CD King Arthur (2003)

KING ARTHUR

COMPOSITEUR

Henry PURCELL

LIBRETTISTE

John Dryden

 

ORCHESTRE Le Concert Spirituel
CHOEUR
DIRECTION Hervé Niquet

Philadel, Nereide, She Véronique Gens soprano
Cupid, Venus Hanna Bayodi soprano
Béatrice Jarrige contralto
Cyril Auvity contre-ténor
Comus Joseph Cornwell ténor
Grimbald, Genius, Aeolus, Pan, He Peter Harvey basse

DATE D’ENREGISTREMENT Octobre 2003
LIEU D’ENREGISTREMENT Metz – Arsenal
ENREGISTREMENT EN CONCERT

EDITEUR Glossa
COLLECTION
DATE DE PRODUCTION juin 2004
NOMBRE DE DISQUES 1
CATEGORIE DDD

Critique de cet enregistrement dans :

ResMusica

« A une époque où la production discographique d’opéras baroques italiens oubliés bat son plein, il est réjouissant de voir réapparaître, de surcroît sous un jour nouveau, un ouvrage aussi connu que le Roi Arthur de Purcell. Servi par Le Concert Spirituel et une belle brochette de chanteurs, cet enregistrement a de quoi réjouir autant le mélomane que le lyricomane. Hervé Niquet explore la partition du maître anglais en parant l’orchestre de couleurs éclatantes. Son grand continuo de sept musiciens est rejoint par une importante section de vents, hautbois et flûtes en tête, qui mettent en relief la créativité harmonique du compositeur. Chatoyante et enlevée, sa conception du King Arthur insère des éléments français qui ne sont pas sans évoquer la grandiloquence de Lully à Versailles. Ce faisant, Hervé Niquet rappelle avantageusement l’existence des échanges féconds entre les musiciens des cours d’Angleterre et de France.

Le chef français s’est par ailleurs entouré de chanteurs baroques émérites, parmi lesquels on retrouve l’excellente Véronique Gens et le baryton Peter Harvey dont les innombrables collaborations avec Philippe Herreweghe ou Ton Koopman, notamment, en font l’un des chanteurs les plus prisés pour les répertoire des XVIIe et XVIIIe siècles. Clarté vocale et finesse d’émission prévalent dans la prestation des divers intervenants, assurant par là même une limpidité bienvenue à l’ensemble. Les choeurs, magnifiquement réglés, concourent également à l’équilibre général de ce très bel enregistrement. Mentionnons encore que le livret d’accompagnement est doté de plusieurs textes fort instructifs. »

Opéra International – octobre 2004 – appréciation 5 / 5

« Enregistrer la très populaire oeuvre de Purcell en 2004, c’est s’exposer à la forte concurrence des historiques versions d’Alfred Deller ou d’Anthony Lewis, à la trépidante vision de Irevor Pinnock, sans omettre Christie ou l’absolu sommet de Gardiner. Hervé Niquet et son Concert Spirituel n’ont cependant pas hésité à se lancer dans l’ntreprise, comme ils le firent pour les Water Music de Haendel, chez le même éditeur. La comparaison n’est pas fortuite, car ce sont bien le spectaculaire et le geste théâtral qui dominent ce nouvel enregistrement. L’orchestre roboratif sonne comme pouvait l’être celui de l’Académie royale : foison de cordes, de vents et de cuivres (vingt-quatre en tout) pour une pâte orchestrale acidulée de trois théorbes, guitares et clavecins, plus ce qu’il faut de percussions pour les effets surprises (dans  » Shepherd, shepherd, leave decoying « , par exemple).

Sans être violente, la battue de Niquet est énergique et dansante, idéalement adaptée aux grounds qui abondent dans cette partition très dynamique, avec cependant toute la suavité voulue dans les parts élégiaques (le  » Ye blust’ring brethren  » de l’acte V). Le premier acte sacrificiel scintille de cuivres éclatants et laisse chuinter de subtiles alliances de vents. Les voix de grande prestance (Véronique Gens, Cyril Auvity !) sont exploitées de manière plus dramatique que lyrique et donnent parfaitement àentendre le texte de Dryden. Qu’on en juge par les souples contrastes donnés au « Come if you dare « . Formidable aussi le choeur, monumental ou ricaneur selon les effets demandés, lesquels ne sont jamais là où on les attend. Ainsi la fameuse scène du Froid, tube de la partition, semble plus une première gelée d’automne qu’un blizzard de janvier, picotée de cordes trémulantes nimbant un Peter Harvey à l’expression judicieusement transie. L’esprit pastoral du deuxième acte coule comme une suite de danses, esprit français qui triomphera plus loin dans l’enivrante passacaille du quatrième acte (« How happy the lover »), résolument tirée vers la dynamique lullyste et le clair-obscur. Débordant d’un enthousiasme qui met nos oreilles en transe (seulement frustrées par la non-reprise du formidable  » OId Engtand »), ce remarquable travail de l’équipe de Niquet concurrence sans complexe la version Gardiner et n’attend plus qu’une mise en scène à sa hauteur… »

Diapason – octobre 2004 – appréciation 5 / 5 – technique 7 / 10

« C’est un lien puissant qui unit King Arthur et Le Concert Spirituel depuis 1990. A l’époque des premiers concerts, l’éditeur du jeune ensemble choisit d’en enregistrer un autre (celui de la Sorbonne). Cinq ans plus tard, Hervé Niquet dirigeait déjà une quatrième version de King Arthur dans le cadre idéal de l’Opéra-Comique, mais c’est le spectacle grandiose donné par Graham Vick et William Christie au Châtelet qui eut les honneurs du studio. Passe une décennie. Voici enfin les micros – l’automne dernier dans le cadre non moins avantageux mais plus vaste, plus ‘ »liturgique », de l’Arsenal, à Metz. Attendre ne présente pas que des inconvénients : l’orchestre est aujourd’hui plus racé, ic choeur plus homogène, le plateau mieux chan-tant – et même sans aucune faille, ce qui est rare dans cet ouvrage chamarré. Pourtant, si la matière s’est enrichie, le caractère demeure. Nous retrouvons intacts le style d’inspiration française (orchestre généreux en bois, notes inégales très méthodiques et très marquées), la verve d’une compagnie et d’un chef à l’abri de toute inhibition, et surtout la cohésion du projet.

A l’opposé de William Christie, qui replaçait chaque divertissement dans son propre contexte narratif et traitait donc chaque épisode en soi, Hervé Niquet veut oublier la pièce de Dryden, ses héros, Arthur, Merlin, Emmeline, qui de toute façon ne chantent pas, et voir dans la seule partition une oeuvre. A cet effet, les numéros s’enchaînent prestement, le climat unit plus qu’il ne détermine, la cadence pousse le discours comme s’il y avait une action – qu’évidemment, faute de texte parlé, il n’y a pas. Plutôt que les maskes épars d’un dramatick opera. il nous semble écouter quelque ode festive où tout est offert au roi retrouvé – comme l.e Seigneur des Anneaux, King Arthur ne chante-t-il pas « le retour de roi » après les années sombres de Cromwell, de sa république, de ses puritains et de son théâtre interdit ?

Le prix d’une si royale offrande ? L’ombre justement, la tendresse, la sensualité, la poésie. Dès le Sacrifice de l’acte 1, le choeur traverse le champ sépulcral (« …Dye, and reap the fruit of Glory » dans le ton funèbre de fa mineur) sans même s’en apercevoir ; « How blest are shepherds » glisse sur le temps comme le lapin de Lewis : les Sirènes échouées sur une plage réaliste (avec bruit de ressac) ont perdu leur sortilège (mais non leur sex-appeal) ; une sorte de pudeur collective résiste au trouble, au sentiment eeu au pathos. A peu près rien ne se chante ou ne se joue dans la nuance piano, pas même une Fairest Isle pourtant délicieuse (Mlle Bayodi, Mlle Gens l’ayant chantée sous Christie).

Non, nous ne sommes pas là pour contempler. Nous sommes là pour agir, pour convaincre et finalement pour vaincre. Irrésistible Passacaille d’une fertilité polyphonique inouïe ; glorieux tableau du Froid ; Sacrifice grandiose ; parfaite Symphony à trois violons ; surtout souffle continu de l’Ouverture à la chaconne, sans temps mort. Ce n’est pas seulement parce qu’il omet deux song-tunes, queloues reprises et l’hymne à saint-Georges d’attribution incertaine, que ce King Arthur est le premier à tenir sur unseul CD. C’est d’abord parce que, tantôt alizé tantôt aquilon, le vent du large gonfle sa toile. Ce vent n’appartient qu’à lui ; il faut donc le connaître malgré les réussites indéniables quoique jamais complètes de Gardiner, de Pinnock et de Christie. »

Le Monde de la Musique – octobre 2004 – appréciation 3 / 5

« Comme l’affirme Jean-Yves Patte dans son texte de présentation : « Quiconque entend King Arthur pour la première fois n’entend le plus souvent que la musique de Purcell, et par conséquent ne comprend rien à l’action ! » Il n faudrait pourtant pas croire que les notes de Purcell restent étrangères au texte de Dryden. Les deux arts entretiennent une complicité rare pour un « semi-opéra » : les airs et les choeurs participent à la narration. Privée de son livret intégral, la partition de Purcell avance par secousses. On peut ainsi repérer sept étapes principales qui appellent au moins autant d’ambiances et de couleurs. Du talent des interprètes à marquer ces repères dépend la réussite du King Arthur. Malgré six versions discographiques, échelonnées entre 1958 (Lewis – Decca) et 1995 (Christie -Erato), aucune ne satisfait complètement.

La présente ne convainc pas davantage. Certains éléments lui font défaut : le charme pastoral (« How blest are sheperds »), la tendresse (« How happy the lover »), la grâce (« Fairest Isle »). De cette histoire où se mêlent combats, amour, magie, mystère, sensualité, patriotisme et humour égrillard, Hervé Niquet et son équipe ont surtout retenu le caractère belliqueux. Même quand il doit dresser un tableau champêtre, Niquet garde un oeil sur le champ de bataille. Pourquoi plomber l’air de Philidel « Hither this way « , esprit des airs auquel répondent d’autres créatures surnaturelles? Pourquoi sangler les bergers dans une rigidité militaire et refuser la volupté aux sirènes? Et quel sérieux dans l’air à boire « You hay it is mow’d « , pourtant si gaillard !

Niquet montre pourtant une juste compréhension des enjeux de cette guerre entre Bretons chrétiens et Saxons païens. Il souligne à raison le modèle français depuis la constitution de l’orchestre (sans contrebasse mais avec une basse de viole) jusqu’à l’expression de certaines pages « symphoniques « . Ainsi parvient-il à loger la partition de Purcell sur un seul disque compact. Si le choeur accuse quelques approximations, la distribution se montre homogène, illuminée par la présence de Peter Harvey, toujours impeccable. » 

Classica – septembre 2004 – appréciation Recommandé 9 Le retour du Roi Arthur

« Depuis Gardiner, on attendait la version moderne de King Arthur. L’enregistrement de William Christie de 1995 était apparu à Sophie Roughol comme un assez pâle reflet des représentations miraculeuses au Châtelet (Erato, note 7). Mais il y avait déjà, merveilleuse, Véronique Gens, que nous retrouvons ici, dans une interprétation d’une cohérence stylistique parfaite. On s’en réjouit d’autant plus que Niquet avait plutôt raté son Didon et Enée et qu’on pouvait se demander si ses affinités avec ce compositeur étaient pleines et entières. Elles le sont et ce disque en témoigne à l’évidence. Un KingArthur en un seul CD : Hervé Niquet a décidé de ne pas traîner en route. Les tempos sont vifs, allégés sans courir le risque de la précipitation, toujours allants et inscrits dans une dramaturgie tenue, loin de l’enchaînement de numéros auquel les pages scéniques de Purcell donnent souvent lieu. Nous pensons que la réussite tient au fait de tirer l’oeuvre vers le style de la Renaissance – ce qui est pleinement justifiable – plutôt que de celui de la rhétorique baroque, qui est l’option presque générale, depuis Alfred Deller. L’opéra gagne un climat madrigalesque qui lui sied à merveille, sans pour autant gommer les côtés plus dramatiques de l’oeuvre : ainsi, le fameux Ayre du Froid, qui a été mis à toutes les sauces, y compris celle de la plus macabre liturgie, pourrait ici paraître presque léger et parodique, avec se scansion sèche. Or ce Génie du Froid n’est, selon les mots de Cupidon, qu’un « vieillard sénile « , qui joue la comédie : on est donc, dès la seconde audition, absolument convaincu par ce choix, d’autant que Peter Harvey fait cela avec un aplomb formidable et que les notes incisives des cordes tombent comme autant de stalactites.

Le Concert Spirituel délivre des sonorités instrumentales fruitées et gouleyantes, qui soutiennent cette atmosphère intime à laquelle finalement, ce drame politique et guerrier se ramène souvent, ce qui n’empêche pas symphonies et fanfares d’expectorer toute leur énergie ! Le choeur, lui aussi, fait preuve d’une présence et d’une souplesse étonnantes, ne laissant pas une syllabe en reste, avec une santé et une jovialité communicatives.

Véronique Gens et sa seconde, Hanna Bayodi, s’imposent absolument à elles deux devant les quatre sopranos de Gardiner, mais on saluera aussi le chant héroïque et sensible du ténor Joseph Cornwell, très touchant. Jarrige et Auvity ne sont pas en reste : Niquet a réuni une distribution en tout point idéale. Son King Arthur, étonnant, qui dérangera certainement, est un heureux témoignage de la vitalité de l’interprétation purcellienne au XXIe siècle. »