Callirhoé

COMPOSITEUR André Cardinal DESTOUCHES
LIBRETTISTE Pierre-Charles Roy

 

ENREGISTREMENT ÉDITION DIRECTION ÉDITEUR NOMBRE LANGUE FICHE DÉTAILLÉE
2006 2007 Hervé Niquet Glossa 2 français

Tragédie-opéra en cinq actes et un prologue, sur un livret de Pierre-Charles Roy (*), créée à l’Académie royale de musique le 27 décembre 1712.L’argument est tiré du livre VII – Achaïe de la Description de la Grèce de Pausanias (115 – 180), au chapitre consacré à la petite ville de Calydon, et avait été utilisé par Antoine de La Fosse (1654 – 1708) dans une tragédie, Corésus et Callirhoé, jouée en 1704. Le livret de Callirhoé était considéré par les contemporains comme le chef d’oeuvre de Roy. Ainsi Collé écrit : Callirhoé est un très beau poëme, très-intéressant, divinement conduit, et et édnoué avec une force et une adresse merveilleuses.(*) Pierre-Charles Roy (1683 – 1764), conseiller au Châtelet vers 1702, puis trésorier de la Chancellerie près la Cour des Aides de Clermont, auteur de livrets de tragédies et de ballets. Collé le décrit : le plus vil et le plus méprisable des hommes, et le plus désagréable dans la société…A sa bile noire et à sa poltronerie, Roy joignoit l’avarice la plus sordide…

La distribution réunissait Mlle Poussin (La Victoire) et Mlle Heuzé (Astrée) pour le prologue, Mlle Françoise Journet (*) (Callirhoé, fille de la reine de Calydon), Thévenard (Corésus, Grand-Prêtre de Bacchus), Cochereau (Agenor, Prince Calydonien), Mlle Mignier (Une Calédonienne), Mlle Heuzé (Une Bergère).(*) Destouches décrivait ainsi Mademoiselle Journet : « Mademoiselle Journet avait une figure admirable ; sa beauté était touchante ; elle avait les plus beaux yeux et les plus beaux bras du monde… Il est pourtant vrai que sa voix était médiocre quoique assez étendue ; d’un son assez fade… comme celle d’une vieille religieuse. Elle chantait d’une lenteur à désespérer les gens de bon goût ; ses cadences étaient chevrotées ; sa prononciation préciseuse, et son action … avait un apprêt qui dégoûtait infiniment les connaissseurs. »

L’oeuvre eut du succès et fut jouée régulièrement jusqu’à la mi-mars 1713, avec une reprise, le 16 mars, à l’occasion de laquelle le cinquième acte fut rendu plus dramatique. Elle donna lieu à deux éditions en partition réduite (dessus et basse) chez Ballard. Des reprises eurent lieu au théâtre du Palais Royal :

le 3 janvier 1732, avec des modifications importantes apportées au dénouement ; avec Mlle Eremans (La Victoire), Mlle Petitpas (Astrée), et Mlle Ferret (Suivante d’Astrée) pour le prologue, Mlle Pélissier (Callirhoé), Mlle Eremans (La Reine), Chassé (Corésus), Tribou (Agénor), Mlle Petitpas (Une Calydonienne) ; le Mercure galant précisa que le succès fut des plus brillants, et que l’opéra fut fort applaudi, mais un peu moins que dans sa naissance. Les ballets du Sieur Blondi (Michel Blondy) étaient variés et exécutés dans la plus grande perfection. Un pas de trois fut dansé par le sieur Dumoulin et les demoiselles Camargo et Sallé ; Camargo fut jugée brillante, et Sallé ravissante.
le 22 octobre 1743, avec Mlle Chevalier (La Victoire), Mlle Bourbonnois (Astrée), Monservin (Suivant de la Victoire) et Mlle Le Breton (Suivante d’Astrée) pour le prologue, Mlle Le Maure (Callirhoé), Mlle Chevalier (La Reine), Chassé (Corésus), Jélyotte (Agénor), Mlle Fel (Une Calydonienne).

A cette occasion, Destouches modifia la fin, l’opéra s’achevant non plus avec le mariage de Callirhoé et Agénor, mais avec la mort de Corésus demandant à Callirhoé : En mourant que ma main vous unisse ; Souvenez-vous de Corésus. Le Mercure nota simplement : Cet opéra a été reçu favroablement, et il est parfaitement exécuté. Cette nouvelle version fut éditée par Jean-Baptiste-Christophe Ballard, en version complète, mais manuscrite, ce qui en limita la diffusion.On relève également des exécutions à Lyon, en 1715, dans la salle de l’Hôtel du Gouvernement ; le 4 décembre 1721 au Grand-Théâtre de la Monnaie, à Bruxelles.Callirhoé fut exécutée régulièrement à partir d’avril 1730, à l’occasion des Concerts de la reine Marie Leszczynska à Versailles : le 28 janvier 1732, en 1734, 1735, tous les ans de 1737 à 1746 (*), puis en 1748 et 1749. (*) le 25 avril 1746 : le Prologue et l’acte II, le 27 et 30 avril : les autres actes, avec Jélyotte (Agenor), Benoit (Coresus)

Antoine Dauvergne reprit la partition en 1773, substituant au Prologue l’Ouverture qu’il avait lui-même composée en 1770 pour le Persée de Lully (représenté lors du mariage du Dauphin et de Marie-Antoinette), introduisant des instruments à vent, et ajoutant des ritournelles pour introduire les récitatifs. L’oeuvre fut ainsi reprise au Palais Royal le 9 novembre 1773, sans succès. Le Mercure de France rapporte : cette musique parut d’un style trop simple. On soutint difficilement la longueur d’un récitatif monotone, et l’on écouta sans intérêt et sans plaisir des chants qui étaient trop lents, trop unis et peut-être trop connus. A tel point que Callirhoé fut remplacée aussitôt par la continuation de L’Union de l’Amour et de l’Art, ballet héroïque d’Etienne Floquet (*) sur des paroles de Lemonnier, que les amateurs ne se lassent pas de voir et d’applaudir. En 1778, le Mercure de France rappelait qu’il avait fallu retirer l’oeuvre sur le champ en 1773, la musique n’en étant plus supportable. (*) Etienne-Joseph Floquet (1748 – 1785), originaire d’Aix-en-Provence, compositeur d’opéras ballet

79me Opé. C’est une Trag. en cinq Ac. dont les paroles sont de M. Roy, & la musi. de Destouches : elle fut représentée le 27 Décem. 1712, & est imprimée partition in-4°. Le sujet est tiré des Achaïques de Pausanias, & a été traité aussi sous le titre de CORESUS. Le Prologue est formé par la Victoire, qui déclare renoncer à son inconstance & se fixer au parti de la France ; Astrée survient qui ramene les plaisirs & annonce le retour de la Paix. Cet Opéra fut goûté, & on en fit une reprise avec des changemens, surtout dans le cinquieme Ac. le 16 Mars 1713, & ensuite deux autres en 1732 & en 1743 ; sa musette est un fort joli morceau de musique. (de Léris – Dictionnaire des Théâtres) A l’audition de sa pastorale Issé composée en 1697 par Destouches (élève de Campra), Louis XIV déclarait qu’aucune musique ne lui avait procuré autant de plaisir depuis Lully. L’Académie Royale de Musique accueille alors ses opéras. En 1712, il triomphe avec Callirhoé, tragédie lyrique qui sera reprise en 1743. Callirhoé est construite sur le modèle de la tragédie lyrique lulliste avec un prologue et cinq actes. L’excellence du livret écrit par Pierre-Charles Roy participe à son succès. Alors qu’il s’apprête à épouser Callirhoé, Corésus apprend qu’elle aime Agénor. Furieux, il demande vengeance aux dieux. Les prêtres remplissent alors la ville d’effroi et le peuple entier devient victime de sa rage. L’oracle réclame, en échange de la paix, le sang de Callirhoé. Agénor propose sa vie mais c’est finalement Corésus qui se sacrifiera. Dans cette Callirhoé, Destouches contribue à l’évolution du genre de la tragédie lyrique par son sens du théâtre et du drame. Son écriture annonce déjà très largement les oeuvres lyriques de Rameau composées vingt plus tard. Le choeur n’intervient pas seulement comme témoin du drame mais y participe. La composition orchestrale, par les couleurs et les effets des climats créés, accompagne à merveille les descriptions psychologiques des personnages de la tragédie. (Festival de Beaune) Argument Alors qu’il s’apprête à épouser Callirhoé, Corésus apprend qu’elle aime Agénor. Furieux, il demande vengeance aux dieux. Les prêtres remplissent alors la ville d’effroi et le peuple entier devient victime de sa rage. L’oracle réclame, en échange de la paix, le sang de Callirhoé. Agénor propose sa vie mais c’est finalement Corésus qui se sacrifiera. Callirhoé est construite sur le modèle de la tragédie lyrique lulliste avec un prologue et cinq actes. Alors qu’il s’apprête à épouser Callirhoé, Corésus apprend qu’elle aime Agénor. Furieux, il demande vengeance aux dieux. Les prêtres remplissent alors la ville d’effroi et le peuple entier devient victime de sa rage. L’oracle réclame, en échange de la paix, le sang de Callirhoé. Agénor propose sa vie mais c’est finalement Corésus qui se sacrifie. Dans cette Callirhoé, Destouches contribue à l’évolution du genre de la tragédie lyrique par son sens du théâtre et du drame. Le choeur n’intervient pas seulement comme témoin du drame mais y participe. La composition orchestrale, par les couleurs et les effets des climats créés, accompagne à merveille les descriptions psychologiques des personnages de la tragédie. (Présentation – Cityvox) Après une carrière ecclésiastique puis militaire, Destouches décide de se consacrer entièrement à la composition en 1696. Il suit les cours de Campra et participe à la composition de « L’Europe Galante » en 1697. A l’audition de sa pastorale « Issé » (1697), le roi aurait déclaré qu’aucune musique ne lui avaitprocuré autant de plaisir depuis Lully. L’Académie Royale de Musique accueille alors ses opéras : « Amadis de Grèce » et « Marthésie Reine des Amazones » (1699), « Omphale » (1701) et « Le Carnaval de la Folie » (1703). Destouches abandonne l’opéra, mais y revient en 1712 pour triompher avec sa « Callirhoé ». Il signe là une grande tragédie lyrique qui sera reprise jusqu’en 1743. En 1728, sa carrière est couronnée par sa nomination au poste prestigieux de directeur de l’Académie Royale de Musique. Parallèlement, il dirige les Concerts de la Reine pour Marie Leczinska de 1725 à sa mort. Callirhoé est construite sur le modèle de la tragédie lulliste avec un prologue et cinq actes. L’excellence du livret est l’une des raisons de son succès. L’histoire est forte et les contours dramatiques bien faits. Alors qu’il s’apprête à épouser Callirhoé, Corésus apprend qu’elle aime Agénor. Furieux, il demande vengeance aux Dieux. Les prêtres remplissent la ville d’effroi et le peuple entier devient la victime de sa rage. Interrogé par le ministre de Pan, l’oracle réclame, en échange dela paix, le sang de Callirhoé ou celui d’un amant qui s’offrira à sa place. Agénor propose de se donner la mort mais c’est finalement Corésus qui s’immole.Dans cette œuvre, Destouches contribue à l’évolution du genre de la tragédie lyrique par le sens du théâtre et du drame. Les récitatifs et dialogues sont d’un réalisme exceptionnel. Ils sont très émouvants grâce à une succession d’harmonies subtiles, riches en contrastes, fabriquées de retards et de dissonances. Les lignes mélodiques sont faites d’intervalles expressifs, le style est souple et chantant, proche de l’air, et même souvent de l’arioso italien. L’emploi du chœur n’intervient pas seulement comme témoin du drame, mais il y participe. Destouches offre un emploi élargi de l’orchestre pour créer un climat. L’orchestre joue un rôle dramatique par sa couleur et l’effet qu’elle peut produire dans le drame. Le caractère individuel de chaque instrument est exploité. Lorsque les personnages interviennent seuls sur scène, l’orchestre accompagne leurs descriptions psychologiques. Ces effets contrastent avec les récitatifs, soutenus par la basse continue, et contribuent à accentuer la gravité et l’intériorité de ces scènes. L’écriture de Destouches, en ce qui concerne les récitatifs, l’orchestre et la participation des chœurs et des instruments, annonce les œuvres lyriques de Rameau, composées vingt ans plus tard. C’est dire le génie de Destouches, dont le vocabulaire musical très élargi et enrichi, a offert la source principale du succès de Rameau. » (Présentation Le Concert Spirituel) Personnages : Callirhoé, princesse héritière du trône de Calydon ; la Reine de Calydon, sa mère ; Corésus, Grand-Prêtre de Bacchus ; Agénor, prince de Calydon, aimé de Callirhoé ; le Ministre de Pan ; une Princesse de Calydon ; Peuples de Calyddon, une Calydonienne, Prêtres de Bacchus, Faunes et Dryades, une Dryade, l’Oracle, Bergers et Bergères

Synopsis

Acte ILe palais des rois de Calydon, orné pour les noces de Corésus et Callirhoé(1) Seule dans son palais, Callirhoé, princesse héritière de Calydon, se lamente de voir l’aurore se lever en ce jour où elle doit épouser un homme qu’elle hait. (2) La Reine sa mère vient lui rappeler que tel est son devoir : épouser Corésus, grand-prêtre de Bacchus, car le peuple de Calydon le réclame pour roi. Hélas, Callirhoé sait ce que lui dicte l’honneur, mais sa peine est cruelle. (3) Restée seule elle ose pour la première fois s’avouer son amour pour un autre homme, le prince Agénor, qu’elle croit mort au combat. (4) Agénor justement apparaît. Il lui conte comment il a miraculeusement survécu pour finalement apprendre qu’elle en épouse un autre, et lui rappelle combien il l’aime, mais Callirhoé le renvoie, implacable et sourde à ses prières : elle est promise à Corésus. (5) Ce dernier arrive avec la Reine : Callirhoé accepte son hommage, et le peuple des Calydoniens, des Prêtres et des Prêtresses entreprend de célébrer en grande pompe les noces en chantant les louanges de l’Amour. Premier air, Menuet, Troisième air, Passepied. Corésus prend la main de Callirhoé et la mène à l’autel, et ils commencent à prononcer le serment du mariage, mais avant d’avoir pu finir, la princesse aperçoit Agénor et s’évanouit : on l’emporte inconsciente, l’assemblée se disperse.Acte IIL’avant-cour d’un palais et, dans le fond, un temple domestique(1) Agénor espère encore en l’amour de Callirhoé. (2) Quand la princesse paraît, il lui redit combien il l’aime et souffre à cause d’elle. Callirhoé a beau répéter qu’elle doit épouser Corésus, elle ne parvient plus à cacher son amour à Agénor : ils se rejoignent enfin en un poignant duo, se désespérant du plaisir que les dieux semblent prendre à leurs larmes. Se voyant ainsi aimé, Agénor se jette aux pieds de Callirhoé. (3) Ils sont alors surpris par Corésus qui, furieux de cet affront et se jugeant trahi par Callirhoé, (4) menace Agénor, et (5) exhorte les Prêtres sacrificateurs de Bacchus arrivés à sa suite à le venger, et à venger le dieu offensé en même temps que lui ! Premier et deuxième airs des Sacrificateurs. Corésus veut un peuple entier pour victime à sa rage. Les prêtres forment des danses furieuses et, obéissant à ses ordres, s’arment de flambeaux et vont mettre le feu dans Calydon tout entier.Acte IIIUne forêt et le temple rustique du dieu Pan(1) Voyant son peuple ravagé par la fureur de Corésus, la Reine a conduit Callirhoé jusqu’au temple de Pan, «le dieu qu’adorent les forêts », afin d’en consulter l’Oracle. (2) Callirhoé tente de calmer le courroux de Corésus : en vain, il la tient pour fautive et s’estime puni plus que vengé. (3) Vient le moment de consulter l’Oracle. (4) La forêt s’ouvre et laisse voir des Satyres, des Dryades et des joueurs de flûtes qui célèbrent le dieu Pan. Le Ministre de Pan interpelle enfin son dieu. Premier et deuxième airs des Faunes. L’Oracle rend sa sentence terrible : le sang de Callirhoé doit couler, «ou celui d’un amant qui s’offrira pour elle ».Costume de Dryade - Louis-René Boquet - 1765Acte IVUne plaine bordée de côteaux fleuris(1) Callirhoé, fixée sur son sort, s’abandonne au désespoir. (2) Pour ajouter à son tourment, Agénor la rejoint, qui croit l’Oracle favorable et pense reconquérir sa princesse. Apprenant que c’est d’elle dont les dieux ont demandé la mort, il jure, furieux, de tuer Corésus pour se venger, plutôt que de laisser s’accomplir un tel sacrifice. Callirhoé, pourtant résignée à mourir, tremble maintenant pour Agénor, mais laisse les Bergers et Bergères des environs (3), ignorant eux aussi les paroles de l’Oracle, lui rendre hommage dans le plus tendre des divertissements. Premier air des Bergers, Bourrée, Troisième air. (4) La Reine cependant intervient, révoltée, tandis qu’apprenant la sentence, le Peuple de Calydon proteste et clame qu’il affrontera la colère des dieux plutôt que de perdre sa princesse ! (5) Agénor se joint à eux : si quelqu’un doit périr sur l’autel, c’est lui-même qui mourra à la place de Callirhoé.Acte VActe V scène 3 - 1718Le temple de Bacchus, orné pour le sacrifice de la victime humaine(1) Corésus, seul dans son temple, connaît lui aussi les affres du dilemme : s’il sacrifie son rival, il n’en sera que plus haï de Callirhoé, et Agénor n’en sera que plus aimé. (2) Callirhoé arrive, pleine de reproches : immoler Agénor serait la pire des cruautés, c’est elle qu’il doit sacrifier ! (3) Agénor et Callirhoé ont beau protester et se précipiter l’un comme l’autre vers l’autel, Corésus tire le fer sacré, se frappe et meurt… Il s’immole lui-même. L’oeuvre s’achève sur les derniers mots qu’il adresse aux amants : « En mourant que ma main vous unisse. Souvenez-vous de Corésus ».

(livret Opéra de Montpellier)

Corésus se sacrifiant pour sauver Callirhoé - Fragonard - 1765

Livret disponible sur livretsbaroques.fr

 

Classique.news

http://www.classiquenews.com/ecouter/lire_article.aspx?article=764&identifiant=2007118RZDCO16IVNWTN8GG6RYSQGW9Q

Représentations :

Montpellier – Opéra Comédie – 31 janvier, 2, 5 février 2006 verssion de 1743 – Le Concert Spirituel – dir. Hervé Niquet – mise en scène René Koering – décors et vidéo René Koering, Jérôme Bosc, Virgile Koering – costumes Giusti Giustino – lumières Patrick Méeüs – chef des chœurs Noëlle Geny – avec Stéphanie d’Oustrac (Callirhoé), Cyril Auvity (Agénor), Joao Fernandes (Corésus), Ingrid Perruche (La Reine), Renaud Delaigue (Le Ministre), Stéphanie Révidat (une Princesse de Calydon, une Bergère)

Cyril Auvity et Stéphanie d'OustracStéphanie d'Oustrac

Le Monde de la Musique – mars 2006 – Tragique à la Comédie – 31 janvier 2006

« Callirhoé est une tragédie lyrique dont l’intrigue est un modèle de simplicité: la princesse Callirhoé aime Agénor et en est aimée. Sa mère, la Reine, la destine à Corésus, Grand Prêtre et ordonnateur des sacri­fices. Corésus surprend les deux amants et déchaîne sur la ville de Calydon sa colère vengeresse. Pour rétablir la paix, l’oracle de Pan demande le sang de la princesse ou de l’un de ses deux amants. Callirhoé se propose, Agénor veut prendre sa place et Corésus se suicide, mettant fin à la querelle d’amoureux.L’oeuvre est un peu frustrante. Ses faibles qualités sont encore appauvries par la mise en scène de René Koering. Si elle regorge d’idées plus ou moins bonnes, celle-ci ne prend jamais le temps d’en exploiter une seule jusqu’au bout. Le Concert spirituel déçoit lui aussi. Hervé Niquet insuffle une telle énergie à la partition que la musique finit par s’asphyxier. On aimerait des phrasés plus aérés, une basse continue plus calme, s’engageant avec plus d’emphase dans le drame.Le plaisir vient alors des chanteurs : Stéphanie d’Oustrac en Callirhoé se prête avec bonheur au jeu de l’opéra français, la voix profonde de Joào Fernandes donne du diabolique à Corésus et Ingrid Perruche donne corps, colère et souffrance à la Reine. »

Opéra Magazine – mars 2006 – 31 janvier 2006

« Hervé Niquet explique, dans le programme de salle, pourquoi il a choisi Callirhoé pour inaugurer la résidence de son Concert Spirituel à l’Opéra National de Montpellier : « Du théâtre en musique, une épure violente, voilà ce que je cherchais » On ne le remerciera jamais assez — ainsi que l’Opéra lui-même et son surintendant René Koering — de leur choix, tant cette partition nous a impressionnés. Nous n’étions pas au Festival de Beaune lors de sa résurrection en juillet 2005, dans le cadre d’un concert redonné àVersailles en décembre. Mais nous doutons qu’elle ait produit alors autant d’effet une tragédie lyrique, surtout aussi forte sur le plan dramatique, a besoin de la scène pour s’exprimer.Quand il propose Callirhoé à l’Académie Royale de Musique, en 1712, André Cardinal Destouches (1672-1749) se plie aux règles du genre un prologue allégorique, cinq actes, des danses, tout en réduisant le nombre des personnages pour se concentrer sur le drame des trois principaux (Callirhoé et ses deux prétendants, le prince Agénor qu’elle aime et dont elle est aimée, et le grand prêtre Corésus qui se sacrifie par amour pour elle). En 1743, il révise sa partition, supprime le divertissement final de tradition et conclut sur un récitatif aussi bref que saisissant : Corésus se poignarde, unit de sa main Agénor et Callirhoé, et expire en demandant aux amants de se souvenir de lui. L’orchestre se tait. Le noir se fait. Prodigieux!Pour resserrer la tragédie encore davantage, Hervé Niquet et René Koering n’ont pas hésité à couper le prologue à la gloire du roi de France et certaines danses, parvenant ainsi à un spectacle d’à peine deux heures, entracte compris. Comme souvent en pareil cas, le théâtre y gagne ce que l’authenticité musicologique y perd, vaste débat dans lequel nous n’entrerons pas ici. Ce qui reste, c’est un texte simple mais fort, écrit dans une belle langue (Pierre-Charles Roy), et une musique d’une formidable puissance expressive. Les récitatifs occupent une place prépondérante, mais ils sont orchestrés avec une telle variété que le spectateur ne ressent aucune impression de lassitude ou d’ennui. Les choeurs sont impressionnants et les airs parcourent une gamme d’émotions stupéfiante, avec une mention pour ceux d’Agénor et de Corésus à l’acte II, à l’instrumentation particulièrement audacieuse.La direction d’Hervé Niquet exacerbe le climat de tragédie par ses attaques nerveuses et ses accents fortement marqués. Faut-il lui reprocher de se montrer un peu avare de souplesse et de nuances ? Son parti pris colle admirablement au propos dramaturgique du compositeur, et à celui du metteur en scène.René Koering a en effet choisi d’aller à l’essentiel peu d’éléments de décor, quelques projections abstraites à l’arrière-plan, une direction d’acteurs sans raffinements superflus… tout concourt à accélérer le drame et à précipiter sa conclusion, dans une esthétique composite empruntant aussi bien au Japon médiéval qu’au Grand Siècle et à la science-fiction (les longs sabres rouges phosphorescents des moines-soldats entourant Corésus, le trône étincelant et aux formes bizarres du grand prêtre).La distribution est à la fois jeune et homogène, jusque dans les personnages secondaires : Ingrid Perruche, Renaud Delaigue et Stéphanie Revidat tirent le meilleur parti de leurs brèves interventions. Stéphanie d’Oustrac déploie son timbre superbe et sa sensibilité infaillible dans le rôle-titre, au point de nous faire oublier une diction pas toujours compréhensible. Joao Fernandes, dans une tessiture convenant idéalement à ses moyens de baryton-basse, confère un bouleversant relief aux tourments de Corésus. Cyril Auvity enfin, éblouit par sa science du chant, la précision de ses attaques, la clarté de son élocution et, surtout, la couleur très particulière de son timbre, typique du ténor haute-contre dont raffolaient les compositeurs d’opéras français au XVIIIe siècle. La France, qui a laissé disparaître des pans entiers de son école de chant, semble au moins avoir retrouve cette tradition-là. »

Diapason – mars 2006 – Souvenez-vous de Corésus – 31 janvier 2006

« 1712. Destouches donne la première de sa nouvelle tragédie lyrique, variations en cinq actes sur des amours contrariées. Le grand prêtre Corésus doit s’unir à la princesse Callirhoé qui lui préfère le bel Agénor. Péripéties en rafale, on s’aime, on se déchire. Callirhoé consulte l’Oracle : son sang devra couler pour sauver son peuple, « ou celui d’un amant qui s’offrira pour elle ». Ce sera finalement Corésus, généreux et lucide. Happy end avec mariage et divertissement de circonstance, beau succès à l’Académie royale.1743. Comment faire aimer la tragédie lyrique à un public de moins en moins sensible au genre et à ses conventions ? Jouer la carte du grand spectacle ? Attendrir le drame ? Surtout pas ! Destouches élaague, concentre l’action de CaIlirhoé. Il ose même un coup de génie : le rideau tombe sur le suicide de Corésus entouré des deux amants : « De vos malheurs, des miens, je termine le cours. Vous pleurez, se peut-il que ce coeur s’attendrisse ? Approchez : en mourant que ma main vous unisse. Souvenez-vous de Corésus. » Alexandrin suspendu au-dessus de l’abîme, quintessence de la tragédie. Happy end, encore, mais la gorge nouée.2005. A Beaune, Hervé Niquet et son Concert Spirituel exhument Callirhoé en version de concert et suppriment le Prologue. L’Ouverture «guerrière » détone, enchaînée à la plainte qui ouvre le premier acte, mais la distribution est superbe et le public reconnaît un chef-d’oeuvre : triomphe.2006. Pour inaugurer sa résidence à l’Opéra de Montpellier, le Concert Spirituel emporte dans ses bagages la partition de Destouches. D’un surintendant à l’autre, René Koering prend en charge la mise en scène et les décors, entre stylisation japonisante revue et corrigée façon Star Wars (les coiffures, les robes, l’apothéose-harakiri, les panneaux coulissants) et revival disco (lumières fractionnées du plus bel effet pour l’imprécation infernale du II, bottes argentées et semelles compensées). Curieux mais pas désagréable — à l’exception des projections vidéo, franchement mauvaises. Comme à Beaune, Cyril Auvity déclame un Agénor ardent. Alain Buet a cédé sa place à Joâo Fernandes, Corésus troublant, et Blandine Staskiewicz à Stéphanie d’Oustrac, Callirhoé à fleur de peau mais moins noble, toujours agitée — et moins libre vocalement.En bientôt trois siècles, l’oeuvre n’a pas cessé de « réduire ». Près de trois heures en 1712, la moitié aujourd’hui, qui dit mieux ? Elektra ? Salomé ? Justement, la fin est encore trop happy au goût de René Koering, pas assez Atrides : « J’aime à penser que Destouches m’a laissé le soin de conclure autrement cette tragédie. » Ah… Et voilà Callirhoé si touchée par le sacrifice de Corésus qu’elle s’en éprend post mortem et renonce à Agénor ! Prétexte à une jolie image, puits de lumière glacée sur le héros solitaire, la licence de Koering neutralise le trait de génie de Destouches, si ambigu, si dérangeant, qui scellait en un seul geste l’horreur (du suicide) et la satisfaction (le mariage). A la place, une fin conventionnelle : noir c’est noir, t’échappes pas à ton destin… On connaît la chanson.La battue de Niquet fait écho à cette lecture efficace et univoque, son clavecin pétarade sous les récitatifs, et finalement, son énergie farouche frôle plusieurs fois ce qu’elle fuit, la monotonie. Mais l’orchestre, décidément somptueux depuis qu’Alice Piérot mène les violons, lui apporte une vraie subtilité (seule réserve pour les flûtes, raides, et les bassons, tonitruants), et chacun quitte la salle convaincu d’avoir découvert un chef-d’oeuvre. Le disque suivra (chez Glossa), d’autres révélations aussi, toujours à Montpellier. »

Classica – mars 2006 – 31 janvier 2006

« René Koering et Hervé Niquet ont fait choix de la Callirhoé de Destouches, révélée au Festival de Beaune en 2005. Comment rendre aujourd’hui séduisante la si codifiée tragédie lyrique française? Le parti adopté est ici radical : couper! Exit prologue, danses et divertissement. La nudité des récitatifs et le resserrement de l’action en deux fois 45 minutes cherchent à densifier une intrigue qui n’a plus, comparée à Lully ou Marais, le baroquisme du théâtre dans le théâtre.Le drame de la jalousie entre l’épouse, l’époux et l’amant trouve dans le superbe plateau — Stéphanie d’Oustrac, Cyril Auvity, Joao Femandes — des interprètes à la mesure de leur histoire avide de sacrifices humains et de suicide. Mais les costumes saugrenus, hésitant entre les derniers épisodes de Star Wars et un Japon de carte postale, ne peuvent faire oublier l’indigence du travail scénique. Alors remercions les coupes effectuées dans la partition : elles ont évité à Callirhoé l’écueil d’un complet ridicule. »

Res Musica – 2 février 2006 – Callirhoé sans émotion

 » Le sujet de Callirhoé provient des Archaïques de Pausanias. Callirhoé est la fille de la reine de Calydon. Elle aime Agénor, qu’elle croit mort au combat et se prépare à épouser Corésus, grand-prêtre de Bacchus. Mais Agénor est de retour. Callirhoé veut tout de même accomplir son devoir mais s’évanouit au cours de la cérémonie du mariage, lorsqu’elle aperçoit son amant. Lorsque Corésus démasque les amants il fait mettre la ville à feu et à sang. La reine consulte l’oracle pour savoir comment rétablir la paix. La paix ne pourra revenir qu’au prix du sang de Callirhoé ou de celui d’un amant qui s’offrira à sa place. Agénor et Callirhoé veulent mourir, chacun pour sauver l’autre. Voyant cela c’est Corésus qui s’immole. C’est Hervé Niquet qui a exhumé la pièce et l’a jouée l’an dernier à Beaune, puis à Versailles, en version de concert. On apprécie son choix de reprendre la version de 1743 (et non celle de 1712). En effet, Destouches avait alors retouché sa pièce en supprimant des couplets et des airs, en écourtant les récitatifs pour éviter des longueurs. Enfin, il avait retravaillé les enchaînements harmoniques afin d’obtenir cette plus grande harmonie tonale qu’aime cette période, dans l’esprit de Rameau. Hervé Niquet ne joue pas le prologue ni les danses des intermèdes et opère encore quelques coupes mais sans sacrifier la compréhension ni l’enchaînement logique des scènes. Il s’agit donc d’un beau travail de réhabilitation d’une pièce de premier intérêt par le Concert Spirituel, qui a permis ces dernières années de redécouvrir des partitions peu connues de Desmarets, Charpentier et de nombreuses autres œuvres baroques. Le livret se démarque de ceux par trop conventionnels et mièvres de nombreuses œuvres de cette période, le traitement de l’intrigue est alerte et la fin très efficace sur le plan théâtral. Malgré des attaques pas toujours très homogènes, l’orchestre n’a plus à faire la preuve de sa maîtrise des instruments anciens, on remarque en particulier le théorbe de Bruno Helstroffer ou le clavecin, avec Elisabeth Geiger en continuo et Hervé Niquet lorsqu’il ne dirige pas. Egalement remarquables étaient les instruments à vent, en particulier lorsqu’ils viennent souligner le monologue de Callirhoé à l’acte IV. La distribution est un peu différente de celle du Festival de Beaune. Stéphanie d’Oustrac reprend le rôle de Callirhoé, Cyril Auvity reste Agénor et João Fernandes passe du rôle du ministre à celui de Corésus. Stéphanie d’Oustrac s’affirme dans une tessiture pourtant difficile, avec en particulier ses monologues « O nuit témoin de mes soupirs secrets » et « Coulez mes pleurs » où se manifestent sa très belle diction et sa puissance d’émission – même si on a pu préférer la jeune chanteuse en Phèdre, en Didon ou en Périchole. Comme dans la recréation en version de concert, Cyril Auvity se sort admirablement d’un rôle aigu et offre un très beau « Espoir, revenez dans mon âme ». João Fernandes est un très solide Corésus, au phrasé de baryton clair et élégant, tout au long de la soirée. Il triomphe à la plupart de ses apparitions, citons seulement la scène de sa vengeance ou la scène finale qu’il conclut presque a capella. Les chœurs, gâtés par Destouches, sont très bons. Et c’est Stéphanie Revidat qui offre un des plus jolis moments de la soirée, avec ses deux petits rôles de Princesse de Calydon et de bergère. Sa voix peut-être moins puissante que l’ensemble des chanteurs, mais se dégage par sa fraîcheur, la subtilité avec laquelle elle chante chaque note. Son timbre chaud et doux apporte un peu de paix parmi une mise en scène glauque et violente. Elle pousse le tour de force jusqu’à parvenir à être la seule de la distribution à ne pas être affublée de costumes ridicules ! Car on en vient à se demander s’il était bien nécessaire de monter l’opéra après sa version de concert. La mise en scène, pseudo-intellectuelle, affirme vouloir retrouver « une certaine dignité ». On se demande laquelle. La violence le dispute à la bêtise. La fureur de Corésus est illustrée (quel didactisme ! au moins le spectateur aura bien compris…) lorsqu’il lacère une femme sous les éclairs des stroboscopes (oui, on pense à une chanson mais ce n’est pas un air d’opéra mais de la variété des années 90). Les costumes hésitent entre Tigre et Dragon (pour ne pas dire Bioman) et Star Wars : mais pourquoi les prêtres de Corésus ressemblent-ils à Dark Maul ? Callirhoé à Padmé Amidala ? et que dire du pauvre Agénor, avec ses habits fluos de samouraï et ses semelles compensées ? Cette mise en scène confère à l’œuvre une désespérante froideur. Froideur que peine à conjurer la scène champêtre du quatrième acte. On attend donc plutôt l’enregistrement et la suite du programme baroque concocté par Hervé Niquet. »

Les Echos – 2 février 2006

« L’équilibre de la distribution, son souci d’une déclamation élégante et sans emphase, contribuent à la réussite de la soirée. La tessiture du rôle-titre semble un peu haute pour Stéphanie d’Oustrac, mais la musicienne est merveilleuse, et son timbre charnu et émouvant. Joao Fernandes parcourt avec noblesse la gamme de sentiments qui agitent Corésus, de la fureur au sacrifice. Cyril Auvity met au service d’Agénor la franchise de son émission, la clarté de sa voix de vrai ténor aigu, la projection des mots allant de pair avec la distinction de sa ligne vocale. Plus restreintes, les interventions d’Ingrid Perruche (La Reine), Renaud Delaigue (Le ministre de Pan) et Stéphanie Révidat (Une Princesse/Une Bergère) n’en sont pas moins pertinentes. Très droite et vigoureuse, la direction de Niquet pourrait être plus nuancée et variée ; mais son orchestre sonne fièrement.Metteur en scène et décorateur (avec Jérôme Bosc et Virgile Koering), René Koering a pris le parti de supprimer le prologue, outil de propagande royale, et de couper dans les danses. Dans une scénographie qui use discrètement de la vidéo, et des costumes fantaisistes (Giusti Giustino) qui se souviennent de « La Guerre des étoiles », il signe un spectacle qui n’a d’autre prétention que de servir cette « tragédie en musique » aux accents étreignants. »

Beaune – Basilique – 23e Festival d’Opéra Baroque – 9 juillet 2005 – Versailles – 13 décembre 2005 – Arsenal de Metz – 11 février 2006 – en version de concert – version de 1743 – Le Concert Spirituel – dir. Hervé Niquet – avec Blandine Staskiewiecz (Callirhoé), Ingrid Perruche (La Reine), Cyril Auvity (Agenor), Alain Buet (Corésus), Joao Fernandes (Le Ministre) – Edition du Centre de Musique Baroque de Versailles

 

La Libre Belgique

« Hervé Niquet rend vie à un opéra d’André-C. Destouches oublié depuis 1773. Livret dense et poignant, où l’homme et le «deus ex machina» inversent les rôles. Troupes du Concert Spirituel chauffées à blanc, distribution convaincante.Chaque année, sous l’impulsion d’Anne Blanchard, la passionnée, la découverte est au rendez-vous du Festival International d’Opéra Baroque de Beaune. Découverte de répertoire, découverte d’interprètes: la «Callirhoé» d’André-Cardinal Destouches (1672-1749), dans la «recréation mondiale» qui en fut donnée samedi dernier, s’inscrit dans la meilleure veine du genre. On s’explique difficilement qu’un opéra au livret si bien tourné et à la musique aussi dense, soit tombé dans l’oubli total depuis 1773 mais, si l’on songe que l’oeuvre fut créée à la cour de Louis XV en 1712, qu’elle fut remaniée par son auteur en 1743, et donnée encore trente ans, notamment dans une version revue par Antoine Dauvergne, on observe déjà là les signes d’une longévité exceptionnelle.Une course à l’abîme… Composé sur le livret dense et visionnaire de Pierre-Charles Roy, l’opéra entre dans les passions croisées de trois personnages: la princesse Callirhoé, son fiancé, Coresus, et Agenor, l’homme qu’elle aime et dont elle se sait aimée. A la veille des noces, Callirhoé et Agenor sont surpris par Coresus qui fait éclater sa colère et en appelle aux dieux : Callirhoé devra payer de sa vie le salut de la cité. Agenor se propose en victime expiatoire, Callirhoé s’en défend. Contre toute attente, c’est Coresus lui-même qui se sacrifiera. Selon un processus inexorable et tragique, un opéra ouvert sur une apologie du Roy, et rythmé par les ballets et les divertissements, prendra fin sur un cri d’amour, de souffrance et de pardon, quasi a cappella, un cri si humain, si dépouillé, qu’on en reste pantois et tout bouleversé.Aucun répit – Pour cause d’intempérie, la représentation de samedi avait migré de la cour des célèbres Hospices à la Basilique voisine, modifiant donc les conditions d’écoute. Mais il ne fait pas de doute qu’à la tête de ses troupes du Concert Spirituel, Hervé Niquet avait opté pour une version essentiellement dynamique et «agogique», zappant même, pour arriver plus vite au but ?, tout le prologue et ses fastes conventionnels (une habitude chez lui). Après la sinfonia d’ouverture – au départ chaotique -, ce fut l’entrée directe dans les affres de Callirhoé : une complainte lunaire et désolée après laquelle il ne sera laissé à l’auditeur aucun répit… La force de Niquet est d’instaurer et de maintenir la tension dramatique d’un bout à l’autre de l’opéra (écourté toutefois…), le prix payé étant le désordre des attaques, les flottements planant à chaque changement d’allure et quelques disparités rythmiques entre les solistes et l’orchestre – la tragédie lyrique, calquée sur l’expression orale parlée, étant comme on sait très complexe à cet égard. Enfin, et on en restera là pour les réserves, le choeur, piégé par des tempos effrénés, était peu compréhensible : sans importance pour les aimables pastorales (survenant au beau milieu du thriller…), plus gênant lorsqu’il lui revient d’énoncer la sentence de l’oracle.Elaborée en étroite collaboration avec le festival, la distribution était pratiquement idéale, réunissant cinq chanteurs en perceptible complicité, dont deux issus du fameux «Jardin des Voix», la super master classe baroque de William Christie, grand ami du festival : dans le rôle-titre, la jeune mezzo française Blandine Stakiewicz, également lauréate du Concours de Chimay, apporta à Callirhoé ses qualités de noblesse et de sensibilité, portées par un timbre chaud et lumineux, une excellente justesse et une diction parfaite (on rêverait d’un peu plus de liberté mais la version concert est peu porteuse); l’autre ancien du «Jardin» étant la jeune basse portugaise Joao Fernandes, dont la courte intervention en Ministre de Pan lui valut une ovation du public !Enregistrement – Exemple rare de la voix de haute contre «à la française», le Lillois Cyril Auvity offrit du rôle d’Agénor une version toute de naturel, de feu et de jeunesse, allure et personnalité en rapport, un artiste à suivre de près. Dans le rôle de la Reine de Calydon, mère de Callirhoé, la soprano Ingrid Perruche était en marge de ses possibilités, trop jeune pour le personnage et piégée par une tessiture mixte, peu caractérisée, sauf vers la fin… Alain Buet, enfin, héros tragique de toute l’affaire, nous a totalement convaincu par une présence dramatique à couper le souffle, un talent musical relevant de l’évidence, et une maîtrise vocale attestée dans un deuxième acte d’anthologie, là où explose la colère de l’amoureux trahi, apocalypse musicale avec laquelle seul Rameau pourra rivaliser. »

Paris – Salle Taitbout – 57 rue Taitbout – 2 mars 1875 – Concert Jules Danbé – extraits – réorchestration Paul Lacôme – avec Lucien Fugère
La Chronique musicale

« En lisant sur l’affiche du concert du 2 mars : « Callirhoé , opéra de Destouches, orchestré d’après les indications originales, par P. Lacome », j’avoue que j’ai tremblé, car je me suis dit : « De refaire l’orchestre d’un ancien compositeur à refaire ses chants, il n’y a qu’un pas. Et en refaisant, ou plutôt en défaisant ses mélodies, la pente est rapide depuis le retranchement de quelques ornements surannés jusqu’aux abominations qu’Adolphe Adam a commises dans le Déserteur , où le rôle d’Alexis, écrit pour basse, a été transformé en ténor, et celui de Jean Louis, le père, de haute-contre qu’il était primitivement, est sorti basse des mains du profane arrangeur. J’ai hâte de dire que ces craintes se sont promptement dissipées, car M. Lacome a retouché l’orchestre de Destouches ou plutôt de Lalande, puisque Destouches, brave officier, ne savait pas instrumenter une partition avec une grande sobriété et beaucoup de tact et d’intelligence : et, en effet, si tant est qu’on éprouve le besoin de faire entendre de la musique d’un autre âge, il faut la faire entendre telle qu’elle est, ou la laisser de côté. Mais j’aurais deux reproches plus graves à adresser à M. Lacome. Pourquoi nous avoir privés de l’ouverture, qui, à la lecture, semble devoir produire de l’effet ? Et pourquoi avoir fait un acte postiche, en prenant des morceaux de cet opéra à droite et à gauche, au lieu d’avoir donné un acte complet, deux actes même, s’il était nécessaire, mais intègres, et qui permissent de juger du talent lyrique de Destouches, sous le rapport de la gradation théâtrale ? Quoiqu’il en soit, des fragments de Callirhoe ont été chantés et joués en costumes, dans l’intention de donner au public de 1875 l’idée de ce qu’était l’école de musique française en 1712, c’est-à-dire pendant l’intervalle de quarante ans qui sépare la mort de Lully de l’avènement de Rameau, triste et terne crépuscule que Campra seul a de temps en temps faiblement illuminé : et le ministère s’est assez intéressé, dit-on, à cette exhumation pour en faire tous les frais d’exécution et de mise en scène. Rien de mieux. Examinons donc Callirhoe. J’éprouve ici un certain embarras. Pour juger si une musique qui sort absolument de nos habitudes est bonne ou mauvaise, la première et la plus indispensable de toutes les conditions est qu’elle soit bien interprétée. Or, j’en appelle à tout ce public, nombreux autant que le pouvait comporter la charmante et coquette salle Taitbout, et exclusivement composé d’artistes, d’amateurs et de journalistes, l’exécution de Callirhoé a-t-elle été bonne? M. Fugère, à qui je ne conteste ni un joli timbre de voix, ni une méthode bien appropriée à l’opérette, comme il en a fait preuve dans les Idées de M. Pampelune , a-t-il l’ampleur d’organe suffisante pour un rôle de tyran, dans un ancien grand opéra, dont les traditions sont perdues, et où une basse très puissante est d’une absolue nécessité? Un soprano qui, depuis la première note jusqu’à la dernière, n’offre au public qu’un chevrotement mais un chevrotement de première classe, est-il en état de faire comprendre les beautés de ces chants extrêmement soutenus et de cette pure et large surtout quand ses notes du médium sont d’une faiblesse désespérante, notes dont les anciens compositeurs de l’École française se servaient précisément beaucoup? Enfin, une quinzaine de choristes peuvent-ils rendre l’effet d’un peuple entier? L’orchestre seul a été ce qu’il fallait pour un opéra qui date de cent soixante-trois ans, probablement même bien meilleur et jouant plus juste que celui du temps. Arrivons à la musique. L’hymne à la nuit qui commence l’opéra doit faire de l’effet s’il est bien chanté, avec une voix très posée, et, par dessus tout, s’il est bien prononcé, trois conditions qui lui ont manqué l’autre soir. Le chœur qui, d’après l’arrangement de M. Lacome, précède l’hymne, est assez mélodieux, mais trop court et sans aucun développement, comme le sont du reste tous les morceaux antérieurs à Rameau. La marche qui annonce l’entrée de Corésus est belle, quoiqu’il faille s’habituer à l’effet de ces accords dont la tierce est supprimée, et qui ne contiennent que la fondamentale et la quinte. Aujourd’hui ce genre de sonorité paraît étrange et cru. La scène de l’hymen est d’une grande et noble déclamation. Le passage où les voix se réunissent sur les paroles « Sur cet autel », est véritablement beau, et si cette scène eût été chantée par M. Gailhard et madame Gueymard ou madame Sass, elle aurait produit beaucoup d’effet; mais aussi c’est à mon avis le seul morceau, dans tout ce que M. Lacome nous a donné de Callirhoé, qui sorte positivement de l’ordinaire. L’instrumentation, où la flûte et les hautbois dominent constamment, est somnolente. Le récitatif, que la basse continue accompagne sans relâche, est d’un effet fatigant. Maintenant, Callirhoé est-il un mauvais opéra, et l’admiration que M. Lacome professe pour Destouches est-elle déplacée? Je suis loin de me permettre de le dire, car cet essai informe de reprise ne prouve rien et ne conclut à rien. L’orchestre de M. Danbé est excellent: la salle Taitbout, quoique trop petite, est commode et agréable. Il faudrait donc, pour juger cette musique, une seconde représentation où deux artistes de premier ordre remplissent les rôles de Callirhoé et de Corésus, et où les choeurs fussent convenablement renforcés. Jusque-là, la partie n’est ni perdue, ni gagnée. »