Atys

COMPOSITEUR Jean-Baptiste LULLY
LIBRETTISTE Philippe Quinault
ORCHESTRE La Simphonie du Marais
CHŒUR
DIRECTION Hugo Reyne

 

Atys Romain Champion
Flore, Sangaride Bénédicte Tauran
Melpomène, Cybèle Amaya Dominguez
Iris, Doris Maud Ryaux
Idas Mattieu Heim
Mélisse Maïlys de Villoutreys
Célénus, Phantase Aimery Lefèvre

 

DATE D’ENREGISTREMENT août 2009
LIEU D’ENREGISTREMENT Paris
ENREGISTREMENT EN CONCERT non

 

EDITEUR Musique à la Chabotterie
DISTRIBUTION
DATE DE PRODUCTION 29 septembre 2010
NOMBRE DE DISQUES 3
CATEGORIE DDD

Critique de cet enregistrement dans :

ResMusica

« Si Atys est le quatrième opéra de Lully, la version discographique que nous propose Hugo Reyne est la seconde après celle, historique, des Arts Florissants de William Christie en 1987, une recréation de l’œuvre dans laquelle… Hugo Reyne était flûtiste ! Le parti pris musical est annoncé : simplicité et clarté. Ici point d’ornements-gadgets, pas d’orgue, pas de doublures, pas de prononciation du français « restituée » pour une meilleure compréhension du texte… On retrouve cette volonté dans le travail effectué avec les chanteurs, tant solistes que choristes. Le résultat est là : on comprend tout ! L’orchestre cisèle la partition et sait exprimer les sentiments contradictoires d’un livret où les sentiments et les passions s’entremêlent. En partenariat avec le Centre de Musique Baroque de Versailles, Hugo Reyne a auditionné et choisi de jeunes chanteurs. Mais il avait déjà désigné « son » Atys : Romain Champion. Cette jeune troupe illumine l’œuvre. Et ce qui frappe, c’est cette homogénéité vocale, cette connivence qui donne tout le naturel voulu par le chef. Une réussite. Une aventure aussi : produire une telle œuvre, c’est faire preuve de courage économique. Le coffret de 3 CD est accompagné d’un livret remarquablement complet, très informatif, illustré avec pertinence. S’y ajoute le journal de cette aventure dans lequel Hugo Reyne explicite ses choix et raconte l’histoire de cette production. Les 120 pages sont à lire avec la même attention que les 3 CD sont à déguster. Souhaitons à cet Atys le succès qu’il mérite. Une juste récompense et, surtout, un encouragement à continuer dans cette bonne direction. »

ForumOpera.com

« Rien n’est plus aimable… En 1987, William Christie avait inauguré avec les représentations et l’enregistrement d’Atys un renouveau baroque, dans lequel prenaient déjà part Christophe Rousset et Hugo Reyne, l’un au clavecin, l’autre à la flûte. Le premier a exhumé cet été à Beaune la dernière tragédie de Lully encore en sommeil : Bellérophon. Le second livre aujourd’hui un nouvel enregistrement de « l’opéra du Roy ». Sans renier l’entreprise historique de William Christie et des Arts Florissants, Hugo Reyne semble vouloir ici s’en émanciper et offrir, à la lumière de ses recherches musicologiques récentes, un « nouvel » Atys. « Mon ambition était de redonner une nouvelle jeunesse à cette œuvre, en enlevant plutôt qu’en rajoutant, en revenant à la source, à la musique comme elle est écrite, à la pureté du texte, au naturel », explique-t-il dans l’instructif livret joint au coffret. Dans le viseur du chef de La Simphonie du Marais, les différents ornements superflus greffés aujourd’hui à la plupart des partitions baroques : maniérismes vocaux, trilles aléatoires, vibrato des instruments à vent ou bien même une prononciation prétendument d’époque. Déjà en son temps, Lully s’emportait contre des chanteuses tentées par un peu de fantaisie : « Morbleu, mesdemoiselles, il n’y a pas comme cela dans votre papier, et ventrebleu, point de broderie ; mon récitatif n’est fait que pour parler… ». Le résultat est une ascèse musicale étonnante, mais salvatrice. Profitant en outre d’un enregistrement et d’un montage superbes, le parti pris de Hugo Reyne révèle la pureté et la limpidité d’une œuvre et d’un répertoire que le simple mot de baroque avait précipité aux yeux du public dans la préciosité et l’ostensible. Mais ascèse ne veut dire ni austérité, ni ennui. Le long travail qui a permis d’aboutir à cet enregistrement (d’ailleurs expliqué par Hugo Reyne à la manière d’un making-of dans le livret) permet de mesurer la beauté des lenteurs, des silences, de l’échappée d’un violon ou d’une flûte, de la subtilité de la basse continue, à l’heure où les enregistrements baroques sont plus tonitruants les uns que les autres. La prestation des instrumentistes de La Simphonie du Marais est sur ce point irréprochable : rarement aura-t-on entendu une telle symbiose avec les chanteurs, un tel respect de la phrase. Bien sûr, un enregistrement est toujours à l’avantage des instrumentistes, et il faudrait juger de leur égale sensibilité en concert. Au disque en tout cas, c’est brillant. Les chanteurs convoqués par Hugo Reyne sont tous excellents, s’exprimant dans un français parfaitement intelligible, à la fois délicat mais peu maniéré, si bien que la lecture du livret est à peine nécessaire. Se détachent la rayonnante Bénédicte Tauran, certainement la révélation de cet enregistrement : que ce soit en Flore dans le prologue ou en Sangaride dans le reste de l’œuvre, la soprano instille dans ce type de rôle une chaleur et une profondeur inhabituelle. L’Atys de Romain Champion porte en lui toute la tragédie de l’œuvre, même si l’on regrette une voix assez uniforme. Le reste de la distribution est à l’unisson : notons notamment la belle et grave ligne de l’Idas de Matthieu Heim ou la subtile retenue du Morphée de Vincent Lièvre-Picard, très loin d’être soporifique. La scène du Sommeil de l’acte III est grâce à lui – et à tous les autres – l’un des sommets sensibles de l’enregistrement. Atys est vraiment trop heureux… »

Classica – octobre 2010 – appréciation CHOC du mois

« Après de somptueux Isis et Amadis, où la ferveur prenait parfois le pas sur l’adresse, cet opéra s’avère le sommet d’une collection que la crise voue à l’arrrêt. Dommage : en vingt-trois ans, l’évolution de la pratique instrumentale et les possibilités techniques ont modifié le paysage. Cet enregistrement en est l’aboutissement. La partition, l’une des meilleures du Surintendant, brille de feux noirs. JeannMarie Villégier avait transposé l’œuvre en une cour hantée par l’affaire des Poisons. Il saisissait alors ce qu’il pouvait y avoir de cauchemardesque, en 1676, à la cour du Soleil. Sous couvert de divertissement aulique, le librettiste et le compositeur tendaient un miroir sans concessions à leur milieu. Après le ballet de cour qui en avait été la gazette frivole, l’opéra en devenait le roman. Isis (1677) brûlera les ailes de Quinault et ce qui suivra, jusqu’à l’Armide finale, redeviendra prudemment courtisan. La diction parfaite (le Chœur du Marais, stupéfiant) sublime des voix qui, certes, n’ont pas l’ampleur de Guillemette Laurens. Mais cela ne saurait tarder. Si le tout jeune Romain Chammpion n’est pas encore Cyrille Auuvity, il campe néanmoins un prêtre d’une présence rare. Ses duos avec la délicate Bénédicte Tauran nouent plus d’une fois la gorge. Cette jeune génération ne pratique pas le françoué et sert sans artifice une musique qui visiblement la hante. Merci à Hugo pour cet « Opéra du Reyne » ainsi qu’il est écrit avec humour dans le riche livret de 120 pages. Une époque se clôt et une nouvelle s’ouvre, toujours frappée du sceau lullyste. »

Diapason – octobre 2010 – appréciation 5 / 5

« Il fallait plus que du courage ou du culot pour oser, quelques mois avant la résurrection du spectacle de Jean-Marie Villégier, s’emparer d’Atys, gloire et pour ainsi dire propriété privée des Arts florissants. Il fallait de l’innocence. Cette innocence résolue et généreuse dont témoignent les dix autres volumes du monument qu’élève Hugo Reyne à son cher Lully depuis 1999. Il fallait aussi une raison, exposée dans un vaste commentaire qui retrace l’histoire de cette folle entreprise. Après avoir rendu hommage aux soirées de 1986/1987 où, dans la fosse comme sur la scène (grimé en Songe), il tenait la flûte à bec, le chef explique :  » Mon ambition était de redonner une nouvelle jeunesse à cette œuvre, en enlevant plutôt qu’en rajoutant, en revenant à la source, à la musique comme elle est écrite, à la pureté du texte, au naturel « . Sous-entendu : ce que les pionniers ne faisaient pas, esclaves qu’ils étaient des » gadgets » en usage (« petites flûtes qui piaillent dans l’aigu … percussions … pizzicati … », on ne cite personne, suivez mon regard). En effet, cet oubli des clichés, dont la Simphonie du Marais fut naguère l’apôtre et qu’elle sacrifie avec bravoure, nous éclaire. Sans percussion ni basse continue mais avec de vraies » quintes » au lieu d’altos, les danses orchestrales ont plus d’allure, plus de matière. Dépouillé des ornements dont on l’affuble au nom de la musicologie mais que Lully exécrait, le récitatif gagne en noblesse et en netteté. Adieu instruments exotiques, adieu reprises intempestives : voici Atys dans sa poignante nudité. Sur le chemin du  » retour à « , on aurait pu aller plus loin. Nourrir l’orchestre, étoffer le chœur, soigner les enchaînements. La langue ? Le maître d’œuvre rejette aujourd’hui la » prononciation restituée  » qu’il vantait hier, pour cause de maniérisme et d’opacité. Dans sa note d’intention, l’attaque contre les rivaux est un peu courte. Le combat n’en reste pas moins légitime: tous les auteurs du Grand Siècle réprouvent 1’« affectation », n’importe le moyen. A vrai dire, un seul être nous manque. Le Théâtre.  » Le Feu dans une personne de théâtre, nous dit M. de Sainte-Albine, n’est autre chose que la célérité et la vivacité ». C’est ce feu qu’une version de concert ou de studio peine à allumer. Dès le début de l’acte I, « Allons, allons, accourez tous » ne traduit ni mouvement ni invite. Pas plus de mépris dans » Mais vous pouviez aimer, et descendre moins bas » (acte II) que de danger dans les « mortelles alarmes » du III. Les mots cherchent encore la couleur du sens. Manque … Vîllégier ! La faute peut-être à un plateau réduit (huit voix pour dix-huit rôles), quoique l’idée de faire chanter par Atys son propre Sommeil tienne debout. Ou à quelques choix incertains. Remercions Bénédicte Tauran dont on ne peut deviner qu’elle remplace au débotté Céline Scheen souffrante. Mais cette Sangaride en belle voix n’a rien d’une nymphe fragile et incarnerait sans peine la redoutable Cybèle, rôle à la fois trop majestueux et trop subtil pour l’intrépide Amaya Dominguez, embrouillée dans son vibrato. Alentour, personne ne démérite mais peu rendent justice aux figures et aux vers de Quinault comme le fait Aimery Lefèvre, Roi incomparable. Quant à Hugo Reyne, l’amour qu’il porte à Lully s’entend page après page. Rien à prouver de ce côté, tout coule sans effort, notamment des danses exemplaires. Si sa lecture complète le prodige de 1987 plus qu’elle ne le remplace, elle touchera quiconque aime Atys. Cela fait du monde. »

Opéra Magazine – octobre 2010 – appréciation : Diamant d’Opéra

« Hugo Reyne démontre qu’il est possible de faire aussi bien, voire mieux, que William Christie dans sa légendaire intégrale d’Atys. En 1987, William Christie ressuscitait Atys à l’Opéra-Comique. Devant l’extraordinaire enthousiasme du public, il fallut prolonger les soirées à Versailles. Subitement, Lully (re)devenait notre contemporain jusqu’à devenir « populaire ». C’est que tout – musique, décors, costumes, mise en scène – atteignait au sublime, que matérialisait bientôt l’enregistrement Harmonia Mundi. Un quart de siècle plus tard, Hugo Reyne et sa troupe du Marais nous offrent une nouvelle intégrale d’Atys, réalisée en studio dans le prolongement d’un concert au Logis de la Chabotterie, en août 2009, et… le miracle se renouvelle. Partition en main (deuxième édition de Ballard, 1720), j’ai longuement étudié, comparé les deux versions. Si William Christie restait invaincu, il n’était point invincible : Hugo Reyne le prouve avec maestria. Le chef-flûtiste nourrit à l’égard de Lully une « passion dévorante », comme disait le XVIIe siècle. Et cela se sent : en faisant, pendant deux ans, répéter l’ouvrage pupitre par pupitre, puis, peu à peu, en intégrant chacun dans le devenir de la partition, il a communiqué son enthousiasme à La Simphonie du Marais. Atys devient ainsi un acte d’amour. D’abord, grâce à une diction suprêmement claire, distincte, hautement galbée : Reyne sait que Lully allait entendre la Champmeslé pour parvenir à la fluidité, à la vérité mélodiques. Ici, tout se veut naturel, spontané, euphonique et – au meilleur sens du terme – théâtral. Ensuite, grâce à une volonté de tendre à la litote : nul excès mais un dépouillement salutaire, quasi racinien. Même sobriété sur la pochette : un simple pin, métamorphose d’Atys voulue par Cybèle repentante. Enfin, grâce à une attention scrupuleuse aux moindres inflexions de cette partition lyrique autant que salvatoire, vivifiée par d’incessantes inventions – rythmiques, agogiques, psychologiques -, des tempi adéquats et un grand mouvement théâtral ascendant. Ainsi Hugo Reyne évite de « casser » la progression dramatique de l’œuvre, en interdisant (acte IV, scène 5) au fleuve Sangar de s’exprimer presque graveleusement et de rire (comme chez Christie) – ce que prolongeait le chœur. Ici, une simple accentuation rythmique accroît le tragique du passage et c’est parfait. Tous les interprètes sont remarquables : pureté, limpidité, créativité des instruments ; chœurs prodigieusement vivants ; solistes de très haut niveau, tant du côté des seconds plans que des premiers. Aimery Lefèvre est un Célénus à la fois torturé, vindicatif et finalement résigné Amaya Dominguez, une Cybèle à la voix claire, elle aussi en proie à des sentiments forts, vrais, remarquablement vécus et traduits ; Bénédicte Tauran, une Sangaride tour à tour douce, impérieuse, vindicative, et finalement conquise et désarmée (elle fait encore mieux qu’Agnès Mellon avec Christie). Enfin, Romain Champion, époustouflant Atys, est là encore supérieur à Guy de Mey, desservi par la prise de son du coffret Harmonia Mundi, alors que, chez Reyne, celle-ci est transparente à souhait. Voici donc Lully redevenu notre contemporain. Osera-t-on demander aux mêmes interprètes de nous donner, dans les mêmes conditions de perfection, son ultime chef-d’œuvre : Armide ? Et, pourquoi pas, avec Cadmus et Hermione et Roland, la grande tétralogie lullyste ? »