DVD Platée

COMPOSITEUR Jean-Philippe RAMEAU
LIBRETTISTE Adrien-Joseph Le Valois d’Orville

 

ORCHESTRE Les Musiciens du Louvre
CHOEUR
DIRECTION Marc Minkowski
MISE EN SCENE ET COSTUMES Laurent Pelly
DÉCORS Chantal Thomas
CHORÉGRAPHIE Laura Scozzi

 

Platée Paul Agnew
Thalie, La Folie Mireille Delunsch
Thespis, Mercure Yann Beuron
Jupiter Vincent Le Texier
Junon Doris Lamprecht
Cithéron, un Satyre Laurent Naouri
L’Amour, Clarine Valérie Gabail
Frank Leguérinel Momus

 

DATE D’ENREGISTREMENT février 2002
LIEU D’ENREGISTREMENT Palais Garnier – Paris
ENREGISTREMENT EN CONCERT oui

 

EDITEUR TDK
DISTRIBUTION Integral
DATE DE PRODUCTION 23 février 2004
NOMBRE DE DISQUES 2
CATEGORIE Dolby digital 5.1 – Son LPCM stéréo – 16/9 compatible 4/3
DISPONIBILITE Zone 2

 

 

Critique de cet enregistrement dans :

Classics Today France – appréciation 10 (artistique) / 10 (technique)

« Enfin! Cela fait un bout de temps qu’on espérait l’édition en DVD de cette miraculeuse production de Platée, l’un des hauts faits artistiques de l’ère de Hugues Gall à la tête de l’Opéra National de Paris et immense réussite du tandem Minkowski-Pelly. Le spectacle tire avantage du fait qu’ayant abordé l’œuvre au disque plus de 10 ans auparavant, Minkowski puisse aller bien plus loin dans l’audace et les contrastes que dans sa version audio. Il bénéficie également de l’inventivité débridée de Pelly, secondé par une chorégraphe, Laura Scozzi, pas moins « allumée » que lui.
Le Platée de l’Opéra Garnier a été enregistré lors de la reprise du spectacle en 2002, c’est-à-dire avec Paul Agnew dans le rôle de Platée, et non plus Jean-Paul Fouchécourt, titulaire idéal du rôle. Mais la performance archivée d’Agnew ne pâlit guère devant le souvenir que nous avait laissé Fouchécourt. Pour tous ceux qui ne connaîtraient pas Platée (à ce titre, même si je ne suis pas un fanatique des suppléments en matière de DVD d’opéra, un entretien avec Minkowski et/ou Pelly, pour expliquer simplement à tout un chacun la portée de l’ouvrage, eut été un complément bienvenu) soulignons fortement que Platée n’est pas un opéra baroque parmi d’autres; c’est un pur et absolu chef-d’œuvre, un ouvrage qui, avec ses multiples niveaux de lecture, peut enchanter tout type d’auditoire, de 7 à 77 ans.
L’histoire est celle de Platée, une nymphe disgracieuse qui règne sur « des marais superbes ». Cette grenouille (même si le mot ne figure pas dans le livret) va être prise au piège d’un complot des dieux. En effet, Junon, jalouse de Jupiter, fait souffler ses Aquilons sur le Mont Cithéron. Pour la calmer, les dieux montent une supercherie en faisant semblant d’unir Jupiter à cette « naïade ridicule ». Platée, persuadée d’être extrêmement désirable, prend tout pour argent comptant. Piégée, elle sera la risée du spectacle et provoquera le retour en grâce de Jupiter auprès de son épouse.
« Formons un spectacle nouveau » dit Thespis dans le prologue. Et c’est vrai que Rameau brise bon nombre de règles, par exemple en faisant incarner le rôle d’une grenouille nymphomane par un homme (!), en se gaussant des dieux, c’est à dire de la caste supérieure de la société (Louis XV n’était-il pas, lui aussi volage?), en brisant les conventions musicales (par exemple en plaçant la chaconne au début de l’acte 3 et non à la fin), en illustrant par une cruelle dérision l’impossibilité de l’ascension sociale (merveilleuse idée de Laurent Pelly d’introduire dans le spectacle le personnage muet d’une grenouille mâle qui « en pince » pour Platée, mais que cette dernière, illuminée par ses rêves de grandeur, ne regarde même pas). Platée est aussi un plébicite pour la suprématie de l’art des sons sur l’art des mots. Et on en passe… Oui, Platée est un ouvrage suprême du répertoire lyrique.
Le spectacle de Laurent Pelly et Marc Minkowski est décapant. Le Prologue situe l’enjeu en nous plaçant dans le cadre contemporain d’un auditorium: l’opéra sera ce spectacle nouveau. Platée est vraiment une risible naïade (exceptionnels costumes et maquillages) face à des dieux réellement odieux dans leur cynique condescendance. Le spectacle est décapant, drôle, vivant, inventif et acerbe. Il est parfaitement rendu pour l’écran par la caméra intelligente de Don Kent (cf. la cruelle contre-plongée dans l’acte I sur Platée apercevant Cithéron, les gros plans sur les mimiques d’Agnew) et son montage vif. Musicalement, le bonheur est immense avec une lecture orchestrale fulgurante (cf. acte 1, scène 3; ballet des Aquilons!), des chanteurs-acteurs investis, dominés par la Platée grotesque de Paul Agnew, l’excellent Cithéron de Laurent Naouri, le Mercure (et Thespis) d’airain de Yann Beuron et, aux sommets, l’hallucinante Folie (et Thalie) de Mireille Delunsch.
Inutile d’ergoter : voilà assurément l’un des musts du catalogue d’opéra en DVD dont les quelques bémols (les bruits pas sur la scène, particulièrement gênants dans le prologue à l’acte 1; la marge de manœuvre réduite des caméras au Palais Garnier qui fait que de temps en temps un haut d’archet vient s’imposer au 1er plan) ne sont que vétilles par rapport à l’importance d’avoir archivé pour l’histoire un tel spectacle rendu avec une image 16/9e parfaitement définie et éclairée et un son mordant, tant en stéréo que dans un somptueux multicanal en DTS. »

L’Avant-Scène Opéra – n° 221 – juillet/août 2004 – appréciation Révérence

« C’est l’un des spectacles les plus aboutis de l’ère Gall à l’Opéra de Paris, et la réalisation télévisuelle est à la mesure de cet accomplissement. Nous tenons donc là un des DVD d’opéra à posséder en absolue priorité. Dès le prologue, avec ces spectateurs d’opéra qui prennent place dans des gradins en une chorégraphie réglée au cordeau, on sait que la soirée sera placée sous le signe du mouvement rythmé, du délire organisé, de l’humour sadique. Car si Pelly a déjà montré, dans Orphée aux enfers et La Belle Hélène, l’étendue de son sens du rire, il sait bien qu’il a affaire ici à une comédie d’une rare cruauté. Certes, la grenouille qui a cru en toute bonne foi que ses appâts verdâtres étaient réellement à même de séduire Jupiter, est justement punie de la vanité présomptueuse qui l’a poussée à vouloir sortir de ta condition. Mais comment ne pas éprouver de la compassion pour cette piteuse naïade, devenue instrument du divertissement de dieux sans coeur Tous ces aspects sont dans la mise en scène de Pelly : par un regard ou une attitude, on passe du rire à gorge déployée au rire jaune, jusqu’à ne plus avoir envie de rire. L’opposition entre le monde des dieux (haute société oisive et mondaine en costumes contemporains) et celui des créatures aquatiques est restituée avec une parfaite lisibilité, chaque personnage est campé avec un souci constant du détail qui fait mouche. Quant au sens du rythme théâtral, il est toujours indissociable d’un sens du rythme musical, ce qui se retrouve dans les ballets roboratifs de Laura Scozzi, avec qui les intermèdes chorégraphiques ne sont jamais gratuits ou ennuyeux. Mais tout cela ne serait rien sans le grand ordonnateur des rythmes qu’est Marc Minkowski, dont la direction donne drive, swing et caractère aux deux heures et demie que dure la représentation.
Si l’on peut ergoter sur telle ou telle adéquation vocale, la vision tend à vaincre ces réserves de puriste car chaque chanteur se double d’un formidable acteur. La distinction naturelle de Laurent Naouri, la pitrerie déjantée de Franck Leguérinel, la nonchalance de Yann Beuron, et par dessus tout la folie furieuse de Mireille Delunsch suffisent à faire croire que l’opéra peut aussi être du théâtre. Mais le triomphe final ira à juste titre à Paul Agnew qui, succédant à Jean-Paul Fouchécourt et Tracey Welborn dans cette mise en scène, reprend le rôle avec une infinie subtilité, ne tombant jamais dans la surcharge : sa voix ambrée et ses grands yeux étonnés laissent transparaître derrière son grimage de rainette le seul personnage humain de cette bien méchante histoire. »

Crescendo – avril/mai 2004 – appréciation 10 / 10

« Avec Platée créé en 1745 lors du mariage du fils de Louis XV avec l’infante d’Espagne Maria Teresa, Jean-Philippe Rameau donnait à la musique française un genre nouveau, la Comédie-ballet, qui par son esprit, ses côtés burlesques, les onomatopées fréquentes dans la musique, les multiples trouvailles musicales à effets, ouvrait la voie au théâtre lyrique bouffe qui connut son apothéose au siècle suivant avec Jacques Offenbach. Et de Platée à La Belle Hélène. il n’y a qu’un pas. Marc Minkowski est friand de ces gourmandises françaises et c’est au Palais Gamier qu’il donnait Platée en janvier 2002 avec le succès que l’on sait. Une comédie cruelle pourtant où la très laide Platée (un travesti pour les besoins du genre) s’enivre d’amour pour Jupiter sous l’oeil cynique de La Folie. Jupiter s’en sortira grâce à l’irascible Junon. et la laideur de Platée qui avait cru à l’amour fait la risée unanime de tout ce petit monde complice. Comédie d’autant plus cruelle qu’il semble que l’infante d’Espagne n’était pas un modèle de beauté. Quant à rejoindre le fief des grenouilles !… Mais les lois du genre sont telles. La Cour n’en voulut toutefois pas à Rameau qui devint, après la représentation de Platée, maître de musique de la chambre du Roy. Un grand spectacle laissant une large place aux ballets, une musique rutilante de mille feux. Minkowski est à son affaire de même que le plateau ici réuni. Un grand coup de chapeau également à la gaieté des costumes, l’humour et au dynamisme de la mise en scène qui font de cette production un grand moment de divertissement musical. Dommage que le producteur n’ait pas profité de la place que lui laissaient les 2 CD pour ajouter quelques bonus comme le point de vue de Marc Minkowski, des portraits du plateau, ou autres délices qui eussent à coup sûr prolongé le plaisir. »

Classica-Répertoire – mai 2004 – appréciation : Recommandé

« Comment être délicieusement ridicule à l’opéra? C’est le propos fondamental de Platée, merveilleux clin d’oeil de Rameau aux goûts de son temps, en forme de farce mythologique toujours aussi actuelle que drôlatique. La réussite de la transposition qu’en a fait Laurent Pelly en portant l’action au coeur même du théâtre passe moins bien à l’écran qu’à la scène. Mais la caméra de Don Kent, en traquant les visages et les attitudes, montre heureusement que cette pochade joyeusement enlevée tient autant sa réussite d’un humour déjanté que d’un engagement théâtral très fouillé. Et si le puriste peut grimacer à voir le cloaque de Platée transformé en un parterre de cinéma, vrai miroir aux rangées de l’opéra Garnier, bientôt déchiré par la tempête de dieux grecs aussi déments que chez Offenbach, le côté comédie musicale reprend avec vivacité le propos de l’auteur. Dieux de boite de nuit (Le Texier, Beuron), allégories défrisées (irrésistible Thalie de Delunsch) laissent l’incontestable primauté du délire à l’irrésistible grenouille verdâtre de Paul Agnew, moins bien doté en splendeurs vocales que Fouchécourt en 1999, mais d’une musicalité sans faille : mariant avec bonheur ridicule et tendresse, il emporte l’action dans un délire que les forces somptueusement colorées de Minkowski font rebondir avec magnificence. Un plaisir. »

Opéra International – avril 2004 – appréciation Le Timbre de Platine

« C’est l’enchantement lyrique que Don Kent filme ici, et l’une des plus grandes productions de l’ère Gall (lors de sa reprise, en février 2002). Après les fastes finement recomposés de Jean-Marie Villégier, l’actualisation réfléchie de Peter Sellars, et toute la gaudriole londonienne et munichoise qui en a découlé, Laurent Pelly et Agathe Mélinand ouvrent avec leur Platée une nouvelle voie dramaturgique pour l’opéra baroque. Rarement, si ce n’est jamais auparavant, une production aura si résolument mêlé le chant et la danse sur une scène d’opéra. Rarement, la danse aura trouvé une place aussi naturelle dans la représentation théâtrale. Rarement enfin, le miroir tendu au public (et aux genres lyriques qu’il plébiscite, la tragédie française en premier lieu) aura renvoyé une image si aiguë. C’est là la force de cette mise en scène, élaborée au plus haut point et limpide tout autant. Des costumes qui étonnent sans cesse (signés Laurent Pelly aussi), une chorégraphie (de Laura Scozzi) qui étourdit et captive jusqu’au plus réfractaire à l’intermède de ballet, un dispositif scénique peu commun et astreignant (de Chantal Thomas), dont le réalisateur tire parti en multipliant des angles inédits : voilà tout le profit d’une captation visuellement exemplaire.
Le chant résonne en ces mêmes sommets, et une troupe de Français aguerris, le Mercure de Yann Beuron et le Momus de Franck Leguérinel surtout, se déchaîne autour de Paul Agnew, Platée d’une éclatante correction stylistique, sobre et drôle, racée et joliment bien courroucée (et peut-être moins adorablement bécasse que Jean-Paul Fouchécourt dans cette même production, trois ans plus tôt). Encore au-dessus de cette mêlée corrosive, la Folie souveraine de Mireille Delunsch, costumée de pages de partitions superposées, la boucle blonde en bataille et l’oeil hâbleur : il faut surtout, pour le croire, entendre ces sauts arrogants, ces vocalises outrées sur un « i », cette cadence éhontée sur un « ou  » Et cet « Aimables jeux, suivez mes pas » qui suit immédiatement, et change pour quelques mesures cette atmosphère de délire en instant de lyrisme suspendu… Pas un moment cette divagation musicale ne digresse ni ne dérape cependant, car Marc Minkowski sait en manipuler les ressorts avec une concision et une énergie implacables : exaspération des contrastes, heurts dynamiques, collisions de rigaudons et de passe-pieds, la marque de fabrique se reconnaît certes entre mille, tout comme la respiration naturelle et expressive qui modèle le chant et l’élocution. Un DVD prioritaire, donc, en espérant que cette Platée retrouve un soir prochain les planches du palais Garnier Rameau a-t-il si souvent paru proche et moderne à un public d’opéra ? Avec Pelly et Minkowski, nous voilà tous ramistes. »

Diapason – avril 2004 – appréciation Diapason d’Or

« Protecteurs de la Nature et amis des grenouilles, réjouissez-vous : Platée sort de ses marais pour envahir votre petit écran dans des conditions visuelles et sonores optimales. Après plusieurs visions, la mise en scène très surchargée de Laurent Pelly (pourtant l’une de ses meilleures) perd de son imprévu et de sa drôlerie ; certains moments, malgré tout, sont dignes d’anthologie, la Folie de Mireille Delunsch cassant la baraque avec un culot ravageur. Formidable plateau (et français non moins satisfaisant), mené par un Paul Agnew lunaire et pathétique. La palette de couleurs qu’invente Minkowski, avec un dynamisme à toute épreuve continue d’être un enchantement. L’une des grandes réussites de ces dernières années et l’un des grands succès (justifiés) du règne d’Hugues Gall, filmé avec brio par Don Kent. »

Res Musica – 19 décembre 2004

« Platée fut filmée en 2002, lors de la reprise, ce qui nous prive de la Platée de Tracey Welborne de 1999, infiniment meilleure que celle de Paul Agnew, dans une production assez ridicule de Laurent Pelly. Ressuscitée en 1956, deux siècles après sa création, par le Festival d’Aix-en-Provence, Platée de Jean-Philippe Rameau et Adrien-Joseph Le Valois d’Orville revenait en 1999, après presque vingt ans d’absence, dans les ors du Palais Garnier avec une réalisation musicale admirable de Marc Minkowski gâchée par la conception scénique très contestable de Laurent Pelly.
Marc Minkowski peut revendiquer une manière de droit moral sur Platée de Rameau, œuvre qu’il a dirigée deux fois en version de concert à Favart et Garnier ainsi que dans des nombreux autres théâtres et dont l’enregistrement de 1988 a supplanté celui paru la même année de Jean-Claude Malgoire qui faisait alors partie de l’establishment baroqueux. La réalisation qu’il présentait à l’Opéra de Paris, mûre de dix ans de pratique est exemplaire à tous égards. La vie et le son qu’il insuffle à son ensemble Les Musiciens du Louvre-Grenoble, la diction châtiée des chanteurs, l’évidence dramatique de chaque page d’une partition dont il connaît les moindres recoins, sont proprement inouïs. Le voir diriger est déjà en soi un véritable spectacle. Comment alors comprendre qu’il ait pu cautionner, alors qu’il était en fait le maître d’œuvre, une réalisation aussi contraire à ce qu’il exprime musicalement en style en raffinement et en intelligence, que celle de Laurent Pelly ? Avec ce metteur en scène il signèrent un Orphée aux Enfers d’Offenbach impayable d’humour et de fantaisie à l’Opéra de Lyon en 1998. Mais Rameau n’est pas Offenbach et les libertés et distances que l’on peut se permettre avec l’opérette ne sont pas de mise avec l’opéra français classique du XVIIIe siècle qui sans ses contraintes de style et de manières n’est plus rien. Affublé d’une dramaturge et d’une costumière dont laideur était le maître mot, Laurent Pelly a conçu pour figurer l’Olympe du Prologue une reconstitution de l’Amphithéâtre du Palais Garnier avec son dispositif de fauteuils en gradins. Pourquoi pas s’agissant de la demeure des Dieux ? Sauf que placés dans de telles hauteurs les chanteurs n’étaient pas audibles de la salle. Le DVD corrige partiellement seulement ce défaut. Au cours du spectacle le dispositif se disloque et décrépit (procédé dramaturgique, déjà alors, largement éculé) pour laisser place à un immense espace au sol impossible à remplir par les chanteurs obligés à d’inutiles aller et venu. Platée, ballet bouffon selon la partition, comporte beaucoup de courtes chorégraphies et un long ballet au dernier acte. C’est certes difficile à réaliser, d’autant que Rameau s’y parodie lui-même, mais fait partie des contraintes du genre. La chorégraphe Laura Scozzi a résolu le problème en faisant appel à de jeunes danseurs charmants et inexpérimentés (on rappelle au passage que l’Opéra de Paris abrite en ses murs une des compagnies de ballet les plus prestigieuses de la planète) et inventant des petites séquences de danse de genre hip-hop ou break danse, très approximatives et totalement étrangères à l’esprit de l’œuvre, digne en fait d’un patronage. Paul Agnew donne une incarnation très conventionnelle, sans grand aplomb scénique, à la nymphe tragique. Mireille Delunsch est superlative dans le rôle de la Folie dont elle chante les deux airs avec une magnifique sûreté vocale et un naturel scénique lui permettant toutes les distances humoristiques. Le reste de la distribution n’est pas au même niveau car, hormis Yann Beuron assez à l’aise dans Mercure, il est bien triste de voir que toute une génération de jeunes chanteurs français, dont Laurent Naouri est l’exemple parfait, ne tient pas toujours ses promesses. Il faut signaler aussi que pour faciliter au ténor la pratique de la terrible tessiture de Platée on a baissé le diapason, obligeant tous les autres à chanter inutilement bas. Quelqu’un rendra t’il un jour à Marc Minkowski cette opportunité manquée, la récompense de la réalisation totalement parfaite d’une œuvre à laquelle il s’est donné avec tant de talent ? »

Ars Musica

« L’oeuvre est présentée dans une mise en scène moderne (le décors est en miroir de la salle de spectacle, il se délite peu à peu en se couvrant de sphaignes ou d’on ne sait quelle végétation marécageuse ; les ballets sont modernes sans donner dans l’avant-gardisme outrancier) ; côté interprétation, rien à dire, c’est parfait (à un bémol près : le « Chantons Bacchus » du prologue est un peu mou) ; côté mise en scène, il faut aimer, mais l’ensemble baigne dans une telle ambiance de « bouffonnerie » qu’il finit par emporter la sympathie du spectateur ; par chance, le livret a le bon goût de numéroter les morceaux, on peut donc s’affranchir de la télévision et se servir du DVD comme d’un CD ; contrairement au DVD « Les Boréades » des Arts Florissants, cette édition de Platée nous montre de temps en temps l’orchestre (mais pas assez à notre goût) ; côté « suppléments », rien ; une présentation de Rameau et de son oeuvre aurait été la bienvenue ; de même, un doc sur le travail des Musiciens du Louvre n’aurait pas été de trop ; enfin, tant qu’à faire, une présentation de l’univers musical et chorégraphique français dans la période 1650-1750… »