Quel nom, quel prénom pour Cavalli ?

On le sait : Cavalli ne s’appelait pas Cavalli.

Né le 14 février 1602, à Crema, il était le fils de Giovanni Battista Caletto, musicien qu’on appelait communément Bruno, du nom de son père (*). Troisième enfant d’une famille, qui devait en compter neuf, il fut baptisé sous le nom de Pier Francesco.

Quoique située à 250 km à l’Ouest de Venise, et seulement à une cinquantaine de Milan, Crema était une place forte tenue par la Cité des Doges, où elle était représentée par un Podesta, Gouverneur de la province.

Le jeune garçon, instruit au chant par son père, entra tôt dans le choeur de la cathédrale de Crema, où il se fit remarquer par la pureté de sa voix.

Le Podesta de Crema, Federigo Cavalli, noble vénitien, le prit alors sous sa protection, et le ramena en mars 1616 à Venise, pour lui donner une éducation musicale. Federigo Cavalli fit recevoir celui qu’on surnommait Il Checco de Casa Cavalli (**) à la Cappella di San Marco de Venise, alors dirigée par Claudio Monteverdi. Le 18 février 1617, il devenait chantre sous le nom de Pietro Francesco Bruni Cremascho, sans doute en souvenir de son père.

Poursuivant une carrière de chanteur, il apparaît dans les registres de la Cappella di San Marco comme ténor, le 1er février 1627, sous le nom de Pier Francesco Caletti, son véritable nom.

Il s’orienta en 1639 vers une carrière d’organiste, et fut nommé second organiste de la basilique, le 22 janvier 1640, sous le nom de Francesco Caletti, detto Cavalli, patronyme de son ancien protecteur, que Cavalli, reconnaissant, avait adopté depuis 1634.

On en trouve une illustration dans le Breve espositione, brochure de présentation comportant le scénario, que Cavalli publia lors de la création de son premier opéra, Le Nozze di Peleo e di Teti, en 1639, où il se nomme lui-même Francesco Cavalli.

Cavalli avait-il besoin d’un nouveau nom ? Ce sont les Français qui s’en chargèrent, à l’occasion du voyage à Paris du compositeur, en 1660, en francisant son nom en Cavally, comme ils l’avaient fait pour Lully.
Partant du principe que Cavalli était le mieux placé pour indiquer quel nom il voulait porter, on devrait s’en tenir à Francesco Cavalli. Pourtant, à l’époque moderne, on a tendance à utiliser les deux prénoms Pier Francesco, et on trouve aussi parfois Pietro Francesco.

Que de noms pour un seul homme !

Jean-Claude Brenac – Octobre 2010

(*) Cavalli et l’Opéra vénitien – Henry Prunières – 1931

(**) Les Origines du théâtre moderne – Romain Rolland – 1895