Ballet d’Alcine ou Ballet de Monseigneur le duc de Vendosme

COMPOSITEUR Pierre GUÉDRON
LIBRETTISTE


Ballet de Monseigneur le duc de Vandosme ou Ballet d’Alcine, dansé devant Henri IV en la Grande salle du Louvre (*) dans la nuit du 17 au 18 janvier 1610 (**), puis à l’Arsenal, le 18 janvier 1610.
(*) la salle mesure 150 pieds de long sur 45 de large et 24 de haut. Des gradins munis de sièges sont disposés autour, sur trois étages : c’est là que prendront place les spectateurs, dames et seigneurs qui ne participent pas au ballet. A un bout de la salle est élevé un théâtre de trois marches, pour le Roi. Il est luxueusement paré de chandeliers dorés en forme d’étoiles et surmonté d’un grand dais de velours rouge cramoisi, en broderie d’or et d’argent (édition Toussainct Du Bray – 1612)

(**) Héroard, le fidèle médecin du Dauphin, raconte ainsi :

Le 17, dimanche, au Louvre. — Après souper il voit jouer un joueur de marionnettes, y prend plaisir, puis est mené chez le Roi pour voir danser le ballet de M. de Vendôme, n’en voit que la singerie, le demeurant n’ayant pu être dansé à cause de la presse.

Le 18, lundi. — Mené chez le Roi et au ballet de M. de Vendôme en la grande salle.

L’argument est extrait de l’Orlando furioso (1532) de l’Arioste (1474-1533), ce qui illustre le regain d’intérêt de l’âge baroque pour la littérature chevaleresque. La scène se déroule au Moyen-Âge, du temps de Charlemagne.
Alcine, magicienne, esprise de la beauté de douze jeunes Chevaliers errans, ne les pouvant réduire à son amour, les enchante dans un palais, qu’elle rend invisible au milieu d’une grande forest ; où reconnoissant par ses arts qu’ils doibvent estre délivrez par la seule veuë du plus grand Roy de la terre : furieuse et fulminante, menace ses Démons, en mesprisant sa science, et leur foible pouvoir. (édition Heuqueville)
Le ballet clôtura les six mois de fêtes somptueuses qui avaient entouré le mariage du jeune César de Vendôme (*), fils naturel d’Henri IV et de Gabrielle d’Estrées, alors âgé de quinze ans et demi, avec Françoise de Lorraine, duchesse de Mercoeur, le 6 juillet 1609, à Fontainebleau. Par ce mariage, Henri IV alliait son fils légitimé à à la première fortune d’Europe, à une princesse de la maison de Lorraine, fille du duc de Lorraine, et nièce par alliance du feu roi Henri III (c’est à dire la nièce de la reine Louise de Lorraine-Vaudémont).
César de Vendôme
(*) César de Vendôme (1594-1665), fut légitimé un an après sa naissance, et reçut le titre de duc de Vendôme à quatre ans. Il fut exilé deux fois pour avoir conspiré contre Richelieu, mais resta fidèle à Anne d’Autriche pendant la Fronde. Il devint grand amiral de France en 1651, et surintendant général de la navigation en 1651.

 

Les sources en témoignent, ce fut un événement énorme que ce mariage. On dansa, on jouta, on fit de la musique, des vers, etc. Ce fut vers cette époque-là qu’eurent lieu les dernières courses de barrière, c’est à dire les joutes médiévales, interdites après qu’au cours de l’une d’elle, dans la cour du Louvre, Bassompierre fut éventré.
Héroard, médecin du Dauphin, relate dans son Journal :
Le 17, dimanche, au Louvre. — Après souper il voit jouer un joueur de marionnettes, y prend plaisir, puis est mené chez le Roi pour voir danser le ballet de M. de Vendôme, n’en voit que la singerie, le demeurant n’ayant pu être dansé à cause de la presse.

Le 18, lundi. — Mené chez le Roi et au ballet de M. de Vendôme en la grande salle.

L’inspiration du ballet est également nettement rabelaisienne, le grotesque le disputant au dramatique.
César de Vendôme dansa dans le rôle d’Alcine.
Les airs sont de Pierre Guédron, surintendant de la Musique. On a conservé :

Où sont nos palais dorés, Sont-ils des flammes dévorés, inclus dans le recueil d’Airs de différents auteurs mis en tablature de luth par Gabriel Bataille (Ballard, 1611), les recueils d’Airs de cour à 4 & 5 parties de Guédron (Ballard, 1612 et 1613), et le recueil d’Airs de différents auteurs mis en tablature de luth par Gabriel Bataille (Ballard, 1614) ;
Noires fureurs, ombres sans corps, L’effroy des vivans & des morts, inclus dans les recueils d’Airs de différents auteurs mis en tablature de luth par Gabriel Bataille (Ballard, 1611), d’Airs de cour à 4 & 5 parties, d’Airs de cour à 4 & 5 parties (Ballard, 1613), d’Airs de différents auteurs mis en tablature de luth par Gabriel Bataille (Ballard, 1614) ;
Rien ne s’opose à mes loix, Je suis l’effroy de ces bois, inclus dans les recueils d’Airs de cour à 4 & 5 parties (Ballard, 1612), d’Airs de cour à 4 & 5 parties (Ballard, 1613), d’Airs de différents auteurs mis en tablature de luth par Gabriel Bataille (Ballard, 1614).

Le ballet fut édité dès 1610 par Jean de Heuqueville, avec titre : Ballet de Monseigneur le Duc de Vandosme, dancé par Luy douziesme, en la ville de Paris, dans la Grande Salle de la Maison Royalle du Louvre, puis en celle de l’Arsenac, le dix-sept et dix-huictiesme jour de janvier 1610.
Dans sa Bibliothèque dramatique (1844), Martineau de Soleinne commente : Les Enchantements d’Alcine font le sujet du ballet, décrit dans cette relation, où on remarque les caractères hiéroglyphiques de l’alphabet des anciens Druides, trouvé depuis quelques années dans un vieux monument.
Des extraits furent publiés deux ans plus tard par Toussainct Du Bray, dans un Recueil des plus excellens Ballets de ce temps (1612).

« Le Ballet de Monseigneur le duc de Vandosme fut certainement le dernier grand événement artistique du règne d’Henri IV. Le duc de Vendôme est alors âgé de 16 ans ; il est déjà pair de France et on ignore pour quelle circonstance ce ballet fut commandé. Les documents le concernant sont assez abondants ; on possède notamment l’intégralité du livret et de la musique vocale. L’argument est de ceux qui mêlent la légende (« Alcine, magicienne, éprise de la beauté de douze chevaliers errants ») et le burlesque (« le magnifique Messire Gobbemagne, grand confallottier de l’Isle des Singes »). L’édition de Toussainct Du Bray en 1612, donne même une description de la grande salle du Louvre où furent représentés les principaux ballets royaux tant que la Cour demeura à Paris. La salle mesure 150 pieds de long sur 45 de large et 24 de haut. Des gradins munis de sièges sont disposés autour, sur trois étages : c’est là que prendront place les spectateurs, dames et seigneurs qui ne participent pas au ballet. A un bout de la salle est élevé un théâtre de trois marches, pour le Roi. Il est luxueusement paré de chandeliers dorés en forme d’étoiles et surmonté d’un grand dais de velours rouge cramoisi, en broderie d’or et d’argent. Le décor montre, au sein d’une forêt touffue, le palais enchanté d’Alcine « fait en forme d’amphithéâtre, orné de plusieurs portiques, colonnes, niches et figures antiques ». Il préfigure nettement les grands décors d’opéra de la dernière période du siècle, dont les thèmes resteront fidèles à cette ancienne tradition (Armide, Roland, Renaud, Tancrède).
La famille royale au grand complet assiste au spectacle dansé par l’adolescent, premier bâtard d’Henri IV entouré de ses meilleurs amis. Autour du roi, sous le dais cramoisi, se trouvent la reine Marie de Médicis mais également Marguerite, l’épouse répudiée qui n’a pas cessé de fréquenter la Cour de France et raffole de ces divertissements. Le jeune dauphin, futur Louis XIII, est assis aux pieds du roi et de la reine. Il a sept ans de moins que César de Vendôme. Le spectacle qui les attend est un divertissement éblouissant, dans lequel les auteurs se sont ingéniés à mêler les genres et les tons : Messire Gobbemagne est venu en ce lieu sur l’ordre d’Alcine; il porte un costume superbement compliqué et une barbe épaisse et large tombe jusqu’à sa ceinture. Il est entouré d’esclaves Turcs aux masques basanés et suivi d’un jeune More dont le rôle semblait être d’aller chercher, avec force cabrioles, les divers intervenants à l’intérieur de la forêt. La description du costume d’Alcine est faite avec une grande minutie et livre quantité de détails sur la facture des robes, des tissus, broderies et parures diverses. La magicienne s’avance vers le roi en chantant cinq strophes mises en musique par Pierre Guédron, « compositeur en musique de la chambre du roi ». Voici comment le livret décrit la scène d’Alcine : « elle récitoit seule en chantant les vers qui s’ensuivent, et le chœur de ses Nymphes reprenoit en sonnant et chantant le dernier vers de chacun couplet ». L’expression « en sonnant et chantant » affirme la présence des instruments, sans doute en doublure des voix. Quant à la magicienne, selon l’interprète qui l’incarnait, elle chantait le dessus ou la basse : l’autre partie devenait alors instrumentale.
La suite de l’argument dilue la légende dans une débauche d’entrées bouffonnes : deux groupes de quatre grotesques, soit deux pots de fleurs et deux hiboux d’une part, deux grandes violes et deux moulins à vent d’autre part, se présentent d’abord. Les douze nymphes d’Alcine dansent ensuite une succession de figures qui, chacune, forme une lettre du nom de la magicienne. Puis les nains d’Alcine sortent de la forêt et exécutent une danse remplie de cabrioles, sauts et entrechats à vocation comique. Après ces pitreries, la magicienne retrouvait ses nymphes, mais les chevaliers se voyaient pétrifiés tandis que le palais enchanté disparaissait. Quelques vers adressés au roi suffisaient à détruire l’enchantement et la dernière phase du ballet pouvait commencer. Ce grand ballet final réunissait les douze chevaliers désenchantés : si l’on en croit la description fournie par l’édition imprimée, leurs vêtements étaient d’un luxe inimaginable. Il n’est question que de pourpoints en lamé d’argent, de soies nuées d’or et d’argent, de broderies subti les de petites perles, de brodequins brodés de soie et d’or, de « petits lamequins, faits en onde », qui pendaient autour des casaques et « ainsi parés [les chevaliers] faisaient une entrée superbe, avec plusieurs entrelacements, tant qu’ils se venaient ranger en haie, six d’un côté et six de l’autre ». C’est alors que, sur une musique de violons, ils accomplissaient douze figures dont les symboles étaient à déchiffrer au sol, selon la position du groupe. On se souvient que les figures géométriques de la « danse par bas », ou danse aristocratique, caractérisaient déjà le Balet comique de la Royne. Ici, les figures représentaient: « Amour puissant », « Ambitieux désir », « Vertueux dessein », « Renom immortel », « Grandeur de courage », « Peine agréable », « Constance éprouvée », « Vérité connue », « Heureux destin », « Aimé de tous », « Couronne de Gloire » et « Pouvoir suprême ». Déjà, la figure « Aimé de tous », avec son centre d’où partaient douze rayons, évoquait clairement un soleil.
Ce document nous informe sur le luxe de la représentation et la désinvolture avec laquelle le tissu dramatique de la légende est réduit à quelques entrées décousues. On comprend que les nymphes d’Alcine et les chevaliers errants, qui exécutent des « danses par bas » formant au sol des figures symboliques, sont des nobles qui ont longuement répété leurs pas. En revanche, les rôles du Maure, des huit nains et des Magots verts réclament, pour les pirouettes et autres cabrioles, des histrions, des danseurs quelque peu acrobates. Certains pages de la Chambre étaient peut-être formées à la « danse par haut »; il est en effet question de pages porte-flambeaux dans cette description :

Le More s’en allait vers ladite forest faire entrer deux pages porte-flambeaux, vestus en Magots verts, d’habits … faits de peluche de soye verte ; la chevelure de la teste, du corps et des espaules, faicte de longues franges de soye floche, verte aussi… Lesquels porte-flambeaux, au seul signe de la baguette que leur faisait ledit More, allaient saultans a petits bonds après luy, jusques au milieu de ladite salle, où faisans quelques sauts en avant, l’un après l’autre, ils se separaient, et de l’un et de l’autre costé, saultans et grimassans, tant qu’ils fussent auprès dudit theâtre.

Une lettre de Malherbe à Pereisc, datée du 6 février 1610 (*), nous apprend que des seigneurs étaient déguisés en grotesques : pour les tours, le duc de Vendôme lui-même et le comte de Cramail ; les marquis des Termes et de la Ferté apparaissaient en femmes géantes ; le baron de Sainte-Suzanne était un pot de fleur; quant aux hiboux ils s’appelaient comte de la Roche-Guyon et baron de la Châtaigneraie ; Monsieur le Maréchal des Galères et un nommé Vinsy représentaient les moulins à vent.
On ne sait qui chantait les rôles principaux. Les sources littéraires précisent qu’Alcine et ses nymphes chantent : les airs d’Alcine, composés par Pierre Guédron, commencent par un solo de dessus accompagné d’une basse et les refrains sont repris à cinq parties. Le chanteur qui, masqué et somptueusement habillé, représentait Alcine, n’est pas nommé. Ses nymphes l’entouraient, vraisemblablement en la personne des chantres de la Chambre. D’autres musiciens, de leur tribune, soutenaient les airs et les polyphonies. » (Les ballets de cour de France au XVIIe siècle – Georgie Durosoir – Editions Papillon)

(*) Lettre de Malherbe du 6 février 1610 :

Les danseurs du ballet entroient de cette façon quatre à quatre : les quatre premiers étaient M. de Vendôme et le comte de Cremail, qui alloient ensemble en forme de tours, M. de Termes et la Ferté, petit-fils de M. le maréchal de Fervaques, en forme de femmes de grandeur colossale, suivoient après.

Des autres quatre, les deux premiers dansoient sous la forme de deux grands pots à fleurs, et les deux derniers sous la forme de chats-huants ou hiboux : les pots étoient le baron de Sainte-Suzanne, etc. ; les chats-huants étoient le comte de Roche-Guyon et le baron de la Chataigneraye.

Des quatre derniers les deux premiers étoient Sesy et Jouy, qui étoient en forme de basses de violes, et les derniers en moulins à vent, qui étoient M. le général des galères et Vinsy.

Après qu’ils avoient dansé sous ces formes, ils se retiroient au bas de la salle; et là sortoient de dedans ces instruments, et dansoient en leurs formes naturelles quatre à quatre, c’est à savoir les quatre premiers ensemble, puis les quatre seconds, et puis les quatre derniers, et puis dansoient tous ensemble; puis se retirèrent dans leurs machines, et lors les nains sortirent.

Il ne me souvient pas qui étoit l’autre pot à fleurs avec le baron de Sainte-Suzanne; il n’y eut que les hiboux qui baillassent des vers.

 


Synopsis


La scène se passe en forêt.
Première entrée : Messire Gobbemagne, grand gonfallotier de l’Isle des Singes entre, suivi de trois violons costumés en Turcs, dansant et sonnant.
Deuxième entrée : Gobbemagne fait sortir de la forêt deux pages porteurs de flambeaux, costumés en magots (singes) verts. Les violons (au nombre de douze) et les pages entrent ainsi dans la salle au son de leur propre musique. Les violons dansent « bizarrement » puis s’installent sur leur estrade. Les magots verts se retirent.
Troisième entrée : Entrée d’Alcine (*), suivie de onze nymphes jouant des instruments et chantant en chœur en alternance avec Alcine. Elle entonne son récit : Rien ne s’oppose à mes lois, récit de haute-contre avec accompagnement de luth seul.
Alcine fait sortir de la forêt les chevaliers qu’elle a ensorcelés en objets ridicules.
(*) jouée par le duc César de Vendôme, alors âgé de quinze ans et demi

Quatrième entrée : Entrée de deux grosses tours (*), de deux énormes personnages ridicules (**), de deux moulins à vent (***), de deux pots de fleurs (****), de deux grandes violes et de deux hibous géants (*****). Danse burlesque.
(*) jouées par le duc César de Vendôme, et par Adrien de Monluc, gentilhomme gascon (1571 – 1646), comte de Caraman (ou de Carmaing, ou de Cramail), petit-fils du redoutable Blaise de Monluc, général célèbre des Guerres de Religion. Amoureux de lettres et de musique, il fut emprisonné un temps pour complot contre Richelieu, à cause de sa proximité avec Montmorency-Damville, gouverneur du Languedoc. Proche des cénacles libertins, il fréquenta entre autres le philosophe Jules-César Vanini, brûlé vif à Toulouse en 1619.

(**) joués par le marquis Henri de la Ferté-Senneterre, et par César-Auguste de Saint-Lary, marquis des Termes, frère de Roger de Saint-Lary de Bellegarde, maréchal de France sous Henri III, mort en 1579. Danseur remarquable, mais réputé « le plus puant homme du monde », il composa également des danses, dont deux ou trois sont conservées dans le fonds Philidor (dont une courante). Il devait tomber au siège de Clérac, en 1621.

Courante écrite par M. de Termes
(***) joués par le Maréchal des Galères, Philippe-Emmanuel de Gondy, oncle du duc de Retz (1580-1662), et par un nommé Vinsy

(****) joués notamment par René Ier Fouquet de la Varenne, baron de Sainte-Suzanne

(*****) joués par le baron de la Châtaigneraie, et par François de Silly, comte de la Roche-Guyon, fils d’Antoine de Silly (1540-1609), baron de Montmirail, gouverneur d’Anjou sous Henri IV, chevalier des Ordres du Roi et ambassadeur en Espagne. Le fief de La Rocheguyon devait passer en 1628 entre les mains de la famille vendéenne des Chabot.

Cinquième entrée : Douze nymphes et dryades sortent, une par une et en décalé, de chacun des personnages. Les douze nymphes et dryades s’unissent et dansent un « beau ballet ».
Sixième entrée : Entrée de huit nains ridicules, qui font des cabrioles, dansent et se « gourment » (donnent des coups) en musique.
Septième entrée : Deuxième entrée d’Alcine, qui revient et chasse tout ce monde avec des gestes effrayants.
Alcine, portant une pandore, se place près de la bouche des Enfers et entonne son récit : Noires fureurs, ombres sans corps, récit de haute-contre (*).
(*) premier véritable récitatif français, il s’inspire à la fois des anciens vers mesurés à l’antique et des techniques nouvelles du stile recitativo représentées par Caccini ou Monteverdi (mélismes, liberté de rythme, caractère dramatique).

La présence « de ce grand roy » (Henri IV) dissuade la magicienne de poursuivre ses enchantements : elle renonce à ses prisonniers.
Huitième entrée : Les nymphes s’échappent en courant, effrayées, par les bois.
Apparaît le palais d’Alcine avec, au-devant, une pyramide sur laquelle est écrit : Le fameux lynx seulement /Défera cet enchantement.
Neuvième entrée : Les douze chevaliers ont repris leur aspect « chevaleresque ». Ils sont là, immobiles. Soudain, libérés du sort qui les lie, ils sautent et dansent.
Le palais d’Alcine disparaît dans les abîmes.
De derrière la scène, on entend les nymphes se lamenter en chœur :
Chœur de Guédron : Où sont nos Palais dorés ?
Grand ballet final ou dixième et dernière entrée : les chevaliers (*) fêtent leur libération en dansant.
(*) Monsieur le Duc de Vandosme, chef ; Monsieur le Duc de Rethz (1), Monsieur le Comte de Cramail, Monsieur le Baron de Termes, Monsieur le General des Galleres, Monsieur le Comte de la Roche-Guyon, Monsieur de la Chastaigneraye, Monsieur de Chezy, Monsieur de Vinzy, Monsieur de Joüy (2), Monsieur le Baron de Sainte-Suzanne, Monsieur de la Ferté (édition Heuqueville)

(1) Monsieur le duc de Retz : sans doute Albert de Gondy (ou de Gondi), duc de Retz (1590-1659), fils de Charles de Gondy, duc de Retz et général des Galères (mort en 1596), petit-fils d’Henri de Gondy, fils d’un banquier lyonnais d’origine italienne (mort en 1602). Deux des oncles d’Albert de Gondy furent respectivement évêque et archevêque de Paris (Henri IV ayant érigé Paris en métropole). Jean-François-Paul de Gondy cardinal de Retz (1584-1654), archevêque de Paris, transmit en 1654 le titre à son neveu et coadjuteur, le grand cardinal de Retz, celui de la Fronde, qui était donc cousin germain de notre duc de Retz. Le duché de Retz s’éteignit faute de descendance.

(2) Monsieur de Jouy : sans doute Charles d’Escoubleaux de Sourdis (1588-1666), frère de François et Henri d’Escoubleaux de Sourdis, tous deux archevêques de Bordeaux et primats d’Aquitaine. La famille, d’origine basque, avait obtenu peu avant par mariage de fief de Jouy.

Lesdits Chevaliers, changeant de pas et de mesure, alloient former leur première figure, laquelle, suivant l’alphabet des anciens Druides (trouvé depuis quelques années dans un vieil monument), représentait un caractère d’iceluy alphabet poincté du nombre de douze, signifiant : Amour puissant
De ceste première figure, ils en formoient une seconde, représentant aussi un autre caractère dudit alphabet, poincté de mesme nombre, lequel signifioit : Ambitieux désir
Et après ceste seconde, ils en faisoient une troisiesme, d’un autre caractère, signifiant : Vertueux dessein
Et puis ceste quatriesme qui signifioit : Renom immortel
Les susdites figures se marquoient chacune d’une cadance entière, tournant ou retournant en leur mesme place ; puis, après ces quatre, les violions sonnoient la seconde partie du Ballet, et les Chevalliers, d’un autre pas plus gay et plus relevé, presque du tout à capdolles, ils rentroient d’unbel ordre en la cinquiesme figure, représentant aussi un caractère, poincté du nombre susdit, signifiant : Grandeur de courage
Et de la cinquiesme à ceste smesme, qui signifioit : Peine agréable
Puis la septiesme signifiant : Constance éprouvée
Et la huitiesme signifioit : Vérité cogneue
Après ces huict figures bien formées et bien distinctement représentées, les susdits violions sonnoient d’un nouvel air la troisiesme et dernière partie dudit Ballet. Et les douze Chevalliers, changeans aussi d’un nouveau pas, ve- noient différemment à former la neufviesme figure, représentant un caractère dudit alphabet, lequel signifioit : Heureux Destin
Puis tomboient, tousjours dançans, en ceste dixiesme figure, dont le caractère signifient : Aimé de tous
En après ils venoient marquer ceste onziesme, signifiant : Couronne de gloire Et puis, avec une gravité superbe, ils formoient ceste dernière figure, marque du parfaict caractère qui fust audit alphabet, qui signifioit : Pouvoir supresme

À la fin de laquelle ils se trouvoient au plus proche du Théâtre, où ils se reposoient jusques à ce que le Roy commandoit qu’on dançast les branles, et les violions commençans à sonner, lesdits Chevalliers alloient chacun prendre pour dancer avec eux telle Dame de la Cour, qui leur plaisoit, et ayant commencé la dance, plusieurs autres Seigneurs et Gentilshommes, qualifiez des plus dispots, prenoient aussi d’autres Dames à leur fantaizie, et se mosloient avec lesdits Chevalliers et Seigneurs susdits au bal, où toute sorte de dance fut dancée en après, tant en général qu’en particulier, jusques à tant qu’il pleust à Sa Majesté de se retirer. (édition Heuqueville)

 

Pour en savoir plus :

Ballets et mascarades de cour de Henri III à Louis XIV – recueillis par Paul Lacroix – tome I – page 237 et sq. – description détaillée du ballet http://books.google.fr/books?lr=&dq=ballets+et+mascarades+de+cour&jtp=237&id=CJkZAAAAYAAJ#v=onepage&q=&f=false

 

NB. cette page a été réalisée avec l’aimable et active participation de David Escarpit