Antioco (Antiochos)

Antioco - livret - 1658

COMPOSITEUR Francesco CAVALLI
LIBRETTISTE Niccolo Minato

 

Dramma recitato en un prologue et trois actes, sur un livret de Niccolo Minato, représenté au Teatro San Cassiano, le 21 janvier 1659.

Le 5 mai 1657, Marco Faustini, frère de Giovanni Faustini, mort en décembre 1651, avait pris la direction du théâtre San Cassiano par un contrat sur dix ans signé avec Carlo Andrea Tron, au nom de ses frères Ettore et Piero. Il s’était associé avec Marco Antonio Corraro, Alvise Duodo et Polifilo Zane. Il restait par ailleurs gérant du théâtre Sant’Apollinare.

Le 24 juillet 1658, Faustini signait un contrat avec Cavalli par lequel ce dernier acceptait de composer exclusivement pour le San Cassiano à raison d’un opéra par an, pendant trois ans, pour une somme de 400 ducats par opéra (soit le double de son salaire à la chapelle Saint-Marc). Le contrat précisait qu’il devait fournir tout le matériel musical (partitions, copies, différentes parties), participer aux répétitions et faire les modifications nécessaires, et diriger lui-même les représentations du clavecin ou se faire remplacer en cas de maladie.

Cavalli ne composa que deux opéras, Antioco et Elena, Marco Faustini passant au service des Grimani, au théâtre SS. Giovanni e Paolo.

L’Antioco fut repris à Reggio Emilia en 1668, à Florence en 1670, et à Bologne, au teatro Formigliari, en 1673.

Antioco - page de garde du livret

Le livret vénitien fut édité par Andrea Giuliani, en 1658, et dédicacé par Minato All’Illustrissimo Sig. Marcellino Airoldi Conte Di Lec, E Signore delle Terre di Bellaggio (*). La dédicace, datée du 21 janvier 1658, est suivie d’un Avis au lecteur (Lettore) et d’un Argomento.

Antioco - argomento

(*) Marcellino Airoldi, issu d’une vieille famille noble originaire de Mandello, près de Lecco, sur le lac de Côme, seigneur de Valgreghentino et de Bellagio, comte de Lecco à partir de 1647

Le livret vénitien comporte des ballets : à la fin de l’acte I (Qui si fa una Lotta in forma di Ballo), à la scène V (Quì ballono, e Liro suona) et à la fin de l’acte II (Quelli, ch’hanno portato il Tributo fanno alcune forze, e salti in forma di Ballo).

Trois exemplaires du livret sont détenus à Venise, à la Biblioteche della Fondazione Giorgio Cini, à la Biblioteca della Casa di Goldoni, et à la Biblioteca Nazionale Marciana.

Le livret correspondant à la reprise à Reggio Emilio (1668) fut édité par Prospero Vedrotti, avec une dédicace de Leone Parisetti, le directeur du théâtre ; celui de Florence (1670) par l’imprimerie ducale ; celui de Bologne (1673) chez Erede del Benacci.

En revanche, la musique est perdue.

Toutefois, deux arias de l’Achille in Sciro de Legrenzi, repris à Bologne en 1673, au teatro Formigliari, sont extraits de l’Antioco représenté au même théâtre, la même année.

 

Personnages : Apollo (Apollon), Venere (Vénus), Marte (Mars), la Pace (la Paix), l’Otio (l’Oisiveté), l’Odio (la Haine), la Fatica (l’Effort), la Virtu (la Vertu), six Amorini (petits Amours) (Prologue) ;

Antioco (Antiochus), prince de Syrie ; Laodicea (Laodice), fille de Ptolémée Ier, décédé, sœur d’un autre Ptolémée, fiancée à Antiochus, amante de Stésicrate ; Berenice (Bérénice), sœur de Laodice, passant pour une esclave et élevée comme telle recluse dans une tour, sous le nom d’Érynthe ; Anassandra (Anaxandra), fille de Lyncaste, passant pour Bérénice et élevée à sa place ; Licaste (Lyncaste) vieillard, satrape d’Égypte, père d’Anaxandra ; Stesicrate (Stésicrate), grand d’Égypte incarcéré suite à des rivalités politiques, puis reconnu innocent et libéré ; Tolomeo Filadelfio (Ptolémée II Philadelphe), frère de Laodice et de Bérénice, jeune roi d’Égypte, fils de Ptolémée Ier ; Nainana (Nainana), Mauresque, personne de confiance d’Antiochus ; Liro (Lirus), bossu et bègue, gardien de la tour où Érynthe est élevée comme esclave et où Stésicrate est emprisonné ; Lisetto (Lisetto), page de la cour ; Ambasciator di Cipro (ambassadeur de Chypre) ; Choeurs : Soldats de Ptolémée, Soldats d’Antiochus, Maures d’Anaxandra, Pages de Laodice, Pages de Stésicrate, Lutteurs dans le premier ballet, Baladins dans le second ballet.

La Drammaturgia di Lione Allacci, accresciuta e continuata fino all’anno MDCCLV cite la représentation à Florence d’un opéra de ce nom, mais sans date, et sans indication de l’auteur du livret (Poesia d’Incerto Autore).

Par ailleurs elle évoque la reprise à Bologne de 1673 en attribuant par erreur la musique à Gio. Luca Carpiani, inconnu par ailleurs.

Cette information fut reprise dans le Dictionnaire des Opéras de Clément et Larousse avec une erreur supplémentaire dans l’attribution à Jean-Luc Carpani, mais aussi par Fétis et Robert Eitner (Biographisch-bibliographisches Quellen-Lexikon der Musiker und Musikgelehrten der christlichen Zeitrechnung).

En 1690, fut représenté au teatro del Falcone, à Gênes, un Antioco, principe della Siria s’inspirant de la reprise de 1673, à Bologne, sur une musique de Carlo Ambrogio Lonati.

 

Synopsis

D’après l’argument :

Suite à un traité entre leurs pères respectifs, Antiochus, prince de Syrie, doit épouser Laodice, fille de Ptolémée Ier, roi d’Égypte, et sœur de Ptolémée II. Bérénice, autre fille de Ptolémée, qui doit selon un oracle troubler l’union prévue, est enfermée dans une tour sous le nom d’Érynthe. On fait passer pour elle Anaxandra, fille de Lyncaste, régent du royaume depuis la mort de Ptolémée Ier, en attendant la majorité de Ptolémée II.

Antiochus, qui a reçu des portraits de Laodice et de la fausse Bérénice, préfère cette dernière ; déguisé en fille sous le nom d’Eurilla, il est venu en Égypte pour tenter d’empêcher le mariage.

Stésicrate, grand d’Égypte, est injustement emprisonné dans la même tour que la vraie Bérénice. Laodice, éprise de lui, le retrouve régulièrement, sans révéler son identité, et il a promis de l’épouser.

Pour récapituler :

«Eurilla» est en réalité Antiochus.

La maîtresse anonyme de Stésicrate est en réalité Laodice.

«Bérénice» est en réalité Anaxandra, et elle le sait, car son père l’en a informée.

«Érynthe» est en réalité Bérénice, mais elle ne le sait pas, et Ptolémée II non plus.

Antiochus, promis à Laodice, est amoureux d’Anaxandra, qu’il croit ecirc;tre la petite sœur de sa future.Laodice, promise à Antiochus, aime Stésicrate.

Anaxandra est amoureuse de Ptolémée, dont tout le monde la croit la sœur.

Bérénice n’est amoureuse de personne, mais Ptolémée, son frère, qui se croyait insensible, tombe amoureux d’elle.

 

Prologue

Apollon veut savoir quel dieu est vainqueur sur la Terre. Pour l’instant, c’est Mars : seule Venise résiste au Thrace, c.à-d. aux Turcs. Mais la Paix ne va pas tarder à triompher, et le théâtre pourra montrer les amours d’Antiochus. L’Effort vaincra l’Oisiveté, et la Vertu désarmera l’Amour.

Acte I

Sc. 1-2 : adieux au petit matin entre le prisonnier Stésicrate et sa belle inconnue, qui est Laodice. Lirus, le geôlier, complice, assure celle-ci de sa discrétion. Pour égarer Stésicrate, il lui donne un portrait de Bérénice (la vraie) comme étant sa visiteuse nocturne.

Sc. 3 : Antiochus, déguisé en fille sous le nom d’Eurilla, se confie à la Mauresque Nainana : d’après leurs portraits, il préfère «Bérénice» à Laodice, qu’il doit épouser, et il souffre.

Sc. 4 : Anaxandra se consume d’amour pour Ptolémée, alors qu’on la croit sa sœur.

Sc. 5-6 : Lyncaste remet à Ptolémée devenu majeur la cassette laissée par son père. Elle contient une invitation à faire célébrer le mariage entre Antiochus et Laodice, l’ordre de faire libérer Stésicrate, et un portrait de Bérénice (la vraie), sans légende. Ptolémée tombe amoureux sur le champ.

Sc. 7-8 : Anaxandra se montre très affectueuse avec Ptolémée, qui en est gêné : c’est sa sœur.

Sc. 9-10 : Laodice jubile de savoir Stésicrate en liberté ; mais l’approche de ses noces l’angoisse. Eurilla-Antiochus la sonde : aimera-t-elle son futur ? Elle n’est pas enthousiaste.

Sc. 11 : Antiochus complimente Anaxandra (qu’il croit être Bérénice) pour sa beauté et tâte le terrain : pourrait-elle aimer Antiochus ? Non, car elle en aime un autre, mais n’ose le nommer.

Sc. 12 à 14 : Stésicrate savoure sa réhabilitation. Lirus apprend à Ptolémée l’existence de la prisonnière de la tour, puis se livre à un flirt grotesque avec Nainana.

Sc. 15 à 17 : Antiochus, toujours en fille, réclame l’affection de «Bérénice», évidemment réticente. Il continue à sonder Laodice ; quand celle-ci annonce son intention d’être hypocrite avec son futur époux, il jette le masque.

Sc. 18 : Lirus amène Bérénice ; Ptolémée reconnaît le modèle du portrait, son amour se renforce, et il la fait libérer.

Sc. 19 : Lirus, le page Lisetto et Nainana chantent des couplets sur la vénalité des belles.

Sc. 20 : Antiochus tue un lion évadé, puis révèle à tous sa véritable identité et ses intentions.

Acte II

Sc. 1-2 : Antiochus déclare sa flamme à Anaxandra, qui le repousse toujours. Il reçoit les confidences de Stésicrate, qui lui montre à l’appui de ses dires une pierre offerte par sa belle, et qu’Antiochus reconnaît comme celle qu’il a donnée à Laodice.

Sc. 3 : Antiochus échange des pointes avec Laodice, avec de nombreuses allusions à des amours clandestines et nocturnes. Laodice est troublée : serait-il au courant ?

Sc. 4 : Laodice exprime son «estime» à Stésicrate et insinue qu’elle aurait pu lui accorder ses faveurs,- si elle avait été une autre. Stésicrate en déduit qu’elle a reçu des confidences de la belle du portrait. Laodice n’arrive pas à lui faire entendre qu’il s’agit bien d’elle-même.

Sc. V : Lirus, Lisetto et Nainana chantent et dansent.

Sc. 6-7 : Anaxandra est jalouse en voyant Ptolémée épris de Bérénice, et bien accueilli.

Sc. 8-9 : Laodice se déclare ouvertement à Stésicrate, qui est scandalisé. Pour la convaincre que ce n’est pas elle qu’il a eue, il lui montre le portrait de Bérénice. Laodice n’en démord pas. Antiochus est pris à témoin, même si on lui présente l’affaire comme concernant une autre dame.

Sc. 10 : Ptolémée veut presser les noces, Antiochus tergiverse.

Sc. 11-12 : Ptolémée et Bérénice se livrent à une grande scène d’affection devant Anaxandra, malade de jalousie.

Sc. 13 : scène de jalousie entre Lirus et Nainana, celle-ci calmant celui-là par des larmes fallacieuses.

Sc. 14 : Bérénice, qui a beaucoup lu dans sa tour, définit l’amitié comme échange de personnalités. Sous ce prétexte, Anaxandra lui fait écrire et signer un texte. Elles se quittent sur de grandes démonstrations d’amitié.

Sc. 15 : Anaxandra remet à Ptolémée le message signé Érynthe, qui peut passer pour une invitation à la rejoindre la nuit.

Sc. 16 à 18 : Antiochus confie à Nainana son dédain pour Laodice. Il fait sa cour à Anaxandra, toujours en vain.

Sc. 19-20 : Ptolémée s’apprête à rejoindre Érynthe dans l’ombre. Les Chypriotes viennent remettre leur tribut. Ballet.

Acte III

Sc. 1 : querelle entre Lirus et Nainana.

Sc. 2 : Ptolémée, qui croit avoir couché avec Érynthe, quitte la chambre d’Anaxandra, qui n’a pas dit un mot.

Sc. 3 : Antiochus se plaint que l’amour lui ôte le sommeil.

Sc. 4 : Stésicrate montre à Ptolémée le portrait de Bérénice comme étant sa maîtresse inconnue ; Ptolémée, qui croit sortir des bras de la même, lui montre l’autre portrait (celui de la cassette) : c’est bien la même. Ils en tirent des conclusions désobligeantes pour elle.

Sc. 5 à 8 : Ptolémée piétine le portrait, Lyncaste le ramasse et le reconnaît ; persuadé que Ptolémée a passé la nuit avec sa propre soeur, il lui expose toute l’histoire de l’oracle et de la substitution. Se croyant coupable d’inceste, Ptolémée est au désespoir, et chasse Bérénice. Laodice, qui croit que Stésicrate a eu les faveurs de Bérénice, chasse à son tour celle-ci ; puis, c’est Stésicrate qui lui fait une scène. Elle nie avoir donné son portrait – que Stésicrate lui montre – à qui que ce soit.

Sc. 9-10 : Antiochus, toujours perplexe, assiste caché à une scène entre Stésicrate et Laodice. Il en tire prétexte pour rompre avec celle-ci.

Sc. 11 : Lirus se bat avec le page pour les beaux yeux de Nainana. Le page le terrasse et l’attache à une statue ; Nainana le laisse attaché.

Sc. 12-13 : Ptolémée est bourrelé de remords ; il prend très mal qu’Antiochus refuse d’épouser Laodice. Il demande à celle-ci son explication : elle avoue avoir épousé Stésicrate, lequel bondit, indigné, et nie tout.

Sc. 14 : Lirus pousse Nainana dans un bassin et l’y abandonne.

Sc. 15-16 : Anaxandra apprend qu’Érynthe est la vraie Bérénice. Quand Antiochus lui demande sa main, elle s’engage à lui faire épouser Bérénice, et tient parole en lui présentant la vraie. Antiochus se fait une raison et prend celle-ci dans ses bras.

Sc. 17 : Ptolémée les surprend et s’indigne : sa sœur est insatiable : Stésicrate, lui-même, et maintenant Antiochus ! Ce dernier tombe de haut.

Sc. 18 à 20 : Enchaînés sur l’ordre du roi, Stésicrate et Laodice continuent à se quereller. Laodice utilise comme preuve de leur union la pierre que lui a donnée Antiochus et qu’elle-même a donnée à Stésicrate. Après quelques résistances, Lirus témoigne qu’elle était bien la visiteuse nocturne, et avoue la supercherie qu’il a commise avec le portrait. Anaxandra avoue son stratagème avec la lettre ; l’innocence de Bérénice éclate, et l’oracle se réalise : Bérénice, qui a bien empêché les noces de Laodice et d’Antiochus, épouse ce dernier ; Ptolémée épouse Anaxandra.

 

Livret en français disponible sur livretsbaroques.fr

Livret original