteuse, réunie par le chef Christophe Rousset.Lorsque retentissent les premières mesures, on est d’emblée gêné par la respiration étriquée de la musique, les phrases trop courtes et privées de résonance. Certes, ce n’est pas le gris métallisé des enregistrements d’un Spinosi, mais la pauvreté des lignes, en galbe, en couleurs, vide la partition de son dramatisme, de sa lumière et de sa sensualité ­ sans même parler des problèmes de justesse et d’équilibre culminant dans l’air du héros accompagné de cor. N’aurait-il pas été plus judicieux de placer le corniste en question, ailleurs que dans un angle carrelé de marbre surexposant sa sonorité et l’obligeant du coup à souffler moins fort, au risque de couacs, inévitables sur un instrument ancien ?Le rideau s’ouvre sur les sables impeccablement dorés du désert, bordés d’un cyclo bleu. Plus tard, André Diot déploiera la magie de ses éclairages pour faire virer le ciel au rouge, puis au clair de lune, tandis que d’autres éléments de décor (un club illuminé en pleine oasis, un pont, des arbres morts) compléteront le chromo. Cette attention soutenue à la plastique du spectacle, dont les costumes et coiffures renvoient aussi bien à l’univers de la maffia, des terroristes et des émirs pétroliers qu’au look Dalida ou punk des années 70, est hélas inversement proportionnelle au talent de metteur en scène d’Irina Brook. Sa direction d’acteurs naïve et sommaire, dans ce temple du baroque new-look habitué aux mises en scènes fouillées et déjantées de David Mc Vicar, lui vaudra de copieuses huées au moment des saluts.A défaut d’être juste stylistiquement et dramatiquement ce Giulio Cesare est plaisant vocalement, surtout que Rousset assouplit progressivement sa baguette. Bémol de taille : le contre-ténor Andreas Scholl, hors sujet dans le rôle-titre. La souplesse et la précision rythmique des coloratures ne compensent pas un manque de graves, de volume, et une projection uniforme en termes de dynamique. Reste le legato de Sonia Prina, au timbre de contralto limpide, la puissance sonore et de caractérisation du contre-ténor Franco Fagioli en Tolomeo, le Sesto courageux d’Alice Coote et l’Achille fougueux du baryton-basse Mario Cassi. Bien qu’intonant un peu bas, la soprano Rosemary Joshua investit sa Cléopâtre d’un glamour visuel qui divertit et touche encore dans la déploration qui clôt ici le deuxième acte. Grâce à eux, par instants, ce Giulio Cesare n’est pas que rasoir. »
Altamusica – 16 octobre 2006 – Un Jules César aride

« L’opera seria a donné bien du fil à retordre aux metteurs en scène contemporain. Forte du succès public de sa Cenerentola, Irina Brook a appliqué à Jules César la même recette insupportablement tendance. Comme en réaction à tant de dérision, Christophe Rousset peine à varier les climats à la tête d’une distribution déséquilibrée par les faiblesses du rôle-titre.Adapté d’un livret vénitien de Giacomo Francesco Bussani mis en musique en 1676 par Antonio Sartorio, Jules César est indubitablement l’opéra le plus foisonnant de Haendel, rompant par l’extraordinaire diversité des climats, l’art de la transition, l’ironie constante, parfois cruelle, en somme son caractère de tragi-comédie historico-pastorale, selon l’expression consacrée par Polonius dans Hamlet, avec les canons de l’opera seria. Mais Christophe Rousset ne parvient pas, particulièrement au premier acte, à appliquer à Haendel cet esprit dont il avait si bien saisi les ressorts dans le Couronnement de Poppée. Tirée au cordeau, sa direction respire peu, pertinente dans les moments d’hypertension – et les Talens Lyriques, passées les hésitations de l’ouverture, ne relâchent jamais la concentration, à l’exception de cors décidément dans leur plus mauvais soir –, mais avare de coquetterie, de séduction, de sensualité. Et s’il desserre l’étau à partir du deuxième acte, élargissant sa palette, les enchaînements entre airs et récitatifs demeurent abrupts, et sa lecture finalement assez univoque, comme pour enrayer les excès de dérision pratiqués sur le plateau. Amoureuse du gag gratuit, Irina Brook tente en effet de perdre Jules César quelque part entre le Crabe aux pinces d’or et la Planète des singes, parsemant le charmant coin de désert conçu par Noëlle Ginefri des relents les plus tape-à-l’œil d’un Couronnement de Poppée de triste mémoire également créé sur la scène du Théâtre des Champs-Élysées, sans oublier quelques emprunts à la chorégraphie des Paladins, qui se jouent simultanément au Théâtre du Châtelet. Ce patchwork est sans doute follement tendance, comme l’était déjà la Cenerentola de Mademoiselle Brook, mais la réflexion dramaturgique n’y a pas droit de cité, et moins encore l’interrogation nécessaire sur ce genre plus que délicat à mettre en scène qu’est l’opera seria. L’ironie piquante sied à Jules César, pas la facilité. La distribution apporte quelques consolations, mais se révèle définitivement trop disparate pour convaincre. Ainsi, la proximité de voix jeunes et bien projetées disqualifie le Cesare d’Andreas Scholl. Car s’il a trouvé en Bertarido, écrit quelques mois plus tard pour le même Senesino, le rôle de sa vie, le contre-ténor allemand n’a pas la carrure vocale d’un Imperator. Plus mécanique qu’héroïque, la colorature est certes précise, mais elle défigure ce timbre plus très angélique qui ne retrouve qu’en de très rares instants sa splendeur passée : que de raideurs et de sons blancs pour quelques beaux trilles et surtout l’envoûtante messa di voce d’un Aure, deh, per pietà par ailleurs sans magie. Le rôle constitue, il est vrai, un défi quasi insurmontable pour un falsettiste. Certains ont néanmoins su s’y montrer crédibles, à l’instar du très jeune Franco Fagioli à Zurich en avril dernier, dont le tempérament explose littéralement en Ptolémée, qu’Irina Brook transforme en hybride de Zaza Napoli et John Galliano. Voix concentrée et vocalise calibrée, voici un vrai contre-ténor de théâtre, usant des ruptures de registres pour souligner la virilité complexée de cet effeminato amante. Interprète fine et enjouée, timbre délicieusement rond et lumineux, Rosemary Joshua n’est pourtant pas à son meilleur sur la tessiture de Cléopâtre, qui la prive curieusement de souplesse, d’attaques souvent peu soignées, et n’atteignant pas systématiquement leur cible. Parfois un rien à l’étroit dans les tempi serrés de Christophe Rousset, la voix d’une insolente richesse d’Alice Coote s’épanouit superbement dans l’ardeur puérile de Sextus, formant avec la Cornélie habitée de Sonia Prina, dont la timbre tend de plus en plus à se résumer à un métal jugulaire, un duo bouleversant. Plus que le solide, mais parfois débraillé, Achillas de Mario Cassi, le Nirenus de Damien Guillon, privé de son air, révèle en quelques récitatifs une couleur attachante, qui n’est d’ailleurs pas sans rappeler un certain Andreas Scholl, rare oasis dans ce Giulio Cesare relativement complet, mais décidément trop aride. »

Res Musica – 18 octobre 2006 – Splendeur musicale et mise en scène ensablée

« On peut dire qu’à l’occasion de ce Giulio Cesare, le Théâtre des Champs-Élysées a mis, pour la distribution tout du moins, les petits plats dans les grands ! On sort en effet de la représentation ébloui par tant de beauté musicale…et dépité par tant de vacuité scénique ! Qu’est-il donc arrivé à Irina Brook ? On avait bien aimé son Eugène Onéguine à Aix-en-Provence et sa Cenerentola dans ce même TCE. Or, voici qu’elle nous sert une mise en scène sans l’ombre d’une idée, d’une conception, ou même d’un fil directeur ! L’action se situe dans un désert de sable, avec au beau milieu un élément censé planter le décor de chaque acte : un panneau indicateur au I, une oasis avec une porte orientale aussi moche et clinquante qu’une entrée de casino de Las Vegas au II, un squelette de barque au III. La plupart du temps, il ne se passe rien. Le chanteur, les bras ballants, se plante à l’avant-scène et se préoccupe uniquement de bien chanter. C’est plutôt mieux que quand il se passe quelque chose, car alors nous voyons défiler en quelques minutes une dizaine de gags dont le plus amusant tient du glissement sur une peau de banane (ou sur le sable du désert, dans le cas présent). De temps à autre, un danseur esquisse quelques pas de break-dance, sans raison apparente. Pourquoi avoir inséré ces plaisanteries pas même dignes d’un potache, alors que la signification de l’œuvre n’est jamais tournée en dérision (en fait, pour Irina Brook, il n’y a pas de signification du tout) ? Pour obtenir les rires gras d’une poignée de spectateurs ? Dans ce cas, l’objectif est atteint ! Et quand on a pour malheur une voisine qui glousse simplement parce que Achilla retire ses boots et remonte son pantalon pour traverser l’oasis (ou plutôt la mare), on se met à haïr la terre entière ! Mais ces désagréments n’arrivent fort heureusement pas à supplanter la musique, et là, que de splendeurs ! On savait Rosemary Joshua inégalable, incomparable, en Sémélé et en Poppée dans Agrippina. On lui découvre un nouveau personnage haendélien dans lequel elle est presque aussi formidable. Presque, car plus inégale. Sa Cléopâtre est agréable sans atteindre des sommets au premier acte, il faut dire que ni la mise en scène, ni ses costumes, hideux, ni sa coiffure, ridicule, ne doivent l’aider à endosser la psychologie de la reine d’Egypte. Mais tout bascule soudain à la fin du II, avec un « Se pieta di me non senti » d’anthologie, absolument bouleversant, dont on sort les mains tremblantes et les larmes aux yeux. Le « Piangero » est tout aussi réussi, et nous retrouvons la grande vocaliste dans un ébouriffant « Da tempeste il legno infranto » léger comme une nuée de bulles, pendant lequel elle se paie même le luxe d’effectuer quelques pas de danse ! On a lu, ici ou là, des commentaires acides sur la petitesse de la voix d’Andreas Scholl. Ils ne peuvent provenir que de ceux qui n’avaient jamais entendu le contre-ténor, ou qui n’avaient pas consulté le programme avant d’entrer dans la salle. Reprocher son émission confidentielle à Andréas Scholl, c’est un peu comme se plaindre que Chaliapine n’avait pas de contre-ut aigu ! Alors, amateurs de heldentenors s’abstenir, pour ce manque de volume, que de beauté dans le timbre, que de souplesse dans la vocalisation, que de longueur de souffle dans les messe di voce, que de noblesse dans l’incarnation ! Oui, ce soir, le couple Joshua/Scholl était aussi mythique que le couple Jules César/Cléopâtre ! Mais ils n’étaient pas seuls à participer à notre bonheur, car les deux voix graves de femmes n’étaient pas en reste. En Sesto, une Alice Coote déchaînée, au splendide son cuivré, à qui l’on doit les plus belles ornementations de la soirée, et en Cornélia, une Sonia Prina au timbre profond, profond, d’une noblesse exemplaire. Ce ne sera pas faire injure au Tolomeo de Franco Fagioli et à l’Achilla de Mario Cassi de dire qu’ils ne se situent pas tout à fait au même niveau. Dans une autre production, on les aurait encensés. Mais face à quatre monstres d’un tel degré vocal, on en oublierait presque de les écouter, ce qui est fort dommage. Remarquons que tous les chanteurs ornent les da capo avec beaucoup de goût. Les Talens Lyriques, sous la direction de Christophe Rousset, sonnent au départ très dégraissés, voire un peu trop sec. Et puis on se laisse petit à petit séduire par la progression et l’articulation des arches musicales, d’autant plus que l’orchestre sait chanter quand et là où il le faut. Quelques coupures, peu nombreuses, pour un spectacle qui dure quand même presque 4 heures, entractes compris. On sait que les cors baroques sonnent difficilement justes, mais la piteuse prestation du corniste solo dans l’aria « du chasseur » était peut-être le seul gag vraiment réussi de la soirée ! Bref, malgré la mise en scène indigente d’Irina Brook, on passe une magnifique soirée. A retourner écouter les yeux fermés. »

Classica – novembre 2006 – Bof !

« Irina Brook ne tient pas ses promesses…elle bute sur Jules césar : absence de vision générale, direction d’acteurs inexistante, le tou posé dans un décor maigrelet, mille fois vu. Gosse déception musicale également, Andreas Scholl en tête, voix courte et mal assurée à l’opéra. »

Musica sola – 18 octobre 2006

« Cela fait trois fois que j’assiste à une première cette saison. Dans les trois cas, l’équipe de mise en scène a été huée, de façon à chaque fois imméritée à mon sens. Mais autant je comprends, sans les approuver, les huées qui ont accueilli la Lucia di Lammermoor mise en scène par Andrei Serban, qui défiait ouvertement les habitudes du public parisien et n’a pas hésité à le provoquer lors de ladite première (cf. un message ci-dessous), autant la réaction du public d’hier soir reste à mes yeux totalement incompréhensible et absurde.Donc, Haendel, Jules César, une partition qu’on commence à bien connaître (encore que le jour où les opéras de Haendel connaîtront autant de représentations qu’un vulgaire Puccini n’est pas encore venu – j’ai beau avoir le temps devant moi, je crains de mourir sans le connaître, ce jour), dans un lieu où Haendel a connu pas mal de triomphes (le plus beau étant pour moi comme pour beaucoup l’inoubliable Agrippina mise en scène par David McVicar) et où, en général, on ne s’occupe pas trop de la mise en scène pourvu qu’elle ne fasse pas de vague. Dominique Meyer, avisé patron du TCE, n’avait pas pris beaucoup de risque en recourant à Irina Brook, experte en produits bien finis, chics et élégants, qui avait déjà signé une jolie Cenerentola au TCE. Le produit livré correspond bien à ces attentes, avec à la fois un sens certain de l’émotion et un humour discret, parfois un peu simpliste: sa lecture de l’oeuvre est précise et on est bien loin du « tout grotesque » qui a beaucoup desservi Haendel sur les scènes européennes depuis une quinzaine d’années (le sommet étant un stupide Rinaldo monté à Montpellier, Innsbruck et Berlin). Il ne faut pas oublier que l’humour est bien présent dans l’oeuvre, autour des relations entre Cléopâtre et Ptolémée notamment, et ce serait un contresens total que de penser que l’opera seria appelle forcément un traitement marmoréen: si les différentes mises en musique de L’Olimpiade, par exemple, ne laissent pas de place pour l’humour, d’autres serias sont au contraire de véritables comédies parfois féroces, comme l’Agrippina de Haendel ou le délicieux Ottone in villa de Vivaldi (très bon enregistement dirigé par Richard Hickox chez Chandos), ou la chute d’un bon à rien…Irina Brook sait ainsi laisser à certains airs, comme les lamentos de Cléopâtre, le temps de laisser l’émotion se développer, par une direction d’acteurs qui peut paraître statique mais est beaucoup plus précise et travaillée qu’il n’y paraît. Le tout, dans un décor discret de désert et avec des costumes qui mélangent costumes modernes et orientalisme délicat, est donc bien loin d’appartenir à la mouvance la plus provocatrice de la scène lyrique parisienne et avait de quoi contenter une bonne partie du public. J’ai l’impression que la violence de ces huées a paru incompréhensible à une bonne partie du public…Musicalement, le spectacle était en de bonnes mains, avec un Christophe Rousset parfait à son habitude, sans grands effets mais plein de délicatesse et de générosité. Il a réalisé une partition d’un peu moins de 3 heures, ce qui laisse de côté une partie non négligeable de la partition mais n’est finalement pas si mal. Le César d’Andreas Scholl est certainement l’aspect le moins satisfaisant de la distribution: sa voix toujours plus nasillarde, sa diction impossible et ses vocalises hasardeuses sont à mille lieues des grandes réussites d’une Larmore ou d’une Mijanovic; même du côté masculin (qui n’est pas celui que je préfère), un Lawrence Zazzo aurait certainement été bien préférable. L’autre point faible de la distribution est l’interprète de Sesto (comme souvent, Dieu sait pourquoi): Alice Coote a une voix banale et une interprétation qui ne l’est pas moins. Mais ces limites sont largement compensées par la belle Cornelia de l’impeccable Sonia Prina, qui aura intérêt à aborder le rôle titre dès que possible, et surtout par Rosemary Joshua en Cleopatra. Cette chanteuse, que j’avais entendue pour la dernière fois cet été dans Orlando à Munich, est certainement aujourd’hui, avec Sandrine Piau, la meilleure soprano haendelienne sur les scènes : sa voix extrêmement mobile, d’une sensibilité extrême, sans afféteries et sans grands effets, va particulièrement bien à ce rôle qui parcourt toute la gamme expressive du rire au lamento. Je n’hésite pas à dire que c’est sans doute la meilleure Cléopâtre que j’ai entendu, malgré toute mon admiration pour Magdalena Kozena… Pour la magnifique Joshua, pour la beauté d’un grand orchestre haendelien, et surtout, ce qu’on oublie trop souvent de dire, pour une musique magnifique où (presque) pas un air n’est un chef-d’oeuvre, une soirée à conseiller ! »

Opéra de Sydney – 5, 10, 14, 18, 26, 28, 30 octobre 2006 – dir. Richard Hickox – mise en scène Fransisco Negrin, adaptation Matthew Barclay – décors et costumes Anthony Baker – lumières Davy Cunningham – chorégraphie Gregory Nash – avec Tobias Cole (Giulio Cesare), Emma Matthews (Cleopatra), Catherine Carby (Cornelia), Pamela Helen Stephen (Sesto Pompeo), Christopher Field (Tolomeo), Stephen Bennett (Achilla), Richard Anderson (Curio), Daniel Goodwin (Nireno)

 

Düsseldorf – Deutsche Oper am Rhein – 30 septembre 2006 – Statisterie der Deutschen Oper am Rhein – Die Düsseldorfer Symphoniker – dir. Andreas Stoehr – mise en scène Philipp Himmelmann – décors Gesine Völlm – dramaturgie Hella Bartnig – avec Günes Gürle Giulio (Cesare), Marta Márquez (Cornelia), Annette Seiltgen (Sesto), Kristine Kaiser (Cleopatra), Gunther Schmid (Tolomeo), Dmitri Vargin (Achilla), Sergio Raonic Lukovic (Nireno)

Festival de Glyndebourne – 5, 8, 11, 14, 17, 20, 23, 26 août 2006 – Orchestra of the Age of Enlightenment – dir. Emmanuelle Haïm – mise en scène David McVicar – décors Robert Jones – costumes Brigitte Reiffenstuel – lumières Paule Constable – chorégraphie Andrew George – avec David Daniels (Giulio Cesare), Danielle de Niese (Cleopatra), Lawrence Zazzo (Tolomeo), Sara Mingardo (Cornelia), Katarina Karnéus (Sesto), Nathan Berg (Achilla), Rachid Ben Abdeslam (Nireno)

 

Munich – Opern Festspiele – 7 juillet 2006 – dir. Ivor Bolton – mise en scène Richard Jones – décors, costumes Nigel Lowery – chorégraphie Amir Hosseinpour – lumières Mimi Jordan Sherin – avec Ann Murray (Giulio Cesare), Christian Rieger (Curio), Sonia Prina (Cornelia), Daniela Sindram (Sesto), Susan Gritton (Cleopatra), Christopher Robson (Tolomeo), Clive Bayley (Achilla), Axel Koehler (Nireno)

 

Tel Aviv – Opéra d’Israël – 24 , 25, 26, 27, 28, 30 juin, 1er, 6, 10 juillet 2006 – dir. David Stern – mise en scène Jakob Peters-Messer – décors Christoph Wagenknecht – costumes Sven Bindseil – avec Hadar Halevi / Yaniv d’Or (Giulio Cesare), Corinna Mologni / Sharon Rostorf Zamir (Cleopatra), Sarah Castle / Shira Raz (Sesto), Edna Prochnik (Cornelia), Yaniv d’Or (Tolomeo), Noah Briger (Achilla), Alexandra Chebat (Nireno) – production du Stadttheater Berne

Opéra de San Diego – 15, 18, 21, 23 avril 2006 – San Diego Symphony Orchestra – dir. Kenneth Montgomery – San Diego Opera Chorus – dir. Timothy Todd Simmons – mise en scène John Copley – lumières Thomas Munn – avec Giulio Cesare (Ewa Podles), Lisa Saffer (Cleopatra), Suzanna Guzmán (Cornelia), Vivica Genaux (Sesto), Brian Asawa (Tolomeo), Alfred Walker (Achilla), Mark Crayton (Nireno), James Scott Simmons (Curio)

Forum Opéra – 18 avril 2006 – Vivifiant revival !

« « We make musique worth seeing » (1), telle est la devise du San Diego Opera. Promesse tenue avec la reprise de cette opulente production de John Copley. Montée sous la baguette de Charles Mackerras durant la saison 1979-1980 à Covent Garden pour les adieux de Dame Janet Baker, reprise à Genève en 1983 avec Tatiana Troyanos, cette mise en scène du chef-d’œuvre d’Haendel, parmi les plus mémorables, est adaptée pour la scène du Metropolitan Opera en 1988, toujours avec Troyanos, mais sous la direction de Trevor Pinnock. Soigneusement conservés par le Met, décors et costumes viennent de traverser les États-Unis dans quatre semi-remorques pour le plaisir des spectateurs de la côte Ouest qui commencent à s’initier à la musique martiale, ludique et débordante d’émotions de l’opéra baroque. Les éléments scéniques d’origine, évoquant notamment la plaine du Nil, le tombeau de Pompée, le Mont Parnasse, l’appartement de Cléopâtre, le sérail de Ptolémée et, pour la scène finale, le port d’Alexandrie, ont été remontés sur le vaste plateau du San Diego Opera, une salle de près de 3000 places inaugurée en 1965.Comme on aimait le faire dans les années 1980, Copley, Pascoe et Stennett ont tenté une reconstitution quelque peu idéalisée d’une représentation d’opéra à l’époque d’Haendel. Toiles peintes de ciels chromos ou de plage balayée par le vent, épaisses murailles, parois en faux marbre, luxueux mobilier aux proportions gigantesques, dorures incrustées de pierreries se déploient avec un faste hollywoodien. On ne compte pas moins de quatre-vingt-dix-huit costumes faits de riches étoffes et agrémentés de traînes et de lourdes capes, de casques et de cuirasses. Certains datent de la production originale, d’autres ont été reproduits à l’identique par le Met. Pas moins de six changements pour les principaux protagonistes !Selon les habitudes du XVIIIe siècle, à part quelques symboles architecturaux comme les obélisques provenant de productions anglaises du début des années 1960, aucune reconstitution réaliste de l’époque de Cléopâtre n’a été recherchée. Tout comme les neuf muses qui l’assistent pour séduire César, la reine porte d’élégantes robes à paniers, ornées de fleurs de lotus ou de plumes de vautour qui suffisent à symboliser l’Egypte et le pouvoir. Sobrement dirigé par Kenneth Montgomery, ancien directeur musical de Glyndebourne, le San Diego Symphony Orchestra — retrouvant ce chef après Ariodante en 2002 — semble prendre goût à ce répertoire assez nouveau pour lui. Les différents pupitres sont équilibrés et généralement bien en phase avec les voix. La fosse a d’ailleurs été surélevée afin de favoriser le contact entre chanteurs et instruments : cordes, viole de gambe, théorbe, hautbois et bassons qui ponctuent les récitatifs ou dialoguent parfois en solo avec l’un des personnages. Débutant sur la scène principale du San Diego Opera, après un récital acclamé il y a deux ans dans une autre salle, Ewa Podles a doublement ébahi le public local peu habitué à la pyrotechnie vocale des arias da capo et encore moins aux travestis. Mais comment ne pas se laisser prendre à un chant aussi ensorcelant que le sien, toujours parfaitement en situation avec le texte — ce qui est un exploit dans ce rôle multi facettes qu’elle maîtrise à chaque virage ! Car si Podles chante les morceaux de bravoure comme Empio diro tu sei et Va tacito e nascosto avec des cadences irrésistibles et toute la fureur requise, les da capo subtils de Se in fiorito ameno prato dialoguant avec le violon solo et les récitatifs méditatifs comme Alma del Gran Pompeo ou Dall’ondoso periglio sont, eux aussi, magiques. Au troisième acte, l’aria Aure, deh, per pietà qui se termine par un grave superbe sur al mio dolor reste — à elle seule — un moment inoubliable.Après sa Cornelie de 2004 dans la mise en scène de Wernicke au Liceu de Barcelone (disponible en vidéo) et sa récente prise de rôle du Bertarido de Rodelinda à Dallas, dans une nouvelle production de Copley également dirigée par Montgomery, Ewa Podles nous rappelle ici, une fois de plus, qu’elle est une grande interprète de Haendel. La Cléopâtre de la soprano américaine Lisa Saffer manque un peu de majesté, mais certainement pas de charme. La voix est un peu sèche et plutôt petite, mais la chanteuse compense avec une excellente projection et une émission claire, nette. Infiniment séduisante, dans ses gracieuses attitudes alanguies, Lisa Saffer sort de sa réserve pour faire de la sublime et subtile aria Se pietà di me no senti, giusto ciel io moriro la déchirante prière attendue comme le sommet de la partition. Le rôle du méchant Ptolémée, frère de Cléopâtre, est brillamment chanté par le contre-ténor américain d’origine japonaise Brian Asawa. Avec ses da capo virtuoses, ses aigus impeccables, ses graves sonores et une ligne fort bien conduite, Asawa confère à son personnage toute l’inquiétude nécessaire. Son interprétation très originale, « entre sale gosse et tyran sadique » selon Opera News, lui a valu de nombreux succès dans ce rôle, notamment à Paris, Barcelone et New York. À noter qu’il a aussi chanté Sesto en 2002 avec la Canadian Opera Company de Toronto dans une production qui réunissait déjà Podles et Montgomery.La veuve de Pompée, Cornélie, est incarnée par la mezzo-soprano Suzanna Guzman. Elle possède une voix peu colorée, vibrant légèrement, et une présence scénique plutôt discrète pour une briseuse de cœurs… La chanteuse américaine a parfois un certain mal à passer l’orchestre, mais elle sait se montrer touchante, en particulier dans le duo d’adieu avec son fils, temps fort qui clôt le premier acte. Avec Sextus — une prise de rôle — la mezzo-soprano américaine Vivica Genaux ajoute à son répertoire un rôle qui lui va comme un gant ! Sa silhouette androgyne, son visage agréable au regard droit, son chant précis, engagé, son timbre un peu nasal et très personnel, presque ténorisant, la rendent ici particulièrement crédible et apte à séduire tous azimuts. De surcroît, elle porte les élégants costumes de Michael Stennet avec une aisance de top model qui les font remarquer dès qu’elle paraît. Bien chantants, les interprètes de Nireno, Achille et Curio complètent avec talent cette excellente distribution. Enfin, les très belles lumières de Thomas Munn confèrent à l’ensemble une certaine douceur qui estompe avec bonheur le côté clinquant et la profusion de détails plus distrayants que nécessaires pour apprécier l’ouvrage qu’on nous donne ici à voir. »

Munich – Staatsoper – 28 novembre, 3, 6, 9 décembre 2005 – dir. Ivor Bolton – mise en scène Richard Jones – décors, costumes Nigel Lowery – chorégraphie Amir Hosseinpour – lumières Mimi Jordan Sherin – avec Ann Murray (Giulio Cesare), Christian Rieger (Curio), Sonia Prina (Cornelia), Daniela Sindram (Sesto), Susan Gritton (Cleopatra), Christopher Robson (Tolomeo), Clive Bayley (Achilla), Axel Koehler (Nireno)

 

Opéra de Hambourg – 2, 4, 7, 10, 15 septembre 2005 – dir. Alessandro De Marchi – mise en scène Karoline Gruber – décors Thilo Reuter – costumes Henrike Bromber – lumières Wolfgang Göbbel – avec Hadar Halevy (Giulio Cesare), Wilhelm Schwinghammer (Curio), Lucy Schaufer (Cornelia), Maite Beaumont (Sesto Pompeo), Aleksandra Kurzak (Cleopatra), Brian Asawa (Tolomeo), Moritz Gogg (Achillas), Gabriele Rossmanith (Nirena)

Aleksandra Kurzak

Londres – Royal Albert Hall – 23 août 2005 – en version semi-scénique – Glyndebourne Festival Chorus – Orchestra of the Age of Enlightenment – dir. William Christie – avec Sarah Connolly (Cesare), Patricia Bardon (Cornelia), Angelika Kirchschlager (Sesto), Danielle de Niese (Cleopatra), Christophe Dumaux (Tolomeo), Christopher Maltman (Achilla), Rachid ben Abdeslam (Nireno), Alexander Ashworth (Curio)

 

Festival de Glyndebourne – 3, 7, 11, 14, 17, 20, 23, 28, 31 juillet, 2, 5, 7, 11, 14, 17, 20 août 2005 – dir. William Christie – mise en scène David McVicar – décors Robert Jones – costumes Brigitte Reiffenstuel – lumières Paule Constable – chorégraphie Andrew George – avec Sarah Connolly (Giulio Cesare), Patricia Bardon (Cornelia), Angelika Kirchschlager (Sesto), Danielle de Niese (Cleopatra), Christophe Dumaux (Tolomeo), Christopher Maltman (Achilla), Rachid Benabdeslam (Nireno)

Danielle de Niese

Opéra Magazine – novembre 2005 – 17 juillet 2005

« …David McVicar a transposé l’intrigue au début du XXe siècle, à l’époque de la domination de l’Empire britannique. Encore un caprice de metteur en scène en quête d’extravagance? Pas du tout car, là où d’autres se contentent de remplacer les cuirasses et les casques à cimier par des uniformes coloniaux, McVicar signe un spectacle d’une cohérence dra­matique et d’une finesse psychologique étonnantes. Ce qui frappe ici, c’est l’audacieux cocktail esthétique entre opera seria et musical de Broadway, généreusement assaisonné d’épices indiennes (une irrésistible illustration de la cour d’Egypte dans le plus pur style Bollywood !). Cette exubérance, loin de trahir l’esprit de la musique, amplifie l’expression des affects dans la plus pure tradition baroque. Un baroque sans rien de statique ni de maniéré, comme revu au prisme du goût et de la sensibi­lité du public du troisième millénaire. Les spectateurs ne s’y sont d’ailleurs pas trompés et ont réservé à la production un accueil enthousiaste.A la tête de l’Orchestra of the Age ofEnlightenment, William Christie a l’immense mérite d’accorder sa direction au projet dramaturgique de McVicar. Rarement aurons-nous assisté à une telle communauté d’intentions entre chef d’orchestre et metteur en scène ! Sur le plan strictement musical, Christie et sa phalange n’appellent aucun reproche, à l’exception de quelques bavures dans la section des cors. La richesse des couleurs, le sens des contrastes dynamiques et l’adéquation stylistique forcent même l’admiration.La distribution réunit d’excellents acteurs-chanteurs autour de l’irrésistible Cleopatra de Danielle de Niese, qui chante, danse et joue avec une maîtrise et un naturel prodigieux. Sur le plan strictement vocal, la belle soprano n’est pas toujours impeccable (on a entendu vocalisation plus ébouriffante et pianissimi plus éthérés), mais on oublie tout devant une incarnation aussi exceptionnelle. Avec sa silhouette androgyne, Sarah Connolly campe un Cesare très crédible sur le plan scénique, un peu plus en retrait vocalement. Patricia Bardon apporte beaucoup d’intensité aux plaintes de Cornelia, Angelika Kirchschlager dessinant un Sesto fragile et impulsif. Face au Tolomeo de Christophe Dumaux, enfant gâté et cruel, Christopher Maltman propose un Achilla brutal et Rachid Ben Abdeslam, un parfait Nireno. »

Diapason – septembre 2005 – Alexandrie, Alexandra – 23 juillet 2005

« Le rideau de ce Giulio Cesare se lève sur une enfilade de colonnes, et, au fond, une « machine à vagues » en carton-pâte ; nous sommes bien à Alexandrie mais au temps de l’Empire britannique. Partagé entre un imaginaire colonial et des éléments scéniques du XVIIe siècle, le décor se métamorphose au fil du récit : changements à vue simples et efficaces, lumières superbement variées de Paula Constable, ballet incessant des danseurs (chanteurs compris) et des figurants — chassés-croisés diplomatiques pour un « Va tacito» façon Hollywood.Réjouissantant par la force et la variété des numéros, ce travail l’est plus encore par la fluidité de leur articulation. Parfait exemple acte 1, scène 7 «Alma del gran Pompeo », le noble monologue de César devient une cérémonie officielle devant les troupes, Cornelia et Sextus. L’arrière-plan trahit ce que la scène a d’incongru : juste après l’hommage à Pompée, sous le nez de sa veuve, César tombe sous le charme de Lydie-Cléopâtre, lui offre un air aux galanteries aguichantes (« Non è si vago e bello »), ferré par la belle et son « Tutto puo donna» — numéro de music-hall avec lunettes de Lolita, robe en perles noires et parapluie tournant La cruauté de la situation prépare la scène 8 et, plus largement, ravive l’origine vénitienne du livret : César n’est pas un monument mais un homme de chair et de sang capable d’évoluer autant que Cléopâtre ou Sextus.Sarah Connolly trouve son compte à cette démystification : la comédienne est excellente mais le timbre trop clair (les vocalises du « torrente che cade dal monte » semblent un ruisseau dans la plaine). Même chose pour Ottone :si la voix homogène et suave de Christophe Dumaux n’a pas le venin d’un Ptolémée, l’acteur (et l’acrobate) fait merveille dans le personnage imaginé par McVicar. Le reste de la distribution ne pose pas ces problèmes. Sextus frémissant de Angelika Kirchschlager, Cornelia imposante de Patricia Bardon, auxquels McVicar réserve les abîmes qu’il refuse à sa Cléopâtre, Daniele De Niese. Choix déroutant, intégré à la construction dramatique et judicieux pour un soprano agile, à la déclamation mordante, mais aux phrasés manquant de relief dans «Se Pietà» et « Piangero ». La vocalise, en revanche, est impeccable, et la danseuse plus que sexy — il faut de l’abattage pour ce « Da tempeste » chorégraphié façon « girls band », avec deux cléopâtrettes. Autre bête de scène, Christopher Maltman, Achilla magnétique, assoiffé de sexe et de violence. Reste le contre-ténor marocain Rachid Ben Abdelsam, délicieux Nireno, auquel on a rendu l’air de 1725.Comme il y a neuf ans, Christie donne avec l’Orchestra of the Age of Enlightenment le meilleur de lui-même : la scène prenant le drame en charge, son geste harmonieux le soutient sans effort — on se demande alors si certaines relectures surdramatisées ne sont pas des réactions, légitimes, à l’incompétence de nombreux metteurs en scène dans ce répertoire. Quoi qu’il en soit, après tant de mises en scène ratées d’opéras baroques, il faut que nos directeurs de théâtre limitent les frais et importent d’urgence cette production. »

Classica – septembre 2005

« …une réussite absolue, tant du point de vue d’un Orchestra of the Enlightenment vire-voltant sous la baguette réjouie et tendre jouie et tendre de William Christie, que du point de vue de la scène, qui réconcilie avec l’art de David McVicar, alternant émotion et drôlerie. La transposition au temps des « homards » britanniques s’imposant à l’Egypte des Khédives fonctionne à merveille, et la direction d’acteurs, vive et prenante, fait d’un plateau de haut niveau une fête permanente. Une veuve majuscule et poignante (Patricia Bardon, au timbre envoûtant), un fils halluciné (Angelika Kirchschlager, ir­résistible), un roi folle du désert (Christophe Dumaux, épatant), une eunuque délicieux (Rachid Ben Abdeslam), et un stratège androgyne (Sarah Connoly, manquant un rien de projection) sont superbes. Mais l’étoile de la soirée reste Danielle de Niese, dont la Cléopâtre est digne d’un show à Broadway tant la danse, la virtuosité, la complicité avec le public sont une démonstration de théâtre total. »

Le Figaro – 16 août – Cléopâtre séduit César et le public

« En ce dimanche, la fête était aussi sur la scène où Giulio Cesare était donné. pour la première fois à Glyndebourne, sous la baguette de Wilhmm Christie qui dirigeait les musiciens de l’Orchestra of the Age of Enlighlenment. Créé il ya vingt ans, cet orchestre autogéré – Franz Brüggen et Simon Rattle en sont les deux seuls chefs invités – est depuis 2002 associé du Festival. Dans le rôel de Cléopâtre, la soprano australienne Danielle de Niese a enthousiasmé le public par son sens de la scène, sa beauté, par les cos­umes dessinés par Brigitte Reiffenstuel. et une voix d’une grande sensualité dans le médium. A 25 ans, elle a fait étalage d’une maîtrise et d’une grâce envoûtantes lors des huit arias exprimant toute la palette des émotions, du drame à la séduction en passant par la. peur. A elle seule, malgré une légère faiblesse dons les aigus un peu trop stressés, Danielle de Niese aurait assuré le succès du spectacle.Monter un opéra baroque est une opération difficile. Il faut trouver le juste ton, distancié et ironique sans tomber dans la farce et la caricature. Giulo Cesare a été écrit en 1724, la même annnée que Tamerlao et Rodelinda ! Une facilité d’écriture inégalée dans l’histoire de la musique, qui a nourri les critiques contre Haendel. accusé de produire de la musiqua au kilomètre. Peut-être, mais quels kilomètres! Son opéra n’est pas un long ruban d’ennui mais, au contraire, affichee une diversité tonale, une richesse mélodique qui tiennent l’attention en éveil. Le librettiste, Nicola Francesco Haym, n’a pratiquement pas modifié la trame connue des amours de Jules César et de Cléopâtre en lutte pour le trône d’Egypte avec son frère Ptolémée qui fera tuer Pompée. Aucun personnage, à part l’eunuque de Cléopâtre Nireno, n’a été inventé même si le rôle de Cornelia, la veuve de Pompée, et son beau-fils Sesto, devenu son fils dans l’opéra, sont plus romancés.Graham Vicar, le metteur en scène, navigue avec aisance entre le comique qui frôle la parodie de cabaret et les moments intimes et dramatiques comme ceux qui unissent dans la douleur Cornelia et son fils. L’action est déplacée au début du XXe siècle, les soldats de César apparaissant dans les uniformes du Corps britannique d’Afrique du Nord dirigé par un officier écossals en kilt. Les décors sont d’une efficace sobriété. Cinq colonnes délimitent une grande qui s’ouvre sur une vue du Nil. Plus tard une flotte de bateaux et, à la scène finale, un paquebot censé ramener les troupes de César à Rome apparaîtront on fond. Par le jeu de panneaux ou de rideaux dressés entre les colonnes, la scène se raccourcira, permettant par exemple de recréer une ambiance de nuit d’Arable, l’orchestre venant jouer sur scène.Toute la scénographie crée un mouvement et un dynamisme qui soutiennent l’attention sans nuire au chant. La distribution est impeccable. La mezzo autrichienne Angela Kirschlager donne beaucoup de profondeur au rôle de Sesto, notamment dans les duos avec Cornelia, chantée avec efficacité par Patricia Bardon. Le contre-ténor français Chrlstophe Dumaux amuse en campant un Ptolémée par trop effeminé, mais son émission, est parfaite et sa voix sans défaillance. Dans le même registre, Rachid Ben Abdeslam interprète l’eunuque Nireno. Christopher Maltman est un baryton puissant au timbre élégant, très à l’aise dans l’incarnation d’Achille. César était chanté lors de la création de l’opéra au XVIIe par un célèbre castrat, Francesco Bernardi, tout comme Cléopâtre d’ailleurs. Dans cette production, le rôle est confié à la mezzo irlandaise, Sarah Connolly, qui montre de belles choses mais dont le grain s’accorde mal avec la couleur des instrunents anciens utilisés par l’orchestre. Un choix étrange qui crée un décalage. La direction de William Christie, la bibliothèque vivante du baroque, est peut-être moins efficace qu’avec son ensemble des Arts florissants, d’autant plus que les vents se mottent plusieurs fois on dérapage très peu contrôlé. Les cordes, en revanche, se sont mises on valeur.Le rythme et l’expression musi­cale restaient en phase avec la mise en scène, ce qui est un événement assez rare dans l’opéra contemporain pour que l’on s’en réjouisse. Le résultat, en tout cas, était particulièrement probant, le public réservant une longue ovation à l’orchestre et aux chanteurs, même si Danelle de Niese s’est taillé la part du lion des applaudissements. »

Murcie – Salle Narciso Yepes – 23 avril 2005 – Orquesta Barroca de Bratislava – dir. Stephen Stubbs – mise en scène Emilio Sagi – décors et costumes Jesús Ruiz Moreno – lumières Eduardo Bravo – avec Flavio Oliver (Cesare), Angeles Blancas (Cleopatra), Marina Rodriguez Cusi (Cornelia), Lola Casariego (Sesto), Jordi Domenech (Tolomeo), José Antonio Lopez (Achilla), Eduardo Garcia Sandoval (Nireno), David Rubiera (Curio)

Opéra de Zürich – 2, 5, 7, 12, 17, 20 avril 2005 – Orchestre « Statisverein » de l’Opéra de Zurich, Orchestre « La Sintilla » de l’Opéra de Zurich – dir. Marc Minkowski – mise en scène Cesare Lievi et Daniela Schiavone – décors Margherita Palli – costumes Marina Luxardo – lumières Jürgen Hoffmann – avec Cecilia Bartoli (Cleopatra), Anna Bonitatibus (Sesto), Charlotte Hellekant (Cornelia); Franco Fagioli (Giulio Cesare), Martín Oro (Tolomeo), Alan Ewing (Achilla), Jose Lemos (Nireno), Gabriel Bermudez (Curio)

ResMusica – 2 avril 2005 – Tous les chemins ne mènent pas à Rome…

« Jules César dans un beau complet blanc de la marine, des blindés en carton et des fusées de pacotille tractées par des chars pour l’armée romaine ; des costumes haute-couture avec coiffes pseudo-pittoresques pour les Egyptiens ou des fracs complètement ridicules pour Achille et Nireno. Des lumières colorées mais mattes, façon loundge bar, avec des reflets de catelles de salle de bain en prime. Pour l’Egypte, des mosaïques bariolées, des pyramides et des sculptures géantes de sphinx laqués avec un kitsch voulu, évocateur des lupanars de Las Vegas. Qui tire les leviers de la machine à sous nécessaire à l’éclosion de telles conceptions ? Quoi qu’il en soit, ces éléments jonchent çà et là, aléatoirement, le plateau et demeurent tout juste suffisamment épars pour éviter l’écueil de la vulgarité. Certains tableaux sont certes réussis en soi, mais pour eux-mêmes et non au service de l’œuvre. La volonté affirmée des auteurs de ce décorum déconcertant est de retrouver l’esprit « maraviglioso » du théâtre baroque mais dans un contexte contemporain. On connaît cette rengaine à l’argumentaire fallacieux pour la subir trop souvent. Il ne s’agit pas – comme cela est parfois réalisé à bon escient – d’utiliser des moyens modernes, tels la vidéo, pour les mettre au service d’une lecture intelligible et intelligente d’une œuvre ancienne, mais bel et bien d’une volonté obstinée de transposer tout à n’importe quel prix. Au final, le travail semble coupablement dépourvu de toute dramaturgie et saucissonne malencontreusement l’action en une suite de saynètes qui voient défiler une galerie de personnages en guenilles high-tech difficilement identifiables. Ce fatras scénique n’est aucunement merveilleux. Le public subit pendant près de quatre heures (une durée qui paraît pharaonique) un alignement de scénographies toutes plus ineptes les unes que les autres, sans humour autre que celui que, contre toute attente, les protagonistes parviennent à glisser par leurs mimiques et jeu. Mais dans quel but ? Afin de mieux distraire le public pris en otage par ces conceptions théâtrales soit-disant originales ? Ce souci de réactualisation, ces créneaux esthétiques sont hélas devenus une convention en soi pour bon nombre de productions actuelles allant dans un non-sens similaire. Lievi et son équipe alignent tous les poncifs de ce genre iconoclaste. Ils brouillent les pistes de la compréhension pour chercher bien inutilement quelque équivalent moderne à Jules César et Cléopâtre. La direction d’acteur est au surplus caricaturale. Au terme de leurs airs, les chanteurs n’ont souvent pas d’autres choix que de quitter le plateau d’un pas de course aussi leste et efficace que possible. L’opéra apparaît pour l’essentiel comme une succession d’airs da capo, alors que la musique de Haendel est dans le cas précis d’une richesse sans équivalent dans sa production pour le théâtre. Le « Caro Sassone » accompagne l’action d’une partition pensée avec faste, audace et faisant état d’une créativité aussi développée qu’inouïe pour son temps. Les airs et ensembles sont ainsi musicalement très fortement caractérisés par la musique y afférente et l’ensemble offre un vaste champ expressif qu’heureusement, Marc Minkowski sert avec brio dans la fosse de l’opéra de Zurich. Le noble pathos ou la verve baroque de la musique de Haendel s’y fait entendre fort avantageusement. Le musicien français ménage des tempi bien dosés et sans exagération, conférant souplesse, nuances et une dynamique jamais brutalement crénelée. Sur scène, les musiciens solistes brillent par leur subtile musicalité. La scène 1 de l’acte II qui se déroule dans un bosquet, avec musique de scène, est un ravissement absolu. Des mentions particulières vont au corniste Glen Borling qui accompagne l’air « Va tacito » de César, ainsi qu’à Ada Pesch qui laisse chanter son violon dans le solo obbligato qui lui incombe aux côtés de Sexto. La distribution rattrape elle aussi, et avec tout autant de bonheur que la fosse, les dérapages de la mise en scène. Cléopâtre est confiée à la grande Bartoli, exceptionnelle par sa technique et sa musicalité une fois encore. A l’instar de l’italienne, bon nombre de chanteurs font leur début dans leur rôle. Parmi eux, Franco Fagioli qui campe un César d’une grande souplesse, mais d’une couleur un peu trop féminine. L’empereur romain gagnerait parfois à déployer un chant plus acéré, plus saillant dans l’extrême aigu. Les soprani Charlotte Hellekant (Cornelia) et Anna Bonitatibus (Sesto) font partie du haut du panier de la distribution. Leur duo « Son nata a lagrimar » donne la mesure de leurs possibilités expressives, notamment dans des pianissimi éblouissants. Anna Bonitatibus, qui fait pour sa part également ses premiers pas dans ce rôle, sait rendre dans son chant la détermination et l’amour filial ressenti par son personnage. Elle fut l’une des chanteuses les plus applaudies de la distribution, à juste titre. Nireno (José Lemos) est d’une candeur et d’une fraîcheur bienvenue. Face à lui, le Ptolémée de Martín Oro laisse apparaître une vigueur et un mordant tout à fait opportuns qui se marient sans faire ombrage à un chant élégamment projeté, nuancé et solaire. La basse Alan Ewing (Achille) convainc pleinement et fait montre de noblesse vocale malgré le costume le plus difficile à défendre de la distribution. Dommage que les écueils de la mise en scène soient légion. Après des salves d’applaudissements pour les musiciens et chanteurs, les scénographes ont daigné se montrer et ont échangé entre eux des sourires complices lorsqu’il s’est agi d’essuyer les « Bouh !! » retentissants qui se sont fait entendre en maints endroits du théâtre. Rendre à César ce qui est à César, dit le proverbe … »

Opéra International – mai 2005 – 2 avril 2005

« Le fait est suffisamment rare pour être mentionné : à l’issue de eotte première, ce sont les musiciens et leur chef qui ont nettement remporté la palme à I’applaudimètre. La Scintilla, cette formation issue de l’orchestre du théâtre et spécialisée dans la pratique du baroque, est en effet devenue au fil des saisons un ensemble capable de se mesurer aux meilleurs spécialistes du genre. Son jeu lumineux ne perd rien de sa faconde tout au long de ces quatre heures de musique et rend avec souplesse et précision les moindres intentions du chef. Marc Minkowski, qui a déjà dirigé l’ouvrage à la scène et au disque, bâtit la dynamique de son interprétation sur le contraste ; il veille ainsi à rendre toute leur expressivité aux récitatifs on travaillant sur la couleur du jeu instrumentai autant que sur la souplesse rythmique de la parole. L’air intervient comme un aboutissement logique du développement dramatique, et non comme un « arrêt sur image » préjudiciable à la progression de l’intrigue. Tour à tour rutilante ou introspective, sensuelle ou agressive, son approche rend parfaitement justice à un compositeur dont le génie purement théâtral a trop longtemps été méconnu.La distribution est exemplaire, avec tout d’abord Cocilia Bartoli dont on attendait la première Cleopatra avec impatience. Dire qu’elle a surpassé toutes les attentes est un euphémisme. Dans la virtuosité des scènes brillantes, où elle joue de son charme, comme dans l’intériorité des longs lamenti précédant sa mort annoncée, elle démontre sa supériorité absolue dans l’art de donner à chaque note une éloquence propre à mettre on exergue une nouvelle facette de son personnage. Le contre-ténor Franco Fagioli est non moins exceptionnel on Giulio Cesare. Seule une certaine dureté dans la vocalise raidit à l’excès une ligne de chant par ailleurs séduisante, autant par la flamboyance du timbre que par le raffinement des inflexions.Charlotte Hellekant (Cornelia) bouleverse par l’éclat d’un timbre somptueux jusque dans l’expression de la colère et du mépris ; elle impressionne également par sa faculté à exprimer sur le fil de la voix la douleur qui l’étouffe, sans mettre on danger l’intensité de l’émotion. Le Sesto d’Anna Bonitatibus convainc par le remarquable impact d’une émission qui, en dépit de sa brillante virtuosité, ne vire jamais à la pure démonstration technique. Le contre-ténor Martin Oro ne dispose pas d’un timbre aussi homogène que Franco Fagioli, mais il utilise avec adresse les brusques ruptures de son registre grave pour traduire toute la perversité rageuse de Tolomeo. La basse profonde mais agile d’Alan Ewing produit son effet en Achilla, alors que l’alto José Lemos fait plus que de la figuration dans le rôle court mais essentiel de Nireno.La mise en scène de Cesare Lievi se veut d’abord distrayante. Original, le décor à transformations multiples de Margherita Palli (tout comme les costumes seyants de Marina Luxardo) transforme chaque lever de rideau on moment de pure joie esthétique. Mais, au-delà du plaisir des yeux, cette nouvelle production ne propose rien de neuf. L’Egypte de Cesare Lievi évoque un show à l’américaine sans que cette référence soit utilisée clairement au plan dramatique. Parodie ? Lecture au second degré ? Allusion à une certaine actualité proche-orientale? Nul ne le sait, et le public a clairement montré son agacement à qui de droit en fin de spectacle. »

Copenhague – Det Kongelige Teater – 7, 9, 11, 14,16, 20, 22 mars 2005 – Concerto Copenhagen – dir. Lars Ulrik Mortensen – mise en scène Francisco Negrin – décors Anthony Baker – avec Palle Knudsen, baryton (Achilla), Inger Dam-Jensen, soprano (Cleopatra), Randi Stene, contralto (Cornelia), John Lundgren, baryton-basse (Curio), Andreas Scholl, contre-ténor (Giulio Cesare), Michael Maniaci, sopraniste (Nireno), Tuva Semmingsen, mezzo-soprano (Sesto), Christopher Robson, contre-ténor (Tolomeo)

CesareCleopatraCornelia

Opéra de Hambourg – 13, 16, 20, 24, 27 février, 2, 6, 28, 31 mars 2005 – dir. Alessandro De Marchi – mise en scène Karoline Gruber – décors Thilo Reuter – costumes Henrike Bromber – lumières Wolfgang Göbbel – avec Kate Aldrich (Giulio Cesare), Wilhelm Schwinghammer (Curio), Yvi Jänicke (Cornelia), Maite Beaumont (Sesto Pompeo), Aleksandra Kurzak (Cleopatra), Martin Wölfel (Tolomeo), Moritz Gogg (Achilla), Gabriele Rossmanith (Nireno)

Maite Beaumont« La vogue haendelienne qui promettait des sources de satisfaction inépuisables aux mélomanes allemands débouche finalement sur un sentiment de déception et de colère. Sur la plupart des scènes lyriques, et parfois même jusque dans le lieu de culte que Halle se doit d’être, la mode (on pourra bientôt dire la tradition !), est à la présentation des chefs-d’oeuvre du maître dans un style de comic strip, ne tenant plus compte des affects embrassés par les airs. Ambition, vanité, amour, jalousie, désespoir, méditation, prière.., tout reçoit une traduction visuelle dans le même style. Hambourg vient de fournir l’un des exemples les plus consternants de cette dérive avec un Giulio Cesare confié à Karoline Gruber, qui avait déjà sévi dans le même théâtre pour L’incoronazione di Poppea. Pour beaucoup de spectateurs, qui vont jusqu’à protester pendant le spectacle, la collaboration de chefs d’orchestre réputés, le plus souvent spécialistes de la musique baroque, avec de tels metteurs en scène constitue un phénomène incompréhensible et, à leurs yeux, impardonnable. Une fois de plus, comme dans l’opéra de Monteverdi, la présence d’Alessandro De Marchi au pupitre n’est pas parvenue à fournir un « dédommagement » aux mauvais traitements infligés au livret. Les costumes d’Henrike Bromber ne font que souligner le chaos stylistique recherché par Karoline Gruber, jouant avec les étoffes et les couleurs on recherchant l’excentricité la plus arbitraire, en particulier dans les coiffures. Dès le premier acte, nous nous trouvons Haendel en pleine culture pop. Le conquérant et ses troupes débarquent en Egypte sous divers panneaux publicitaires tels que « Welcome ta Egypt » ou « Visit the Sphinx». Les soldats installent avec une extrême brutalité leur campement. On ne tardera pas à voir Cleopatra sortir de son bain et y projeter Tolomeo, dont les pieds munis de palmes battent la mesure avec ceux des serviteurs qui l’y rejoignent. Protagonistes et figurants ne cessent de retirer d’un frigidaire anachronique des doses de bière. Cesare se désaltère en crevant d’un poinçon une pastèque. Curio ligote Cornelia, qui voulait se donner la mort, sur le cercueil de son époux, arrose son corsage de pastèque, et se livre à des approches obscènes sur son corps. Cleopatra, encore déguisée en inénarrable soubrette, exécute son premier air en se livrant à des contorsions dignes d’une discothèque… Et l’on pourrait continuer ainsi sur des pages et des pages, de nombreux gags soulevant les éclats de rire de spectateurs peu exigeants en matière de pureté stylistique.A condition de l’écouter les yeux fermés, l’interprétation musicale procure quelques satisfactions. La jeune Kate Aldrich chante les airs de Cesare dans un tempo généralement très vif. Le volume vocal est modeste, l’expression juste mais rarement enrichie par l’exécution purement mécanique des coloratures. Aleksandra Kurzak dispense davantage de virtuosité que d’expressivité dans Cleopatra. Le Tolomeo abusivement efféminé de Martin Wölfel manque de substance sonore. Moritz Gogg campe un Achilla à l’allure virile et Wilhelm Schwinghammer, un Curio d’une belle éloquence. Yvi Jänicke possède la noblesse d’accents requise pour Cornelia, mais seule Maite Beaumont réalise le prodige de faire par instants oublier son affreux accoutrement par la chaleureuse émotion et la parfaite maîtrise stylistique de son chant. Nireno, devenu pour les besoins de la production Nirena, confidente de Cleopatra, bénéficie de la gracieuse féminité de Gabriele Rossmanith. » (Opéra International – mai 2005 – 28 mars 2005)

Denver – Opera Colorado – Buell Theatre – 12, 15, 18, 20 février 2005 – dir. Graeme Jenkins – mise en scène James Robinson – avec Stephanie Blythe (Cesare), Colin Brady (Curio), Nancy Maultsby (Cornelia), Patricia Risley (Sesto), Luca Pisaroni (Achilla), Elizabeth Futral (Cleopatra), Ryland Angel (Tolomeo), Randall Scotting (Nireno)

Stephanie Blythe - Elizabeth Futral

Oslo – Den Norske Opera – 5, 9, 12, 15, 19, 22, 26, 28 février 2005 – dir. Rinaldo Alessandrini – mise en scène Stefan Herheim – décors, costumes Heike Scheele – lumières Gretar Sveinbjørnsson – chef de choeur Steffen Kammler – dramaturgie Alexander Meier-Dörzenbach – avec Matthias Rexroth (Cesare), Birgitte Christensen (Cleopatra), Ingebjørg Kosmo (Sesto), Charles Humphries (Tolomeo), Hege Höisaeter (Cornelia), Johan Rydh (Achilles), Robert Ogden (Nireno), Gregg Santa (Curio)

Denver – Opera Colorado – 12, 15, 18, 20 février 2005 – mise en scène James Robinson

 

Théâtre Municipal de Bienne – Suisse – 15, 16, 17 octobre 2004 – Solothurn 19, 20 octobre 2004 – Schweizer Opernstudio – dir. Carsten Eckert – mise en scène Mathias Behrens – décors, costumes Ewa Marta

 

Berne – Stadttheater – 18, 26 septembre, 3, 9, 13, 15, 26, 31 octobre, 6, 28 novembre, 1er décembre 2004 – Chor des Stadttheaters Bern – Berner Symphonie Orchester – dir. Andreas Spering – mise en scène Jakob Peters-Messer – décors Christoph Wagenknecht – costumes Sven Bindseil – avec Maria Riccarda Wesseling / Martin Oro (Giulio Cesare), Tatjana Monogarova (Cleopatra), Robin Adams (Tolomeo), Renee Morloc (Cornelia), Katharina Peetz (Sesto), Richard Ackermann (Achilla), Susannah Haberfeld (Nireno) – nouvelle production

Forum Opéra – Jules César décapité – 28 septembre 2004

« Monter Giulio Cesare in Egitto avec une troupe demande certains aménagements qui peuvent choquer le monde inflexible des traditionalistes du baroque. Il ne faut pas trop espérer réunir toutes les voix adaptées aux exigences des partitions telles qu’elles sont aujourd’hui servies par le disque. Faut-il pour autant renoncer à montrer une oeuvre aussi magistrale ? Avec courage et talent, la direction artistique de l’opéra de Berne a relevé le défi. Un seul rôle n’a pu être distribué dans la tessiture originale : Tolomeo s’est vu attribuer à un baryton au lieu de la mezzo-soprano normalement prévue. Donc, tout pouvait aller pour le mieux si… la grippe ne s’était mêlée de l’affaire ! Depuis la première représentation, Sesto était aphone jouant « en muet » son rôle sur scène. Une collègue accourue en catastrophe de l’Opéra de Zurich remplaçait la voix défaillante depuis la fosse d’orchestre. A la troisième représentation, la fièvre eut raison de la titulaire et sa remplaçante fut hissée sur les planches. Ouf ! Sauvés. Mais comme un malheur n’arrive jamais seul, l’ultime catastrophe s’annonçait. Pas moins que le rôle-titre, la mezzo Carla Maria Wesseling, était à son tour terrassée par la grippe ! Trouver un Giulio Cesare libre est une gageure que le Stadttheater Bern a relevé miraculeusement en la personne du contre-ténor argentin Martin Oro, qui s’est libéré en l’espace d’une journée pour répondre aux exigences du rôle. Devant l’impossibilité de le mettre en confiance avec la mise en scène et de lui tailler un costume, c’est l’assistante du metteur en scène qui assuma le rôle « muet » du consul et dictateur dont la voix s’élevait des pupitres de l’orchestre. Autre aménagement à faire hurler les inconditionnels, le livret « bernois » a été tronqué de neuf scènes sur les quarante que compte l’oeuvre originale. Ces mutilations, si elles privent l’auditeur d’airs admirables, ne gênent pourtant pas la compréhension ni le déroulement de l’intrigue. Un temple dont l’imposante structure s’enfonce peu à peu dans un parterre de quelques dunes de sable forme le décor (Christoph Wagenknecht). Complice de l’inexorable enfermement des personnages, entre les murs et les colonnes de l’imposante bâtisse recouverts de graffitis et d’inscriptions touristiques récentes, un fauteuil et deux chaises Louis XV servent d’uniques accessoires scéniques. Un  » Où est passé mon appareil de photo  » côtoyant  » Madonna you’re great  » et autres inscriptions en caractères cyrilliques témoignent d’un tourisme de masse récent. Dans ce monde hétéroclite, l’intemporalité est soulignée avec les personnages égyptiens de l’opéra qui apparaissant dans des costumes (Sven Bindseil) d’une Egypte ancienne relookée à la mode actuelle alors que les Romains sont vêtus de complets vestons assimilables à ceux des mafiosi des années trente.Dans sa mise en scène, Jakob Peters-Messer se limite à des images simples et efficaces. Les dialogues amoureux ou guerriers sont habités par la présence incessante de Pompée (rôle muet) assassiné, sortant de sa tombe et traversant régulièrement les espaces scéniques. Cette présence fantomatique continuelle pourrait devenir lassante si le metteur en scène allemand n’assaisonnait pas son discours de quelques pointes d’ironie et d’humour. Ainsi cette Cléopâtre charmeuse qui se présente à César comme une star hollywoodienne, parodiant la langoureuse Elizabeth Taylor face à Richard Burton dans le célèbre péplum de Joseph L. Mankiewicz tourné en 1963. Une mise en scène vivante qui porte les protagonistes vers un divertissement bienvenu et réconfortant malgré les problèmes inhérents à la distribution. Si certaines scènes laissent transparaître la crispation des « nouveaux » chanteurs et acteurs improvisés, musicalement cette production révèle de superbes talents. A commencer par la superbe Cléopâtre de Tatjana Monogarova. La soprano russe campe un personnage empreint d’un lyrisme admirable. A l’héroïne transie d’amour, la jeune moscovite prête une voix aux couleurs automnales. Si les mélodies de Piangerò la sorte mia et de Tra stuol di damigelle sont éminemment porteuses, l’artiste sait magnifiquement jouer de son instrument pour capter l’auditoire avec quelques notes filées. Sous le charme, nous sommes tous César ! Autre figure expressive de cette distribution, la mezzo soprano Renée Morloc (Cornelia) est touchante de simplicité dans l’expression de sa douleur de veuve. La voix est conduite avec retenue et majesté et quelle sublime tristesse dans Priva son d’ogni conforto ! La classe d’un texte, d’une musique et d’une chanteuse. Si le baryton Robin Adams (Tolomeo) incarne avec talent un personnage détestable à souhait, son impeccable technique vocale lui permet de survoler aisément un rôle qui ne semble toutefois pas convenir à son tempérament. De son côté, la basse Richard Ackermann (Achilla) paraît se libérer progressivement des accents parfois frustres qui caractérisaient d’abord son chant à la faveur d’une ligne d’une grande musicalité. Moins heureuse, la prestation de la soprano Katharina Peetz (Sesto), dont la voix est souvent courte. Angoisses d’une première montée sur scène ? Dans le rôle-titre, vu les circonstances de son engagement, le contre-ténor Martin Oro (Giulio Cesare) tire admirablement son épingle du jeu. Depuis la fosse d’orchestre, il projette sa voix dans l’espace du théâtre bernois sans la moindre faiblesse. Certes, le décalage avec son « concertant » et avec la scène déstabilise le spectateur qui entend mais ne voit pas chanter. On peut imaginer qu’au milieu de l’orchestre, les yeux voyageant du chef à la partition, de la partition à la scène, de la scène au chef, il ne lui reste que peu d’espace pour amorcer une réelle interprétation et caractérisation du personnage. Mais le son, le ton sont là. Quand il s’engage dans le sublime air Va tacito e nascosto, accompagné par l’exceptionnel corniste Olivier Darbellay, le contre-ténor argentin s’envole vers la perfection. Une mention encore au chef Andreas Spering, qui sait tirer du Berner Symphonie Orchester une verve et des accents baroques auxquels l’ensemble est pourtant peu habitué. Ce n’est certes pas la dynamique et la fougue d’un Minkowski ou d’un Jacobs, mais l’ensemble est plaisant et remarquablement précis. En définitive, malgré la décapitation des protagonistes de cette production, la troupe du Stadttheater a répondu avec talent à l’adage : « The show must go on ». Cet engagement généreux excuse largement les quelques imperfections relevées. »

Barcelone – Liceu – 23, 25, 26, 27, 29 juillet 2004 – Orchestre et choeur du Grand Théâtre du Liceu – dir. Michael Hofstetter – mise en scène Herbert Wernicke (original), Björn Jensen (adaptation) – décors, costumes Herbert Wernicke – lumières Hermann Münzer – avec Flavio Oliver / Patricia Bardon (Giulio Cesare), Elena de la Merced / Lynne Dawson (Cleopatra), Maite Beaumont / Mary Philips (Sesto), Ewa Podles / Mercè Obiol (Cornelia), Itxaro Mentxaka (Nireno), Jordi Domènech / Brian Asawa (Ptolomeo), David Menéndez / Alex Sanmarti (Curio), Oliver Zwarg / Philip Cutlip (Achille) – Coproduction avec Théâtre de Bâle

Salt Lake City – 15, 17, 19, 21, 23 mai 2004 – dir. David Fallis – mise en scène James Robinson – avec Christine Abraham Sesto (Pompeo), Lisa Saffer (Cleopatra), Derrick L. Parker (Achilla), Ryland Angel (Tolomeo)

 

Opéra de Pittsburgh – Bytham Theater – 28 février, 2, 5, 7 mars 2004 – dir. John Mauceri – mise en scène Chas Rader-Shieber – avec Bejun Mehta (Giulio Cesare), Alexandrina Pendatchanska (Cleopatra), Zheng Cao (Sesto), Gloria Parker (Cornelia), Daniel Taylor (Tolomeo)

Kaiserslautern – Pfalztheater – 24 janvier 2004 – Ludwigshafen am Rhein – Theater im Pfalzbau – 9, 11 mars 2004 – dir. Siegmund Weinmeister / Francesco Corti – mise en scène Heinz-Lukas Kindermann – décors Heidrun Schmelzer

 

Hanovre – Niedersächsische Staatstheater – 28, 30 décembre 2003, 10, 13, 30 janvier 2004 – Orchestre et choeur de l’Etat de Hanovre – dir. Michael Hofstetter – mise en scène, décors et costumes Herbert Wernicke – dramaturgie Xavier Zuber – avec Annette Markert (Cesare), Xiaoliang Li (Curio), Janina Baechle / Leandra Overmann (Cornelia), Christiane Iven / Tania Kross (Sesto), Alla Kravchuk (Cleopatra), Kai Wessel (Tolomeo), Frank Schneiders / Oliver Zwarg (Achilla), Tania Kross / Carolin Masur (Nirenus), José Biondi (Il Cocodrillo) – coproduction du Théâtre de Bâle avec le Théâtre du Liceu Barcelone

Stuttgart Staatstheater – 27 novembre, 2, 9 décembre 2003, 17, 22 janvier 2004 – dir. Raymond Leppard / Willem Wentzel – mise en scène Martin Kusej – avec Helene Schneiderman (Giulio Cesare), Helmut Berger-Tuna (Curio), Tichina Vaughn (Cornelia), Claudia Mahnke (Sesto), Catriona Smith (Cleopatra), Helene Ranada (Tolomeo), Andre Morsch (Achilla), Maria Theresa Ullrich (Nireno)

Houston – nouvelle production – 30 octobre, 2, 8, 11, 14, 16 novembre 2003 – dir. Patrick Summers – mise en scène James Robinson – décors Christine Jones – costumes James Schuette – lumières Christopher Akerlind – avec David Daniels (Cesare), Laura Claycomb (Cleopatra), Phyllis Pancella (Cornelia), Patricia Risley (Sesto), Brian Asawa (Tolomeo), Joshua Winograde (Achille), Matthew White (Nireno), Nikolai Didenko (Curio)

Munich – Bayerische Staatsoper – 5, 8, 11, 14 octobre 2003 – dir. Harry Bicket – mise en scène Richard Jones – décors et costumes Nigel Lowery – chorégraphie Amir Hosseinpour – lumières Mimi Jordan Sherin – avec Susan Gritton (Cleopatra), Ann Murray (Giulio Cesare), Christian Rieger (Curio), Laura Polverelli (Sesto), Catherine Wyn-Rogers (Cornelia), Christopher Robson (Tolomeo), Clive Bayley (Achilla), Axel Köhler (Nireno)

Ann Murray à Munich

Malaga – Teatro Miguel de Cervantes – 16, 18 mai 2003 – dir. Eric Hull – Flavio Oliver (Giulio Cesare), Marina Pardo (Cornelia), Lola Casariego (Sesto), Maria José Moreno (Cleopatra), David Rubiera (Curio), José Julián Frontal (Aquilas), Carlos Mena (Tolomeo), Felipe Nieto Nireno

 

Bologne – Teatro Communale – 6, 8, 10, 13, 15, 17 avril 2003 – Orchestra del Teatro Comunale di Bologna – dir. Rinaldo Alessandrini – mise en scène Luca Ronconi – décors Margherita Palli – costumes Gianluca Sbicca, Simone Valsecchi – lumières Guido Levi – avec Daniela Barcellona (Cesare), Mirco Palazzi (Curio), Sara Mingardo (Cornelia), Monica Bacelli (Sesto), Maria Bayo / Elisabetta Scano (Cleopatra), Silvia Tro Santafé (Tolomeo), Sergio Foresti (Achilla), Eufemia Tufano (Nireno), Mirco Palazzi (Curio) – nouvelle coproduction avec Teatro Real, Madrid

Giulio Cesare à Bologne« Très attendu, le Giulio Cesare de Luca Ronconi, en coproduction avec le Teatro Real de Madrid, ou il a été crée en novembre dernier, arrive enfin à Bologne l’originalité de sa mise en scène a déjà été soulignée par Sergio Segalini. La direction de Rinaldo Alessandrini est variée, riche en couleurs et en contrastes dynamiques. L’orchestre du Teatro Comunale, malgré quelques flottements négligeables des cors, confirme sa solidité et son éclectisme. 1.a distribution présente plusieurs nouveautés par rapport à celle de M a dri d , à commencer par Daniela Barcellona en Giulio Cesare. Les passages d’agilità sont incisifs, le chant velouté et expressif, même si l’on souhaiterait plus de nuances. En ce qui concerne la vocalité baroque, malgré une bonne maîtrise de la messa di voce, signalons une certaine faiblesse des trilles. Il s’agit de petites lacunes, qu’une technique plus rigoureuse comblerait aisément, consentant ainsi à Daniela Barcellona de se poser en interprète de référence dans ce répertoire.Comme à Madrid, Maria Bayo propose une interprétation séduisante, un timbre lumineux, aux coloratures précises. Pour elle aussi, un recours plus fréquent aux nuances et aux pianissimi serait recommandé, qui en ferait une Cleopatra sensationnelle. Sara Mingardo, malgré une articulation peu intelligible, contrôle avec naturel la « syntaxe » du chant baroque et offre une incarnation de Cornelia vraiment touchante. Le Sesto de Monica Bacelli est tout aussi excellent. Silvia Tro Santafé, Tolomeo, brosse à la perfection le portrait d’un jeune homme cruel et dissolu. Sergio Foresti, Achilla, moyen dans le chant di agilità, est de plus en difficulté dans l’aigu. (Opéra International – juin 2003)

Stuttgart – 1er, 6, 9, 12, 21, 27 février, 14 mars, 23 mai, 6, 8 juin 2003 – dir. Raymond Leppard – mise en scène Martin Kusej – décors Olaf Altmann – costumes Heide Kastler
Opéra de Cleveland – 6, 7, 8 décembre 2002 – dir. David Fallis – mise en scène David Bamberger – avec Mark S Doss (Cesare), Layna Chianakas (Sesto), Sandra Moon (Cleopatra), Matthew White (Tolomeo), Laura Pudwell (Cornelia), Ankaoua (Curio)

 

Madrid – Teatro Real – 1er, 3, 6, 8, 10, 13, 15, 18 novembre 2002 – nouvelle coproduction avec le Teatro Comunale de Bologna – dir. Rinaldo Alessandrini – mise en scène Luca Ronconi – décors Margherita Palli – costumes Simone Valsecchi, Gianluca Sbicca – lumières Giudo Levi – avec Jennifer Larmore (Giulio Cesare), Federico Gallar (Curio), Catherine Wyn-Rogers (Cornelia), Laura Polverelli (Sesto), Maria Bayo (Cleopatra), Brian Asawa (Tolomeo), Sergio Foresti (Achilla), Maria José Suarez (Nireno)

Giulio Cesare à Madrid« Luca Ronconi s’inspire davantage de l’histoire de Jules César que du livret signé Giacomo Francesco Bussani. Partageant la scène en deux, il construit une sorte de cinéma géant de plein air, doté de deux écrans qui projettent, tout d’abord, les portraits des plus grandes stars hollywoodiennes ayant incarné les rôles de César et, surtout, Cléopâtre : Elizabeth Taylor, Vivien Leigh ou Sophia Loren, aux côtés d’une omniprésente Claudette Colbert. Ces images s’animeront par la suite, et l’on assistera à plusieurs scènes capitales de ces films, surtout lors de l’évocation de batailles. Laissant aux chanteurs leur liberté dans l’adaptation de l’expression corporelle à la beauté d’un chant souvent très exigeant, Ronconi a respecté toute la magnificence des mises en scène baroques qui enchantaient les spectateurs du Settecento, grâce à un jeu très habile de colonnes, de tréteaux et de chars, qui soulignent la vérité dramatique de l’action en la situant avec précision…Les costumes de Simone Valsecchi et Gianluca Sbicca aident également à mieux situer l’intrigue et à caractériser les personnages…Devant un spectacle aussi complet, aussi intelligent, toujours en harmonie avec la musique et dont la complexité n’est qu’apparente, il fallait afficher la sacrée distribution que Madrid a su réunir autour d’Alessandrini et de Ronconi. Jennifer Larmore ne possède plus la vocalità précise et virtuose exigée par Haendel : l’émission abuse souvent de sonorités dans les joues, la projection est devenue une déclamation du texte, les vocalises ressemblent un peu à des gargarismes, et toute la beauté d’un chant instrumental cher aux musiciens baroques est absente. Mais l’autorité de l’accent, la conviction du jeu et un métier solide, qui permettent à la mezzo américaine de connaître ses propres limites et donc de savoir parfois les contourner, transforment une chanteuse contestable en une forte présence scénique, à laquelle on finit par tout pardonner. Maria Bayo, la plus séduisante des Cleopatra, sans avoir toute la virtuosité nécessaire aux reprises, aux da capo, aux cadences et aux extrapolations, est une musicienne irrésistible, à la ligne vocale chatoyante et au timbre de miel et d’or. Catherine Wyn-Rogers confère sobriété et rigueur, noblesse et réserve à sa Cornelia, chantée par moments comme une confession à mi-voix. Laura Polverelli, Sesto, s’affirme comme l’une des meilleures interprètes de ce rôle, face au Tolomeo impressionnant de Brian Asawa. Sergio Foresti peine dans la tierce aiguè, mais possède une diction précise qui lui permet de faire ressortir chaque mot de son Achilla. N’oublions pas non plus les belles prestations de Fede-rico Gallar (Curio) et de Maria José Suarez (Nireno). » (Opéra International – janvier 2003)

Bruxelles – Palais des Beaux Arts – 21 novembre 2002 – version de concert – Les Musiciens du Louvre – dir. Marc Minkowski – avec Marijana Mijanovic, mezzo (Giulio Cesare), Magdalena Kozena, mezzo (Cleopatra), Eirian James, mezzo (Sesto), Charlotte Hellekant, mezzo (Cornelia), Bejun Mehta, contre-ténor (Tolomeo), Alan Ewing, basse (Achilla), Armand Gavrilidès, contre-ténor (Nireno), Jean-Michel Ankaoua, baryton (Curio)

« Les premières rigueurs de l’hiver ont du bon : s’il faut en croire Marc Minkowski, le public bruxellois leur doit le privilège d’avoir découvert celle qui incarnera bientôt au disque la première grande Cléopâtre du vingt et unième siècle : Magdalena Kozena, remplaçant au pied levé Danielle De Niesse. Hélas, d’autres changements nettement moins heureux sont intervenus dans la distribution. En Achilla, nous nous réjouissions d’entendre la basse la plus excitante du moment : Denis Sedov, mais c’est Alan Ewing qui campa le général égyptien. La promo de la tournée annonçait Anne-Sophie Von Otter en alternance avec Malena Ernman (extravagant Neron dans l’Aggripina de René Jacobs) et Sarah Connoly en Sesto, Stephanie Blythe et Marie-Nicole Lemieux (Premier prix du Concours Reine Elisabeth) en Cornelia ; il aura fallu nous contenter d’Eirian James (le fils) et de Charlotte Hellekant (la mère). Même Dominique Visse nous aura fait faux bond, le transparent et inoffensif Armand Gavrilidès reprenant le rôle de Nireno. Partitions en main, quatre des protagonistes créaient ainsi un étrange décalage sur le plateau, d’autant qu’un embryon de mise en espace et de direction d’acteurs – j’ai rarement vu, de manière aussi systématique, les chanteurs exécuter leur air et disparaître aussitôt dans les coulisses ! – tentait de briser le statisme inhérent au concert. Chef-d’oeuvre du belcanto, Giulio Cesare exige des natures vocales et des artistes exceptionnels, un défi que peu de productions d’opéra ont su relever. En outre, sans le secours de la scène, les chanteurs sont davantage exposés et l’exercice peut s’avérer cruel. Jeudi soir, seuls trois d’entre eux se sont montrés à la hauteur et ont consacré le triomphe des Lagides sur la Rome de Pompée. Visage anguleux et bouche carnassière, taille svelte, tout de noir vêtu, cintré dans une veste dorée, le Giulio Cesare de Marijana Mijanovic séduit d’emblée par sa présence et un alto androgyne, troublant. Quand bien même l’opacité du timbre prive d’éclat les nombreuses vocalises du rôle, l’artiste rend justice à l’héroïsme et à l’impétuosité du conquérant dont elle embrasse la diversité des états d’âme, du courroux (« Empio dirò tu sei ») à la tendresse (« Caro, bella ») en passant par la nostalgie (« Alma del gran Pompeo ») et l’affliction ( » Aure deh per pietà » tout en subtilités) avec un sens aigu de la progression dramatique et une variété d’inflexions, un raffinement dont les titulaires du rôle ne sont guère familiers. Est-ce pour faire oublier une dynamique réduite et l’absence de couleurs ? Toujours est-il qu’elle ose aussi des poitrinages spectaculaires, assénés avec une violence parfois excessive (« Al lampo dell’armi ») et qui confine au tic dans les da capo (dont il faut, cependant, saluer l’originalité). C’est affaire de goût, sans doute, et cette réserve disparaît devant les qualités de la musicienne et de l’actrice. Néanmoins, Magdalena Kozena et Bejun Mehta lui volent la vedette, ils dominent, d’ailleurs, très largement, l’ensemble de leurs partenaires. Tolomeo échoit souvent à des voix menues (Derek Lee Ragin), sinon ingrates (Christopher Robson, comme si la laideur morale du rôle impliquait forcément celle de l’organe), à des chanteurs placides (Graham Pushee) ou trop suaves (Brian Asawa). Bejun Mehta, lui, défie crânement César et impose un monarque autoritaire et flamboyant. Nanti d’un grain charnu et d’une projection insolente, le contre-ténor dévore les mots avec une belle rage (« L’empio, sleale, indegno ») et décoche des aigus presque sauvages (« Domerò la tua fierezza »), où affleure le souvenir de l’extraordinaire soprano remarqué jadis par Leonard Bernstein. Magdalena Kozena nous rappelle que Cleopatra est l’une des plus belles héroïnes de Haendel, mais aussi la figure centrale de l’opéra, à qui le Saxon destine le meilleur de son inspiration. Ce n’est pas le théâtre, mais la musique qui prime dans l’opera seria, et celle de Cleopatra touche plus d’une fois au sublime. Certes, un air comme « Tutto può » requiert un aigu brillant, une légèreté et une fraîcheur qui sont plutôt l’apanage des sopranos ; le mezzo a beau nous frapper par sa pureté et sa luminosité, il lui manque une aisance, ainsi que quelques notes pour que la pièce puisse vraiment s’épanouir. Par contre, le choix d’un mezzo renouvelle notre approche du rôle, tant sur le plan musical que dramatique. L’ornementation peut se déployer dans le grave et jouer sur les contrastes de timbre et la voix confère aussi au personnage une profondeur, un caractère inhabituels. Les phrases prennent un relief nouveau et certains mots libèrent enfin toute leur charge émotionnelle – « morirò » (« Se pietà ») sur lequel, souvent, la voix des sopranos s’éteint alors que celle de Kozena, ardente, soutient la note jusqu’au bout. De même, si « V’adoro, pupille » n’a jamais autant évoqué le paradis, c’est d’abord grâce au timbre chaud et enveloppant du mezzo. Mais la voix n’est pas tout : c’est évidemment à l’interprète qu’il revient de s’approprier et de revisiter les lamenti ou l’aria di tempesta du troisième acte. « Se pietà » quitte ainsi le registre exclusif de la plainte, de la résignation pour se parer des accents mêlés du désespoir et de la passion et s’achever sur des lueurs d’une beauté inouïe, ambiguës comme le crépuscule et où point un ailleurs indicible. La section B de « Piangerò » n’est plus survolée, mais totalement investie : la révolte n’est plus un sursaut fugace, elle fait partie intégrante du personnage. La reprise nous fait chavirer : la voix semble surgir de nulle part, transfigurée, d’une altérité radicale, ce n’est plus du chant, mais une caresse, d’une tendresse et d’une douceur impalpables, qui s’insinue et ne nous laisse pas indemnes. Seuls les grands artistes, les illuminés, les habités, sont capables de nous offrir ce genre d’expérience, qui va bien au-delà de l’émotion esthétique ou du frisson épidermique. Ultime cadeau de la belle Tchèque : un « Da tempeste » ébouriffant, inventif, jubilatoire, la fantaisie et le panache au service du belcanto, un pur moment de bonheur ! Égale à elle-même, Charlotte Hellekant aura ému ou laissé de marbre. La manière dont chacun réagit au timbre et au tempérament de l’artiste fait toute la différence. Handicapé par la grisaille du timbre, son chant me paraît, une fois encore, terne et geignard : la sensibilité, les intentions sont perceptibles, mais la magie n’opère jamais. Au demeurant, la tiédeur du public semble confirmer qu’elle ne fait pas l’unanimité. Flanquée d’une voix trop courte et dépourvue de mordant – alors qu’il faudrait un mezzo incisif et pénétrant – Eirian James est incapable de traduire la jeunesse et la fougue de Sesto. Stylée, elle déploie des trésors de finesse dans le voluptueux « Cara speme » et se tire avec les honneurs du duo final de l’acte I (« Son nata a lagrimar », achevé sur un murmure), mais les airs de bravoure la montrent totalement dépassée, perdue au milieu de la houle orchestrale. Au crédit d’Alan Ewing, une lecture correcte d’Achilla, rien d’indigne, rien de mémorable non plus. Les Musiciens du Louvre et la direction de Minkowski n’appellent que des louanges : depuis la production amstellodamoise, leur Giulio Cesare est parfaitement rodé, efficace, mais également sans surprise. L’ouverture est brossée avec ce geste large et puissant, caractéristique du chef, qui privilégie la nervosité de la ligne, parfois au détriment des coloris. Le roi du tempo s’en donne à coeur joie et cravache ses destriers dans les airs virtuoses et la sinfonica bellica de l’acte trois, mais il ménage aussi de superbes respirations dans les pages d’atmosphère et les climax de la partition où son art du suspens fait merveille (souvenez-vous d’Ariodante et d’Hercule). Dommage qu’il ne sache pas réaliser des miracles et nous faire oublier les insuffisances de la distribution… Il reste à espérer que Magdalena Kozena, Marijana Mijanovic et Bejun Mehta soient mieux entourés en studio. En attendant, et pour retrouver une artiste en état de grâce, il faut replonger dans ce Delirio amoroso (Haendel) gravé par le mezzo tchèque et les Musiciens du Louvre, il faut oser réécouter cette plainte qui nous vrille l’âme (« Per te lasciai la luce ») et voisine avec des abîmes vertigineux. Ce n’est plus du chant, c’est un coeur qui s’ouvre à nous, un don magnifique et rare.  » (Forum Opéra)

Brême – Musikfeste – 21 septembre 2002 – Festival d’Ambronay – 1er octobre 2002 – – Francfort – Alte Oper – 14 novembre 2002 – Grenoble – Eglise St Jean – 19 novembre 2002 – – Valladolid – Teatro Calderón – 23 novembre 2002Vienne (Autriche) – Konzerthaus – 26, 28 novembre 2002 – avec Marijana Mijanovic (Giulio Cesare), Magdalena Kozena (Cleopatra), Bejun Mehta (Tolomeo),

 

Théâtre de Poissy – 12 novembre 2002 – version de concert – Les Musiciens du Louvre – dir. Marc Minkowski – avec Marijana Mijanovic (Giulio Cesare), Magdalena Kozena (Cleopatra), Alan Ewing, Pascal Bertin (Tolomeo), Eirian Jampes (Sesto)

« Quatre-vingts ans après leur résurrection, les amants mythiques du plus célèbre opéra de Haendel n’avaient toujours pas, à notre connaissance, roucoulé de concert dans leur tessiture d’origine, barytons puis mezzos (mâles et femelles) s’y accouplant d’ordinaire avec un soprano léger pour le pire – souvent – et le meilleur – rarement. Il aura fallu cette tournée, et le disque à suivre, pour entendre le mezzo aigu de Cléopâtre chavirer l’alto de César. Marijana Mijanovic offre au conquérant romain l’incroyable androgynie de son timbre de velours sombre admirablement assis jusqu’au tréfonds d’un grave barytonant qu’explore des cadences inédites, étalant une vocalisation d’un insolent relief. Manquent encore les ultimes fleurs de l’ornementation (après le miracle David Daniels en septembre à Garnier sous la direction du même chef, la messa di voce de  » Aure per pietà  » peut paraître fibreuse, les nuances peu sensibles), ainsi qu’une progression dramatique mieux dessinée : d’un bout à l’autre, Mijanovic s’en tient au même délicieux mélange de pathos et d’espièglerie. Reproche qu’on n’adressera nullement à Magdalena Kozena, dont chaque prestation nouvelle témoigne des progrès en termes d’expressivité, de style et de diction ; d’autres, avec la voix du ciel, auraient moins travaillé. Jamais le parcours du personnage, de la rouerie vipérine et déjà orgueilleuse vers l’abandon sensuel puis la puissance tragique, avant la jubilation majestueuse du final, n’aura sonné aussi juste. Le timbre ample, homogène et lumineux baigne le public de lait et de miel , la technicienne infaillible le nourrit de perles à la cuillère : cette virtuosité assortie d’une telle subtilité, ces abellimenti et ces demi-teintes d’un goût parfait qui jamais ne troublent ni la précision rythmique, ni la plénitude du soutien ! L’aigu est fier, bien qu’imperceptiblement tendu ou brièvement détimbré dans  » Venere belle  » et certains récitatifs (d’une intonation cependant idéale, notons-le) : dans sa conquête des tessitures intermédiaires entre le mezzo et le soprano, Magdalena Kozena devra veiller à assurer progressivement l’extrémité de son registre sans l’épuiser par un rythme trop intensif de représentations ou l’alternance trop rapprochée entre rôles graves et aigus. Elle pourrait ainsi au fil du temps s’emparer, avec les moyens que Bartoli n’aura jamais, non seulement de tout un répertoire baroque italien et français, mais aussi mozartien (Fiordiligi tombe sous le sens), voire des emplois d’une Malibran chez Rossini et Bellini.Les autres rôles n’ont pas, hélas, l’éclat de l’équipe de Garnier, ni de celle qui prend sa relève la semaine prochaine pour l’enregistrement du disque, à Vienne. Arrivé à la dernière minute en remplacement de Denis Sedov, Alan Ewing ne peut faire mieux qu’exposer une voix solide. Pascal Bertin double un Bejun Mehta idéal (il sera de retour pour le disque) avec d’excellentes intentions dramatiques, mais des moyens trop fragiles. Eirian James fait les notes dans les passages lyriques, et disparaît dans la virtuosité. On regrette surtout Anne-Sofie von Otter dans le duo Sesto – Octavie, où le concours de larmes, soupirs et déchirements avec Charlotte Hellekant vaudra sans doute son pesant de Kleenex. Contestable sur le strict plan technique et musical (de legato, guère, et les registres changent deux fois par mesure), cette dernière n’en offre pas moins une incarnation saisissante de la fière patricienne que tout le monde Antique se dispute, justement pathétique, mais farouche et racée dans chaque accent.Sortis de l’étouffoir de Garnier, les Musiciens du Louvre retrouvent la plénitude de leurs couleurs et l’arrête des phrases : splendide continuo, violoncelle d’une éloquence admirable (dommage qu’il ne dialogue avec personne dans  » Caro speme « ), solo de violon d’un beau délié et d’une rare homogénéité de timbre de Florian Deuter. Marc Minkowski allume ses feux sans se soucier des limites de tel ou tel chanteur, suscitant chez certains d’entre eux une réponse inespérée – les airs de Tolomeo. Mais c’est naturellement avec les deux héroïnes de la soirée qu’il porte au sommet cet échange émotionnel et musical où le jeu virtuose fait corps avec l’intensité expressive. Mariage auquel on espère que nul invité ne fera défaut devant les micros. » (ConcertoNet)

Opéra Garnier – 16, 19, 24, 27, 30 septembre, 3, 6, 11, 14 octobre 2002 – mise en scène Nicholas Hytner – décors, costumes David Fielding – lumières Davy Cunningham – Les Musiciens du Louvre – dir. Marc Minkowski – – avec David Daniels/Marijana Mijanovic (Giulio Cesare), Anne Sofie von Otter/Sarah Connolly (Sesto), Danielle De Niese (Cleopatra), Bejun Mehta (Tolomeo), Stephanie Blythe (Cornelia), Franck Leguérinel (Achilla), Dominique Visse (Nireno), Kevin Greenlaw (Curio)

 

Opéra International – 14 octobre 2002

« La production scénique…a mal vieilli ; le génie haendelien, le propos dramaturgique et la qualité littéraire du livret méritaient autre chose que des chanteurs abandonnés sans réelle direction d’acteurs et évoluant au milieu d’un salmigondis d’objets trouvés…Retrouvant Giulio Cesare après avoir annulé plusieurs représentations, David Daniels n’était pas, à l’évidence, dans une forme optimale…quoiqu’il se soit mieux sorti des passages virtuoses que des arie lentes, il s’est appuyé sur sa musicalité naturelle et sur l’évidente qualité de son timbre. Quant à Bejun Mehta (Tolomeo), il a fort bien dessiné, scéniquement et vocalement, son personnage, moins univoquément traître qu’il y paraît. Le rôle de Cleopatra ne convient pas à Danielle De Niese avec son timbre trop léger et acidulé, elle dessine une reine simplement minaudante, jamais sensuelle, et nullement assoiffée de pouvoir. Sarah Connolly, à l’évidence musicienne, affronte avec Sesto un rôle trop grave d’une tierce pour sa tessiture d’élection…Stephanie Blythe (Cornelia) a déçu par un timbre engorgé et doté d’une faible projection ; dans les arie lentes et désespérées, elle parvenait même à la limite du minimum – sonore et déclamatoire – audible. Les trois rôles secondaires furent fort bien tenus, à commencer par Dominique Visse qui dessine, là encore, une de ces silhouettes indispensables à une production lyrique. Heureusement, la vie et la vraie vocalité étaient dans la fosse et l’esprit de l’oeuvre y soufflait avec générosité et à-propos : Marc Minkowski et ses musiciens sont les triomphateurs de cette représentation. »

Diapason – novembre 2002 – compte-rendu de la représentation du 24 septembre 2002

« C’est Marijana Mijanovic, ce soir, qui sauve le spectacle, remplaçant David Daniels, souffrant, qui n’aura donc chanté que la première. Elle est Jules César, le plus idéal qui se puisse imaginer, style, voix et drame même, malgré les circonstances qui l’obligent à chanter depuis la fosse, un assistant mimant le rôle en scène. L’incroyable homogénéité des registres, l’androgynie du timbre, l’agilité naturelle et l’expression balayant toute la palette des affects consacrent celle qui fut déjà, pour Christie, une merveilleuse Pénélope. Autour d’elle, c’est une succession de portraits plus convaincants les uns que les autres Danielle De Niese (Cléopâtre, adorable), Stephanie Blythe (Cornelia, du coffre et de l’abattage à revendre), Anne Sofie von Otter (Sesto, vibrante et juvénile comme jamais), Bejun Mehta (présence et santé insolentes). Et comme Minkowski a, une fois de plus, hissé haut les couleurs de ses Musiciens du Louvre, c’est du bonheur à tous les étages. »

Le Monde – 19 septembre 2002 – Giulio Cesare réchappe d’un attentat sonore – La première de l’œuvre de Haendel au Palais-Garnier perturbée par un magnétophone.

« Lâche « attentat » à la bande magnétique lundi 16 septembre soir au Palais-Garnier pour la première de Giulio Cesare, de Haendel. Ils étaient tous en rang, l’actuel ministre de la culture, Jean-Jacques Aillagon, l’ancienne, Catherine Tasca, Hubert Védrine et Patrick Devedjian, prêts à suivre les amours tumultueuses de Jules César avec la belle Cléopâtre. Et puis, à peine avalés l’ouverture et le premier air de David Daniels, voilà la tête de Pompée qui arrive sur un plateau d’argent. Fureur de César et longue plainte de la veuve Cornelia (magnifique Stephanie Blythe). C’est là que tout a commencé : une musique en écho, aigrelette et têtue, assez faible pour ne pas endiguer le flot haendélien, assez puissante pour s’immiscer entre chaque respiration, gagner peu à peu les consciences, détourner savamment l’attention. Minkowski et ses troupes ont vaillamment résisté tandis que Cléo et Ptolémée se disputaient le trône. Au second changement de décor, une voix s’est élevée : « On ne peut pas arrêter ça ? » Marc Minkowski s’est tourné vers la salle en demandant quelques minutes. On a espéré le miracle. Il n’en fut rien. On y alla alors de bon cœur, qui invoquant les mânes de Maria Callas revenant en ce soir du 25e anniversaire de sa mort, qui retrouvant sa crédulité d’enfance, Gaston Leroux et le Fantôme de l’Opéra. D’autres pointaient du doigt les intermittents du spectacle, dans une maison réputée pour son syndicalisme. Il y eut même un chevrotant « C’est une honte ! », aussitôt conspué. Peut-être est-ce ce qui décida notre ministre. Il se leva et quitta la salle, cependant qu’un entracte « couvre-feu » était déclaré. Quand tout le monde se fut rassis, le directeur des Opéras de Paris, Hugues Gall, vint remercier le public de sa patience (sans pour autant présenter d’excuses). La « bombe » avait été trouvée et désamorcée. Une enquête était en cours et une plainte déposée. On apprendra qu’il s’agissait d’un magnétophone rudimentaire planqué dans des loges aveugles sous plafond et de deux haut-parleurs dissimulés derrière des lyres de stuc. Un endroit suffisamment retors pour indiquer une affaire fomentée en interne ; un coup orchestré (si l’on peut dire) dans l’intention de saboter, Hugues Gall dixit, « le début de saison ». Ce d’autant que sur la bande passait justement… Giulio Cesare, pris au vif d’une répétition.

Le Monde – 19 septembre 2002 – Un beau spectacle

« Revenu aux cendres de Pompée, le spectacle devait se dérouler sans encombres. Un beau spectacle, nanti d’une distribution très homogène, une mise en scène intelligente et une remarquable direction d’acteurs. On put admirer la mâle assurance de Bejun Mehta en Ptolémée roi du pétrole, la séduction de Danielle de Nisse (une révélation), pétroleuse Cléopâtre se muant en amoureuse superbe, la juste vaillance d’Achillas (Franck Leguérinel), la spirituelle gouaille de Dominique Visse (Nirenus). Même combat dans le camp romain. Somptueuse majesté et émouvante maîtrise vocale de Stephanie Blythe en Cornelia, tragique jusque dans l’arrosage des cactus de Ptolémée. Juvénile et ardent, le Sextus d’Anne-Sofie von Otter, digne fils du grand Pompée. Le duo d’adieu entre mère et fils, un des plus beaux jamais écrits, offre un moment ineffable. Flanqué de l’efficace Curion (Kevin Greenlaw), David Daniels est un Jules César plein de fougue et d’impétuosité. Infinie souplesse et couleur de miel pour une voix qui saute tous les Rubicon, vocalises conquérantes et stratégie expressive d’une grande finesse. Quant à l’orchestre en armes de Minkowski, il aura tenu sa partie sans faillir, entre constance et humilité.

ConcertoNetToi aussi Brutus – 16 septembre 2002

« Il est vrai que le premier Jules César en France de Marc Minkowski, prélude à un enregistrement pour Archiv Deutsche Gramophon, était fort attendu de tous ceux qui regrettent de ne disposer que d’une seule très bonne version sur instruments anciens, celle choisie justement par le mystérieux pirate des combles. Ni les circonstances, ni l’acoustique du Palais Garnier, peu favorable à ce répertoire, ne permettent un jugement définitif. Comme dans sa récente Platée, le chef déploie en ce lieu des phrases plus amples, une pâte sonore très chaleureuse, noble et dense à défaut d’être finement contrastée. Sur le plan technique, la balance avec les voix est dosée de main de maître et l’orchestre paraît remarquablement préparé ; sur le plan expressif et musical, le discours s’inscrit davantage dans la pertinence de progressions dynamiques très fluides (qu’il s’agisse des grands écarts ou de nuances plus subtiles) et d’un entraînement par le jeu d’un legato puissant, que dans le relief et la variété de la rythmique et des articulations, qui gagneront à se libérer. Il est vrai que le patchwork étant le piège dans lequel tombent ici trop de chef, un souffle continu ne nuit point à Jules César. Loin du cliché dont on l’affuble souvent, Minkowski résiste donc à la tentation de tempos extrêmes (sauf dans  » Priva son  » où la pulsation disparaît quasiment, mais aussi la chanteuse ne l’habite guère), et trouve au contraire le juste pouls dans les pages transformées par d’autres en récit wagnérien ou en numéros de cirque – les trois derniers airs de Cléopâtre, autrement dit.Même revissée aux entournures et élaguée dans le sens de plus de sobriété, la production de Nicholas Hytner, mieux inspiré dans son légendaire Serse à l’English National Opera, demeure rigolote et gentiment tarte, plus proche du film de Gabriel Pascal en 1945 (délire carton pâte sur le texte de George Bernard Shaw, avec Vivien Leigh et Claude Rains, à découvrir d’urgence) que du chef d’œuvre authentiquement rococo de Mankiewicz. Un cast de carpes et de lapins (Dominique Visse reprend son inusable Nireno, Franck Leguérinel débute dans un bel Achilla) y trouve ses marques avec des bonheurs divers. Stephanie Blythe est un malentendu : difficile de comprendre que la belle veuve qui donne bien malgré elle des frissons à tous les mâles de l’histoire, César excepté (et Dieu sait que la malheureuse Cléopâtre ne ménage pas ses efforts), déploie une voix plus tonitruante et virile qu’eux tous réunis, et exhibe une présence de matrone ! Le couple des enfants terribles d’Alexandrie est en revanche une éclatante réussite. Veule, lascif, à la fois juvénile et menaçant, Bejun Mehta est peut être le meilleur Tolomeo jamais vu, et l’émission vigoureuse, les couleurs crues, les phrases tranchantes en font un adversaire redoutable pour César. Tant par son physique que par son talent d’actrice, Danielle De Niese est la Cléopâtre idéale, chaton qui fait ses griffes, fine mouche de comédie au charme irrésistible trouvant au fil des scènes une véritable étoffe tragique. Paradoxalement, son soprano léger – le rôle appelle une voix intermédiaire proche du mezzo – manque surtout de corps dans les airs galants ou virtuoses : peu de sensualité (cruel, pour  » V’adoro, pupille « ), guère de nuances, trilles et ornements réduits au minimum syndical, même si le timbre reste toujours séduisant. Dans  » Se pietà  » et  » Piangero « , une diction percutante et un investissement expressif farouche font oublier ces limites.On attendait, bien sûr, le Sesto luxueux d’Anne Sofie von Otter. Dommage que cette haendélienne rêvée se voit toujours contrainte par les mises en scène à faire des choses totalement idiotes dès qu’elle monte sur le plateau de Garnier pour un ouvrage du Cher Saxon, les serpents et crocodiles de Mister Hytner ne valant pas mieux que le cheval du Señor Lavelli ! Les vocalises du rôle, exigeant plus de force que de raffinement, ne prodiguent pas les mêmes délices que celles d’Ariodante. Mais  » Cara speme  » est ce qu’on avait imaginé : miracle d’ombres et de lumière, de tenue instrumentale héroïque aux limites du néant. Dommage pour le duo tout aussi sublime où sa partenaire claironne, et vivement la rencontre avec Charlotte Hellekant pour le disque. Quelques huées ont accueilli David Daniels au milieu des vivats. Que voulait-on ? La vraie tessiture d’alto ? Les décibels ? Le détaché précis et vigoureux des vocalises ? Il ne les a pas, on le savait en entrant. Mais le velours unique, la ligne merveilleusement portée, où les trouver ailleurs ? D’abord indécis dramatiquement dans le contexte de cette représentation difficile, il acquiert en cours de route une vraie présence scénique, jeune, enthousiaste, frémissante. Et  » Aure, per piétà  » est le sommet de la soirée, souffle infini au modelé parfait où s’épanouit sans s’étaler la fioriture, nostalgie et tendresse délicate de la couleur et des mots que nul n’avait obtenu encore – pas même lui. Les lauriers, fianlement, reviendront à… César. C’est justice, mais ce n’est pas coutume. »

Forum Opéra – 11 octobre 2002

« …Le choix de Hytner tire volontairement du côté d’une bande dessinée anachronique, où se mélangent éléments de l’Egypte ancienne et costumes du 18e siècle, vamps hollywoodiennes et femmes voilées type « taliban », crocodiles en plastique et derricks. Certes, tout n’est pas du meilleur goût et certains effets sont ratés (c’est le cas des crocodiles et des cactus), mais l’ensemble est cohérent, parfois drôle, parfois émouvant et la direction des chanteurs se signale par un vrai sens dramatique. On ne s’ennuie pas. Certes, on ne retrouve pas la perfection d’un Rodelinda, mais balayer d’un revers de la main le travail du metteur en scène serait de très mauvaise foi. Le succès de la soirée s’explique aussi par la distribution, homogène et de qualité. On pouvait avoir peur du remplacement de David Daniels par Flavio Oliver. Les craintes étaient sans fondement : la voix est belle, homogène et vaillante et la projection certainement plus assurée que celle de Daniels (selon les témoins de la première représentation). Aurions-nous gagné au change, finalement ? Dans le même registre, Bejun Metha est un excellent Ptolémée. Sa voix, plus colorée que celle d’Oliver, lui permet de camper un méchant plein de veulerie et de lâcheté. La Cléopâtre de Danielle de Niese est d’une rouerie réjouissante, en adéquation avec la vision de Hytner qui fait d’elle une  » coquine « , une vision cohérente, compte tenu de la couleur musicale souvent espiègle et légère de ses airs. On peut cependant regretter une voix, certes facile, mais pauvre en nuances, ce qui réduit la portée émotionnelle des airs dramatiques, notamment du fameux « Piangero ». Elle n’est certainement pas l’interprète idéale pour un enregistrement ou une diffusion radiophonique. Elle n’arrive pas à faire oublier l’éclatante Cléopâtre de Maria Bayo qui avait enthousiasmé le public lors de la précédente reprise de cette production ; mais qui aurait pu la faire oublier ? Par contre, Anne Sofie Von Otter et Stephanie Blythe sont parfaites. Leur duo est un des sommets de l’opéra et un des moments forts de cette soirée. On peut émettre davantage de réserve sur le reste de la distribution, notamment les seconds rôles : Franck Leguérinel, dont la volonté de paraître méchant est excessive et enlaidit la voix, ainsi que Dominique Visse, qui fait preuve d’une technique excellente, mais en fait des tonnes dans son air. Le grand héros de l’applaudimètre, ce fut (cela devient une habitude) Marc Minkowski, avec sa direction nerveuse et enlevée (toujours une habitude !). Ses tempi étaient parfois rapides (qui l’eut cru ?), surtout comparés à ceux de Jacobs, mais ils n’ont jamais mis en danger les chanteurs, ce qui démontre certainement un travail préparatoire efficace ainsi qu’une parfaite maîtrise des rôles. Bref, une très bonne soirée et… sans attentat sonore ! « 

San Francisco – War Memorial Opera House – 19, 22, 26, 29 juin, 3, 7 juillet 2002 – dir. Nicholas McGegan – mise en scène John Copley – décors John Pascoe – avec David Daniels (Giulio Cesare), Ruth Ann Swenson (Cleopatra), Felicity Palmer (Cornelia), Ruxandra Donose (Sesto), Bejun Mehta (Tolomeo), Denis Sedov (Achilla), John Ames (Curio), Daniel Taylor (Nireno), Felicity Palmer (Cornelia)

Ruth Ann Swenson en Cleopatra« Une de ces productions rares, où tout concourt à composer une exception…L’ampleur de la vision, celle de Haendel, et celle de John Copley qui privilégie ici l’économie, une narration qui tend à l’épure, confine au sublime…Jubilatoire, nerveux, voire cravacheur, McGegan dirige un orchestre réssolument impliqué, minutieux, soucieux du détail. La Cleopatra de Ruth Ann Swenson joue sur les ambiancxes, les supenses, et sait éviter à la fois sentimentalisme et vérisme…Le Cesare du contre-ténor David Daniels porte la marque du talent. » (Opéra International – septembre 2002)

Copenhague – Opéra Danois National – 4, 6, 8, 10, 13, 15, 18, 22, 24, 26, 29 mai 2002 – Festival de Bergen – 28 mai 2002 – Concerto Copenhagen – dir. Lars Ulrik Mortensen – décors, costumes Francisco Negrin, Anthony Baker – lumières Allen Hahn – chorégraphie Ana Yepes – avec Andreas Scholl (Giulio Cesare), Sten Byriel (Curio), Randi Stene (Cornelia), Tuva Semmingsen (Sextus Pompeius), Inger Dam-Jensen (Cleopatra), Christopher Robson (Ptolomeo), Palle Knudsen (Achille), James Huw Jeffries (Nireno)

 

Toronto – Hummingbird Centre – 6, 10, 12, 16, 18, 21 avril 2002 – Orchestre de la Compagnie de l’Opéra du Canada – dir. Kenneth Montgomery – mise en scène Tom Diamond – décors Paul Steinberg – costumes Constance Hoffman – avec Ewa Podles (Giulio Cesare), Marie-Nicole Lemieux (Cornelia), Brian Asawa (Sesto Pompeo), Isabel Bayrakdarian (Cleopatra), Audrea Ludwig (Nireno), Daniel Taylor (Tolomeo), Bruce Schaef (Curio), Olivier Laquerre (Achilla)

Marie-Nicole Lemieux et Brian Asawa

Saarbrücken – Saarländisches Staatstheater – mars 2002 – dir. Marcus R. Bosch – mise en scène Anja Sündermann – avec Matthias Rexroth (Giulio Cesare), Stefanie Krahnenfeld (Cleopatra), Maria Pawlus (Cornelia), Frédérique Sizaret (Sesto), Hiroshi Matsui (Tolomeo), Guido Baehr (Achilla), Stefan Röttig (Curio), Volker Philippi (Nireno)

« La popularité de Giulio Cesare n’enlève rien au charme intemporel de cet opéra, surtout depuis que des musiciens tels que René Jacobs et son Concerto Köln s’appliquent à lui rendre son vernis originel. Avec un livret de légende qui puise ses sources dans l’opéra de Sartorio, il empreinte les voix labyrinthiques d’une intrigue aux confins de l’imbroglio inextricable, quoique propice à l’éclosion des idiomes haendeliens. Le langage vernaculaire du compositeur adepte des récitatifs accompagnés à l’orchestre, traduit avec Giulio Cesare la plénitude des oeuvres d’art complexes, harmonieusement assemblées. Pour cette raison, monter cet opéra et le réussir impliquent une forte cohérence au sein de la sainte trilogie opératique que constituent le chef, les chanteurs et le metteur en scène, équation en partie résolue avec cette représentation.Ce sont les chanteurs qui emportèrent la palme (ou les lauriers, c’est selon), distinction allant à une distribution équilibrée dont le savant assemblage ne peut être que le fait d’un connaisseur. Bien qu’Ewa Podles explorait essentiellement le bas de son registre que l’on sait étendu à trois octaves, elle campait le rôle titre avec une haute crédibilité vocale et théâtrale, dans la tradition vénitienne des rôles travestis. La largeur de sa voix et sa résonnance cuivrée corroboraient un style idoine et visiblement éprouvé aux exigences du baroque (N’était-elle pas aux côtés de Minkowski lors de l’illustre aventure d’Ariodante?). L’aria avec cor solo « Va tacito » confirmait une sensibilité de bon goût entre moiré et mordoré alors que l’aria final « Qual torrente » irradiait par l’éclat son auguste générosité.Isabel Bayrakdarian, en Cléopâtre, n’était pas non plus sans aménité avec un rôle qu’elle tutoya scéniquement et vocalement. Richard Burton lui aurait volontiers donné la réplique en un autre temps, dans un autre lieu. La jeunesse qu’elle incarnait n’avait d’égal que son raffinement musical sans apprêt, tour à tour expressif et brillant. Dans ce rôle Bayrakdarian ne chantait pas sa voix, elle était sa voix. Du côté des contre-ténors, la distribution prêtait à la comparaison en nous offrant généreusement Brian Asawa (Sesto) et Daniel Taylor (Ptolémée). La voix du premier s’épanouissait sur une assise plus solide et plus immédiatement accessible que celle de son homologue canadien. Taylor (Daniel, pas Elisabeth), malgré ses affinités avérées avec l’art baroque, laissait poindre ponctuellement quelques faiblesses vocales, sans doute bousculé par le bouillonnement de l’adolescent attardé et irrévérencieux qu’il incarnait.Plus qu’aucun autre chanteur, Marie-Nicole Lemieux sembla faire les frais d’une mise en scène superficielle et éculée. Engoncée voire engluée dans une gestuelle conventionnelle et puritaine, en parfaite harmonie avec les oripeaux victoriens qui l’habillaient, la soprano québécoise révèlait autant de justesse vocale que de manque d’expression. Comment parvint-elle à retenir ses sentiments, face à la tête ensanglantée de feu son mari, décapité par Ptolémée. Même Hérode s’en serait ému, non?Une réserve s’imposait également au niveau de l’orchestre. Bien qu’il ne ménagea pas ses efforts, ô combien louables, pour ne pas couvrir les chanteurs, Montgomery livra une interprétation à la frontière de la complaisance, à force de trop flatter le legato et d’arrondir impérieusement la ligne mélodique. L’orchestre, métissé pour l’occasion avec un théorbe et un clavecin, rendait docilement la pareille avec un sabir musical qui ne saurait porter l’épithète d’authentique. A défaut de l’être, l’entreprise du chef anglais invité, présentait cet avantage de ne pas desservir la voix, assez bonne raison pour ne pas être vouée aux gémonies. Face au lieu commun des décors et de la mise en scène, demeuraient un orchestre ayant fait du Primum non nocere sa devise et une distribution crédible et convaincante. D’où ce constat manifeste: une version de concert eût été suffisante. » (Scena Musicale – 17 avril 2002)

Opéra de Monte Carlo – Théâtre de Fontvieille – 27 février, 1er et 3 mars 2002 – dir. Alan Curtis – mise en scène Mario Pontiggia – avec Flavio Oliver (Giulio Cesare), Cinzia Forte (remplaçant Maria Bayo) (Cleopatra), Romeo Cornelius (remplaçant Derek Lee Ragin) (Tolomeo), Gloria Banditelli (Cornelia), Lucy Schaufer (Sesto Pompeo), Carlo Lepore (Achilla), Nicola Marchesini (Nireno), Roberto Abbondanza (Curio)

Giulio Cesare

Opéra International – avril 2002 – compte-rendu de la représentation du 1er mars 2002

« Carlo Pontiggia propose un XVIIIe siècle à l’orientalisme coloré…l’aspect visuel est des plus agréables…Le recours aux ballets constitue un habillage intelligent…une belle production…mais une monotonie certaine et un indéniable manque d’émotion…Le chant de la soprano Cinzia Forte…un placement instable, une diction et des registres inégaux et un legato bien malmené…Une déception musicale : l’ornementation et les cadences sont fréquentes, mais se limitent à la recherche de la note aigüe à l’éclat illusoire…La direction incisive d’un Alan Curtis au style parfaitement maîtrisé est suivie avec une grande précision par l’Orchestre Philarmonique de Monte-Carlo. Au total, une production respecteuse, un peu sage et plus décorative qu’expressive »

  • Diapason – avril 2002 – compte-rendu de la représentation du 1er mars 2002« une transparence et une souplesse…qui soutiennent les voix sans jamais les freiner ou les couvrir…La perfection des da capo ornés épousant et amplifiant la prosodie ainsi que le choix d’une distribution essentiellement latine inscrivant les récitatifs au coeur de l’action…(mais) un spectacle qui ne décolle jamais, les airs qui tournent dans le vide…l’inanité scénique de Gloria Banditelli en Cornelia…le Sextus déterminé mais trop féminin de Lucy Schaufer, le Tolomeo mal chantant de Romeo Cornelius…Flavio Oliver (a) une véritable présence et un timbre splendide…La véritable révélation du spectacle est la Cléopâtre de Cinzia Forti, voix de velours, actrice sensible… »
  • Opéra International – février 2002 – Alan Curtis – Haendel à Monte Carlo 

    Hanovre – Niedersächsische Staatstheater – 23, 28 février, 6, 10, 14, 22 mars, 12, 18, 26 avril, 6, 9, 12, 18, 25 juin, 5 juillet 2002 – dir. Michael Hofstetter – mise en scène Herbert Wernicke/Björn Jensen – décors, costumes Herbert Wernicke – avec Annette Markert (Giulio Cesare), Xiaoliang Li (Curio), Janina Baechle (Cornelia), Christiane Iven (Sesto), Alla Kravchuk (Cleopatra), Kai Wessel (Tolomeo), Frank Schneiders (Achilla), Marianne Beate Kielland (Nireno)

     

    Munich – Staatsoper – 27, 30 janvier, 3, 7, 11 février, 25, 29 juillet 2002 – dir. Ivor Bolton – mise en scène Richard Jones – décors, costumes Nigel Lowery – chorégraphie Amir Hosseinpour – lumières Mimi Jordan Sherin – avec Ann Murray (Giulio Cesare), Jan Zinkler (Curio), Patricia Bardon (Cornelia), Katarina Karnéus (Sesto), Susan Gritton (Cleopatra), Christopher Robson (Tolomeo), Marcello Lippi (Achilla), Axel Köhler (Nireno)

    Giulio Cesare

    Amsterdam – De Nederlandese Opera – Stadsschouburg – 15, 16, 18, 19, 22, 24, 25, 27, 28, 30 novembre, 1er, 3, 4, 6, 7 décembre 2001 – Les Musiciens du Louvre – dir. Marc Minkowski – mise en scène Ursel et Karl-Ernst Herrmann – décors et costumes Karl-Ernst Herrmann – lumières Karl-Ernst Herrmann – dramaturgie Klaus Bertisch – avec Christine Schäfer/Danielle de Niese (Cléopâtre), David Daniels/Marijana Mijanovic/Nathalie Stutzmann (Cesare), Charlotte Hellekant/Graciela Araya (Cornelia), Magdalena Kozena/Joyce DiDonato (Sesto), Silvia Tro Santafé/Pascal Bertin (Tolomeo), Della Jones (Nerina), Marcel Boone (Curio), Garry Magee (Achilla)

    Diapason – janvier 2002

    « La fête est un peu gâchée par le théâtre prétentieux de Ursel et Karl-Ernst Herrmann. Dans un décor blanc, un défilé de costumes chic et l’agitation de quelques éléments toc tiennent lieu de dramaturgie…Si la soirée est haute en couleurs, c’est à Minkowski qu’on le doit…Les chanteurs sont à l’unisson…Projection remarquable, David Daniels impose un César conquérant…Christine Schäfer, Cléopâtre, se heurte à un contre-emploi : son petit soprano à l’agilité plus que douteuse ne convainc que dans l’élégie mais capitule dans la furie des coloratures. Tout l’inverse de Danielle de Niese…son excellente technique lui permet de triompher haut la main…L’art de Magdalena Kozena est aujourd’hui parvenu à un degré d’accomplissement qui n’appelle aucun commentaire que des superlatifs »

  • Opéra International – février 2002« Les Herrmann ont opté pour un mélange de réalisme et de stylisation, juxtaposant armes et costumes tour à tour anciens et modernes. Ils ont fait de l’esprit là où ce n’était pas forcément nécessaire…Les moments marquants ne manquent pas, on reconnaît ici et là le génie inmitable du couple, et l’on admire l’admirable préparation des chanteurs…David Daniels a paru un peu juste pour le rôle-titre. Scéniquement son Cesare impose une impressionnante dignité…Christine Schäfer phrase joliment en Cleopatra, ses vocalises sont en place…Le timbre de Charlotte Hellekant, scéniquement saisissante en Cornelia, convient à la tonalité douloureuse de ses airs, elle chante avec une intensité poignante, face à Magdalena Kozena qui s’investit corps et âme dans le personnage de Sesto. Les meilleures performances vocales restent pourtant celles de Silvia Tro Santafé en Tolomeo et de Garry Magee en Achilla…Le Giulio Cesare de Marc Minkowski mêle feu, élégance, variété des effets et sens théâtral dans un cocktail fulgurant. »

    Dublin – Gaiety Theater – 17 au 25 novembre 2001 – dir. Gerhard Markson – mise en scène Dieter Kaegi – décors Louis Desire – avec Anna Burford (Cesare), Carr, McGilloway, Regina Nathan (Cleopatra), Artur Stefanowicz (Tolomeo), Watson, Cécile van de Sant (Cornelia), Baker

     

    Londres – St John’s, Smith Square – 16 et 17 novembre 2001 – The Early Opera Company – dir. Christian Curmyn – Hilary Summers (Giulio Cesare), Antonia Sotgiu (Cornelia), Louise Mott (Sesto), Geraldine McGreevy (Cleopatra), William Purefoy (Tolomeo), João Fernandes (Achilla), David Clegg (Nireno)
    Drottningholm Court Theater – 21, 26, 28, 30 juin, 2, 4, 6, 7 juillet 2001 – Drottningholm Theater Orchestra – dir. Roy Goodman – mise en scène David Radok – avec Lawrence Zazzo (Cesare), Laura Claycomb (Cleopatra), Mikael Bellini (Tolomeo), Ann Hellenberg (Cornelia), Malena Ernman (Sesto),Gabriel Suovanen (Achilla), Lars Martinsson (Curio), Catharina Olsen (Nireno)

     

    New Opera – Festival de Rome – 2001 – dir. Stefano Vignati – avec Janet Perry (Cleopatra), Fulvio Massa (Cesare), Ilaria De Francesco (Cornelia), Fabio Andreotti (Sesto Pompeo)

    Opéra de Los Angeles – 23, 25, 27 février, 2, 4, 7, 10 mars 2001 – Los Angeles Opera Orchestra – dir. Harry Bicket – mise en scène Francisco Negrin (reprise d’une production créée à l’Opéra d’Australie, en 1994) – avec David Daniels (Cesare), Elizabeth Futral (Cleopatra), Bejun Mehta (Tolomeo), Susanna Guzman (Cornelia), David Walker (Nireno), Paula Rasmussen (Sesto), Pablo Porras (Curio). Elizabeth Futral et Bejun Mehta

     

    New York – Metropolitan Opera – 28 avril, 3, 6 mai 2000 – dir. John Nelson – mise en scène J. Copley – avec Hei-Kyung Hong / Sandra Moon (Cleopatra), Jennifer Larmore (Giulio Cesare), Stephanie Blythe (Cornelia), David Daniels (Sesto), Brian Asawa (Tolomeo), Julien Robbins (Achilla)

    Opéra de Washington – 12, 15, 18, 20, 28 février, 2, 4, 9 mars 2000 – dir. Crutchfield – mise en scène J. Copley – avec Hong, Vivica Genaux, Keen, Krull, Oliver, Hays

     

    Berlin – Komische Oper – 19 septembre, 2, 24 octobre, 14, 25 novembre, 19 décembre 1999 – avec Jochen Kowalski (Cesare)

    Oviedo – Teatro Campoamor – septembre 1999 – Orquesta Sinfónica Ciudad de Oviedo – dir. David Parry – mise en scène Emilio Sagi – avec Ewa Podles (Giulio Cesare), Sarah Walker (Cornelia), Diana Montague (Sexto), Gwendolyn Bradley (Cleopatra), David Thomas (Achilla), Michael Chance (Ptolomeo), Marina Pardo, Carlos Bru

     

    New York – Metropolitan Opera – 10, 14, 17, 21, 24 avril 1999 – Orchestre du Met – dir. John Nelson – avec Sylvia McNair (Cleopatra), Jennifer Larmore (Giulio Cesare), Stephanie Blythe (Cornelia), David Daniels (Sesto), Brian Asawa (Tolomeo)

    Jennifer Larmore

    Opéra-Comédie de Montpellier – 26, 28, 30 mars, 1er avril 1999 – Théâtre des Champs Elysées – version de concert – 6 avril 1999 – Coproduction des Opéras de Montpellier / Scottish Opera – Glasgow / Theater im Pfalzbau – Ludwigshaffen – dir. Christophe Rousset – mise en scène Willy Decker – décors et costumes John MacFarlane – avec Sara Mingardo (Cesare), Laura Polverelli (Cornelia), Laura Claycomb (Cleopatra), Brigitte Balleys (Sesto), Hilary Summers (Tolomeo), Roberto Scaltriti (Achilla), Robert Expert (Nireno), Laurent Slaars (Curio)

    Opéra International – mai 1999

    « Au risque de prendre le contre-pied des éloges réservés par une partie de la presse, radiophonique notamment, à cette production montpelliéraine, et de déconcerter quelque peu le public qui a manifesté son enthousiasme par moult trépignements, lors de la représentation du 30 mars à laquelle nous avons assisté, il nous paraît de notre devoir de dénoncer avec force le saccage commis par Willy Decker et Christophe Rousset à l’encontre du chef-doeuvre de Haendel. S’il semble que les coupures et réarrangements sauvages opérés dans ce Giulio Cesare soient principalement le fait du metteur en scène, force est de constater que le directeur musical n’a rien entrepris pour s’y opposer et les a cautionnés de facto. Si le dossier remis à la presse – le programme destiné au public étant quant à lui silencieux à ce sujet… – détaille les neuf (!) airs supprimés, il ne dit mot de l’élimination pure et simple du choeur final (« Ritorni ormai ») et des importants changements opérés dans l’ordre des numéros des troisième et quatrième actes sans justification réelle. Les motivations avancées sont des plus fallacieuses : le public actuel ne saurait supporter un ouvrage atteignant les quatre heures, inutilité dramatique de certains airs… Si ce Giulio Cesare atteignait une durée proche des trois heures trente, en dépit de tous ces chambardements, cela était dû principalement à la lenteur exaspérante des tempi choisis par Christophe Rousset pour les récitatifs et les accompagnati. Par ailleurs, et probablement dans un souci de concision, on a jugé bon de rajouter air « Qui perde un momento », composé par Haendel pour la reprise londonienne de l’ouvrage, en 1725. Il fallait sans doute donner quelque chose à chanter à Nireno, qui, autrement, n’intervenait que dans les récitatifs, mais compte tenu de la piètre prestation de Robert Expert, il eût été plus judicieux de s’abstenir.Le décor de cette production venue de Glasgow était plutôt réussi, et certains partis pris de la mise en scène – qui soulignait efficacement la superposition de l’intrigue amoureuse et du complot politique – auraient pu conduire à un résultat bien meilleur, si l’on n’avait pas cherché à tout prix à plier l’oeuvre à des vues sans rapport avec la musique de Haendel et le livret de Haym. Pourquoi cette reprise absurde de l’ouverture en remplacement du finale du quatrième acte, censée symboliser « le cycle toujours recommencé de la conquête du pouvoir »?…Au plan strictement musical, ce Giulio Cesare était également loin d’être irréprochable. Les opéras de Haendel sont avant tout destinés à faire briller de grandes voix, dans des airs de virtuosité où s’accu-mulent les difficultés techniques. Et lorsque ces grandes voix ne sont pas au rendez-vous, l’on reste sur sa faim. Du plateau vocal réuni à Montpellier, seules se détachaient l’excellente Cornelia de Laura Polverelli, dont le timbre sombre et les graves puissants donnaient une réelle consistance au personnage, et la Cleopatra de Laura Claycomb, à la voix homogène et d’une grande agilité dans les vocalises. Par contre, le Tolomeo d’Hilary Summers, filet de voix à peine audible et timbre très blanc, pauvre en harmoniques, conduisait à un résultat plus proche du parlando ou du marqué que du chant réel. Sara Mingardo a campé un Giulio Cesare en demi-teinte : assez joli timbre, agilité certaine dans les coloratures, mais absence de graves et dérapages dans la justesse. A sa décharge, il faut reconnaître que l’extrême lenteur de certains tempi ne lui a pas facilité le travail, tout comme au Sesto de Brigitte Balleys à qui manquait par ailleurs l’ampleur vocale nécessaire. Enfin, Roberto Scaltriti (Achilla) était contraint de « couvrir » pour dissimuler la faiblesse de ses basses, se montrant toutefois plus à l’aise dans l’aigu et habile dans la vocalisation. »

    ConcertoNet – 6 avril 1999

    « Reconnaître en Christophe Rousset un musicien attachant et plein de promesses est devenu un tel leitmotiv parmi les critiques qu’une voix discordante devra bien un de ces jours secouer la béatitude ambiante : qu’il grandisse, notre petit poucet du baroque ! La France a beau compter, en la personne de messieurs Minkowski et Christie, deux artistes d’égal prestige et aux personnalités idéalement contrastées, il n’en resterait pas moins place pour d’autres propositions du même niveau. Les réussites de Christophe Rousset dans certaines pièces mineures du répertoire classique (le Mitridate de Mozart, royalement servi au disque par Natalie Dessay et Cecilia Bartoli) n’excusent pas qu’il nous laisse régulièrement sur notre faim dans les grands chefs d’œuvre baroques. Soyez gentils, faites-nous La Finta Giardiniera, et laissez les grands jouer entre eux, serait-on tenté de conseiller à la sympathique équipe ici rassemblée.Ce Jules César pâtit il est vrai de la réécriture aberrante commise par Willy Decker pour la production scénique donnée quelques jours auparavant à Montpellier : suppressions, voire permutations des airs (« Da tempesta » arrive avant « Piangero »), coupes sombres dans les parties centrales et les reprises, sans que le drame y gagne en tension ou en pertinence. Rousset entretient d’évidence avec ses musiciens et ses chanteurs une complicité qui confère à l’ensemble bouillonnement rythmique et excitation dynamique. Mais que la technique est pauvre, la mise en place rudimentaire (encore des décalages, après une série de représentations et une tournée), la justesse approximative (une harmonie particulièrement redoutable) ! Le chef pétrit de ses gestes étroits et saccadés une pâte claire mais grumeleuse, trace des lignes sautillantes et précieuses (l’ornementation des reprises, surabondante, tend bizarrement à la consonance harmonique du baroque plus tardif), nous faisant prendre conscience de ce que Jacobs, malgré ses raideurs et son systématisme, recelait en véritable puissance dramatique.Les chanteurs bénéficient de l’investissement dramatique acquis sur scène, quoique la vedette de la soirée, Sandrine Piau, ait assuré le concert virtuellement sans répétitions (c’est Laura Claycomb qui chantait Cléopâtre à Montpellier). Simplement charmante dans les premiers airs (attaques et fins de phrases ne sont pas assez pleinement timbrées pour susciter l’extase), elle surprend dans les instants les plus dramatiques par l’urgence de son engagement, la variété des couleurs, l’alliance entre une ligne parfaitement contrôlée et une diction frémissante : « Se Pieta » et « Piangero » sont le seuls grands moments de la soirée, avec la petite appoggiature par laquelle elle attaque la reprise du duo. Vite, Almirena, Ginevra, Semele, et quel dommage pour les coupures !Si tous les autres sont clairement surdistribués, on aime la pure beauté vocale de Sara Mingardo (quel naturel dans l’émission, même si la tessiture est un peu basse et le volume un peu faible, et surtout les longues phrases de César trop exigentes en souffle, en écarts, en intonation) comme les couleurs corsées de Laura Polverelli (trop de vibrato et de sons engorgés, cependant, pour faire une grande Cornelia). Les choses se gâtent avec le Tolomeo d’Hillary Summers, dont les appuis poitrinés dans le grave ne suffisent pas à masquer l’incertitude de tout ce qui se passe au dessus, et virent au cauchemar avec le Sesto de Brigitte Balleys, hoquetant et vociférant entre les registres, et l’Achilla de Roberto Scaltriti, hurlant ses aigus à côté de la note. A oublier, et vite. »

    Opéra de Bordeaux – Grand Théâtre – 15, 17, 19, 21, 23, 27 février 1999 – dir. Glover – mise en scène S. Langridge – avec Nathalie Stutzmann (Cesare), Mireille Delunsch, Kathleen Kuhlmann, Cals, Brian Asawa, Benabdeslam, White

    Nathalie Stutzmann en Cesare

    Bâle – Stadttheater – 21, 23, 26, 29 décembre 1998, 3, 6, 8, 16, 25 janvier 1999 – dir. Michael Hoffstetter – mise en scène, décors et costumes Herbert Wernicke – avec Graciela Oddone (Cesare), Sonia Theodoridou (Cleopatra), Kai Wessel (Tolomeo), Leandra Overmann (Cornelia), Annette Markert (Sesto), Lynton Black (Achilla), Martin Snell (Curio)

    Giulio Cesare à Bâle « Coproduite avec les Opéras de Barcelone et Washington, cette nouvelle production se présente comme une lecture à plusieurs niveaux de l’intrigue, somme toute assez linéaire, de Haym. Dans le programme, les illustrations mêlent les photos de ruines antiques, les dessins baroques de paysages archaïsants et les belles pages d’Astérix et Cléopâtre de Goscinny et Uderzo. On retrouve ce mélange détonant sur le plateau, que Herbert Wernicke a voulu dépouillé à l’extrême : tout se joue sur une vaste pierre de Rosette, surplombée d’un miroir qui en reprend les formes arrondies pour permettre de curieux dédoublements de l’action scénique. Les costumes mêlent les époques et les genres (du touriste en casque colonial et short kaki au général romain revu et corrigé par le goût baroque), alors que l’irruption fréquente et inopinée d’un crocodile plus vrai que nature rappelle le caractère indomptable de la nature profonde de l’Afrique. Wernicke choisit de jouer la quasi-intégralité de la partition pour mettre en place un lent ballet dont la chorégraphie savante permet de multiples allusions aux diverses sensibilités des artistes, tant passés que contemporains, qui ont utilisé cette page d’histoire pour traduire les soubresauts de leur époque en un langage codifié à l’extrême. De la littérature propagandiste d’un César lui-même, suivi de ses thuriféraires, jusqu’à la vision grandiose made in Hollywood, tous ces registres permettent au metteur en scène d’éclairer de façon sans cesse renouvelée une succession de moments dramaturgiques riches, aujourd’hui encore, d’une désarmante modernité.Michael Hofstetter empoigne la partition à bras-le-corps et exige parfois de ses instrumentistes de tenir des tempi qu’ils ont de la peine à respecter sans malmener les oreilles des auditeurs. Pourtant, le pari est tenu avec aplomb : rarement ces quatre heures de musique auront paru aussi variées de ton, aussi riches de rebondissements sonores et de climats fortement contrastés. Pour atteindre à la réussite parfaite, cette production eût dû pouvoir compter sur la présence de quelques grands vocalistes. Malheureusement, malgré d’évidents mérites, aucun des chanteurs présents ce soir-là ne savait véritablement orner son chant, tant la maîtrise technique de ces rôles démesurés restait précaire. On se souviendra pourtant du beau timbre, un brin désordonné, de Leandra Overmann (Cornelia), du mezzo pulpeux mais pauvre en graves de Graciela Araya (Oesare) et de la verve de Sonia Theodoridou (Cleopatra), dont le registre expressif reste toutefois limité. Rai Wessel est un Tolomeo plutôt sage, dont le timbre ingrat ferait grincer les dents aux amateurs de beau chant, tandis qu’Annette Markert (Sesto) aurait tout pour devenir une brillante interprète baroque si elle disposait seulement d’une voix plus puissante. Pourtant, entraînée par la fougue du chef et dirigée de main de maître par un metteur en scène jamais à court d’idées la distribution a finalement fait illusion, remportant un triomphe indiscutable autant que mérité, auprès du public de la première. »

    Berlin – Komische Oper – 2, 8 novembre 1998

     

    Essen – 29 août, 6, 13, 18, 30 septembre 1998

    Rome – Teatro dell’Opera – 26, 28, 31 mai, 2, 4, 6 juin 1998 – dir. John Nelson – mise en scène Alberto Fassini – avec John Maldonado (Giulio Cesare), Cecilia Gasdia (Cleopatra), Kathleen Kuhlmann (Cornelia), Debora Beronesi (Sesto), Daniel Taylor (Tolomeo), Daniel Lichti (Achilla), Giovanni Furlanetto (Curio).

    Giulio Cesare à Rome« Reprise d’un spectacle massacré en 1985 (avec Montserrat Caballé et Margarita Zimmermann, sous la direction de Gabriele Ferro). Le rôle de Tolomeo est confié au contraltiste Daniel Taylor, dont la voix se projette avec un bel impact. John Maldonaldo, dépourvu de toute présence scénique, avec une voix privée de projection, de vituosité et d’aigu, remplace Bernadette Manca di Nissa dans le rôle-titre. Cecilia Gasdia, en Cleopatra, rappelle la Caballé des mauvais jours…mais possède de tout autres dons d’acteurs et de musicienne »… »Le spectacle d’Alberto Fassini n’a rien perdu de son pouvoir d’évocation ». (Opéra International – août 1998)

    Londres – Symphony Hall – mai 1998 – Handel & Haydn Society Orchestra and Chorus – dir; Christopher Hogwood – avec Graham Pushee, contre-ténor (Cesare), Stephanie Blythe, mezzo (Cornelia), Marguerite Krull, mezzo (Sesto), Sylvia McNair, soprano (Cleopatra), Drew Minter, contre-ténor (Tolomeo), Daniel Lichti, baryton (Achilla), Carl Strygg, contre-ténor (Nireno)

     

    Cité de la Musique – 24 février 1998 – Valencia – Palau de la Musica – février 1998 – version de concert – Concerto Köln – dir. René Jacobs – avec Jennifer Larmore (Cesare), Maria Bayo (Cleopatra), Bernarda Fink (Cornelia), Iris Vermillion (Sesto), Graham Pushee (Tolomeo), Olivier Lallouette (Curio)

    « Pas de baisse de régime pour Jacobs, chez lequel on serait bien en peine cependant de déceler une intention nouvelle au bout de bientôt dix années de gloire avec ce qui restera comme son grand tube haendélien (le sommet ayant été atteint, nous semble-t-il, en 1994 à Poissy). On se penche avec délice sur les reflets de son merveilleux orchestre, on frémit de bonheur devant tant d’excitation rythmique, et l’on déplore simplement de le sentir prisonnier d’un système qui ne laisse aucune place à l’inspiration de l’instant – à preuve ce crescendo-accelerando impressionnant, mais parfaitement répétitif qui ponctue chaque air de virtuosité. Contrairement à Minkowski, Jacobs ne sait pas écouter ses chanteurs. Bernarda Fink, Cornélie toujours sublime, aurait besoin d’un autre partenaire pour mettre en valeur ses extraordinaires nuances piano. Il sait en revanche les styler, les discipliner, et ce que fait Jennifer Larmore dans une tessiture trop grave pour elle et avec les défauts d’émission et de projection que l’on sait (des sonorités de plus en plus dans les joues), force l’admiration : virtuosité conquise de haute lutte mais bien réelle, exactitude musicale, souplesse de la phrase et présence dramatique constante ; l’un des grands rôles de sa carrière. Maria Bayo, avec cette émission raide, ce timbre métallique qui peuvent irriter – mais quelle projection !-, oublie ses errements stylistiques de Garnier où Bolton la laissait faire n’importe quoi et s’applique à chanter Haendel avec un mélange assez curieux de panache et de retenue. Quoi qu’il en soit, les bonnes Cléopâtre ne courent pas les rues, et ce n’est pas Barbara Schlick au disque qui nous démentira. Il n’était pas difficile en revanche de trouver contre-ténor moins miaulant que Graham Pushee, ni meilleur Sesto qu’Iris Vermillion, artiste intègre complètement dépassée par les exigences du rôle. Des coupures un peu trop larges ternissent également ce concert d’un niveau global néanmoins élevé compte tenu des standards courants. » (ConcertoNet)

    London – Shaftesbury Theatre – 19, 21, 24, 26, 28 février 1998 – dir. Ivor Bolton – mise en scène Lindsay Posner – avec Ann Murray (Cesare), Amanda Roocroft (Cleopatra), Judith Howard, Daniel Taylor, Brian Asawa (Tolomeo), Jonathan Peter Kenny (Nireno), Davies, Earle

     

    Francfort – Jahrhunderthalle – février 1998 – version de concert – dir. René Jacobs – avec Jennifer Larmore (Giulio Cesare), María Bayo (Cleopatra), Bernarda Fink (Cornelia), Iris Vermillion (Sesto), Graham Pushee (Tolomeo), Olivier Lallouette (Achilla), Matthieu Lécroart (Curio), Martin Oro (Nireno)

     

    Munich – Bayerische Staatsoper – 1er, 5, 9, 13 février, 10, 15 juillet 1998 – dir. Ivor Bolton – mise en scène Jones – avec Coburn, Ann Murray, Kathleen Kuhlmann,(Sesto), Trudeliese Schmidt (Cornelia), Christopher Robson, Zinkler, Marcello Lippi, Fotiadis

    Kathleen Kuhlmann et Trudeliese Schmidt

    Londres – Barbican Theatre – 13, 15, 17, 20, 23, 25, 29 septembre, 10 octobre 1997 – London – Shaftesbury Theatre – 19, 21, 24, 26, 28 février 1998 – Royal Chamber Orchestra – dir. Ivor Bolton – mise en scène Lindsay Posner – avec Ann Murray (Cesare), Amanda Roocroft (Cleopatra), Catherine Wyn-Rogers (Cornelia), David Daniels (Sesto), Brian Asawa (Tolomeo), Gerald Finley (Achilla), Jonathan Peter Kenny (Nireno)

    Giulio Cesare - Ann Murray« Les décors et les costumes sont réduits à l’essentiel, presque austères »… »Engagée corps et âme dans le rôle, Ann Murray en traduit avec conviction toutes les facettes »… »Débutant en Cleopatra, Amanda Roocroft est un heureux choix de distribution »… »Le reste du plateau ne démérite pas, à commencer par le Tolomeo de Brian Asawa, timbre superbe et diction percutante »… »David Daniels campe un Sesto proche de l’idéal »… »Jonathan Peter Kenny, lui aussi contre-ténor, fait excellente impression dans le petit rôle de Nireno »… »Ivor Bolton trouve la pulsation et la clarté dans le phrasé nécessaires pour faire vivre plus de trois heures de musique. » (Opéra International – novembre 1997)

    Munich – Münchner Opern-Festpiele – 13, 16 juillet 1997 – dir. Ivor Bolton – mise en scène Jones – avec Coburn, Ann Murray, Kathleen Kuhlmann, Trudeliese Schmidt, Christopher Robson, Marcello Lippi, Axel Köhler

     

    Palais Garnier – 1er, 3, 6, 9, 12, 15, 18, 21 avril 1997 – dir. Ivor Bolton – mise en scène Nicholas Hytner – avec Susanne Mentzer (Cesare), Maria Bayo (Cleopatra), Kathleen Kuhlmann (Cornelia), Lorraine Hunt (Sesto), Brian Asawa (Tolomeo), Vassili Gerello (Achilla), Dominique Visse (Nireno), Stephen Salters (Curio)

    Le Monde de la Musique – mai 1997

    « Quand Nicholas Hytner a mis en scène Jules César en 1987 au Palais Garnier, Peter Sellars n’avait pas encore conquis l’Europe, et l’on s’était réjoui de ce spectacle irrévérencieux où l’on voyait Ptolémée nourrir des crocodiles en plastique et Cléopâtre compter les dollars devant un canal de Suez sillonné par des pétroliers. Dix ans plus tard, Paris en a vu d’autres (Sellars, justement), et cette gadgétisation du long chef-d’oeuvre de Haendel fait moins rire, d’autant que plusieurs airs coupés en 1987 ont été rétablis et que le léger délire qui animait les chanteurs de l’époque et donnait son charme à l’ensemble s’est évaporé avec le temps. Le chef Ivor Bolton n’y est certainement pas pour rien, et l’on regrette, à entendre son Haendel sans aspérités, les emportements brouillons mais généreux de Jean-Claude Malgoire. Le plateau vocal est sans faille mais quel dommage que la sage Susanne Mentzer (César) n’ait pas le punch de l’irrésistible Maria Bayo (Cléopâtre) et que l’impeccable contre-ténor Brian Asawa (Ptolémée) soit à ce point dépourvu de la fantaisie dont regorge Dominique Visse seul rescapé de la première distribution ! »

    Opéra International – mai 1997

    « Lors de sa création, il y a dix ans, sous la direction de Jean-Claude Malgoire, cette production fit sentation »… »Cette production, reprise par Patrick Cappoën, échoue sur trois plans aussi distincts qu’essentiels. Tout d’abord l’accumulation envahissante de trop de second degré tient le spectateur tellement à distance de l’oeuvre qu’il en oublie la tragédie et le tyhéâtre de sang et de mort et de sexe qui se joue sous nos yeux »… »La direction d’acteurs est absolument inexistante »… »S’en tirent ceux qui savent camper de spersonnages typés…En cet exercice, Dominique Visse surpasse tous ses collègues. S’y abîme en revanche Susanne Mentzer, parce que disribuée dans un emploi qui ne lui convient pas…Son impuissante errrance sur la scène est pathétique »… »Malgré ses hautes qualités vocales, scéniques et expressives, Lorraine Hunt se débat dans un emploi de contralto »…Quant à Maria Bayo…pour ce rôle, son timbre est trop léger. Brian Asawa est le seul à proposer une émission vocale limpide et proportionnée au rôle »… »Incapable de tenir un tempo dans une aria, et tout simplement de soutenir les chanteurs, Ivor Bolton a accompli de bien faibles débuts à Paris. »

    Munich – Bayerische Staatsoper – 1er, 4 et 9 février 1997 – dir. Ivor Bolton – mise en scène Jones

     

    Douai – L’Hippodrome – 2 décembre 1995 – Atelier Lyrique de Tourcoing – 3 décembre – dir. Jean-Claude Malgoire – avec James Bowman, Lynne Dawson

     

    Munich – Bayerische Staatsoper – 8, 12, 15, 20, 23, 29 avril 1995 – dir. N. Davies – avec Coburn, Ann Murray, Kathleen Kuhlmann, Trudeliese Schmidt, Zinkler, Axel Köhler, Marcello Lippi

     

    Berlin – Komische Oper – 1er et 27 mars 1995 – 31 octobre 1995

     

    Edmonton Opera Minnesota Opera – 1994 – mise en scène Chas Rader-Shiebe

     

    Brest – Le Quartz – 19 décembre 1994 – dir. Jean-Claude Malgoire – avec James Bowman, Lynne Dawson

    Théâtre de Poissy – 3 décembre 1994 – Opéra de Clermont-Ferrand – 7 décembre 1994 – Concerto Köln – dir. René Jacobs – avec Jennifer Larmore, Maria Bayo, Bernarda Fink, Lorraine Hunt, Derek Lee Ragin, Furio Zanasi, Dominique Visse

    « René Jacobs est de loin le plus grand chef, et connaisseur, en matière de musique vocale baroque. Son exécution de Jules César en est la preuve. La luminosité de la partition de l-laendel éclabousse l’auditeur, particulièrcment dans la remarquable et transparente acoustique de cette salle à la couleur idéalement blonde. Jacobs et le Concerto Kölnnous ont gâtés. Ils en ont été largement remerciés par de véritables acclamations. Le triomphe associait aussi la formidable distribution, Jennifer Larmore et Maria Bayo en tête. Finies les voix de misère, style portes qui grincent, qui ont si longternps encombré ce répertoire. De Larmore (Jules César), on ne sait qu’admirer le plus, du timbre somptueux, de l’aisance exceptionnelle de la colorature, du style au goût parfait ou du talent dramatique qui font d’elle la mezzo-soprano la plus recherchée du moment. Quant à Bayo (Cléopâtre), sa fraicheur et sa spontanéité désarmante font d’elle une des jeunes personnalité les plus attachantes de la scène lyrique. Lorraine Hunt confirmait, elle aussi, un talent remarquable. Bernarda Fink, Derek Lee Ragin et l’irrésistible Dominique Visse complétaient idéalement cette distribution mémorable. (Le Monde de la Musique – janvier 1995 – Théâtre de Poissy) « Malgré un public enthousiaste et l’ardeur des édiles municipaux à présenter leur saison baroque et cette soirée comme exceptionnelles, comment ne pas avouer notre déception devant ce Giulio Cesare? Pour robuste et virtuose qu’il soit, l’orchestre Concerto Köln s’est montré passe-partout : des cordes monochromes, des vents bien pâles et un continuo bien peu moteur malgré son opulence. En sa fonction de chef d’orchestre, René Jacobs ne s’est révélé ni détenteur d’une idée générale de l’oeuvre ni particulièrement efficace…Quant au plateau vocal, il est apparu fort disparate. Jennifer Larmore (Giulio Cesare), de haute stature, allie une admirable ligne de chant à une virtuosité sans faille, même dans les registres les plus défavorables de ce rôle assurément trop grave pour elle. La très émouvante Bernarda Fink (Cornetia) offre une conduite voca-e sans faille dans une tessiture vaste et toujours bien sonnante. Ces deux cantatrices dominaient le reste de ta distribution, plus discutable. Trop légère et maniérée pour ce rôle profondément sensuel et royal, Maria Bayo (Cleopatra) semblait uniquement préoccupée d’enjôler par son efficace virtuosité. Comme toujours, le joli timbre de Derek Lee Ragin (Tolomeo) n’est audible que dans la quinte aiguë de sa voix, alors qu’il s’agissait ici d’un rôle fort grave et requérant une grande vaillance vocale. Ne parvenant jamais à transcender une technique toujours fort propre, Lorraine Hunt n’est émouvante que par instants, dans certains récitatifs, mais jamais dans ses aria. Enfin, la basse Furio Zanasi (Achilla) débite ses notes au kilomètre. Signalons, dans deux rôles subalternes, la basse Franck Leguérinel et le contreténor Dominique Visse : ils auraient certainement mieux tenu tes rôles respectas de Achilla et Tolomeo. » (Poissy – 3 décembre 1994 – Opéra International – janvier 1995)

    Opéra de Sydney – juin 1994 – Australian Opera & Ballet Orchestra – dir. Richard Hickox – mise en scène Francisco Negrin – décors Anthony Baker – costumes Anthony Baker – chorégraphie Gregory Nash – avec Graham Pushee (Cesare), Yvonne Kenny (Cleopatra), Andrew Dalton (Tolomeo), Stephen Bennett (Achilla), Rodney Gilchrist (Nireno), Rosemary Gunn (Cornelia), Richard Alexander (Curio), Elisabeth Cambell (Sesto)

    Graham Pushee et Yvonne KennyRosemary Gunn et Andrew Dalton

    Brême – 29 mai 1994 – dir. Ian Watson – mise en scène Thomas Schulte-Michels – décors et costumes Wolt Munzer – avec Bjorn Waag (Cesare), David Hibbard (Tolomeo), Bernd Grabowski, Heinrich Brocherhoff, Rebecca Turner (Cleopatra), Veneta Radœva (Cornelia), Christiane lven (Sesto)

    Giulio Cesare à Brême« Il s’agit d’un de ces spectacles à la mode qui, non sans avoir louché sur les réalisations de ce même opéra récemment signées à Schwetzingen et Berlin par Harry Kupfer, à Munich par Richard Jones, s’efforcent de donner des oeuvres baroques une vision conforme au style « clip » ou même « rocky horror picture show ». N’est pas Peter Sellars qui veut. Le manque de connaissances stylistiques d’un genre et d’une époque ne se laisse pas compenser par l’accumulation de gags vite essoufflés. Le programme accompagnant la représentation brêmoise raconte l’oeuvre en bandes dessinées. On pressent le pire, qui ne se produit même pas. Le bric-à-brac hybride du décor, auquel l’attirail nazi ne fait naturellement pas défaut, n’a plus le pouvoir de surprendre, étant entre-temps devenu le plus éculé des poncifs. César en orateur démagogue prononçant ses discours à la tribune surpombée de l’aigle du Troisième Reich, Cléopâtre en grande prêtresse sexiste ne cessant de manier le fouet, ne sont pas en mesure de sortir des corsets qui leur sont d’emblée imposés. La fantaisie du metteur en scène ne tardant pas à tourner court, on assiste alors paradoxalement à un spectacle plutôt statique, presque à une version de concert de l’oeuvre dans un cadre pour le moins étrange… Ian Watson dirige l’orchestre avec une belle plasticité sonore et agogique. Les solistes, ayant déjà à faire oublier le han-dicap de la langue allemande, manifestent bien peu d’affinités avec le style vocal baroque…le baryton danois Bjorn Waag, doté d’un timbre viril, se distingue par la clarté de son articulation. Rebecca Turner chante Cléopâtre avec un lyrisme par trop romantique, mais possède une certaine souplesse dans l’exécution des coloratures. La Cornelia de Veneta Radoeva cultive un ton uniquement larmoyant. La basse David Hebbard se montre, en Ptolémée, capable de majestueuse autorité dans le parlando. Christiane Iven déploie en Sextus plus de juvénile impétuosité que de sens stylistique et de stabilité vocale. » (Opéra International – septembre 1994)

    Munich – Bayerische Staatsoper – 21, 24, 27 et 30 mars, 2, 5 et 9 avril, 2 et 5 juin, 18 et 21 juillet 1994 – dir. Charles Mackerras – mise en scène Jones – avec Ann Murray (Cesare), Christopher Robson (Tolomeo), Kathleen Kuhlmann/Maria Petrasovska (Cornelia), Trudeliese Schmidt (Sesto), Pamela Coburn (Cleopatra), Axel Köhler (Nireno), Marcello Lippi

    « On a voulu voir dans cette étrange production de Giulio Cesare le premier véritable exemple de l’esthétique scénique dépoussiérée, promise par le nouvel intendant du Staatsoper. Si c’est effectivement le cas, on peut redouter le pire pour l’avenir ! Mieux vaut penser qu’en laissant carte blanche à l’équipe Richard Jones – Nigel Lowery, réputée à Londres pour son incurable loufoquerie, Peter Jonas a simplement voulu s’assurer pour une fois la garantie d’un spectacle « new look », qui ne ressemblerait en rien à tout ce que l’on a pu voir au Staatsoper depuis vingt ans : expérience radicale que l’on peut juger intéressante mais que l’on espère ponctuelle. L’idée de transformer Giulio Cesare en « happening comique » impertinent voire explosif n’est de toute façon plus très originale. On sait que dans cet opera seria, Haendel et son librettiste ont manié avec dextérité le mélange des genres, faisant très heureusement voisiner ironie grinçante et intensité tragique. A Munich toutefois, le tempérament facétieux des maîtres-d’oeuvre n’a abouti qu’à une gigantesque farce, à mi-chemin entre le collage créatif et le canular dispendieux. Cette esthétique du collage se retrouve surtout dans le décor et les costumes de Nigel Lowery. Sur la grande scène du Staatsoper maintenue vide, simplement tapissée d’une toile de fond noire rappelant un ciel étoilé, se succèdent de multiples accessoires, parfois connotés historiquement (une statue de César hissée sur une grande échelle double), le plus souvent incongrus et encombrants (un tyrannosaure géant, une énorme mouche de plusieurs mètres de long, des requins en plastique, des têtes de bébé en carton découpé…). Côté costumes, couleurs acidulées et dégaines hilarantes sont de mise, César détenant ici la palme de l’originalité (crâne rasé, veste d’uniforme lie de vin, kilt en camouflage dominante jaune canari sur collants tricotés rouge vif !). Cléopâtre est plus sage dans ses robes de velours sombre, même s’il n’est pas évident de comprendre d’emblée pourquoi elle s’obstine à brandir aussi fréquemment un chou-fleur et un fenouil. A de rares moments, ces violents télescopages de couleurs et d’idées, cette délirante juxtaposition d’objets de toute nature, acquièrent, grâce à de superbes éclairages, le charme poétique de certains tableaux surréalistes. Significativement, ces instants coïnçident avec les arie les plus statiques, ceux que le metteur en scène a renoncé d’emblée à animer. Mais sitôt qu’un semblant de mouvement apparaît sur la partition, Richard Jones se sent autorisé à sévir : la gesticulation hystérique de Sextus, les constants mouvements ascensionnels de Cléopâtre juchée sur un trapèze minuscule, et surtout l’inepte chorégraphie de l’escorte de César (qui tient à la fois du jerk, du rap et du n’importe quoi) parasitent le champ visuel et sonore jusqu’à en faire oublier ta musique même. On rit beaucoup au cours de ces trois heures de spectacle habilement gérées, mais le rire reste ici strictement au premier degré, devant des gags dont les plus intelligents ne sont jamais que des emprunts non déguisés aux dessins animés de Tex Avery.Quel souvenir gardera-t-on de cette soirée la suprême aisance d’Ann Murray dans César, nullement gênée par le capharnaüm ambiant? La vocalisation est superbe, même si le timbre révèle çà et là quelques traces d’usure. La Cléopâtre de Pamela Coburn fait valoir une superbe voix de soprano lyrique, un rien perturbée cependant par le remue-ménage farfelu qui l’environne. Trudeliese Schmidt en revanche apparaît désormais bien délabrée dans le rôle de Sextus. Remplaçant in extremis Kathleen Kuhlmann souffrante, Maria Petrasovska réussit la prouesse d’incarner une Cornelia crédible dans une mise en scène assimilée pourtant en quelques heures seulement. Très décevant, le Ptolémée de Christopher Robson, voix ténue, vocalisation approximative et terne, aurait pu être avantageusement remplacé par Axel Köhler, l’autre contre-ténor de la distribution, ici curieusement sous-employé dans le petit rôle de Nirenus.Remplaçant Charles Mackerras, excusé pour raisons de santé, le jeune chef anglais Ivor Bolton se laisse trop distraire par le plateau. Sa direction brouillonne et hachée n’accorde aucune attention à l’homogénéité des timbres et à la franchise des attaques. » (Opéra International – juin 1994)

    Schwetzingen – Rokokotheater – 30 avril 1993 – dir. Richard Hickox – mise en scène Harry Kupfer – décors Hans Schavernoch – costumes Eleonore Kleiber – avec Jochen Kowalski (Cesare), Sabine Passow (Cleopatra), Cornelia Wulkopf, Axel Köhler (Tolomeo), Andreas Conrad, Bernd Grabowski – en allemand

    Giulio Cesare à SchwetzingenJochen Kowalski en Cesare« Le Jules César de Harry Kupfer est sans doute la production d’un opéra baroque la plus étourdissante qu’on ait pu voir ces dernières années. Non qu’on ait jamais vu ailleurs des Cléopâtre en maillot de bain, ou des Ptolémée circulant en vélo-taxi, mais ici la pertinence et l’absence de gratuité du proposs font tomber toute réticence…C’est à un véritable pillage de toute une imagerie hollywoodienne que se sont livrés Hans Schavernoch et Eleonore Kleiber avec une vivacité et un art de la mise en boite absolument grisants…On imagine mal quel autre contre-ténor que Jochen Kowalski pourrait rendre justice à la drôlerie du personnage de César, sorte de gentleman anglais…non plus que le remarquable Axel Köhler pouvait assumer l’incroyable investissement physique requis pour le rôle de Ptolémée…Du reste de la distribution émerge Cornelia Wulkopf. Sabine Passow, pulpeuse Cléopâtre et actrice accomplie n’a pas toute la flexibilité vocale requise pour un tel rôle. » (Opéra International – juillet/août 1993)

    Halle – Festival Haendel – 1992 – Orchestre et choeur du Festival – dir. Alan Hacker – mise en scène Roland Velte – décors Bernd Leistner

     

    Beaune – Rencontres Internationales de Musique Baroque et Classique – 13 juillet 1991 – version de concert – Concerto Köln – dir. René Jacobs – avec Nelly Miricioiu, Jennifer Larmore (Cesare), Bernarda Fink (Cornelia), Ann Panagulias, Derek Lee Ragin, Dominique Visse, Furio Zanasi, Olivier Lallouette

     

    Cologne – 1991 – Concerto Köln – dir. René Jacobs – avec Jennifer Larmore (Cesare), Olivier Lallouette (Curio), Bernarda Fink (Cornelia), Marianne Rørhölm (Sesto), Barbara Schlick (Cleopatra), Derek Lee Ragin (Tolomeo), Furio Zanasi (Achilla), Dominique Visse (Nireno)

     

    Nanterre – Théâtre des Amandiers – 31 janvier 1990 – dir. Craig Smith – mise en scène Peter Sellars – avec Jeffrey Gall (Cesare), Sheila Nadler (Cornelia), Susan Larson (Cleopatra), Lorraine Hunt (Sesto), James Maddalena (Achilla), Drew Minter (Tolomeo), Cheryl Cobb (Nirena)

    « Peter Sellars procède à un véritable détournement d’oeuvre…Il fait de Jules César un Président américain en tournée au Proche Orient, de Cléopâtre une nymphette, apprentie vamp, assoiffée de pouvoir, de Ptolémée un sale gosse de quatorze ans mal élevé, paresseux, exhibitionniste et obsédé paar la chose, fait traverser le plateau par des mercenaires sortis d’un album de Tintin…Ce Giulio Cesare n’est décidément pas à prendre au premier degré. » (Opéra International – mars 1990)

    Houston – 20, 22, 25, 28 et 31 octobre, 4 novembre 1989 – dir. Nicholas McGegan – mise en scène Hytner – avec Graham Pushee, Valerie Masterson, Ciesinski, James, Dominique Visse, Robson

     

    Festival de Martina Franca – Palazzo Ducale – 22 et 24 juillet 1989 – Orchestre Pro Arte Bassano – dir. Marcello Panni – mise en scène Egisto Marcucci – décors et costumes Maurizio Balo – avec Martine Dupuy (Giulio Cesare), Raquel Pierotti (Cornelia), Patrizia Orciani (Cleopatra), Susanna Anselmi (Tolomeo), Josella Ligi (Sesto), Pietro Spagnoli (Achilla), Giuseppe De Matteis, Sara Mingardo

    Martine Dupuy et Patrizia Orciani« Marcucci et Balo dessinent, dans la belle cour du Palais ducal, une sorte de corniche baroque, ménageant plusieurs niveaux pour le déroulement de l’action.Le jeu des éclairages, la perfection et la sobriété de la direction d’acteurs, transforment un spectacle de près de quatre heures en véritable enchantement…Le fascinant Giulio Cesare de Martine Dupuy…La solidité et l’aplomb de son timbre, le raffinement de sa technique lui permettent d’exprimer une gamme infinie de sentiments…La jolie voix de Patrizia Orciani ne s’épanouit pas avec le même bonheur dans Cleopatra…Le reste du plateau frise la perfection…On attend la sortie de l’enregistrement sur le vif réalisé par Nuova Era. » (Opéra International – octobre 1989)

    Festival de Vaison la Romaine – 21 et 23 juillet 1989 – solistes, choeur et orchestre de l’Opéra National de Cracovie – dir. Ewa Michnik

     

    Düsseldorf – 11 février 1989 – dir. Michael Luig – mise en scène Hansgünther Heyme – décors, costumes W. Münzer – avec Jochen Kowalski (Cesare), C. Berger (Cornelia), Graciela Araya (Sesto), B. Niehoff (Cleopatra), H. Peeters (Tolomeo), E. Lee Davis (Achilla)

     

    New York Metropolitan Opera – 26, 29 septembre, 3, 8, 11, 15, 18, 22, 27, 31 octobre 1988, 17, 21, 24 janvier 1989 – dir. Trevor Pinnock – mise en scène John Copley – avec Kathleen Battle (Cleopatra), Tatiana Troyanos (Cesare), Martine Dupuy (Sesto), Susan Walker (Cornelia), Jeffrey Gall Tolomeo), Robbins/Cook – production de l’English National Opera

     

    Paris – Opéra – 25, 27, 29 septembre 1988, 1, 3, 5, 10, 15 octobre 1988 – dir. Jean-Claude Malgoire – mise en scène Nicholas Hytner – avec Graham Pushee (Cesare), Felicity Lott (Cleopatra), Jochen Kowalski/Michael Chance (Tolomeo), Susan Quittmeyer (Sesto), Guillemette Laurens, Dominique Visse, Philippe Duminy

    « La conception, confinant au grotesque de Nicholas Hytner et de David Fielding…ici, on navigue du côté de Tintin et les cigares du Pharaon…le parti-pris du rire, du gag, des anachronismes, du second segré…L’absence du metteur en scène s’est traduite par l’abandon d’une certaine rigueur au profit d’un laisser-aller certain frisant trop souvent la vulgarité…En César, Graham Pushee offre un style sûr et de qualité, Jochen Kowalski est un Ptolémée tout juste correct, Félicity Lott, Cléopâtre sensuelle et passionnée devient touchante au troisième acte. Reste le rôle de Sesto tenu par Susan Quittmeyer avec une énergie mâle et une superbe prestance. »

    Bruxelles – Théâtre de la Monnaie – 1er mai 1988 – dir. Craig Smith – mise en scène Peter Sellars – décors Elaine Spatz-Rabinovitz – costumes Dunya Ramicova – avec Jeffrey Gall (Cesare), Sheila Nadler (Cornelia), Susan Larson (Cleopatra), Lorraine Hunt (Sesto), James Maddalena (Achilla), Drew Minter (Tolomeo), Cheryl Cobb (Nirena)

    « Une adaptation de la mise en scène que Sellars avait conçue en 1987 pour l’Opéra de Boston, elle-même d’après une réalisation en 1985, au Purchase Festival de New York…L’opéra est présenté dans une version exhaustive…et acquiert ainsi des dimensions d’épopée contemporaine…Pour Sellars, les Romains sont américains, et César est leur président, intervenant directement dans un conflit entre factions ennemies d’un pays du Moyen Orient que dirigent Cléopâtre d’une part et Ptolémée d’autre part, ce dernier tenant en otage l’épouse et le fils de Pompée, général américain qu’il a fait assassiner…Les deux premiers actes se déroulent au bord d’une piscine d’un palace cairote…au troisième acte, nous sommes au bord d’un golfe où croisent pétroliers et corvettes…Jeffrey Gall fait preuve d’insolence vocale…Drew Minter possède une voix de haute-contre plus éthérée…Susan Larson se joue des difficultés techniques de son rôle…Sheila Nader confère à Cornelia des accents douloureux… » (Opéra International – juin 1988)

    Opéra de Paris – Palais Garnier – 20 juin 1987 – 1988 – dir. Jean-Claude Malgoire – mise en scène Nicholas Hytner – décors et costumes David Fielding – avec Graham Pushee (Cesare), Michel Philippe, Hanna Schwarz (Cornelia), Susan Quittmeyer (Sesto), Valerie Masterson (Cleopatra), Jochen Kowalski (Tolomeo), Philippe Duminy (Achilla), Dominique Visse

    Jochen Kowalski (Tolomeo)« Le metteur en scène a opté pour une profusion visuelle, une manière de remplir le vide scénique que suppose l’opera seria…Aidé par le décorateur et l’éclairagiste, le jeune britannique Nicholas Hytner a navigué entre le miniaturispme et le gigantisme…Le spectateur va ainsi de surprise en surprise, l’opera seria se double d’un jeu visuel dans l’espace, établi sur un constant décalage humoristique…La merveilleuse soprano Valerie Masterson nous a dispensé une leçon de style, d’une aisance vocale remarquable, passant de la vivacité la plus allègre à la désolation la plus extrême…Hanna Schwarz aux accents profonds et sombres…Graham Pushee s’est affirmé comme un César d’une grande pureté stylistique et d’une musicalité admirable…La majeure partie de la réussite de cette production revenait à son directeur musical Jean-Claude Malgoire, à son énergie indomptable… » (Opéra International – septembre 1987)

    Boston – 1987 – dir. Craig Smith – mise en scène Peter Sellars – décors Elaine Spatz-Rabinowitz – costumes Dunya Ramicova – avec Jeffrey Gall (Cesare), Mary Westbrook-Geha (Cornelia), Lorraine Hunt (Sesto), Susan Larsosn (Cleopatra), R. Hardesty (Tolomeo), J. Maddalena (Achilla)

     

    Berlin – Opéra – 1986 – dir. Peter Schreier – avec Theo Adam (Cesare), Celestina Casapietra (Cleopatra) – en allemand

     

    Paris – Salle Pleyel – 27 juin 1986 – dir. Ralf Weikert – avec Carlos Chausson (Cesare), Montserrat Caballé (Cleopatra), Patricia Payne (Cornelia), Raquel Pierotti

     

    London Coliseum – 1985/1986 – dir. Charles Mackerras/Noel Davies – mise en scène John Copley – avec Christopher Robson, Valerie Masterson, Jean Rigby, Sally Burgess, James Bowman, Willard White

     

    Copenhague – 1985 – avec Britt-Marie Aruhn

     

    New York – Purchase Festival – 1985 – dir. Craig Smith – mise en scène Peter Sellars – décors Elaine Spatz-Rabinowitz – costumes Dunya Ramicova – avec Jeffrey Gall (Cesare), Mary Westbrook-Geha (Cornelia), Lorraine Hunt (Sesto), Susan Larson (Cleopatra), R. Hardesty (Tolomeo), J. Maddalena (Achilla)

     

    Zurich – 1985 – dir. Nikolaus Harnoncourt – mise en scène Federik Mirdita – décors Hans Hoffer – costumes G. Graf – avec T. Hampson (Cesare), Anne Gjevand (Cornelia), Susanne Mentzer (Sesto), Rachel Yaker (Cleopatra), S. Dean (Tolomeo), R.A. Hartmann (Achilla)

    Vienne – 1985 – dir. Nikolaus Harnoncourt – mise en scène F. Mirdita – décors H. Hoffer – costumes G. Graf – avec Benjamin Luxon (Cesare), R. Alexander (Cleopatra), Lipovsek (Cornelia), Ann Murray (Sesto), R. Kennedy (Tolomeo), T. Hampson (Achilla)

     

    Karlsruhe – Festival Haendel – 3 mars 1985 – dir. Charles Farncombe – mise en scène Jean-Claude Martinoty – décors Heinz Balthes – costumes Schmitzer – avec Norma Sharp (Cleopatra), Anna Caleb (Sesto), Jadwiga Rappé (Cornelia), James Bowman -(Giulio Cesare), John Angelo Messana (Ptolomeo), Michael Ebbecke Achille), Nowak, Rüther

    « Une prestation orchstrale d’une fascinante délicatesse…La superbe intelligence de la mise en scène de Martinoty…dans le rôle-titre James Bowman a fait merveille par sa virtuosité sublimée…malgré un timbre ingrat John Angelo Messana et des moments prodigieux de folie baroque dans son incarnation de Ptolomée…Soprano à la voix claire et aux aigus sûrs, Norma Sharp fut une Cléopâtre hyperféminine, vocalement un peu trop sage…Anna Caleb, mezzo au timbre ferme et lumineux, anima Sesto d’une vaillante ardeur rythmique. » (Opéra International – mai 1985)

    Opéra de Rome – 30 janvier 1985 – dir. Gabriele Ferro – mise en scène A. Fassini – décors et costumes A. et P. Poirier – avec Margarita Zimmermann (Cesare), Montserrat Caballé (Cleopatra), Bernadette Manca di Nissa (Tolomeo), Ewa Podles (Cornelia), Daniela Dessi (Sesto), Claudia Desderi (Achilla), Maria Trabuco (Nireno)

     

    Karlsruhe – Festival Haendel – 16 juin au 1er juillet 1984 – dir. Charles Farncombe – mise en scène Jean-Louis Martinoty – décors Heinz Balthes – costumes Renate Schmitzer

    State Opera South Australia – 1984 – dir. Denis Vaughan – avec Lauris Elms, Beverley Bergen, Thomas Edmonds, C. Primrose – en anglais

     

    Grand Théâtre de Genève – 18, 21, 24, 27, 30 mai, 2 juin 1983 – Orchestre de la Suisse Romande – dir. Charles Mackerras – mise en scène John Copley – décors John Pascoe – costumes Michael Stennett – production en langue anglaise de l’English National Opera – avec Tatiana Troyanos (Cesare), Sarah Walker (Cornelia), James Bowman (Tolomeo), Gianna Rolandi (Cleopatra), Della Jones (Sesto), David James, François Loup (Achilla) – production de l’English National Opera

    Gianna Rolandi et Tatiana Troyanos« un décor baroque antiquisant, des costumes fastueux, sous des éclairages feutrés…sans faute de goût ni génie »… »Charles Mackerras parvient à l’improbable synthèse voulue par ce style : tempi serrés, airs supprimés »… »Tatiana Troyanos investit le rôle-titre d’une présence brûlante »… »Vocalement, les agilités de ce mezzo restent irréprochables »… »une distribution d’école britannique »… »on relève la performance de Gianna Rolandi »… »les arabesques sont d’une colorature de haut vol ». (Opéra International – juillet/août 1983)

    Halle – Festival Haendel – 1982 – Landestheater Dessau – dir. Manfred Hänsel – mise en scène Stephan Blüher – décors Roland Wehner – chorégraphie Haraold Dietz-Laursom

     

    Opéra de San Francisco – 1982 – avec James Bowman (Tolomeo)

    Barcelone – 1982 – dir. Weikert – avec Justino Diaz, Montserrat Caballé, Patricia Payne, Pierotti, De Kanel, Philips

    Montserrat Caballé

    Berlin – dir. Peter Schreier – avec Theo Adam (Cesare), Celestina Casapietra (Cleopatra), Annelies Burmeister (Cornelia), Eberhard Büchner (Sesto), Günter Leib (Achilla), Siegfried Vogel (Tolomeo)

     

    Londres – St. John’s Smith Square – 19 juillet 1979 – Little Venice Chamber Orchestra – dir. Richard Stamp – avec Eiddwen Harrhy, Sally Burgess, Ameral Gunson, Susan Smyth-Tyrrell, Caroline Tatlow and Graham Titus

     

    Londres – English National Opera – 1979/1980 – en anglais – dir. Charles Mackerras – mise en scène John Copley -décors John Pascoe – costumes Michael Stennett – avec Janet Baker (Cesare), Sarah Walker (Cornelia), Della Jones (Sesto), Valerie Masterson (Cleopatra), John Angelo Messana (Tolomeo), John Tomlinson (Achilla), Tom Emlyn Williams (Nireno), John Kitchener (Curio)

    Valerie Masterson et John Angelo Messana

    Opéra de Francfort – 1978 – dir. Nikolaus Harnoncourt – mise en scène Horst Zankl – décors Erich Wonder – avec Michael Devlin (Cesare), Ilse Gramatzki (Cornelia), M. Neubauer (Sesto), Felicity Palmer (Cleopatra), V. de Kanel (Tolomeo), T. Yoshie (Achilla)

    Festival Baroque de la Besnardière – 1978 – dir. Charles Farncombe – mise en scène B. Peterson – avec A. Wilkens (Cesare), Mira Zakai (Cornelia), W. Eathorne (Sesto), E. Maruyama (Cleopatra), J. Y. Skinner (Tolomeo), R.A. El Hage (Achilla) – production de Drottningholm

    Birmingham – Barber Institute of Fine Arts – 1977 – dir. I. Keys – mise en scène J. Powell – décors, costumes J. park – avec James Bowman (Cesare), M. Dickinson (Cornelia), D. Mansfield (Sesto), Felicity Lott (Cleopatra), J. A. Messana (Tolomeo), R. Bateman (Achilla) – première exécution intégrale de la version originale de 1724, sans transposition des voix

    Lyon – Auditorium Maurice-Ravel – 13 mai 1975 – 13 mars 1976 – première exécution en France – dir. Theodor Guschlbauer – mise en scène Gaston Benhaim – décors Jacques Rapp – costumes D. Rozier – avec E. Ander (Cleopatra), Naoko Ihara (Cornelia), Roger Soyer (Cesare), D. Petkov (Tolomeo), David Sundquist (Sesto), P. Gottlieb (Achilla)

    Staatsoper Hambourg – 1969 – dir. Richard Bonynge – mise en scène Tito Capobianco – décors Ming Cho Lee – costumes J. Varona – avec Huguette Tourangeau (Cesare), Ursula Boese (Cornelia), Lucia Popp (Sesto), Joan Sutherland (Cleopatra), C. Ahun (Tolomeo), T. Krause (Achilla)

    Ursula Boese

    Munich – 1969 – Münchener Bachorchester – dir. Karl Richter – avec Dietrich Fischer-Dieskau (Cesare), Wolfgang Schöne (Curio), Julia Hamari (Cornelia), Peter Schreier (Sesto), Tatiana Troyanos (Cleopatra), Franz Crass (Tolomeo), Ernst Gerold Schramm (Achilla), Michael Schopper (Nireno)

     

    Buenos Aires – Teatro Colon – 9 (12 ?) décembre 1968 – dir. Karl Richter – mise en scène E. Poettgen – décors, costumes G. Richter – avec Norman Treigle (Cesare), Beverly Sills (Cleopatra), Maureen Forrester (Cornelia), Peter Schreier (Sesto), Franz Crass (Tolomeo), A. Mattiello (Achilla), Ricardo Yost (Curio), G. Gallardo (Nireno)

    Beverly Sills en Cleopatra

    Paris – Salle Gaveau – 24 octobre 1968 – version de concert radiodiffusée – dir. Le Conte – avec Pally, Wolovsky

     

    New York – American Society – 21 mars 1967 – version de concert – dir. Arnold Gamson – avec Montserrat Caballé (Cleopatra), Huguette Tourangeau (Cornelia), F. Mayer (Sesto), K. Paskalis (Cesare), A. Feres (Tolomeo)

     

    New York City Opera – 1966 – dir. Julius Rudel – mise en scène T. Capobianco – décors Ming Cho Lee – costumes J. Varona – avec Norman Treigle (Cesare), Maureeen Forrester (Cornelia), Beverly Wolff (Sesto), Beverly Sills (Cleopatra), Spiro Malas (Tolomeo), Dominic Cossa (Achilla), Michael Devlin (Nireno), William Beck (Curio)

     

    Munich – Radio Bavaroise – 1er juillet 1965 – Münchner Philh. – dir. Ferdinand Leitner – avec Walter Berry (Cesare), Hans Bruno Ernst (Curio), Christa Ludwig (Cornelia), Fritz Wunderlich (Sesto), Lucia Popp (Cleopatra), Karl-Christian Kohn (Tolomeo), Hans Günter Nöcker (Achilla), Max Proebstl (Nireno) – en allemand

     

    Munich – 1964 – dir. Eugen Jochum – mise en scène Rudolf Hartmann – décors Helmut Jürgens – costumes R. Jakame – avec Hermann Prey (Cesare), M. Yahia (Cornelia), Fritz Wunderlich (Sesto), C. Watson (Cleopatra), D. Naaf (Tolomeo), A. Peter (Achilla)

    Londres – 1er juillet 1963 – New Symphony Orchestra of London – dir. Richard Bonynge – avec Margareta Elkins (Cesare), Marilyn Horne (Cornelia), Richard Conrad (Sesto), Joan Sutherland (Cleopatra), Monica Sinclair (Tolomeo)

    Londres – Sadlers Wells – 26 juin 1963 – dir. Charles Farncombe – mise en scène Norman Ayrton – décors, costumes Michael Warre – avec Joan Sutherland (Cleopatra), Margreta Elkins, contralto (Cesare), Maureen Guy (Cornelia), Sylvia Stahlman, soprano (Sesto), J. Lawrenson (Tolomeo), J. Hauxvell (Achilla) – pour la première fois depuis la recréation de Göttingen en 1722, le rôle-titre n’était pas transposé pour un baryton

     

    Opéra de Vienne – 1959 – dir. H. Hollreiser – mise en scène O. F. Schuh – décors, costumes C. Neher – avec E. Wächter (Cesare), Ira Malaniuk (Cornelia), Anton Dermota (Sesto), Irmgard Seefried (Cleopatra), O. Czerwenka (Tolomeo), E. Hurshell (Achilla)

     

    Halle – Festival Haendel – 8 mars 1959 – Landestheater Halle – arrangement et dir. Horst-Tanu Margraf – mise en scène Wolfgang Gubisch – décors et costumes Rolf Döge – dramaturgie Harry Kupfer and Wolfgang Gubisch – avec Kurt Hübenthal (Cesare), Ruth Schob-Lipka (Cornelia), Siegfried Joachim (Sesto), Margarethe Herzberg (Cleopatra), H. Schramm (Tolomeo)

    New York – American Opera Society – 1956 – version de concert – dir. A. Gamson – avec Cesare Siepi (Cesare), F. Kopleff (Cornelia), Leontyne Price (Cleopatra), Russell Oberlin (Sesto), L. Sgarro (Tolomeo)

    Scala de Milan – 1956 / 1957 – dir. Gianandrea Gavazzeni – mise en scène Margherita Wallmann – décors, costumes Piero Zuffi – avec Virginia Zeani (Cleopatra), Giuletta Simionato (Cornelia), Franco Corelli (Sesto), Nicola Rossi-Lemeni (Cesare), Mario Petri (Tolomeo), Antonio Cassinelli (Achilla)

    Opéra de Rome – 26 décembre 1955 / 1956 – dir. Gianandrea Gavazzeni – mise en scène Margherita Wallmann – décors, costumes P. Zuffi – avec Boris Christoff (Cesare), Franco Corelli (Sesto), Fedora Barbieri (Cornelia), Ornelia Fineschi (Cleopatra), Mario Petri (Tolomeo), Antonio Cassinelli (Achilla)

    Wiesbaden – 1955 – mise en scène Walter Pohl – décors Theo H. Döring

    Munich – 1955 – dir. Eugen Jochum – mise en scène Rudolf Hartmann – décors, costumes H. Jürgens – avec Josef Metternich (Cesare), Ira Malaniuk (Cornelia), Richard Holm (Sesto), Lisa Della Casa (Cleopatra), B. Kusche (Tolomeo), A. Peter (Achilla)

    Stralsund – 1954 / 1955

     

    Vienne – Theater an der Wien – 1954 – dir. Karl Böhm – mise en scène Oscar Fritz Schuh – décors, costumes Caspar Neher – avec Paul Schöffler (Cesare), Elisabeth Höngen (Cornelia), Anton Dermota (Sesto), Irmgard Seefried (Cleopatra), G. Frick (Tolomeo), Walter Berry (Achilla)

     

    Düsseldorf – 1952/1953

     

    Leipzig – 1950 – dir. P. Schmitz – mise en scène H. Rückert – avec W. Schwenkreis (Cesare), E. Westenberger (Cleopatra)

     

    Pompei – Teatro Grande – 6 juillet 1950 – Coro e Orchestra del Teatro San Carlo di Napoli – dir. Herbert Albert – avec Cesare Siepi (Cesare), Renata Tebaldi (Cleopatra), Elena Nicolai (Cornelia), Gino Sinimberghi (Sesto), Antonio Cassinelli (Tolomeo), Fernando Piccini (Achilla), Gerardo Gaudioso (Curio, Nireno)

     

    Varsovie – 1938 – en allemand

     

    Halle – 1936

     

    Poznan – 1936 – en polonais

     

    Hambourg – 1935

     

    Zurich – 1935

     

    Strasbourg – janvier 1935 – version française de L. Mancini

     

    Amsterdam – 1er décembre 1933

     

    New York – Julliard School – 21 janvier 1931 – en anglais

     

    Londres – Scala Theater – 6 janvier 1930

     

    Opéra de Vienne – 3 mai 1928

     

    Northampton – Massachussets – 14 mai 1927 – London – Founding Hospital – 23 juin 1927 – en anglais

     

    Vienne – Acad. de M. – 29 mai 1926 – version Oskar Hagen

     

    Zurich – 23 mars 1924 – Bâle – 3 septembre 1924 – version Oskar Hagen

     

    Berlin – 4 juin 1923 – version Oskar Hagen

     

    Göttingen– 5 juillet 1922 – première reprise à l’époque moderne, en allemand – dir. Oskar Hagen – décors Paul Thiersch – l’adaptation de Hagen réduisait les trente-deux scènes à neuf tableaux ; tous les da capo étaient écourtés ou supprimés, toutes les voix masculines « modernisées » : basses pour César, Nirenus et Ptolémée, ténor pour Sextus

    La version Hagen « tourna » en Europe pendant cinq ans, avec plus de deux cents représentations dans trente-six villes différentes.

    Paris – Société des Concerts du Conservatoire – 14 novembre 1920 – air de Cléopâtre – dir. Philippe Gaubert – avec Germaine Lubin