Vous avez dit populaire ?

Que Jérôme Savary n’aime pas l’opéra baroque, on le savait déjà. Seuls les naïfs pouvaient faire semblant de l’ignorer.

Qu’il ait entrepris de l’évacuer de la salle Favart, pour pouvoir s’adonner à ce qui lui semble seul digne d’un Théâtre Musical Populaire, genre « Irma la Douce » ou Chano Pozo, on commençait à s’en douter.

L’affaire des tarifs du Ritorno d’Ulisse en 2002 éclaire cette entreprise de démolition d’un jour sans pitié.

Acte I : à la lecture de la brochure si joliment colorée du TMP – saison 2001/2002, l’amateur d’opéra baroque tressaille de joie : « Il Ritorno » de Monteverdi, version Christie-Noble, au programme en mars 2002 ! Une séance de rattrapage inespérée pour les absents au festival de Beaune 2000.

Acte II : l’amateur d’opéra baroque commence à avoir mal au porte-monnaie à la lecture des tarifs indiqués dans la dite brochure. Tel qui paye 35 euros (229,58 francs) pour une place catégorie 1 à Irma la Douce ou Chano Pozo, devra payer 99 euros – comme qui dirait 650 francs – pour Ulisse. La catégorie 1, pour les non initiés à la salle Favart, ce n’est pas le grand luxe. C’est seulement la quasi totalité des places d’orchestre, et la grande majorité des premières loges. Inutile de loucher vers la rubrique « tarif réduit » ou « tarif adhérent » : il n’y en a pas. Allez, circulez, plein tarif pour tout le monde.

Acte III : la lettre de Jérôme Savary, datée du 27 juin. Un grand moment théâtral. Sur le thème : un dur métier, si vous saviez ! pas moyen de trouver du fric. Même l’Etat s’en fout. Et pas le moindre mécène à l’horizon ! Du coup, on est obligés de revoir « sensiblement » à la hausse les tarifs de ce « magnifique spectacle ». Notre amateur d’opéra baroque commence à flageoler, se prépare au pire. Et c’est encore pire que le pire !

1 116 francs – oui, mesdames et messieurs, vous avez bien entendu – mille cent seize francs pour la catégorie 1. Respirez un grand coup, et demandez à votre carte Bleue ce qu’elle en pense.

Mais l’honneur est sauf, il y a des places à 15 euros, cent balles si vous voulez. Puisqu’on vous dit que c’est un théâtre po-pu-laire !

Vous ne verrez rien ? pas grave. Quand les places correctes sont à ce prix, on a le droit – au nom de la simple décence – de changer de place à l’entr’acte. Ou même avant.

Jean-Claude Brenac – Août 2001