Qu’est-ce qu’ils ont les critiques, ils n’aiment pas l’opéra baroque ?

Lu dans « Aden », supplément spectacles du Monde, à propos de « Tamerlano » de Haendel : « On s’est beaucoup ennuyé récemment avec Ariodante…Même si tous les ouvrages (de Haendel) ne méritent pas d’être remontés, et encore moins in extenso, avec tous les « da capo » qui rallongent inutilement les opéras baroques qui le sont déjà trop… »

Lu dans « Diapason » à propos de « Catone in Utica » de Vivaldi : « c’est le manque de technique et de dramatisme qui condamne le « Catone » de Malgoire à un honnête spectacle de fin d’année. »

Lu dans « Le Monde de la Musique » : « Morne résurrection de « Catone in Utica ». L’opéra baroque n’a plus la cote dans ce lieu qui lui convient si bien. »

Lu sur « Altamusica », à propos de « Il Tito », de Cesti : « L’ensemble est d’un goût parfait, remarquablement relayé par une distribution homogène, mais dieu que cet opéra serait soporifique au disque… »

Hélas ! Nous voilà rendus au niveau zéro de la critique.

D’abord, comment pourrait-on savoir si tous les opéras de Haendel « méritent » d’être remontés ? Sur plus de quarante opéras de Haendel , qui peut se vanter de les avoir tous entendus ? combien ont-ils été effectivement montés à l’époque moderne ? combien sont-ils enregistrés ?

Ah, les da capo ! il y avait longtemps ! On sait bien que la forme « ABA », caractérisée par la reprise de l’air initial, constitue l’horreur absolue pour les contempteurs de l’opera seria. Certains chefs ne s’y trompent pas, et cédent à la démagogie ambiante en supprimant la reprise des airs. Grave erreur, qui dénature complètement l’opera seria, qui l’aseptise. Comment ne pas comprendre que le « da capo », c’est tout le sel, que dis-je le sel, le piment de l’opera seria ? Et qu’en fait, c’est de ABA’ qu’il faudrait parler. A prime, comme A + les ornementations. Quel plaisir raffiné que de guetter les ornementations apportées par les chanteurs rompus au style baroque. Certains se livrent au jeu de l’ornementation avec un naturel confondant, comme s’ils improvisaient, certains donnent l’impression de prendre des risques, en allant « plus loin ». C’est alors que la tension monte, car c’est un jeu périlleux. Mais quelle récompense, lorsque « ça passe ». Certains se demandent s’il faut applaudir pendant les représentations d’opéra. Mais bien sûr ! Les spectateurs en ont autant besoin que les chanteurs.

Pas la cote, l’opéra baroque à la salle Favart ? Que faisait-il le critique, lors des représentations ? Il avait donc le sommeil si lourd qu’il n’a pas entendu un public nombreux – salle pleine – et enthousiaste – autre chose que les constipés du Théâtre des Champs Elysées !

Soporifique en disque l’opéra baroque ? un critique qui se respecte devrait s’interdire ce genre de remarque qui ne l’honore pas et qui ne fera que conforter les éditeurs dans leur idée que seule « La Traviata » avec Georghiu a des chances de se vendre. Monsieur le « critique », si vous n’aimez pas ça, au moins n’en dégoûtez pas les autres !

PS. Le coup de pied de l’âne ! Il est donné par Alain Duault dans « Classica » de juillet : « A l’époque où l’on nous ressort sans cesse tel ou tel opéra baroque dont la vertu semble parfois limitée au seul fait d’avoir été composé à l’époque baroque… ». Merci, monsieur Duault, avec vous, au moins, la critique vole haut ! Mais des noms, s’il vous plaît ! A quels opéras pensez-vous en proférant de telles âneries ?

En attendant, on a compris qu’on n’est pas près de voir un opéra baroque sur France 3. Mais ça, on s’en doutait déjà.

Jean-Claude Brenac – Juillet 2001