Hercules

COMPOSITEUR Georg Friedrich HAENDEL
LIBRETTISTE Thomas Broughton

 

ORCHESTRE Les Arts Florissants
CHOEUR Les Arts Florissants
DIRECTION William Christie
MISE EN SCÈNE Luc Bondy
DÉCORS Richard Peduzzi
COSTUMES Rudy Sabounghi
LUMIÈRES Dominique Bruguière
Hercules William Shimmel
Dejanira Joyce DiDonato
Hyllus Toby Spence
Lichas Malena Ernman
Iole Ingela Bohlin
Priest of Jupiter Simon Kirkbride
DATE D’ENREGISTREMENT décembre 2004
LIEU D’ENREGISTREMENT Palais Garnier
EDITEUR Bel Air Classique
DISTRIBUTION Harmonia Mundi
DATE DE PRODUCTION 8 décembre 2005
NOMBRE DE DISQUES 2
FORMAT Son PCM Stéréo – Dolby Digital 5.1 – Image NTSC 16/ 9
DISPONIBILITE Toutes zones
SOUS-TITRES EN FRANCAIS oui

Critique de cet enregistrement dans :

  • Classica – mars 2006 – appréciation Recommandé 10

« A revoir Hercules (capté au Palais Garnier en 2004), on se demande pourquoi la critique bouda cette quintessence d’intelligence théâtrale que Bondy place dans une fascinante intemporalité. Les costumes sont d’aujourd’hui, la statue démembrée d’Hercule de l’Antiquité. Les modernes que nous sommes ne peuvent qu’apprécier de tels allers-retours, la guerre ayant pris le pouvoir sur notre imaginaire depuis l’Irak. Le sable et la mort forment la matière du décor de Peduzzi. Les restes colossaux qui s’y enfoncent sont le seul mobilier dans cet espace désertique, avec un vieux bidon (de pétrole) et une chaise. Hercule en treillis sanglant ramène une Iole portant entre ses bras l’urne de son père, comme il était d’usage jadis à Rome. Le choeur des Arts Flo habillé de chemises Clio est tantôt compatissant, tantôt d’un vipérin à glacer l’âme (Jealousy!). Chacun(e) est transfiguré(e) par les éclairages de Dominique Bruguière. Le travail accompli par Bondy avec les solistes estomaque, qu’il s’agisse des piteuses scènes de séduction du GI. musculeux, ou de la rancoeur grandissante entre Iole et madame Hercules, montrée au travers d’une séance de manucure. Joyce Di Donato est un incendie, d’abord épouse sûre, puis généreuse piquée au vif, enfin délirante parcourue de tics dignes de Charcot. William Shimell, sorte de Jean Reno pleutre, incarne avec ce qu’il faut d’antipathie le rôle du macho stupide.Toby Spence, aussi à l’aise dans Strauss que dans Rameau, a le profil du jeune premier tenace. Son ténor lumineux donne corps au pâlichon fils d’Hercules. Si le personnage de Lichas, interprété par l’alto Malena Ernman peut déranger par l’âpreté de son timbre, son choix est adéquat pour un personnage vu comme un manipulateur ambigu se brûlant à ses intrigues. L’émission tendre de Ingela Bohlin (Iole) offre à cet Hercules aride ses rares moments de paix. Lors de la création, à Aix, la largeur de la fosse de l’Archevêché posa aux Arts Flode graves problèmes de synchronisation. Dans l’écrin Garnier, l’ensemble redevient le chantre subtil d’un Haendel que Christie réinvente avec cette scansion sobre qui n’a jamais été aussi proche de l’élégance dansante d’un Gardiner. Quart à Vincent Bataillon, auteur de la superbe captation de la Poppée de Gruber/Minkowski à Aix 1999), il nous offre une impeccable balance entre gros plans et ensembles, soulignant un drame voulu intime par le scénographe, mais que le point de vue, forcément statique depuis la salle, oblitérait. Le DVD antidote à la « malscène» moderne. »

  • Diapason – février 2006 – appréciation 4 / 5

« Créé à Aix-en-Provence, capté au Palais Garnier fin 2004, le spectacle de Luc Bondy tire profit du passage à l’écran. A distance, l’attention glissait sur un orchestre trop ornemental, sur un décor minimaliste et sur la modernité économe des costumes : le film la concentre sur l’émotion des chanteurs et notamment la performance de Joyce Di Donato, encore plus impressionnante de près. Les pyrotechnies de « Resign thy club » ne semblent pas contraindre l’actrice un instant. « Cease, ruler of the day », gros plan sur son visage à peine ponctué par quelques plans larges, figure déjà au panthéon des grands moments d’opéra filmé. La puissance d’incarnation de « Where shall I fly » fait oublier que ce timbre somptueux est un peu trop lisse pour le personnage. Et pendant le finale du III, les convulsions de celle qui a perdu la tête sont crédibles— c’est en soi un exploit. Admirables, aussi, le Hyllus frémissant de Toby Spence, la Iole suprêmement phrasée par Ingela Bohlin (qui reste néanmoins prisonnière, comme Tïlling à Aisx d’un personnage assez superficiel dans la lecture de Bondy), le Lichas héroïque (mais hors tessiture) de Malena Ernman.Reste un problème essentiel, le décalage entre le spectacle et sa matière, l’oratorio de Haendel. Là où le compositeur a l’ambition d’une nouvelle forme de récit, taillée à l’échelle du mythe, le théâtre psychologique de Bondy préfère scruter les âmes. Symboliques à cet égard, la volonté de transformer le simple messager Lichas an caractère à part entière, un « Resign thy club » qui se termine comme les meilleures scènes de ménage, et l’ajout par Bondy de cadeaux offerts à Iole par Hercules — en justifiant la colère de Déjanire, ils réduisent l’histoire éternelle de la jalousie à celle, quotidienne, du démon de midi chez les quadragénaires séduisants. La création de Haendel et la relecture de Bondy ne s’accordent que sur la figure de Hercules. Impossible de greffer une psychologie sur ce monolithe, archétype de la puissance : libérée de cette tentation, la direction d’acteurs donne sa pleine mesure, et l’incarnation de William Shimell est saisissante. »

  • Le Monde de la Musique – février 2006 – appréciation 2 / 5

« Il faut savoir, pour comprendre la façon dont Luc Bondy a théâtralisé cet oratorio de Haendel inspiré des Trachiniennes de Sophocle, que ce spectacle, créé au Festival d’Aix-en-Provence 2004 et repris au Palais Garnier, où il a été filmé, n’est qu’un volet d’un diptyque dont l’autre est « Cruel and Tender », la pièce très contemporaine de Martin Crip traitant elle aussi de la légende d’Hercule, que Bondy a montée au Festival de Vienne et reprise à Paris, aux Bouffes du Nord.Mais cette transposition de l’ouvrage de Haendel — avec décor de bunker, treillis de rigueur et direction d’acteurs niant obstinément le fait que les personnages s’expriment en chantant des airs à da capo — n’en reste pas moins un artifice à la mode, faisant apparaitre la musique comme plaquée sur une action avec laquelle elle n’a pas grand-chose à voir. Cette schizophrénie, probablement très étudiée, est d’autant plus frappante que les chanteurs sont parfaitement stylés, à défaut de montrer des personnalités très affirmées, et que William Christie dirige d’un geste généreux cette partition flamboyante, à la mesure de la folie de Déjanire provoquant, par jalousie, la perte de son héros de mari. La caméra de Vincent Bataillon a beau, en privilégiant les plans serrés et les mouvements fluides, atténuer cette impression, la captation ne parvient pas à faire disparaitre la gêne provoquée par le spectacle. »

  • Opéra Magazine – janvier 2006 – appréciation Le Diamant de l’Opéra

« La critique avait accueilli un peu sèchement ce spectacle, créé à Aix-en-Provence en 2004. Cette captation, réalisée en décembre de la même année lors de sa reprise au Palais Garnier, révèle pourtant, de manière éclatante, l’intelligence du propos de Luc Bondy. Hercules nous conte le retour au foyer d’un héros volage ayant déjà réalisé nombre d’exploits (mais aussi quelques méfaits…), attendu par une épouse jalouse. Il ne s’agit pas pour autant d’une tragédie de la jalousie, celle de Dejanira n’étant que la manifestation d’un désir puissant et inassouvi, qui va la conduire sur les chemins de la folie. Haendel illustre magnifiquement ce drame mythologique en langue anglaise, en recourant à la fois à des procédés de composition identiques à ceux employés dans ses opéras italiens et en s’éloignant de certaines conventions du dramma per musica, notamment dans l’enchaînement des airs et des scènes.Le décor unique, mais modulable, est fait de grandes palissades, de sable et d’une statue brisée : il forme un cadre idéal pour illustrer l’abandon et l’attente. Les costumes sont contemporains et assez sobres : tenues de ville, treillis et uniformes, parfaitement en situation ici. Tout est en place pour que les personnages nous montrent leurs errances et leurs déchirements. La distribution, quant à elle, idéale scéniquement et bénéficiant d’une direction d’acteurs d’une rare finesse, impressionne, saisit et bouleverse. On pourrait imaginer baryton à la vocalise plus coulée que William Shimell, mais son côté rustre convient à Hercules et il campe un héros ambigu à souhait. De même, Toby Spence pourrait mieux mélanger les registres, mais il possède la jeunesse et la vigueur de Hyllus. Avec son physique musculeux, la mezzo suédoise Malena Ernman dessine un Lichas viril et attachant, qui aurait mérité moins de coupures dans sa partie. Ingela Bohlin, bouleversante dès son entrée, incarne une Iole aux évidents charmes physiques et vocaux. Quant à Joyce DiDonato, déjà remarquée au disque dans Haendel (notamment ses duos avec Patrizia Ciofl et le rôle-titre de Radamisto) , elle campe une grande Dejanira, un peu emportée par sa fureur, mais d’une densité vocale et émotionnelle admirable. Ajoutons que les Arts Florissants, sous la direction de William Christie, ont rarement atteint un tel niveau d’excellence dans le répertoire haendélien, avec des da capo sobres, mais dotés d’une ornementation et de cadences de qualité.La réussite tient enfin à l’excellence de la réalisation vidéo de Vincent Bataillon, qui saisit admirablement la profondeur de l’expression sans abuser des gros plans elle permet ainsi au spectateur de pénétrer l’intimité des personnages sans l’obstacle du grand espace vide du plateau, parfois oppressant depuis la salle. Malgré les coupures, nous ne bouderons donc pas notre plaisir : ce Hercules est l’un des rares DVD vraiment indispensables dans la vidéographie haendélienne. »

  • Concertclassic

« On n’avait guère goûté ce spectacle lors de sa reprise à Garnier en décembre dernier. Eh bien quitte à désavouer notre jugement, la captation de Vincent Bataillon suit si attentivement la direction d’acteurs de Luc Bondy que son visionnage s’avère simplement captivant. Le décor, à peine entrevu, ne grève plus ce drame de la jalousie où se surpasse Joyce DiDonato, Déjanire rongée par le soupçon et détruite par la folie. Toby Spence campe le plus ardent, le plus tendre des Hyllus, Shimell reste assez idéal en Hercules-brute épaisse, et Ingela Bohlin, au soprano trop frêle pour Iole (on s’est habitué à y entendre une Stich-Randall !) compense par un engagement dramatique assez bluffant. Même Malena Ernman, distribuée à contre emploi en Lichas triomphe d’une tessiture qui l’avait mise à mal lorsque nous l’avions entendue. Seul William Christie refuse de forcer les portes du drame, et l’on soupire en songeant à ce que Gardiner ou Minkowski auraient fait d’un tel plateau… »

  • Anaclase

« Créée à Aix-en-Provence en juillet 2004, reprise et captée au Palais Garnier en décembre, cette production d’Hercules est honorable à plus d’un titre. D’abord, par l’approche de Luc Bondy, lequel fut réticent à mettre en scène cet oratorio de 1745 – au livret de Thomas Broughton s’inspirant des Trachiniennes de Sophocle et des Métamorphoses d’Ovide -, puis s’est demandé « à quoi cela pourrait bien ressembler, une histoire pareille, aujourd’hui ? ». En trois actes, nous assistons aux dernières heures du célèbre demi-dieu antique, attendu par sa femme Déjanire, par son fils Hyllus, et qui revient victorieux d’Œchalie avec la princesse Iole, prisonnière dont il attend l’amour. Cette rivale supposée transforme Déjanire en instrument fatal : sa jalousie conduit le héros au néant terrestre et elle-même à la folie. Bondy livre une réflexion sur la nature du conquérant – lequel a ici rasé une ville pour une fille -, qui fait mouche sans être pesante. L’actualisation est générale, et ne met en cause aucun conflit contemporain précis qui forcerait le public à contempler, voire choisir le camp du bien ou celui du mal. La direction d’acteur, par certains gestes discrets, révèle toute sa finesse. Ensuite, cette production jouit d’une belle distribution. Le mezzo américain Joyce DiDonato est une Dejanira inoubliable ; d’un grand format, sa voix est à la fois musclée et agile, source d’un chant puissant et doux. Expressivité et nuances sont au rendez-vous, enveloppés d’une sensibilité à fleur de peau (« Cease, ruler of the day, to rise », Acte II scène 6, par exemple). Malena Ernman (qui a créé récemment le rôle-titre de Julie, l’opéra de Boesmans), incarne un Licas convaincant. Le timbre est riche, la vocalise facile, l’accentuation expressive, la couleur gérée sur toute l’étendue de la tessiture et le grave particulièrement corsé. Dix années après ses débuts, Toby Spence – Hyllus – confirme son talent, par un chant plus épicé qu’à l’ordinaire. Contrairement à ceux du jeune ténor, les graves du baryton William Shimell ne sonnent pas, mais son Hercules belliqueux est abordé avec du caractère. Seule Ingela Bohlin – Iole – déçoit par un chant assez confidentiel, au médium problématique, au jeu soporifique. Le chœur, en revanche, séduit par sa présence active et tonique.William Christie conduit un orchestre rutilant, expressif, équilibré, dynamique : à la tête des Arts Florissants, il nous régale des audaces harmoniques de Händel – ou des réminiscences de Purcell et Vivaldi, dans la scène finale des Furies – et nous surprend par l’usage, si rare chez lui, d’un orgue en basse continue. «