CD The Fairy Queen (1994)

L’oeuvreLe compositeur

THE FAIRY QUEEN

The Fairy Queen

COMPOSITEUR

Henry PURCELL

LIBRETTISTE

Elkanah Settle, d’après Shakespeare

 

ORCHESTRE Concentus Musicus Wien
CHOEUR Arnold Schönberg Chor
DIRECTION Nikolaus Harnoncourt

Sylvia McNair soprano
Barbara Bonney soprano
Elisabeth von Magnus soprano
Michael Chance contre-ténor
Laurence Dale ténor
Sommeil, Hiver Anthony Michaels-Moore baryton
Corydon, Poète Robert Holl basse

DATE D’ENREGISTREMENT décembre 1994
LIEU D’ENREGISTREMENT Musikverein – Wien
ENREGISTREMENT EN CONCERT oui

EDITEUR WEA / Teldec
COLLECTION
DATE DE PRODUCTION novembre 1995
NOMBRE DE DISQUES 2 ( livret)
CATEGORIE DDD

 Critique de cet enregistrement dans :

Diapason – novembre 1995 – appréciation 4 / 5

« Dix années durant, Nikolaus Harnoncourt a tenu Purcell loin des micros. Entre Dido & Aeneas (1983) et cette Fairy Queen, rien n’est advenu. Et pourtant rien n’a changé. Le fiévreux Viennois se fait toujours du théâtre purcellien une idée pittoresque, bouillante, radicale dans l’expression de son credo :  » la vérité plutôt que la beauté « . Cette « vérité  » consiste ici en un jeu d’oppositions féroce : éther impalpable du Sommeil contre frénétique Danse des Singes ou, placées l’une derrière l’autre à l’acte III, Danse des Fées, dolcissimo, contre Danse des Hommes verts, furioso. Cette réduction au caractère brut des images formées par Harnoncourt, dont le premier et parfait exemple surgit dès le menuet en Rondeau qui précède l’ouverture, a au moins deux conséquences. La première, la plus vivifiante, c’est la surprise, l’impression d’entendre pour la première fois certaines pièces dont voici la énième lecture, et la certitude que cette singularité ne doit rien à l’extravagance mais tout à la réflexion. L’autre, c’est le détournement affectif du théâtre purcellien vers le théâtre harnoncourtien, la violence immédiatement identifiable – signée Harnoncourt – qui s’interpose entre l’ouvrage et nous, et annule tous les sentiments compris entre les extrêmes (la drôlerie, la tendresse, l’incertitude, l’insouciance. la nostalgie, la peine… rien de cela ne subsiste à la cour du tyran Nikolaus).

Outre qu’on ne devine pas toujours si elle se tient au service de l’ouvrage ou si c’est l’ouvrage qu’elle tient à son service, cette phénoménale autorité est, comme dans Dido, encore loin de contaminer la troupe entière ni le choeur, modeste, ni les solistes ne parlent la langue de l’orchestre. Et quand par aventure ils s’y emploient, ce n’est le plus souvent pas à leur avantage. Les deux sopranos prodiguent mille charmes mais je n’ai pas trouvé la « Plaint » de Sylvia McNair moins fabriquée que celle de son dernier récital, et l’exquise, la merveilleuse Barbara Bonney la double plus qu’elle ne la complète. Anthony Michaels-Moore campe un doux Sommeil et un rigoureux Hiver, mais c’est à un Robert Holl clabaudeur et confus que reviennent Corydon et le Poète ivre, deux variantes d’Alberich assez loin du ton. On a connu Laurence Dale en meilleure forme : les double-croches et le la aigu de « Corne all ye son gsters » ne sont hélas plus à sa portée. Reste le problème de Michael Chance. Problème lié au peu d’intérêt que manifeste aujourd’hui Hamoncourt pour le matériau d’un drarnatick opera composé et représenté à la fin du XVIIe siècle. Deux contrebasses à l’orchestre, ni basse de violon ni basse de viole (mais un insolite et magnifique dessus de viole dans la Plaint), ni luth ni guitare ni théorbe (mais parfois le maigre « jeu de luth » du clavecin), le la à 415 Hz, des mezzo-sopranos sur la ligne des hautes-contre dans le choeur… c’est nettement à 1792 que le chef accorde son style, non à 1692. La même indifférence aux recherches musicales et musicologiques menées au cours des deux décennies passées explique la présence du falsettiste Michael Chance dans des numéros destinés à de hauts ténors et beaucoup trop graves pour lui. Si bas sous la clef de sol, le timbre se dilue, l’intonation s’égare et le caractère bascule dans la parodie. (A propos de musicologie, d’où vient que l’on ait supprimé la Danse des suivants de la Nuit, l’une des plus belles pages de l’oeuvre, et même de Purcell?)

Pour finir, cette Fairy Queen a été enregistrée sur le vif, au Musikverein de Vienne, au mois de décembre dernier. C’est un live qu’il convient de prendre comme tel, avec ses dérapages, ses enrhumés, son urgence, son rythme organique et sa spontanéité, tous facteurs qui manquaient à Gardiner et même à Christie – lequel avait pourtant éprouvé la pièce en scène. Malgré tout, malgré quelques danses et ritournelles d’une ardente poésie, malgré l’oeil unique de Hamoncourt, la fierté de ses cordes et la vérité du live, c’est assurément vers Gardiner et Christie que je continue d’orienter le mélomane. Il s’y chante des mystères tellement plus nombreux, plus sensibles, plus idiomatiques, et tellement plus touchants ! »

Opéra International – décembre 1995 – appréciation Timbre de Platine

« Faute de fil narratif scénique, Nikolaus Harnoncourt recherche le caractère dramatique et la magie – poétique ou comique – propres à chaque numéro musical. Sa réussite est prodigieuse. En un premier temps, il s’appuie sur la lettre de l’oeuvre, puis place cette littéralité à distance et en joue avec une maestria époustouflante. Timbres vocaux et instrumentaux, tempi, articulations verbales et musicales, couleurs agrestes ou majestueuses, ainsi qu’une texture sonore charnue (un continuo sans cesse avançant s’y allie à une formidable oreille contrapuntique)… tout est mis en oeuvre à la perfection pour définir une sorte de « Purcellsound’ non britannique – c’est-à-dire continental -, et pour prodiguer deux heures de rêve éveillé. Rarement l’onirisme aura été si présent au disque…Le plateau vocal est à l’unisson. A côté des fort convaincantes Barbara Bonney et Elisabeth von Magnus, Sylvia McNair…déploie ici une grâce et une émotion inoubliables son éloquence et sa palette sonore, son émission toujours unie et sa virtuosité réelle – quoique jamais gratuite -, témoignent d’un art vocal digne d’éloges. Le plateau masculin n’est pas en reste, même si y dominent les remarquables voix graves de Robert Holl et Anthony Michaels-Moore. Pour épauler ces solistes, le choeur (Arnold Schoenberg) et l’orchestre (Concentus musicus) allient des sonorités articulées et robustes à une plasticité sans faille. »

Crescendo – décembre 1995 – appréciation : Excellent

 « Harnoncourt propose une lecture convaincante de charme et de poésie. Tout avec lui semble aller de soi…Beaucoup d’éloges pour ces solistes auxquels il convient d’associer une sensible Barbara Bonney et Elisabeth von Magnus un peu en retrait. Les pièces instrumentales s’écoutent avec beaucoup de plaisir. Le Concentus Musicus est en grande forme. »