Bienvenue au club, monsieur Porpora !

Bien discret, ce compositeur qui fit un temps vaciller le grand Haendel !

Qui était donc Nicola Porpora, peut-être plus connu comme créateur d’une célèbre école de chant à Naples, que comme compositeur d’une cinquantaine d’opéras, sérénades et pasticcios représentés un peu partout en Europe ?

Ce n’est pas en consultant sa biographie sur le site de France Musique qu’on le saura, qui se résume à sa date de sa naissance (1686) et à celle de sa mort (1768). Ni en fréquentant les scènes lyriques, où jamais le nom de Porpora ne s’affiche. Ni en compulsant les répertoires discographiques, sauf à se rabattre sur quelques airs pour compilations de supermarché style « Les Voix du Ciel » ou « Le Temps des Castrats » !

Faut-il se fier à « Farinelli, il castrato » pour imaginer ce que fut la rivalité qui l’opposa à Haendel de 1733 à 1737 ? Drôle d’époque que celle qui vit la noblesse anglaise choisir l’opéra italien comme terrain de l’opposition au roi George II de la famille de Hanovre, dont le théâtre était dirigé par Haendel le Saxon. Peut-être Porpora n’était-il pas de taille, et on comprend qu’il ait tout misé sur Farinelli, son ancien élève. Pour autant, même si le personnage de Haendel n’est pas montré, dans le film, sous un jour sympathique, tant s’en faut, celui de Porpora y est carrément pathétique de ridicule. Fallait-il vraiment le montrer se traînant, ivre, au pieds de Lady Hunter…?

Nicola Porpora quitte Londres en 1738, pour Naples, Venise, puis Dresde – où on raconte qu’il est victime des intrigues de Johann Adolf Hasse et de la Bordoni son épouse – Vienne, puis Naples, où se termine un longue boucle de quatre-vingt-deux ans, dans l’oubli et la pauvreté. Pour Porpora les années de plomb ne font que commencer. D’autres ont connu le même sort – on pense à Vivaldi, mort aussi à Vienne, dans l’oubli – mais ils en sont sortis. Pour Porpora, tout reste à faire !

La postérité serait-elle impitoyable envers les vaincus des joutes lyriques ? Nicola Porpora a sans doute eu la malchance d’être opposé au génie de Halle, comme, quarante ans plus tard, Niccolo Piccini fut mis en concurrence avec un autre génie, de Bohême celui-là, et fut lui aussi laminé par la postérité.

Ce déshonneur est-il immérité ? comment savoir ?

Le hasard fait que la confrontation entre Porpora et Haendel est à nouveau possible, deux cent soixante-dix ans après, sur le thème emblématique de l’Arianna. Chez Bongiovanni vient en effet de sortir un enregistrement de « L’Arianna in Nasso », de Porpora, représenté avec grand succès, le 29 décembre 1733 au Lincoln’s Inn Fields. Nos revues musicales n’en ont pas rendu compte, pourquoi ?

Quant à l' »Arianna in Creta », réplique de Haendel, représentée dès le 26 janvier suivant au King’s Theatre, on pourra l’écouter en première française, au Festival de Beaune, en juillet prochain.

Bonne chance, monsieur Porpora, c’est le moment de montrer que la postérité peut se tromper !

Jean-Claude Brenac – Avril 2002