Londres au tournant du XVIIIe siècle : de l’opéra anglais à l’opéra italien

Un peu plus de quinze ans séparent Dido and Aeneas – dont on pense qu’il pourrait avoir été représenté dès 1694 à la cour de Charles II – et Rinaldo, qui remporte un triomphe en février 1711.

En cette fin de XVIIe siècle, un opéra anglais tel que Dido and Aeneas est une exception, car règne en maître le semi-opéra, mélange de théâtre et de musique. Encore Dido and Aeneas pourrait-il bien ressortir lui-même à ce genre prisé des Anglais.

A la mort de Purcell, aucun musicien ne paraît en mesure de prendre la relève. Seul John Blow le pourrait, mais il n’en a pas le désir, se consacrant presque exclusivement à la musique d’église.

L’influence étrangère, surtout italienne, en profite pour s’affirmer. Le premier castrat italien Francesco Giovanni Grossi dit Siface, avait un long séjour à Londres, de 1679 à 1688. En 1698, la signora Margharita de L’Epine épouse Johann Christophe Pepusch, et concurrence la soprano anglaise Catherine Tofts. Arrivent également Francesco Gasparini, et le flûtiste flamand Jean-Baptiste Loeillet qui entre dans l’orchestre du nouveau théâtre construit sur Haymarket.

En 1705, le 16 janvier, le théâtre de Drury Lane donne un opéra sur le modèle italien, entièrement chanté, mais…en anglais. L’oeuvre est présentée comme « An Opera, After the Italian Manner : all sung ». De fait, c’est la première fois qu’une oeuvre musicale est jouée en Angleterre sans dialogues parlés. Il est monté par trois associés : le violoniste Thomas Clayton, le claveciniste français Charles-François Dieupart, venu à Londres vers 1704, et le violoncelliste Nicola Haym, venu d’Italie. Les paroles sont empruntées à un livret de Tomazo Stanzani, et la musique est une suite d’adaptations de chansons italiennes. La nouvelle mode du pasticcio est née, qui trouvera le succès en se transformant en opera ballad, dont The Beggar’s opera sera le plus bel exemple.

Pendant cinq ans, l’opéra italien marque des points : La Camilla, de Marc Antonio Bononcini, est créé à Londres le 30 mars 1706, d’abord en anglais, puis en anglais et italien. Ces représentations bilingues se reproduisent avec Pirro e Demetrio d’Alessandro Scarlatti, dans lequel chante le castrat napolitain Nicolini, puis avec Thomyris, pasticcio d’après l’opéra de Tomaso Albinoni, représenté en 1707. De son côté, l’opéra anglais agonise, avec l’échec de Rosamund, le 4 mars 1707, pièce de Thomas Addinson qui avait demandé à Clayton d’écrire la musique.

En 1710, le 10 janvier, l’italien supplante l’anglais dans Almahide, de Giovanni Bononcini, premier opéra purement italien. Suivent l’Idaspe fidele de Francesco Mancini, le 23 mai, puis Etearco de Giovanni Bononcini, le 10 janvier 1711.

Fin novembre 1710, Haendel débarque à Londres. Pouvait-il rêver contexte plus favorable à l’éclosion de son génie ?

Jean-Claude Brenac – Janvier 2005