CD Fernando re di Castiglia

FERNANDO, RE DI CASTIGLIA

COMPOSITEUR

Georg Friedrich HAENDEL

LIBRETTISTE

Antonio Salvi

 

ORCHESTRE Il Complesso Barocco
CHOEUR
DIRECTION Alan Curtis

Fernando Lawrence Zazzo
Elvida Veronica Cangemi
Isabella Marianna Pizzolato
Altamaro Antonio Abete
Sancio Max Emanuel Cencic
Alfonso Neal Banerjee
Dionisio Filippo Adami

DATE D’ENREGISTREMENT avril 2005
LIEU D’ENREGISTREMENT
ENREGISTREMENT EN CONCERT

EDITEUR Virgin Classics
DISTRIBUTION EMI
DATE DE PRODUCTION 29 janvier 2007
NOMBRE DE DISQUES 2
CATEGORIE DDD

Critique de cet enregistrement dans :

Diapason – mars 2007 – appréciation 3 / 5 – technique 5,5 / 10

  « Fernando n’existe pas. Il s’agit du premier titre donné par Haendel à son adaptation du livret de Salvi, Dionisio, re di Portogallo, titre changé avant la première en Sosarme, de même temps que le nom des protagonistes pour un motif inconnu qui pourrait être politique. En 1975, l’expert haendélien Winton Dean suggérait que Ferdinand, roi de Castille, aurait dû troquer sa couronne historique contre celle, fictive, de Sosarme, et l’affreux Dionisio, roi du Portugal, la sienne contre celle d’Haliate, afin de ne pas déplaire à l’ami portugais ‘ tout comme au siècle suivant le Gustave III de Verdi se fera rebaptiser Ricardo pour échapper à la censure. Hormis les noms propres et quelques récitatifs modifiés avant le 15 février 1732, ce Fernando, re di Castiglia n’est donc pas inédit. En effet, si Sosarme n’encombre ni les théàtres ni les rayonnages, ce fut en 1954 le premier opéra de Haendel à jouir d’un enregistrement respectueux de la langue, de la partition et des tessitures originales ‘ premier aussi à offrir un rôle de castrat à un contre-ténor, en l’occurrence Alfred Deller. Après cette gravure illustre due aux pionniers Thurston Dart et Anthony Lewis sont venus un Sosarme de Pologne (Agneszka Duczmal, 1981) et un autre d’Amérique (Johannes Somary, 1993). Rien de décisif. Il restait la place pour une version de référence, titre auquel ce prétendu Fernando, en dépit de sérieuses limites, pourrait prétendre.

Limites vocales d’abord. Marianna Pizzolato et Antonio Abete peignent d’une seule couleur, hâve et buffa, des rôles fondéssur la puissance dramatique. Passe pour ‘Vado ai campo’, mais le poignant ‘Cuor di madre’… Quant aux deux ténors, leur présence dans un opera sens demeure inexplicable : le Dionisio/Haliate de John Aler chez Somary les efface en une mesure. Veronica Cangemi pose un autre problème. Emotive et intense à son habitude, la soprano argentine paraît chanter dans un espace mouvant, distinct de celui de ses collègues ‘ il arrive même que sa voix ne soit plus identifiable (récitatifs des scènes 2 et 3 : on jugerait par moments la muse d’Alan Curtis, Simone Kermes !). Quant au chef, nous le retrouvons tel qu’en lui-même : alerte, soigneux du style, du tempo, de la carrure, fervent serviteur du texte, mais aussi noué, étroit de geste et d’expression (et d’orchestre), tenu à la surface des notes et presque jamais en symbiose avec le simple chant. Joli duo ‘Fer le porte del tormento’, mais peu de relief alentour et une barcarolle finale (ah ! ce roulis à 9/8…) résolument plate.

Restent deux merveilles inattendues : les contre-ténors. Fernando/Sosarme est sans doute le meilleur emploi haendélien de Lawrence Zazzo. Sobre, positif, un rien distant, toujours élégant exemplaire. Quant au jeune Cencic, étoile montante venue de l’Est, son « Sincero affetto » est une leçon de chant. Qui veut prendre contact avec l’aimable Sosarme/Fernando trouvera donc ici une référence, jusqu’à nouvel ordre. »

 Anaclase

« …On saluera donc la démarche d’Alan Curtis de graver aujourd’hui ce que l’on pourra considérer comme l’aîné ou le prototype de Sosarme, permettant ainsi au mélomane d’aborder différemment le génie händélien. La lecture qu’il en présente à la tête de son Complesso Barocco s’avère d’une fluidité retenue, un rien solennelle, en générale, toujours soucieuse d’un équilibre instrumental confortable qui n’a cure d’une certaine mode à sur-accentuer les contrastes. Elégance et tonicité sont au rendez-vous, avec un recul dra-maturgique relatif qui induit l’avènement des conceptions classiques, en quelque sorte.

Antonio Abete prête ici un grain avantageux à l’ignoble Altomaro pour lequel il recourt volontiers à une certaine lourdeur de la couleur, conduisant toujours finement son chant avec ses moyens spécifiques. L’écriture du rôle présente quelques embûches, convoquant autant l’aigu que le sur-grave, avec une liberté intervallaire osée ; Abete fait preuve de souplesse, même si les mélismes s’avèrent parfois laborieusement réalisés. Malgré un aigu un peu raide, la fraîcheur générale du timbre de Neal Banerjee retient l’écoute, son Alfonso se risquant même à une attaque douce en voix mixte à la fin du premier accompagnato (Voi miei fidi compagni). On regrettera toutefois les soucis de justesse qu’il rencontre dans le duetto avec Isabella, au second acte (Se m’ascolti). Moins convaincant se montrera l’autre ténor de l’histoire, à savoir Dionisio, le père d’Alfonso, chanté par Filippo Adami dont la voix possède assez évidemment la bellicosité requise ; certes, l’aigu est vaillant et trompette comme il le faut, mais cela ne suffit pas à nous faire oublier une articulation souvent bizarre, une émission exagérément ouverte qui met la stabilité en péril, le manque de précision, un bas-médium terne et un gra-ve exsangue. En Elvida, on retrouve une Veronica Cangemi plus soupirante que jamais dont on goûte les variations de chaque Da Capo, bien que l’aigu ne soit pas toujours vraiment stable. On citera cependant Dite pace (aria finale du 1er acte) pour son brio et la fulgurance de ses contrastes, ainsi que l’arioso introductif du second acte (Padre, germano e sposo) à l’exqui-se tendresse et le presque mozartien Vola l’augello dal caro nido aria finale du II).

Trois prestations exceptionnelles signent ce coffret, dans les rôles d’Isabella, de Sancio et de Fernando. Marianna Pizzolato est une Reine du Portugal remarquable dont la riche couleur saisit immédiatement. L’égalité de la pâte vocale favorise une maîtrise admirable du legato, y compris sur les ornements – dans Forte inciampo al suo furore, notamment (1er acte), un confort et une belle régularité du grain, un velours d’où surgit parfois une plénitude somptueuse – Due parti del core, à la fin du 1er acte, par exemple -, une expressivité toujours sensible, comme en témoigne le touchant lamento du dernier acte (Cuor di madre). Max Emanuel Cencic incarne un bâtard noble et scrupuleux grâce à une homogénéité de timbre, de couleur et d’émission vérifiable sur toute la tessiture, mais aussi à une grande in-telligence du texte que vient souligner des Da capo agilement orné. L’aigu est superbement épanoui, le corps général de la voix bien ancré dans une épaisseur souple. Enfin, le rôle-titre est tenu par l’excellent Lawrence Zazzo, gracieux et évident dans la vaillance comme dans la tendresse, accusant un impact toujours parfaitement visé qu’il met au service de da capo d’une confondante facilité. »

 Opéra Magazine – mars 2007 – appréciation 4 / 5

 « … Fernando, re di Castiglia, écrit au début des années 1730 et plus connu sous le titre Sosarme, re di Media. On ne sait trop pourquoi Haendel changea le nom de ses personnages, l’époque et le lieu de l’action, après avoir composé les deux tiers de la partition, probablement pour ménager quelques susceptibilités politiques… Quoi qu’il en soit, c’est cette version « originelle» qu’Alan Curtis a choisi de nous présenter.

Les différences entre Fernando et Sosarme ne sont pas considérables, même si une quantité non négligeable de récitatif a été coupée avant la création du second, sans doute pour épargner le public londonien. Curtis en a rétabli certains, conférant un meilleur équilibre à l’ouvrage et davantage de consistance au méchant de l’histoire. Mais leur restitution n’est pas complète, puisqu’il a fallu que Fernando tienne sur deux disques ! Nous retrouvons les qualités et les défauts propres à la plupart des enregistrements du chef américain, à savoir une approche stylée mais un peu placide, avec ici un continuo un peu sec. L’ensemble n’en est pas moins avenant, évitant toute faute de goût, et la distribution est dans l’ensemble de très bon niveau.

On distinguera plus particulièrement les performances d’Antonio Abete, Marianna Pizzolato et des deux contre-ténors. Lawrence Zazzo, apparemment revenu à son meilleur niveau, campe un Fernando plus que convaincant. Quant à Max Emanuel Cencic que l’on a enfin l’opportunité d’écouter dans un opéra intégral après ses disques de cantates chez Capriccio, on espère le réentendre vite dans d’autres opere serie. Déception, en revanche, avec Veronica Cangemi, à l’émission souvent empâtée.

Cette gravure remplace avantageusement le Sosarme dirigé par Johannes Somary chez Newport Classic. Quant à celui réalisé en 1954 sous la baguette d’Anthony Lewis (réédité sous diffèrentes étiquettes, notamment Vanguard), il conserve sa valeur historique d’unique opéra de Haendel enreistré par Alfred Deller. »

 Le Monde de la Musique – mai 2007 – appréciation 2 / 5