Il Romolo E’l Remo (Romulus et Rémus)

IL ROMOLO E’L REMO
Romulus et Rémus

Il Romolo e'l Remo - livret - 1645

COMPOSITEUR Francesco CAVALLI
LIBRETTISTE Giulio Strozzi

 

Drama en un prologue et trois actes, sur un livret de Giulio Strozzi, représenté au SS. Giovanni e Paolo, en 1645.

Giulio Strozzi

Le livret est dédié par Strozzi à Romolo Romoli, Gentilhomme florentin, et daté du 5 février 1645. Il fut publié à Venise par Gio. Battista Surian en 1645.

L’ouvrage est attribué à Cavalli par Livio Niso Galvani dans son I Teatri Musicali di Venezia, mais cette attribution est mise en question.

La musique est perdue.

 

Personnages : Enea (Énée), la Fama (la Renommée), Iride (Iris) (Prologue) ; Venere (Vénus), Marte (Mars), Mercurio (Mercure), tous trois habillés en malandrins ; Amore (Amour) ; Lupa (Louve), épouse de Faustolo, nourrice de Romolo et Remo ; Faustolo, berger du roi, époux de Lupa ; les Trois Grâces, servantes de Venere ; les Joies, compagnes des Grâces, la Diurne et et la Nocturne ; Romolo capo bandito (Romulus) chef de bandits ; Flora, fille unique du roi Amulio ; Amulio (Amulius), roi d’Albe en Latium ; Ilia, fille de Numitore, mère de Romolo et Remo (*) ; Procindo, du sang d’Énée ; Giunone (Junon) ; il Sole (le Soleil) ; ballet des Génies des Sept Collines latines ; Numitore (Numitor), roi déposé par son frère Amulio ; un vieux courtisan d’Amulio ; Oro (l’Or) ; Terra (la Terre) ; Gardiens des cachots ; Remo (Rémus), frère de Romolo ; Castaldetta de gli Horti di Numitore (Intendante des jardins de Numitore) ; Ballo dei sei Matrone albane (Ballet des six Dames d’Albe).

(*) la mère de Romulus et Rémus, fille de Numitor, est plus souvent nommée Rhéa Silvia

La scène se passe à Albe et autour d’Albe, cité du Latium.

La scène 13 de l’acte I et la scène 14 de l’acte II comportent un ballet : Ballo rusticale di Sette Genij di sette Colli Latini vestiti da segato

 

Argomento (par Giulio Strozzi) (1)

Amulius spolia frauduleusement du royaume d’Albe son frère Numitor en persuadant le peuple qu’il en était indigne, attendu que sa fille et héritière Ilia s’était trouvée enceinte des œuvres d’un inconnu, et avait mis au monde Romulus et Rémus, non seulement jumeaux, mais totalement ressemblants durant toute leur vie ; de cette ressemblance naissent toutes les péripéties de ce drame.

Les fils d’Ilia, par ordre du tyran Amulius, furent exposés au Tibre ; ils y furent retrouvés par le berger du roi Faustulus, sous une louve peu sauvage qui les allaitait ; il les porta à sa femme, qui était appelée Lupa en raison de son inconduite.

Les jumeaux grandissent et progressent en valeur ; la cabane de Faustulus étant dépourvue de tous les arts civils et militaires, ils vont en chercher ailleurs.

S’ensuit une rixe entre les hommes de Numitor et ceux du roi Amulius ; Romulus, qui y participait par hasard, comme il était passé maître aux armes, tue un serviteur de Numitor ; c’est Rémus qui est emprisonné pour ce crime dont on le croit coupable, les serviteurs étant induits en erreur par la grande ressemblance des jumeaux. Amulius, pour se réconcilier quelque peu avec Numitor, lequel restait fort aigri, lui livre Rémus pour qu’il le punisse comme il l’entend.

Ici commence le drame.

Numitor, interrogeant Rémus, le trouve d’un esprit élevé et d’une haute intelligence ; arrivent Faustulus et Lupa, qui, effrayés, venaient révéler l’erreur commise par les serviteurs, erreur née de la ressemblance. Numitor apprend où et comment ont été trouvés les jumeaux ; en regardant de près leurs langes et certaines marques sur leur berceau, il comprend qu’il s’agit de ses petits-fils Romulus et Rémus, fils d’Ilia ; celle-ci est encore vivante grâce à l’intercession de Flora, fille unique d’Amulius, laquelle, l’aimant tendrement, n’avait pas laissé le roi la faire mettre à mort.

Entre temps, Romulus ayant appris l’injuste emprisonnement de son frère, s’était mis en route avec l’aide de Procindus, prince issu du sang d’Énée et amoureux de Flora, mais peu estimé du roi Amulius, pour tenter de prendre par surprise la cité d’Albe, en vue de laquelle prise Vénus, se faisant passer pour une guerrière errante qui, née en France, se faisait alors appeler la Demoiselle de la Beauté ‘ Vénus, dis-je, était accourue à l’aide de Romulus, son beau-fils, avec Mars et Mercure, pris pour des brigands, parce que c’est par ce biais que devait commencer la fondation de Rome, chose très désirée de ces dieux, mais contrariée par Junon et par le Soleil, qui prévoyaient que les royaumes d’Afrique et d’Orient deviendraient sujets de Rome.

S’ensuit la prise d’Albe au moment où Amulius, ayant appris la découverte des jumeaux, avait envoyé du poison à leur mère Ilia.

Le traître Procindus reste mort dans la mêlée, et le tyran Amulius, blessé par Romulus, meurt également. Romulus, qui a fait de Flora sa prisonnière de guerre, veut la mettre à mort. Mais Ilia, qui avait conservé la vie sauve grâce à Flora, lui demande à plusieurs reprises de la lui donner ; Romulus lui ayant opposé un ferme refus au nom de la raison d’État, Ilia recourt à l’aide de Rémus ; le gardien de la prison, trompé par cette ressemblance qui abusait tout le monde et prenant Rémus pour Romulus, lui rend libre sa chère Flora ; et sur le champ, Flora, pour soulager la douleur causée par les morts, est offerte comme épouse par Ilia à son libérateur Rémus.

Là-dessus, Vénus se découvre à Romulus, lequel, la prenant pour la Demoiselle de la Beauté, lui faisait la cour et même la désirait en mariage. Vénus fait également en sorte que Romulus reconnaisse son père Mars, sur les ordres duquel il prend ses dispositions et se met en route pour fonder sur le Tibre la ville de Rome, précisément à l’endroit où les jumeaux avaient été trouvés par Faustulus sous le figuier Ruminal ; et Numitor, avec Ilia, remonte sur son ancien trône d’Albe.

(1) traduction d’Alain Duc

 

Notice (2)

Le Romulus et Rémus de Giulio Strozzi s’inspire des récits de la fondation de Rome (sans doute Tite-Live et Plutarque), en se concentrant sur l’épisode de la reconnaissance des héros par leur aïeul Numitor, suivie de la chute de l’usurpateur Amulius. L’action commence alors que Rémus est emprisonné pour un meurtre commis par Romulus, et s’achève lorsque Romulus quitte Albe pour aller fonder Rome.

La partie historique est joyeusement détournée avec les ingrédients habituels de l’opéra vénitien : personnages du peuple assurant les parties comiques, dévergondage des dieux descendus de l’Olympe, jeux de mots et doubles sens obscènes ; à quoi s’ajoute ici l’utilisation de la gémellité, Romulus et Rémus étant si identiques que leur propre mère s’y trompe, comme tous les autres personnages ‘ et le spectateur aussi, attendu que les deux, n’étant jamais ensemble sur scène, sont certainement interprétés par le même acteur : ressemblance garantie.

Quelques personnages sont inventés : Flora, fille d’Amulius ; son prétendant Procindus, qui campe un personnage de rustre et de benêt, quoique de sang royal. La lubricité des personnages est assez développée : Romulus ne peut se retenir de faire la cour à Vénus qu’il prend pour une aventurière ; Ilia, la mère des héros, est très sensible à leur charme, malgré la différence d’âge ; on sera rassuré d’apprendre qu’il ne s’agissait que d’amour maternel égaré. La nourrice des jumeaux, suivant en cela les indications de Tite-Live, fait tout pour mériter son nom de lupa (femme de mauvaise vie en latin). Lorsque Vénus revendique sa virginité, on peut également rester sceptique.

On notera quelques pointes concernant le climat insalubre de Rome (acte I, sc. XII) sans doute inspirées par le chauvinisme vénitien.

Une partie allégorique fait intervenir l’or, avec les pointes moralisatices prévisibles, notamment misogynes. On peut se demander si l’idée, plusieurs fois reprise, du mépris des Romains pour l’or, n’est pas ironique.

(2) par Alain Duc

 

Synopsis

(3)

Prologue : Énée annonce à la Renommée qu’après des siècles de silence, elle va avoir du nouveau à chanter : la fondation de Rome. Iris les espionne et s’apprête à avertir Junon.

Acte I

Sc. I : Vénus, Mars et Mercure se présentent comme des bandits de grands chemins. Ils interceptent Amour, à qui Vénus explique que les petits-fils de Numitor, ses demi-frères, vont fonder une ville où il règnera. Après quoi Vénus se débarrasse d’Amour en le confiant aux Grâces, sous couleur de lui donner un bel habit.

Sc. II : Lupa, nourrice de Romulus et Rémus, et femme de Faustulus, se plaint de la paresse de son mari, lequel se plaint de l’insatiabilité des femmes. On apprend que Romulus est chef de brigands, qu’il a tué un homme de Numitor, et que Rémus est accusé du meurtre, car personne n’arrive à les distinguer entre eux.

Sc. III : Romulus rejoint sa bande de dieux-brigands ; déguisé en marchand grec, il est d’abord attaqué, mais se fait reconnaître. Il fait une cour effrénée à Vénus, avant d’exposer son intention de s’emparer d’Albe par surprise.

Sc. IV : les Grâces essaient de faire dormir Amour, qui réalise qu’on l’a berné avec cette promesse de bel habit.

Sc. V : Flora insiste pour que son père Amulius épargne la vie d’Ilia, laquelle aurait dû mourir en tant que Vestale ayant fauté. Elle manifeste également un net désir de mari, et a choisi Procindus, qu’Amulius n’apprécie pas du tout.

Sc. VI : Ilia déplore la précarité de son existence, puisque sa vie dépend de Flora. Elle déclare aimer Romulus et Rémus, qu’elle n’arrive pas à distinguer, et être inquiète pour eux.

Sc. VII : Amulius s’amuse à faire marcher Procindus en lui faisant espérer la main de Flora, avant de le charger de la conduire à un prince étranger. Procindus blessé décide de s’allier à Romulus. Faustulus vient donner des nouvelles des bandits : tout va bien pour eux.

Sc. VIII-IX-X : Flora fait part à Ilia de ce mariage qui la désespère. Procindus lui confirme sa disgrâce et annonce son intention de recourir aux armes, puis confie à Ilia le plan de guerre : la mystérieuse guerrière de Romulus se fera passer pour Flora et se fera ouvrir les portes d’Albe.

Sc. XI : Romulus continue à courtiser Vénus, puis expose à sa bande le plan ci-dessus. Vénus lui reproche le béguin qu’Ilia a pour lui, alors qu’elle pourrait être sa mère.

Sc. XII : Junon, toujours hostile aux descendants des Troyens, fait appel au Soleil pour qu’il rende insalubre le climat de la future Rome.

Sc. XIII : Ballet des Génies des Sept Collines latines, vêtus en faucheurs, qui se changent ensuite en guerriers à l’appel de la Renommée.

Acte II

Sc. I : Lupa, qui transporte le berceau des jumeaux, pièce à conviction, chante un air où le mariage est représenté par des images empruntées à la couture : ça craque de partout. Les brigands l’interceptent, Vénus entreprend de la déshabiller, elle ne se débat guère, car Vénus est habillée en homme.

Sc. II : à la prison, Ilia déclare son affection à Rémus ; Flora également tombe sous son charme. Toutes deux vont intervenir en sa faveur auprès de Numitor.

Sc. III : sur une route, Procindus rencontre les deux femmes, que leurs manteaux dissimulent. Elles finissent par se faire connaître.

Sc. IV : Lupa arrivée chez elle raconte sa mésaventure à son mari.Sc. V : Procindus et les trois dieux-bandits répètent le stratagème pour s’emparer d’Albe.

Sc. VI-VII : Rémus proteste de son innocence devant Numitor, l’incite à reprendre son trône, et l’invite à demander à Lupa des éclaircissements sur sa naissance. Lupa et Faustulus racontent toute l’histoire avec la louve, et produisent les pièces à conviction, mais Numitor reste soupçonneux.

Sc. VIII-IX : le Soleil, descendu chercher l’Or dans le sein de la Terre, l’invite à monter à la surface pour combattre un peuple qui méprisera sa divinité. Amour arrive après leur départ ; la Terre lui propose de dorer ses flèches, mais il préfère rejoindre l’Or dans le monde d’en haut, et s’allier à lui.

Sc. X : scène de reconnaissance entre Numitor, Ilia et Rémus.

Sc. XI : Amulius a appris cette reconnaissance. Interrogé, le vieux courtisan qui avait exposé les jumeaux donne sa version. Amulius le charge de porter du poison à Ilia.

Sc. XII : l’Amour et l’Or annoncent leur alliance, à laquelle rien ne saurait résister.

Sc. XIII-XIV : Ilia est prête à boire le poison, Flora en réclame sa part. Bruit de combat : Albe est prise, Procindus blessé meurt, Amulius est tué, et Romulus fait enchaîner Flora. Ballet et chant de deuil de matrones d’Albe, veuves de guerre.

Acte III

Sc. I : en prison, Flora, Lupa et Faustulus gémissent sur leur sort.

Sc. II : au palais, Romulus refuse à sa mère d’épargner la vie de Flora.

Sc. III-IV-V : Faustulus et Lupa, libérés, sont rejoints par Numitor et Rémus, lequel indique comment les reconnaître : Romulus porte du rouge, Rémus du vert. Faustulus et Lupa demandent leur récompense. Ilia, à son tour, obtient la liberté de Flora.

Sc. VI-VII : Romulus refuse de tenir les promesses de Rémus ; Faustulus et Lupa se résignent, Ilia se rebiffe.

Sc. VIII : Vénus résiste toujours à la cour effrénée de Romulus.

Sc. IX : la jardinière en chef de Numitor se plaint des exigences de son vieil employeur.

Sc. X : Ilia et Rémus, que le gardien de prison prend pour Romulus, font libérer Flora, laquelle se résigne à la perte de Procindus, que Rémus remplacera avantageusement.

Sc. XI : Ilia et Romulus continuent à se quereller, Romulus continue à faire la cour à Vénus, qui finit par se faire connaître ; Ilia reconnaît en Mars le père de ses enfants. Romulus s’apprête à aller fonder Rome, et les dieux remontent au ciel.

Sc. XII : dans le jardin de Numitor, celui-ci, Flora et Rémus chantent leur bonheur.

(3) par Alain Duc
Livret en français disponible sur livretsbaroques.fr

Livret original : http://daten.digitale-sammlungen.de/0004/bsb00047986/images/index.html?fip=193.174.98.30&id=00047986&seite=1 (Rome – Istituto Storico Germanico)

http://www.urfm.braidense.it/rd/01050_1.pdf (Milan – Biblioteca Nazionale Braidense)