CD Arsilda regina di Ponte

ARSILDA, REGINA DI PONTE

COMPOSITEUR

Antonio VIVALDI

LIBRETTISTE

Domenico Lalli

 

ORCHESTRE

Orchestra Barocca Modo Antiquo

CHOEUR

Coro da Camera Italiano

DIRECTION

Federico Maria Sardelli

Simonetta Cavalli Arsilda
Lisea Lucia Sciannimanico
Mirinda Elena Cecchi Fedi
Barzane Nicki Kennedy
Tamese Joseph Cornwell
Cisardo Sergio Foresti
Nicandro Alessandra Rossi

DATE D’ENREGISTREMENT

20, 21 et 22 juillet 2001

LIEU D’ENREGISTREMENT Festival Opera Barga
ENREGISTREMENT EN CONCERT

EDITEUR CPO
DISTRIBUTION Codaex
DATE DE PRODUCTION 21 octobre 2004
NOMBRE DE DISQUES 3
CATEGORIE DDD

Critique de cet enregistrement dans :

Goldberg – août 2005

« Troisieme opéra conservé de Vivaldi, Arsilda, reine du Pont (1716) fut écrit peu avant L’Incoronazione di Dario et pour la même distribution (deux prime donne altos, trois sopranos, un ténor et une basse). OEuvre ‘de jeunesse’, elle mise davantage sur le raffinement des accompagnements (les deux clavecins de « Io son quel gelsomino », les deux hautbois de « Qual’è a l’onte », repris dans L’Incoronazione) et les scènes avec choeurs (belle chasse) que sur la virtuosité vocale, malgré de redoutables rôles masculins. On saura gré à Sardelli d’avoir restitué l’état primitif d’une partition refusée par la censure. Rappelons d’ailleurs que ce flûtiste fut le premier à enregistrer, avant Spinosi, une (presque) intégrale d’Orlando furioso (chez Paragon, 2003). Hélas, son talent de chef reste modeste : les récitatifs n’ont guère été travaillés, pas plus que l’ornementation, et, surtout, la ligne manque d’élan, d’unité dans les airs. Ceux-ci apparaissent livrés au talent des chanteurs, ce qui tourne au désastre en ce qui concerne le rôle-titre, tenu par une Cavalli chantant fréquemment faux (dommage pour le magnifique « Precipizio è del mia petto »). Les choses s’arrangent avec les sopranos et, surtout, les deux parties principales celles de Tamese (écrite pour le ténor Pio Fabri, qui devait créer la Partenope de Haendel) et de Lisea, campés avec panache par Cornwell et Sciannimanico. Leurs arie du troisième acte comptent parmi les grands moments vivaldiens d’une année qui n’en fut pas avare… »

ResMusica

« Sur la dernière décennie, le disque se passionne pour Vivaldi. Naïve construit peu à peu sa discographie : récemment, la fureur passionnelle d’un Orlando Furioso anthologique nous avait convaincu. C’est du côté d’un autre label cette fois que se présente un nouveau jalon. Cette « Arsilda, Reine du Pont » apporte sa contribution pour la réhabilitation actuelle d’un « Don Vivaldi », magicien des planches. Avant l’éclosion de cet Orlando de braise (Venise, 1727), nous voici, onze années auparavant, le 27 octobre 1716 : également à Venise et déjà sur la même scène du Teatro San Angelo. Vivaldi a 38 ans et signe avec Arsilda, son troisième opus théâtral (après l’épure poétique Ottone in Villa de 1713, et l’Orlando Finto Pazzo de 1714). C’est par cet ouvrage capital que le compositeur des concertos gagne sur la scène Vénitienne ses galons de dramaturge.

Ne retenons qu’un épisode dans cette partition foisonnante, par sa créativité instrumentale et ses fulgurances vocales : l’Acte II, dans sa totalité, s’impose avec évidence. Deux airs, selon nous, sont emblématiques de l’hypersensibilité à l’oeuvre dans Arsilda. Précisément les deux premiers : « un certo non so che » de Mirinda et « Ben conosco a poco » de Barzane (CD2, plages 2 et 4). Ils sont déjà mozartiens, préfigurant Cherubino des Noces : voici deux airs amoureux écrits par un jeune génie de la scène qui transmet les premiers émois languissants, les atermoiements inquiets, la panique de jeunes c’urs épris, démunis, solitaires. Certes, on objectera que les chanteuses, ‘ respectivement : Elena Cecchi Fedi puis Nicky Kennedy ‘, ne sont pas de « grandes voix ». Elles sont davantage en étant exactement leurs personnages : pures individualités, émotivités intactes, en proie aux vertiges inconnus d’un amour naissant. Leur fraîcheur et leur enthousiasme évidents colorent chaque pièce vocale. Et c’est d’ailleurs ce sentiment qui alliant spontanéité et plaisir, accrédite le présent enregistrement. Nicky Kennedy atteint un même état de grâce dans son air suivant « Quel’Usignuolo » : la voix s’accorde aux accents d’un orchestre suggestif digne des « Quatre saisons » (CD2, plage 19). Elena Cecchi Fedi, de son côté, s’était déjà imposée dans son air concluant l’Acte I : « Io son Gelsomino ». Les analogies florales du texte y donnent matière à l’orchestre et au chant (vocalises particulièrement éprouvantes pleinement assumées), à une cadence hypnotique (CD1, place 34). Les recitativos seccos sont irréprochables : le texte est articulé avec tact et style. Complétant le duo des sopranos précitées, les autres chanteurs savent prendre des risques quitte à se mettre en difficulté. Spirituelle et suggestive, Lucia Sciannimanico dans l’air « fingi d’avere un cor » (CD1, plage 13) nuance les affres mordants de son amertume douloureuse. De même, dans « la tiranna avversa sorte » (CD1, plage 19), le ténor Joseph Cornwell, aux limites de la justesse, impose cependant une ligne superbement gérée, conduite avec intelligence : il saisit la corde d’un dramatisme infaillible qui préserve les ressorts de l’expression. Palpitations et langueurs dévoilent un Vivaldi débutant sur les planches, et déjà magicien des colorations ténues, alchimiste des tons, artisan original pour un drame pictural et pulsionnel. Arsilda, dans le sillon qui mènera à Orlando Furioso, désigne l’égal de Haendel.

Aux côtés des chanteurs, l’orchestre de Federico Maria Sardelli affirme le même tempérament. « Modo Antiquo » dévoile des dispositions exceptionnelles dans la peinture des paysages et climats vivaldiens, d’autant plus que l’instrumentarium ne manque pas de caractère (flûtes, hautbois et même cors pour la chasse du II par exemple) : sonorité ronde, vitalité rythmique, fluidité aérienne des lignes mélodiques, précisions et nuances des accents. « 

Anaclase.com

« Une nouvelle fois, les excellents commentaires de Frédéric Delaméa éclaircissent judicieusement l’écoute de cette Arsilda, opéra que Vivaldi écrivit en 1716 avec le librettiste Benedetto Domenico Lalli pour Venise, qui devait lui imposer une censure décevante. Plusieurs fois remanié, c’est toutefois et fort heureusement l’ouvrage dans sa version originale que Federico Maria Sardelli restitue aujourd’hui, grâce à cette captation du festival Braga Opera de juillet 2001.

Et quelle restitution ! Car enfin, Sardelli et Modo Antiquo offrent un travail exemplaire, contrasté, nuancé, précis, et toujours en adéquation avec la dramaturgie de l’oeuvre. Dès la Sinfonia, on est frappé par la vivacité et l’énergie de cette lecture, la grande tendresse et le large geste plein de dignité du second mouvement, et l’élégance avec laquelle la ritournelle du 3ème est à peine désignée. Les interventions des bois et des cors – dans la scène de chasse, par exemple – prennent un relief savoureux grâce à de talentueux instrumentistes.

La distribution vocale est moins heureuse. Sans unité et imprécis, le Coro da Camera Italiano n’est guère satisfaisant. C’est moindre mal lorsqu’on entendra l’indigence du rôle titre. Simonetta Cavalli enfle bizarrement une voix qu’elle ne parvient de toute façon pas à grossir, n’émettant presque jamais le son de la même manière, et laissant descendre toutes les tenues. Sans aura, avec un grave vide, une diction occasionnelle et une absence étonnante d’expressivité, elle dessert grandement cette résurrection.

Heureusement, il y a la Lisea de Lucia Sciannimanico au timbre chaleureux et attachant, qui propose un chant nuancé. Alessandra Rossi est un Nicandro présent, léger, agile et souple, avec un aigu parfois un peu cru. Nicky Kennedy présente un Barzane efficace, mais qui manque de corps. On préfèrera le généreusement sonore Cisardo de Sergio Foresti au chant toujours somptueusement mené, doté d’un aigu cuivré et d’un grave riche. Joseh Cornwell est un ténor clair plutôt idéal pour le rôle de Tamese qu’il assume honorablement. Enfin, Elena Cecchi Fedi offre couleur et présence à Miranda, tout en ménageant un chant magnifique-ment orné qui génère une interprétation raffinée. D’ailleurs, dans le gentil Happy End, qu’advient-il de son amour ?… »

Opéra International – mars/avril 2005 – appréciation 3 / 5

« Passablement éclipsé sur notre territoire par ses célèbres compatriotes Concerto ltaliano, Europa Galante ou Il GiardinoArmonico, on ne peut pas dire que ModoAntiquo soit le plus connu des ensembles baroques transalpins ! Pourtant ce dernier ne cesse, depuis sa Fondation en 1984 par le flûtiste Federico Maria Sardelli, d’oeuvrer pour la réhabilitation de la musique ancienne italienne, Quelques enregistrements remarqués de pages concertantes et d’oeuvres vocales du prêtre roux (Juditha triumphans chez Tactus et ito Manlio pour Amadeus Paragon) nous ont permis néanmoins de goûter à l’extrême mordant de leur technique et à leur belle identité sonore. Avec cette Arsilda de Vivaldi créée en 1716 au Teatro San Angelo de Venise, les pupitres de ModoAntiquo montrent une nouvelle fois la pleine mesure de leur talent.

Composé juste après l’OrIando finto pazzo, cet opéra, le troisième du compositeur, dont les remaniements multiples n’ont pas dû faciliter la reconstitution, s’avère fort attractif au point que l’on se demande pourquoi il n’avait pas encore fait l’objet d’un enregistrement. Outre une orchestration qui se montre des plus foisonnantes et originales, les airs offrent une palette expressive inhabituelle très recherchée. Du délicat « Fingi d’avere un cor », avec ses fins rubans de clavecin, au tourmenté « La tiranna avversa sorte », pétri de douloureux chromatismes dissonants, en passant par le sinueux « Fra cieche tenebre », jusqu’aux sections plus extraverties de  » Chi vuol goder d’amore » et « La mia gloria « , les affetti sont admirablement exprimés.

Si les musiciens du Modo Antiquo et le Coro da Camera Italiano se montrent irréprochables, on ne peut pas en dire autant du plateau vocal, franchement médiocre. Sans être réellement désinvestis, les chanteurs ne font que survoler leurs personnages. Passons donc sur tous ceux (c’est-à-dire les trois quarts qui ternissent cette réalisation et citons simplement l’honorable Lisea (en fait la vraie protagoniste de cet opéra) de la mezzo Lucia Sciannimanico et le loyal Cisardo de la basse Sergio Foresti. Une oeuvre musicalement défendue avec brio mais qui devra, pour livrer toute sa sève, attendre de rencontrer des voix un rien plus véhémentes. »

Diapason – avril 2005 – appréciation 4 / 5

« Le destin et la réputation de Vivaldi dans sa patrie se jouèrent peut-être sur Arsilda, son second opéra de 1716 pour le Sant’Angelo. L’Orlando finto pazzo (1714) avait offert un dernier hommage aux us du Seicento vénitien. Le temps des expérimentations tous azimuts était venu, avec la complicité de son librettiste Lalli, pour la mise en musique de sentiments forts. Avec la version primitive d’Arsïlda, soumise en 1715 à la censure, Vivaldi s’imaginait sans doute en sauveur de l’opéra vénitien. Le palimpseste édulcoré et assagi, renié par Lalli, donné fin octobre 1716, aurait la saveur amère des illusions perdues. Deux manuscrits préservés à Turin illustrent l’épopée. Le musicologue Eric Cross exhuma le 17 juin 1998 à New York le manuscrit final, servi par une piètre distribution, modestement dirigée par Dino Anagnost.

Federico Maria Sardelli choisit, les 20, 21 et 22 juillet 2001 dans le cadre du Festival Opera Barga, de restituer plutôt la version originale, préservée dans la partition de travail de Vivaldi, fourre-tout mélangeant les repentances successives. En voici le reflet discographique. Regrettons tout d’abord, outre la suppression de trois airs, que les jets initiaux n’aient pas été systématiquement choisis, quitte à enregistrer en ap-pendice les versions ultérieures. La restitution reste, quoi qu’il en soit, philologiquement irréprochable et menée avec intelligence dans les ressorts dramatiques des récits, servis par un continuo attentif. Sardelli, sculpteur savoureux de contrastes dynamiques, sait aussi restituer la phrase vivaldienne avec pudeur. Belle connivence avec Modo Antiquo, dont les archets et les vents puissamment colorés se préservent d’effets de séduction un peu gratuits.

La Lisea de Lucia Sciannimanico, fine musicienne dramatiquement impliquée (sublime « Di cariddi li vortici ondosi ») et le Cisardo élégant de Sergio Foresti dominent une distribution inégale, dont on retiendra pourtant la Barzane sensible de Nicky Kennedy et les meilleurs moments du Tamese de Joseph Cornwell (à l’agilité parfois périlleuse). Son « Io son quel gelsomino » – du jeune Vivaldi grand cru ! – fait pardonner à Elena Cecchi Fedi une Mirinda aussi transparente que l’Arsilda du rôle-titre. »

Classica/Répertoire – avril 2005 – appréciation 8 / 10

« On aurait aimé de la part des interprètes et surtout du chef, dont la direction est précise et dynamique, un sentiment plus fort de la nécessité dramatique de l’ouvrage, qui n’est réellement satisfaisante que dans la scène de chasse citée. Elle pèche notamment dans l’enchaînement dos différentes constituantes, arias et récitatifs, qui donne le sentiment d’être au concert plus qu’au théâtre. Du côté des solistes, c’est la Lisea de Lucia Sciannimanico qui retient l’attention, par son timbre et la caractérisation du personnage. »

Le Monde de la Musique – avril 2005 – appréciation 3 / 5

« Telle qu’elle est offerte ici, cette Arsilda n’a jamais vu le jour du vivant de Vivaldi : cette version se veut en effet celle qu’a conçue à l’origine le compositeur avant que la censure ne l’oblige à revoir le livret en profondeur. La création, en octobre 1716 à Venise, n’en remporta pas moins du succès. Le remaniement suscita une violente querelle entre Vivaldi et Lalli, l’auteur du livret qui, infime, refusa d’en endosser la paternité. Pourtant, malgré un excès de rebondissements compliqués propres au genre, celui-ci affiche une certaine originalité en se fondant sur l’ambiguïté sexuelle chère au carnaval et rendue ici tout à fait crédible par le travestissement de deux jumeaux de sexe opposé. On dispose aujourd’hui de deux sources l’autographe original, raturé, alourdi de feuilles collées et de repentirs qui rendent toute lecture très difficile et sujette à d’infinis débats ; une copie impeccable, fidèle au livret imprimé. Entre les deux se situe probablement la version réellement désirée par le génie de Vivaldi. Vaille que vaille, cet enregistrement a donc la volonté de rétablir cet « idéal ». Et il comble largement les attentes par la manière dont éclate le génie du musicien, alors en pleine maturité. La variété des airs, la délicatesse et les coloris variés de l’instrumentation font de cet opéra un joyau.

En attendant des interprètes de stature internationale qui sauront donner aux mots leur intensité dramatique et pleinement timbrer la moindre note, on saluera cette distribution principalement formée de sopranos légers et dominée par un éclatant ténor, Joseph Cornwell. L’ensemble est enlevé avec brio par la baguette électrisée de Francesco Maria Sardelli. On perçoit tout au long de cet enregistrement la forte influence d’Il Giardino Armonico. »