Les terres baroques seraient-elles devenues si arides ?

Extrait d’un éditorial du « Monde de la Musique » : « Vingt ans après l’âge d’or du disque classique…les terres baroques ont été labourées jusqu’en leurs parcelles les plus arides. »

Quelle blague !

Voudrait-on nous faire croire que l’essentiel de la musique baroque a été défriché, mis en valeur, et qu’il ne reste plus ça et là que quelques nanars qui ne valent même pas la peine qu’on en déchiffre la partition ?

Confondant ! Qui peut raisonnablement soutenir qu’il n’y a plus rien à (re)découvrir en matière d’opéra baroque chez Cavalli, Cesti, Scarlatti, Vivaldi, Lully, Haendel, Keiser et tant d’autres ?

Cette attitude, consistant à considérer que tout ce qui dort encore dans les bibliothèques est de troisième choix, que « si c’était bon, ça se saurait », que le « chef d’oeuvre oublié » ou méconnu est un mythe récupéré par les gens de marketing, voilà un tic bien irritant, surtout de la part des revues musicales.

D’autant que les éditoriaux ne sont que lamentations sur la crise de la musique classique. Mais peut-on se morfondre comme un agneau promis au sacrifice, et en même temps hurler avec les loups que tout ce qui compte a déjà été exploité ?

Plutôt que de faire la fine bouche, il vaudrait mieux s’indigner que certaines redécouvertes incontestées n’aient même pas donné lieu à enregistrement. Sans remonter bien loin, est-ce que « l’Argia », « la Griselda », « Cadmus et Hermione », « Persée », »Zoroastre », « li Strali d’Amore » ne méritaient leur place dans nos discothèques ?

Avoir une tribune ouverte sur le monde de la musique, c’est une responsabilité. Celle d’ouvrir l’esprit à la nouveauté, d’éveiller la curiosité, de susciter des initiatives, d’encourager les découvreurs, de souhaiter que tout ce qui a été écrit soit enfin exhumé, joué, représenté, enregistré.

Et non pas celle de faire le lit des adorateurs du cross over.

Ah, j’oublais. L’éditorial s’intitulait « Bonne nouvelle ». Parce que les disques de musique classique continuent de se vendre. Il faut croire que même sur les terres les plus arides, il pousse encore quelque chose.

Excellente année à tous.

Jean-Claude Brenac – Janvier 2002